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Convergence des profits, niveau d'analyse et effets inter-temporels L'étude empirique de la convergence des profits à long terme peut, en théorie, clarifier le débat

CHAPITRE 1. PORTEE ET LIMITES DE L'ANALYSE DE LA PERFORMANCE A L'AIDE DU PARADIGME STRUCTURE-

1.2. Les critiques portées contre l'analyse de la performance reposant sur le paradigme S-C-P

1.2.2. Convergence des profits, niveau d'analyse et effets inter-temporels L'étude empirique de la convergence des profits à long terme peut, en théorie, clarifier le débat

tournant autour de l'indétermination de la relation entre Structure et Comportement. En effet, si les profits ne s'annulent pas à long terme, alors on peut supposer que les stratégies des entreprises sont plus décisives que la structure industrielle et concurrentielle ne l'est dans la détermination de la performance.

Pour les structuralistes, la réalisation de profits se dissipe dans le temps. En outre, pour nombre d'économistes, les perfonnances hors norme sont la manifestation patente d'une mauvaise allocation des ressources et sont à l'origine d'une privation de bien-être général pour l'ensemble de la société. Plusieurs études ont montré la possibilité effective de considérer que les profits dits 'anormaux', tendaient sur long terme à disparaître (Brozen, 1970; Beaver, 1970) ou que les conditions de maintien de ces profits étaient essentiellement imputables aux structures industrielles (Waring, 1996). Dans un article de 1989, Schmalensee montre également que l'écart de performance permis par la taille des firmes décroît constamment sur la période 1953-1983 (Schmalensee, 1989b).

L'analyse de Jacobson (1988) remet partiellement en cause la fatalité de ce processus dès lors que l'on considère l'entreprise non plus comme une entité globale mais comme un ensemble d'unités de marché (de SBU, Le. 'Strategie Business Unit' ; domaine d'activité stratégique). Jacobson (1988) s'interroge également sur la persistance à long terme des entreprises à dégager des profits anormaux, ou sur-profits. TI reconnaît implicitement la possibilité de déséquilibre momentané sur un marché, à cause de chocs technologiques ou de changement brusques de la demande. TI signale que la plupart des études qui se sont penchées sur le sujet ont conclu à la convergence à plus ou moins brève échéance des taux de profits. Lorsque Jacobson teste le processus de convergence des profits comme étant identique pour l'ensemble des entreprises de son échantillon, il ne peut rejeter l'hypothèse nulle : même s'il existe des

différences de convergence entre les fIrmes, exprimées par des coeffIcients différents dans l'équation autorégressive ROlt = f(ROlt-l), sur dix-huit années de test, elles ne sont pas statistiquement signifIcativement différentes. Par conséquent, les différences de performance entre fIrmes seraient dues à des déséquilibres temporaires sur les marchés, ce qui respecte entre autres les hypothèses du paradigme S~ C ~ P.

Lorsqu'il passe au niveau d'analyse inférieur, c'est-à-dire le SBU, Jacobson (1988) parvient à séparer les facteurs permettant à l'entreprise de s'isoler du processus de convergence: l'intégration verticale, la part de marché et l'intensité du marketing. Ce résultat montre que l'action des entreprises, et la sélection de leurs domaines d'activité aussi bien que de leur stratégie (intégration, marketing, part de marché) peuvent leur permettre d'échapper à la convergence des profIts à long terme, même si ce n'est que faiblement (puisque les coefficients sont peu élevés).

Le changement de niveau d'analyse entre le sëcteur industriel et les domaines d'activités stratégiques ne conduit pas aux mêmes résultats, même s'ils sont compatibles entre eux selon Jacobson (1988). On peut donc supposer que le paradigme S-C-P, valide au niveau de l'industrie, ne peut s'appliquer de manière automatique à un niveau d'analyse inférieur. TI n'y

aurait donc pas de translation théorique du paradigme S-C-P de l'industrie-àJ~entreprise-sans--- - dommage scientifIque pour l'analyse de la performance des firmes.

TI ressort du travail de Jacobson (1988) que la convergence des taux de profIts ne permet pas en pratique de trancher le débat entre les structuralistes et les comportementalistes. L'analyse de la performance dépend en fait fondamentalement du niveau auquel elle est pratiqué. Ce résultat est mis en évidence de manière saillante grâce à la controverse entre Schmalensee (1985) et Rumelt (1991).

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La relation déterminée entre la structure de marché, la stratégie des firmes et leur performance a été démontrée par Schmalensee (1985). Schmalensee (1985) a mesuré l'impact relatif sur la performance de la firme, du secteur, et de la part de marché sur la performance, au niveau du segment stratégique (SBU). Son article est original à plus d'un titre. Non seulement il utilise une méthode statistique novatrice (l'analyse des composants de la variance V ARCOMP), mais conclut par quatre propositions normatives, dont deux sont prépondérantes pour le sujet qui nous concerne :

1) les effets de l'èntreprise sur la performance n'existent pas : ils ne sont pas significatifs, selon le critère de la statistique F.

