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Jl3 : plus fa non su6stitua6ifité tfes ressources et tfes aptitutfes tf'une firme est forte, plus sa performance est éf.evée

II.3.1. Des bases compatibles de définition de la firme

L'économie évolutionniste est en train d'émerger depuis la fin des années soixante-dix comme une branche à part entière de l'analyse économique. Même si l'ouvrage de référence est récent (Nelson et Winter, 1982), les premières conceptions de l'économie comme un système en évolution datent ~~ début du siècle (Schumpeter, 1914) voire du siècle dernier (cf. l'évolutionnisme de Spencer, Durand, 1995). Toutefois, le champ deTécQnomie évolutionniste n'est pas encore complètement balisé, et l'on retrouve en son sein différentes préoccupations allant de l'évolution des formes organisationnelles individuelles aux régimes technologiques nationaux en passant par l'étude des cycles économiques (Coriat et Weinstein, 1995). La partie des recherches qui nous intéresse concerne les relations entre ~volu~oll~ ~!~crl:):-:économiq~C?~_ performance des entreprises.

Plusieurs auteurs mettent en avant le retour aux sources que représente l'économie évolutionniste en replaçant au centre de débat sur la concurrence les analogies biologiques de gènes, de sélection, etc. Walras n'avait-il pas, en son temps, indiqué la voie, parla célèbre phrase· des Principes : «the Mecca of the economist lies in economic biology »? Le détour par une conception de la concurrence imparfaite (Robinson, 1933) aurait cristallisé la réflyxion sur

- .

l'équilibre partiel par rapport à l'équilibre général, alors qu'elle aurait pu l'orienter vers la croissance de la firme et le processus concurrentiel (Foss, 1994). De nombreux articles

commentent les rapports entre cette économie évolutionniste naissante et la biologie, discipline sœur, .tentant de remplacer un paradigme de référence, la physique, par un autre (Clark et Juma, 1990; Freeman, 1990; Mokyr, 1991 ; Rosser, 1992). Les principaux contributeurs à la formalisation de l'économie évolutionniste, Nelson et Winter (1982) revendiquent eux mêmes cet héritage, et se placent résolument dans les traces des intuitions schumpeteriennes.

Avant tout, Nelson et Winter (1982) distinguent leur conception de la firme de celle de la théorie économique "orthodoxe" qu'ils considèrent ne pas être adaptée à la compréhension du changement économique. La maximisation du profit et la tendance à l'équilibre par. la concurrence sont critiquées en ce qu'elles occultent plutôt qu'elles ne révèlent les inécanismes de· progrès technique et d'évolution économique. Les auteurs préfèrent recourir à des hypothèses affaiblies sur ces questions: la recherche du profit et la sélection par la concurrence sont retenues, l'optimisation et l'équilibre écartés9, leur apparaissant comme des contraintes

trop· fortes. Ils retournent en cela aux analogies de· Marshall entre· économie et biologie . (Hogdson, 1993).

Le point de désaccord principal concerne la distinction opérée par l'économie orthodoxe entre la capacité à choisir parmi l'ensemble des alternatives possibles et le choix pour l'une d'entre elles (à l'issue de l'optimisation sous contrainte). L'information complète n'est ni accessible à la firme ni une condition nécessaire à son action. Nelson et Winter ne conçoivent pas de distinction entre la capacité de choisir et le choix lui-même ainsi que le font les économistes orthodoxes. En revanche, ils introduisent au sein des capacités ("capabilities") de la firme, à côté de ses savoir-faire techniques, l'aptitude ("ability") à délibérer des orientations et à les mettre en oeuvre. Ainsi, les capacités des organisations se composent d'aptitudes à délibérer aussi bien que de compétences techniques

Il.3.1.a. Une vision comportementale de lafirme: qualifications et routines

Pour eux, le comportement d'une organisation est le résultat plus ou moins coordonné de l'ensemble des comportements de ses membres, reposant sur leurs qualifications ("skills"). Nelson et Winter nomment "routines organisationnelles" les comportements réguliers des membres d'une organisation reposant sur l'activation de qualifications en vue d'atteindre certains objectifs: "We propose that individual skills are the analogue of organizational routines" (Nelson et Winter, 1982, p73).

