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Développements récents du croisement entre théorie des ressources et économie évolutionniste: l'approche par les ressources dynamiques et les

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II.3.3. Développements récents du croisement entre théorie des ressources et économie évolutionniste: l'approche par les ressources dynamiques et les

notions de coordination interne et de co-évolution

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II.3.3.a.'Déjinition, apports et limites de l'approche pa.rlesressources

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Définition et mouvances de recherche

Reposant explicitement sur la conception de la firme comme un creuset de R&A mais aussi de connaissances et d'information, l'approche par les ressources dynamiques s'intéresse spéciftquement aux différences d'exploitation possibles des processus de changeIIl~!!t Ùl~fl1eS_à,. -

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la firme (Arrègle, 1995). «Nous postulons que l'avantage compétitif provient des ressources dynamiques enracinées dans les routines les plus rentables à l'intérieur de la fmne, enchâssées dans les processus organisationnels et conditionnées par leur histoire. En raison de l'imperfection des marchés, ou plus précisément de la non-transférabilité des actifs intangibles, comme les valeurs, l'identité ou l'expérience organisationnelles, ces aptitudes ne peuvent être achetées; elles doivent être édiftées » (Tee ce et Pisano, 1994, p553).

lansiti et Clark (1994) définissent quant à eux les "dynamic capabilities" ainsi : «aptitude d'une organisation à enrichir régulièrement, adapter et régénérer sa base de connaissances, et à

développer. et à conserver les capacités organisationnelles, qui traduisent ces bases de connaissances en actions utiles» (lansiti et Clark, 1994,p563). Les aptitudes dynamiques sont aux aptitudes reproductives ce que les routines de recherche sont aux routines génériques (Christensen, ,1994). Ces auteurs mettent en avant un double mouvement à l'origine de la constitution d'un avantage concurrentiel lié à l'innovation et à l'apprentissage dans l'organisation : 1) certaines connaissances sont nécessaires au développement des innovations. Elles sont donc stratégiques. Mais les innovations posent de nouveaux problèmes aux individus et aux organisations, tant sur le plan de leur résolution que sur celui de l'apprentissage. ,2) Or, résoudre des problèmes est à la base de la constitution de connaissances -et ces connaissances sont àl'origine d'innovations. Par conséquent, il y a un double mouvement, qui se déploie dans le temps, qui alimente le processus d'innovation. Les aptitudes permettant de gérer, d'une part, l'acquisition des connaissances et, d'autre part, contribuant à la résolution des problèmes, sont des aptitudes dynamiques -et. des aptitudes stratégiques.

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s'ensuit que l'acquisition de connaissances et la résolution des problèmes permettent de transformer des aptitudes dans un sens « utile» -nous dirons tourné vers la performance.

Sur ces bases deux types de recherches sont menées: celles qui focalisent leur attention sur les ressources (Sanchez, 1995), et celles qui veulent dépasser ce premier point de vue en «dématérialisant» la firme pour ne plus voir d'elle que les aptitudes (Mahoney, 1995)

Au sein de la première catégorie, Sanchez (l995a et b, 1996) étudie la flexibilité stratégique de production. Cet auteur souligne les deux défis essentiels des managers face aux marchés dynamiques :, «1) identifier et acquérir l'usage des ressources flexibles qui peuvent offrir à la firme des options stratégiques lui permettant de poursuivre plusieurs développements alternatifs en réponse aux changements de l'environnement concurrentiel; 2) développer une flexibilité de coordination dans l'usage des différentes ressources, afin de maxiiniser la

flexibilité des ressources disponibles de la firme» (Sanchez, 1995b, p138). Pour lui, l'innovation radicale acquiert un sens concret et endogène à la firme. Présentée traditionnellement comme le résultat d'un changement ou une rupture de paradigme technologique, l'innovation radicale est considérée par l'approche par les ressources dynamiques comme détruisant les compétences ou modifiant les aptitudes à évaluer la performance technologique (Rosenbloom et Christensen, 1994; lansiti et Khanna, 1995, p354).

