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CHAPITRE 1. PORTEE ET LIMITES DE L'ANALYSE DE LA PERFORMANCE A L'AIDE DU PARADIGME STRUCTURE-

1.4. Les limites intrinsèques du paradigme S-C~P peuvent-elles être les bases d'une conception renouvelée de la performance?

1.4.1. La théorie de l'évolution économique de J Schumpeter (1934)

L'analyse de la performance des entreprises à l'aide du paradigme S-C-P fait l'hypothèse de la stabilité de la structure industrielle. Elle est prisonnière de cette vision. Si elle accepte de poser que la structure change au cours du temps, elle oblitère l'intégrité du paradigme. Si elle le refuse, elle renie les faits. C'est ce qui explique la difficile 'mise en mouvement' du modèle porterien (voir' supra, I.3.2.a.). Pourtant, J. Schumpeter. a proposé dès la début du siècle .une fonnalisation de l'évolution économique, dont les apports, oubliés pendant quelques décennies (Perroux, 1965), retrouvent aujourd'hui leur valeur.

1.4.1.a. Leflux circulaire comme état d'équilibre

Schumpeter débute son exposé par la présentation du "flux circulaire" de la vie économique.où tous les acteurs économiques agissent dans le présent à la fois en tant que producteurs et que consommateurs. TI remarque que la consommation comme la .production de biens sont étroitement imbriquées l'une dans l'autre : les biens et les services sont en situation de dépendance mutuelle. Les consommateurs aussi bien que les producteurs agissent par habitude, de telle sorte que l'état présent de l'économie est lié à l'état passé en vertu du principe de continuité. La production, en tant que combinaison de facteurs de production, suit les besoins. "Technologically as weil as economically considered, to produce means to combine

the things and the forces within our reach" (Schumpeter, 1934, p14). Mais la logique économique s'applique à la logique technologique qu'elle soumet à ses impératifs. Chaque bien de consommation est le résultat d'une combinaison qui utilise à son tour des biens de consommations et du travail; en dernier ressort, au bout de l'analyse ne subsistent que le travail et les dotations naturelles comme éléments fondamentaux.

Dans les conditions de concurrence parfaite, le système économique fonctionne sans qu'il soit possible de réaliser des profits. Le risque imprévu de panne par exemple provoquera· pour une courte période de temps une perte qui profitera à quelqu'un d'autre sans que l'économie générale du système soit remise en cause. En outre, un changement spontané des données auxquelles se fie habituellement l'individu économique, le consommateur ou l'entrepreneur, pourra créer des situations nouvelles aboutissant à une inégalité temporaire entre le coût de production et le revenu retiré. "ln so far, therefore, as it is a question of adaptation himself to the conditions and of simply complying with the objective necessities of the economic system without wishing to change them, one and only one particular way of acting commends itself to the individual, and the results of this action will remain the sarne as long as the given conditions remain the sarne" (Schumpeter, 1934, p40).

1.4.1.b. Nouvelles combinaisons, crédit et entrepreneur: objet, moyen et moteur de l'évolution du circuit économique

L'objet de l'étude de Schumpeter n'est pas de tenter d'expliquer les modifications minimes que connaît le circuit économique _"qui est comparable à la circulation du sang de l'organisme animal" (ib, p6l)- mais celles qui "changent le cadre, le parcours lui-mêmè" sans qu'elles soient extérieures au système économique. Dans ce projet, les moyens mis en oeuvre pour décrire le circuit économique font défaut là "où la vie économique elle-même modifie ses données par à- coups" (ib, p62). Car l'analyse statique se révèle incapable "de prédire les changements

discontinus dans les habitudes traditionnelles de production". «By "development", therefore, we shall understand only such changes in economic life as are not forced upon it from without, but· arise by its own initiative, from within» (ib, p63). L'évolution est la modification du parcours par opposition à son mouvement ; elle est déplacement de l'état d'équilibre par opposition au mouvement vers un état d'équilibre.