Les qualifications peuvent être conceptuellement analysées en tant que:

• programmes: de nombreuses taches sont effectuées de manière ordonnée suivant une logique de processus et sans réflexion de la part des membres de l'organisation. Les qualifications requises à l'exécution de ces taches s'apparentent à des programmes

informatiques.". ,.

• connaissance tacite il est impossible d'énoncer toutes 1es90,nditions nécessaires à l'action. Une certaine partie de la connaissance présente dans les qualifications ne peut être transmise et est donc tacite

• porteuses des choix sélectionnés : le choix entre différents comportements qUI se . déroule lors de l'utilisation d'une qualification n'implique à pr?pr~~~~~ parler p~~_ ~~_

délibération: c'est un élément intégrant de la capacité représentée par la qualification. La qualification contient en elle-même la possibilité de choisir le comportement adapté au contexte de son exercice. «Orthodoxy treats the skillful behavior of the businessman as maximizing

choice, and "choice" carries connotations of "deliberation". We, on the other hand, emphasized

the automaticity of skillful behavior and the suppression of choice that this involves. ln skillful behavior, behavioral options are selected, but they are not deliberately chosen» (ib, p94). De telle sorte que selon les niveaux et l'importance des actions engagées, il y a un compromis entre les choix délibérés et les choix effectués par les qualifications.

Les organisations se souviennent en faisant. En conséquence;· les. routines sont les manifestations de la mémoire de l'organisation en tant qu'elle active ses capacités de réponse et d'action. «Knowledge of the·routines is the heart of understanding behavior. Modeling the ftrm me ans modeling the routines and how they change overtime» (ib, pI28).

La routine peut être vue également comme une sorte de consensus pour l'action, d'une trêve dans les conflits éventuels entre membres. En tout état de cause, le principe de continuité du circuit économique mis en avant par Schumpeter (1934) est revendiqué par Nelson et Winter au sein de l'organisation par le biais des routines qui lient le comportement présent au comportement passé, et conditionnent son développement futur -comme s'ils étaient ses "gènes" (ib, p 134).

De plus, à l'instar de Schumpeter, les auteurs considèrent que l'innovation est "une nouvelle combinaison de routines existantes". Si une routine est fiable et sans ambiguïté, elle peut être un "composant" de la nouvelle combinaison et être partie intégrante de l'innovation, Les routines peuvent être copiées par une organisation chez une autre pour égaler les performances de sa rivale. Enftn, dans l'ensemble des routines, ils incluent les moyens et les efforts développés pour procéder à ces nouvelles combinaisons de routines. L'innovation en tant que comportement découle elle aussi d'une routine sans que cela implique pour autant que ses' résultats soient prévisibles (Nelson et Winter, 1982, p133)

Les entreprises mettent en oeuvre des routines de trois types :

1 les routines opérationnelles sont celles qui, d'une période àla suivante, ne recourent pas à de nouveaux éléments ;

ii . les routines engageant des modiftcations des capacités de l'entreprise ayant·· des répercussions sur sa rentabilité, et ses actifs. Ces routines sont les génotypes en quelque sorte des :f1rmes, propres à chacune et qui expliquent que les plus rentables sont conservées alors

que les autres sont en difficulté;

ru les routines de recherche, dépendantes des autres, sont utilisées en vue d'évaluer les probabilités de leur amélioration. "Routines in general play the role of genes fi our

evolutionary theory. Search routines stochastically generate mutations" (ib, p400)

Les routines de recherche se distinguent des autres par trois caractéristiques. TI s'agit de processus aux effets irréversibles, incertains et contingents. TIsfont le pont entre l'entreprise et son environnement "These are three interrelated aspects of the single central fact that search processes are historical processes, not repetitive and not readily separable from other processes of historical change" (ib, pI72). Toutefois, les résultats des recherches ne sont pas aléatoires. fis peuvent être décrits de manière stochastique comme la combinaison des probabilités de succès des activités d'invention et d'enrichissement de routines (ib, p249).

11.3.1.b.'Hétérogénéité des R&A et routines

Autant parce qu'elle s'éloigne de l'uniformité des finries plus ou moins aménagée proposée par '.' les partisans du paradigme S-C-P, que parce qu'elle tente de défmir les concepts de ressources

et d'aptitude à sa manière; l'économie évolutionniste a une proximité conceptuelle avec la théorie des ressources qui apparaît d'emblée. Notamment, deux points saillants émergent du bref exposé du travail de Nelson et Winter, qui relient l'économie é'yblUtioinnste-eflatliéorië - des ressources.