Retirant la variable 'influence de la firme' de la régression, Schmalensee valide le fait que les effets de l'industrie et des parts de marché sont significatives: plus de 19% de la variance étant expliquée par le premier facteur, et 1% seulement pour le second.

Ensuite. Schmalensee prolonge le raisonnement au niveau du secteur industrie1.ll cherche donc à déterminer les coefficients de l'équation:

Rj

=

Il+~j+termes en ex, S et e

où R est le Return On Asset (la rentabilité du capital) moyen de l'industrie, Il est une constante. ~ est l'effet du secteur, a. l'effet de l'entreprise, S la part de marché et e le terme d'erreur. La détermination des coefficients lui permet d'énoncer le second résultat:

2) les effets du secteur ~ sur la performance représentent près de 75% de la variance des mesures de performance (ROA) au niveau industriel.

Cette étude semble conforter 'le raisonnement structuraliste: d'une part, l'influence de la firme n'est pas significative; d'autre part, l'analyse de la performance est valide au niveau sectoriel,

et non pas individuel, et c'est la structure qui détermine aux trois quarts la peIformance du secteur industriel en question.

il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives sur la base d'un seul article, et l'étude de Schmalensee n'est pas restée sans réponse, compte tenu de l'enjeu théorique qu'elle représentait. L'article essentiel, archétype de la contestation de la vision structuraliste, est l'œuvre de Rumelt (1991). Rumelt élargit l'étude de Schamlensee qui n'avait retenu qu'une année d'étude (1975) à quatre années, de 1974 à 1977 inclus. Les différences entre les modèles théoriques testés s'expriment à travers trois propositions: i) les effets de l'industrie mesurés par Rumelt englobent les effets de l'industrie mesurés par Schmalensee + une mesure des interactions sectorielles entre années d'observations ; ü) l'effet au niveau de l'entreprise demeure identique; ili) l'erreur mesurée par Rumelt combip.e l'erreur mesurée par Schmalensee + un effet dû au SBU étudié.

Au total, au niveau de la peIformance individuelle, les résultats de Rumelt n'évaluent qu'à 45%

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les effets de l'industrie contre 75% pour Schmalensee. L'effet de l'entreprise est inférieur à2% selon Rumelt, tandis que l'influence du segment est de 44%.

Une troisième étude (Roquebert et alli, 1996) présente à son tour des résultats différents, mais compatibles aveCceux de Rùmelt. Nous reproduisons le tableau-despotircentages âe variances--- expliquées selon les trois modèles (Roquebert et alü, 1996, p661).

Variable Schmalensee (1985) Rumelt (1991) Roquebert et al (1996)

Secteur x an n.a. 5.38 2.3

Part de marché 0.6 n.a. n.a.

Secteur 19.5 4.03 10.2

Entreprise n.a. 1.64 17.9

Segment n.a. 44.17 37.1

Erreur 79.9 44.79 32.0

Total 100.0 100.00 99.5

Le rôle du secteur sur l'influence de la peIformance individuelle est réduite de moitié entre l'étude Schmalensee et les deux suivantes (9,4% chez Rumelt, et 10,2% chez Roquebert et

alii). Mais le résultat le plus important de cette troisième analyse. est la part représentée par l'entreprise dans l'explication de la performance individuelle des firmes: de non significative dans la première étude, elle finit par dépasser l'influence du secteur industriel dans la dernière étude. Les auteurs (Roquebert et alii, 1996) mettent ce fait en relation avec le degré de diversification des entreprises présentes dans l'échantillon. Plus les firmes sont diversifiées, c'est-à-dire présentes dans des SBU différents, plus l'influence de l'entreprise sur la performance est importante. Cet effet, inattendu selon les auteurs,· illustre selon nous l'importance qu'il y a à considérer la firme comme· un ensemble de ressources, dont les différentes combinaisons, manifestées par la présence de l'entreprise sur plusieurs segments stratégiques, sont autant de sources possibles de rentes.

McGahan et Porter (1997) étendent à leur tour le champ d'investigation du problème des parts . respectives du secteur, du segment et de l'entreprise' dans l'explication; de la· performance. D'une part, leur étude porte sur quatorze années (de 1981 à 1994). D'autre part, elle inclut en plus des secteurs manufacturiers, des secteurs des services (transport, vente en gros et en détail, loisirs). Ensuite, McGahan et Porter utilisent des outils statistiques plus fins que leurs prédécesseurs; ils testent ainsi la fiabilité des outils d'estimation dans l'appréciation des résultats. Enfm, leur unité d'analyse 'remonte' au secteur tandis qu'il se concentrait sur le segment chez Schmalensee (1985) et Rumelt (1991).