Quoique "chaque fait d'évolution crée les conditions préliminaires des suivants" (ib, p92), Schumpeter se place dans un état stable de circuit pour mettre à jour les causes de l'évolution économique. L'initiative de la combinaison des facteurs est du côté des producteurs qui répondent aux désirs des consommateurs et les éduquent en quelque sorte en suscitant éventuellement chez eux de nouveaux besoins. "To produce means to combine materials and forces within our reach. To produce other things or the same things by a different method, means to combine these materials and forces differently" (p65). Pour Schumpeter, c'est l'exécution de nouvelles combinaisons qui rend compte du développement, de l'évolution ..fi distingue cinq cas :

1 la fabrication d'un bien nouveau ou d'une qualité nouvelle d'un bien

ii l'introduction d'une méthode de production nouvelle qui n'est pas nécessairement dépendante d'une découverte scientifique

m l'ouverture d'un débouché nouveau

IV la conquête d'une source nouvelle de matières premières ou de semi-produits

v la réalisation d'une nouvelle organisation industrielle

L'exécution de nouvelles combinaisons signifiedonc l'emploi différent des réserves du système économique en moyens de production. Le deuxième facteur concourant au développement économique concerne les moyens de mise en oeuvre de la nouvelle combinaison. Schumpeter voit dans le crédit la possibilité de réunir les conditions de la combinaison et définit le banquier comme un capitaliste autant qu'un intermédiaire indispensable à la modification du circuit économique.

Le dernier élément, après l'objet et le moyen de l'évolution, en est le moteur: il s'agit de l'entrepreneur. Ce concept désigne toute personne qui met en oeuvre effectivement de nouvelles combinaisons de production sans pour autant englober tous les agents économiques indépendants qui portent usuellement ce nom. L'entrepreneur est un "agent économique d'une espèce particulière" (ib, p1l2). Schumpeter précise sa pensée par une métaphore en note: bien que tous les hommes puissent chanter, le chant comme un attribut remarquable ne concerne qu'une minorité d'individus; mais comme cette caractéristique n'affecte pas la personnalité entière, elle ne consacre pas un type particulier d'individus, à la différence de l'aptitude à combiner les facteurs de production qui distingue l'entrepreneur parmi tous. L'activité humaine a ceci de spécifique nous dit Schumpeter qu'elle s'inscrit dans un ensemble d'habitudes, d'héritages de toutes sortes, de routines auxquelles l'exploitant ou le dirigeant se plie facilement. L'entrepreneur véritable se heurte donc à une triple difficulté : celle de ne pas posséder de données puisqu'il crée un précédent: "carrying out a new plan and acting according to a customary one are things as different as making a road and walking along it" (ib, p85) : il est objectivement plus difficile de produire différemment car les connaissances requises ne nous sont pas nécessairement familières.

On pourrait résumer cavalièrement l'apport de Schumpeter en trois couples d'oppositions: 1) opposition de deux processus: tendance à l'équilibre et changement dans les combinaisons de production

2) opposition de deux appareils théoriques: statique et dynamique

3) opposition de deux types de conduite: simple exploitant et entrepreneur

Schumpeter est sans conteste l'un des premiers économistes à prendre en considération la dimension dynamique de la concurrence. TI voit dans la recombinaison des facteurs de

production l'origine de l'évolution économique, initiée par un type d'homme particulier, à la source de rentes: l'entrepreneur. En ce qui touche à l'analyse de la performance, ses travaux contribuent fondamentalement à trois niveaux. Premièrement, le facteur technique et technologique est placé au centre de l'analyse de l'évolution: des combinaisons nouvelles de facteurs conduisent à la performance supérieure pour les agents habiles et audacieux qui s'engagent dans la voie de l'innovation. Ensuite, sur un plan plus théorique, la distinction entre un état statique de fonctionnement du marché, et un état dynamique est cruciale pour l'étude de la performance. Elle va à l'encontre de l'idée d'extinction des profits à terme, en insinuant au sein· du circuit économique statique les ferments de bouleversements périodiques des conditions de production (Lorenzi et Bourlès,· 1995). Finalement, Schumpeter conduit à s'interroger d'une part sur les facteurs de conservation ou de disparition des profits à long terme, et d'autre part, même si sa conception de la firme est réduite à celle de l'entrepreneur sur les comportements stratégiques dynamiques nécessaires pour conserver les avantages acquis par les recombinaisons successives des moyens et méthodes de production.

1.4.2.« The theory of the growth of the fmn

»,

d'E. Penrose (1959) rédéfinit

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