Le premier d'entre eux est évidemment l'hétérogénéité des firmes. Pour l'économie évolutionniste, les technologies sont spécifiques en elles-mêmes, mais elles sont aussi conçues comme idiosyncrasiques aux firmes. La théorie des ressources étend à d'autres ressources la différence de performance technologique entre les firmes, promue par les inspirateurs de l'économie évolutionniste. L'hétérogénéité est présente à la fois au niveau des actifs, et au niveau des sources de rentes. C'est pourquoi au lieu de parler d'hétérogénéité simple comme le

font la plupart des évolutionnistes, le tenne d'hétérogénéité foncière, en référence à la conception de la firme comme «collection» de ressources (Rumelt, 1984) ou comme fonds de ressources (Penrose, 1959) est préférentiellement utilisée en théorie de ressources (Quélin,

1996; Durand et Quélin, 1997)

Le second point concerne les routines. De très nombreux articles se prévalant d'une approche par les ressources citent les travaux de Nelson et Winter. lis font le parallèle entre les routines et les R&A. Nous avons souligné supra (il.2.1.) l'abondance des définitions des ressources, capacités, aptitudes, compétences, etc. mais nous pourrions tout aussi bien remarquer que le tenne de routines est employée en de diverses acceptions.

Nelson et Winter distinguent les qualifications individuelles d'une part, et les routines organisationnelles d'autre part. La correspondance avec les ressources et les aptitudes est transversale à leurs définitions. Dans l'approche par les ressources, la. distinction entre niveaux individuel et organisationnel n'est pas, apparue fondamentale: une aptitude peut être individuelle ou organisationnelle, àpartir du moment où elle est 'capacité à'. Les ressources, selon la détinition retenue, sont exploitées par les aptitudes indépendamment des trois types de routines exposés par Nelson et Winter. En fait, les routines, selon Nelson et Winter (1982), constituent un approfondissement de la notion d'aptitude, mais n'abordent qu'indirectement les propriétés des ressources, telles que nous les avons définies. Nous représentons la complémentarité théorique entre routines, ressources et aptitudes à l'aide du tableau il.8.

Tableau TI.S. Complémentarités entre routines et R&A COURANT DES RESSOURCES

THEORIE DES RESSOURCES ECONOMIE EVOLUTIONNISTE

Niveau individuel Niveau or.ganisationnel

Ressources qualification -

Aptitudes qualification routines opérationnelle,

La principale différence est que l'analyse évolutionniste introduit l'idée essentielle du changement interne à la firme comme source de compétitivité. Même s'il en reste à un niveau assez frustre, focalisé sur la seule ressource technologique, le changement interne à l'organisation est une des clefs que la théorie des ressources (et notamment la forme dite

'faible') reprend à son compte pour légitimer l'accessibilité des rentes organisationnelles et la durabilité de l'avantage concurrentiel. TI convient dès lors de s'interroger sur la nature des transformations que peuvent connaître les ressources, routines et aptitudes individuelles et organisationnelles.

II.3.J.c. Premiers modes de transformation des R&A

Ainsi, selon les tenants de la théorie. des ressources, comme de l'économie évolutionniste, les entreprises sont des agents, c'est-à-dire des acteurs à l'origine de leurs propres transformations. L'entreprise qui ne dispose pas des actifs stratégiques doit les construire elle-même: ':,the

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strategie asset is the cumulative result of adhering to a set of consistent policies over a period of time. Put differently, strategie asset stocks are accumulated by choosing appropriate time paths of flows over a period of time" (Dierickx and Cool, 1989). Ces auteurs concluent que la stratégie revient à choisir les débits optimaux pour nourrir les niveaux de stocks de ressources d'où sont retirés les profits. La firme est une collection de ressources et d'apti~d~~_~~~ _q~~ _ définie par Penrose (1959) mais en perpétuelle transformation.

Selon nous, deux grands types de transformation des R&A peuvent être distingués le changement ou la mutation, dont nous donnons les définitions suivantes.

Changement: caractérise le passage d'un état d'une R&A à un état différent sans rupture de la nature de la R&A considérée.

Mutation: caractérise le passage d'un état d'une R&A à un état différent avec rupture dans la nature de la R&A considérée.