L'étude de McGahan et Porter apporte plusieurs contributions notables. Toutd'abord, l'effet des méthodes statistiques d'analyse est mis en avant dans l'étude de la composition des effets des différentes variables (année, industrie, secteur, et entreprise) sur la performance -même si cela n'aboutit pas à renverser l'ordre d'importance 'des différents effets. Particulièrement, Mc Gahan et Porter (1997) mettent en avant une nouvelle fois le rôle dominant de l'entreprise dans

l'explication de la performance (entre 31% et 35% suivant les méthodes d'estimations). Le rôle de l'industrie oscille entre 19% et 7% selon les méthodes d'estimation, confirmant ainsi à la fois l'étude de Schamlensee (1985) pour la fourchette haute et celle de Rumelt (1991) pour la fourchette basse2• Un autre résultat d'importance ressort de cette étude: il y a une

hétérogénéité dans la pertinence des facteurs d'explication de la performance selon les catégories d'activités. Ainsi, dans l'industrie manufacturière, l'influence du secteur est moins forte alors que l'influence du segment l'est plus Oes auteurs retrouvent alors des résultats

comparables à ceux de Rumelt 1991).

L'étude de cette controverse a permis de mettre en avant deux séries de déterminations importantes. D'une part, Rumelt (1991) et Roquebert et alii (1996) évaluent l'influence de l'industrie à environ 10% de la variance des performances individuelles des fumes (contre 20% à Schmalensee, et McGahan et Porter). Ces deux articles s'accordent sur le fait que la variance des performances intra-sectorielles est plus grande que la variance des performances inter- sectorielles -contrairement à ce que montrait Schmalensee (1985). Roquebert et alii (1996) mettent en lumière par ailleurs que l'influence du rôle de l'entreprise dans la variance de la performance est reliée à son degré de diversification. Les auteurs supposent-que-lorsque l'entreprise est largement diversifiée, elle peut être assimilée à un marché de facteurs interne. Us transposent donc le raisonnement d'efficience économique de l'extérieur à.l'intérieur de la firme au lieu de prolonger leur raisonnement et de dissocier le mode de coordination 'entreprise' du mode de coordination 'marché' : «Peut-être que plus une entreprise possède de segments stratégiques, plus elle a tendance à agir comme un marché de capitaux interne plutôt que de rechercher les synergies entre ses différentes activités» (Roquebert et alü, 1996, p662).

2 Dans leur conclusion, McGahan et Porter minimisent la 'largeur' de· la fourchette: ils insistent

essentiellement sur la plus haute valeur d'explication par l'industrie (19%) de la variance des performances, afin de s'aligner sur le travail de Schmalensee (1985). La lecture détaillée de leur article ne semble pas

Nous intexprétons ce résultat quant à nous comme 'la manifestation de la préserice de ressources spécifiques à l'origine de rentes appropriées par l'entreprise. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

D'autre part, la prise en compte de données sur plusieurs années (Rumelt, 1991 ; McGahan et Porter, 1997) plutôt que sur une seule (Schmalensee, 1985) a montré que les effets de l'industrie se décomposaient en deux parties distinctes et que des phénomènes inter-temporels étaient à l'œuvre dans la détermination de la performance des firmes. Ces effets, supposés significatifs au niveau du segment, ne le seraient-ils pas également au niveau de l'entreprise? Les résultats de McGahan et Porter (1997), différents entre les entreprises de services et les industries manufacturières, en fournissent peut-être les premières vérifications (Henderson et Mitchell, 1997, p6).

La rapide présentation de différentes critiques au sujet de l'approche quasi-déterministe du paradigme S-C-P fait surgir plus de questionnements qu'elle n'apporte de réponse. Le débat sur les lignes de détermination de la performance et les influences des différentes variables de structure sur la performance n'est pas tranché.

n

se heurte à la diversité des situations observées: comportements des entreprises, et effets inter-temporels observés au niveau de l'industrie. Le niveau d'analyse pertinent ne se dégage pas non plus clairement puisque des résultats contradictoires, même si en théorie compatibles, ressortent des études empiriques. Finalement, il apparaît qu'est mise en question la nature et l'origine véritable de la performance des entreprises.

Des chercheurs ont tenté de trouver des réponses en se penchant sur l'analyse plus précise des rapports entre les stratégies des entreprises et leur performance. S'appuyant sur le cadre de référence S-C-P, et renouant avec le projet précurseur de Mason et Clark, des analyses

empiriques et de nouvelles propositions académiques furent développées, qui tentaient de faire le pont entre la pratique concrète des entreprises et les résultats en terme de performance. Dans la section suivante, nous montrons qu'une nouvelle fois, l'aboutissement de ces efforts n'est pas tout à fait concluant. Deux séries de travaux sont abordés: 1) les études dites PIMS, menées par Buzell et Gale (1987) ; 2) les thèses de M. Porter (1980, 1985), le chercheur de Harvard qui s'efforça d'opérer le .passage entre l'analyse obéissant aux prescriptions du paradigme S-C-P et la stratégie d'entreprise.

1.3. Des tentatives de clarification

à

destination du management

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