Génériquement lorsque l'on veut désigner à la fois un changement et une mutation, on utilise le terme transformation. Trois exemples permettent d'illustrer les lieux où s'appliquent ces transformations (tableau Il.9).

Wemefelt (1984) dans la partie de son article intitUlée "dynamiC resource management" évoque l'approche séquentielle de gestion des opportunités provoquées par la maîtrise d'une ressource utilisée successivement sur différents marchés. Son analyse s'apparente à la gestion de portefeuille d'activités développés par les cabinets de conseil.

n

n'envisage pas l'éventualité de la mutation des ressources mais l'exploitation des ressources existantes et du développement de nouvelles: "développer une stratégie de croissance implique de faire un compromis entre l'exploitation des ressources existantes et le développement de nouvelles" (Wemerfelt, 1984, p180). Selon lui, les ressources ne sont pas l'objet de mutations. Les aptitudes exploitent leurs services-plus ou moins bien. La dynamique à l'oeuvre serait donc le résultat du -déploiement des différents services dans l'ensemble de -leurs usages possibles. Si l'on émet l'hypothèse d'aptitudes stables sur le moyen terme, on obtient une optique d'évolution des R&A minimale, de type incrémentaI (en référence par exemple àQuinn, 1980; Mintzberg et Westley, 1992).

Teece et Pisano (1994) postulent que les aptitudes suivent un développement conditionné par les choix effectués par le passé et par les opportunités techniques qu'ils appellent des trajectoires (Teece, Pisano et Schuen, 1997 ; Teece et Pisano 1994). Les aptitudes auraient ainsi la possibilité de changer continûment tandis que les ressources pourraient être plus ou moins imitées selon les régimes d'appropriabilité (suivant les degrés de réplicabilité et de propriété intellectuelle). En ce cas, le changement s'applique à la fois aux ressources et aux aptitudes.

Penrose (1959) précise quant à elle que les ressources managériales (aptitudes selon notre terminologie) sont susceptibles de changement de nature: l' «image» que possède le dirigeant

de son environnement concurrentiel et des potentialités de son entreprise est modifiée par les informations, les connaissances objectives et l'expérience accumulée par les membres de l'organisation et spécifiquement par les responsables du management Le changement de perception modifie la nature des 'opportunités subjectives de production', selon le terme de Penrose, et par voie de conséquence les réalisations de la firme, les ressources engagées (croissance, diversification, fusions et acquisitions) et ses résultats.

Tableau II.9. Dlustrations de transformation des Ressources et Aptitudes au niveau de la firme

Ressource Aptitude

changement exploitation nouvelle déplacement le long de trajectoires, acquisition ou développement routines (ex:Teece et Pisano)

(ex:Wemetfelt) ;'::

mutation aucune mutation des aptitudes managériales

par le biais des: nnages et des opportunités subjectives de production .,

(ex:Penrose)

.,

'-.,

Comme l'indique le tableau, les possibilités de mutation des ressources a priori sont nulles: les ressources ne peuvent changer elle-même de nature. Un entrepôt ne change pas lui-même sa localisation. Une réputation se dégrade ou s'améliore mais elk reste. une réputation ...Une- .u'_

technologie peut être plus ou moins adaptée à certaines fins mais ses caractéristiques foncières ne se modifient pas en elles mêmes.

n

semble qu'attribuer la propriété de mutation à une ressource serait faire un contresens sur sa nature. Une ressource est "capacité de". Elle regroupe certaines potentialités exprimables en services. Maisla nature des potentialités ne peut changer intrinsèquement Seule l'efficacité de l'usage est en cause.

celle énoncée par la théorie des ressources. S'opposant aux ,mêmes notions (équilibre, maximisation du profit, rationalité parfaite), elle repose sur des bases communes: hétérogénéité foncière, définition de qualifications et de routines qui peuvent être mises en regard. des ressources et aptitudes de la théorie des ressources. Elle offre de plus les mécanismes à même de mettre en mouvement le phénomène concurrentiel. Grâce aux routines de recherche, et plus spécifiquement à l'innovation, le processus concurrentiel est enclenché. Les changements et les mutations dans les dotations en R&A des firmes, ainsi que dans leurs propriétés foncières sont en marche. TIconvient à présent d'examiner et d'illustrer les concepts supplémentaires introduits par l'économie évolutionniste utiles à la représentation dynamique desconditioils de performance dans le Courant des Ressources.

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