Le progrès d'une technologie n'est plus conçu seulement comme une trajectoire le long d'un régime 'naturel', mais comme la conséquence des évolutions particulières d'éléments précis de l'architecture ou du système technologique (Henderson et Clark, 1990; Tushman et Rosenkopf, 1992). Brousseau et Rallet (1995) dans cet esprit insistent sur les conséquences de l'introduction des technologies de l'information et de communication sur la productivité des firmes et leur accès à une plus grande flexibilité.Youndt et al. (1996) focalisent leur étude sur l'enrichissement continuel des qualifications des hommes et des équipes afin d'améliorer la productivité, l'usage efficace des outils de production et la satisfaction du client. Dans ce contexte, le rôle de la coordination interne apparaît comme un élément stratégique dans la

poursuite à la fois d'une stratégie de réduction de coût et.d'alignem~nt des_grod.!!itsstlr:)es~_ ~. ~ ._~_~ goûts des clients (Youndt et al., p859). La coordination interne émerge comme un élément

supplémentaire explicatif de la performance, catalyseur de l'actualisation des potentialités de rentes organisationnelles : alors que le système de prix est censé coordonner l'économie, la coordination interne à la firme permet d'intégrer et de développer les R&A de la firme (Teece et al., 1997, p518)

·«Dès que l'on suppose que les marchés sont raisonnablement efficients et que l'avantage concurrentiel n'est pas complètement la conséquence d'asymétries d'information sur ces marchés ou de la stupidité des concurrents, les aptitudes à l'origine de rentes doivent naître à l'intérieur des firmes si elles ont porteuses de valeur. Puisque la provenance de toutes les ressources tangibles réside hors de la firme, il .s'ensuit que l'avantage concurrentiel est plus susceptible d'émerger des connaissances intangibles spécifiques à l'entreprise qui lui permettent d'ajouter, de manière idiosyncrasique, de la valeur aux facteurs de production intrants » (Spender, 1996, p46).

«Au lieu de considérer les dirigeants d'entreprise comme des producteurs de règles, les employés comme· ceux qui les suivent, et les firmes comme des fonds de ressources tangibles, nous avons besoin d'une théorie d'un genre différent reposant sur la connaissance, où les organisations supportent des alliances entre des entités indépendantes créatrices de connaissances, qu'elles soient des individus, des équipes ou d'autres organisations, et où les ressources tangibles sont subordonnées aux services qu'elles procurent» (Spender, 1996, p47).

Pour les chercheurs de cette mouvance, la théorie des ressources dynamiques trouve ses bases dans la volonté de construire une théorie alternative de la firme autour de deux questions centrales: l'information et la connaissance. L'entreprise est conçue comme l'organisation distribuée de la connaissance et de l'information (Conner et Prahalad, 1996). Elle est une réponse au problème d'utilisation collective de connaissances individuelles pour la réalisation d'objectifs communs (Tsoukas, 1996). Aucun agent ne peut à lui seul maîtriser l'ensemble de l'information nécessaire au bon déploiement des ressources et des compétences. Les firmes sont donc des systèmes distribués de connaissance. Comme par ailleurs, les systèmes économiques et techniques où circulent les informations sont ouverts, il est impossible de connaître précisément quelles seront les connaissances pertinentes à utiliser demain. A tout instant du temps, la connaissance d'une entreprise est la résultante indéterminée des tentatives individuelles de gérer les tensions inévitables entre les attentes conformes aux règles acquises, les aptitudes des différents membres de l'entreprise14 et les contextes locaux (les heuristiques).

Grant (1996) se réapproprie les différentes propriétés des ressources qu'il applique aux deux

grands types de connaissance qu'il distingue, à la suite d'autres: tacite et explicite. Ayant posé la firme comme une institution économique traitant et gérant l'information et la connaissance mieux que le marché, à partir de ces propriétés, il déduit les besoins nécessaires en terme de coordination de la firme et leurs conséquences: la structure de l'organisation et ses frontières sont par là expliquées. Dès lors, le degré à partir duquel une capacité dynamique est ..'distinctive' dépend de la nature des accès à l'information de ses employés et de l'intégration

des connaissances au sein de l'entreprise. L'accent doit être placé, selon lui, de manière essentielle sur le rôle de l'individu en tant que principal acteur, récipiendaire de l'information et créateur de la connaissance

Apports de l'approche par les ressources dynamiques à l'analyse de la performance - Limites àla théorie de la firme fondée sur la connaissance

L'objet de cette partie n'est pas de détailler plus avant les présupposés théoriques de l'approche par les-ressources dynamiques. TI s'agit d'illustrer le croisement fertile (pour l'analyse de la performance) entre les approches de recherche par les ressources et évolutionnistes.

Deux apports essentiels nous semblent caractériser l'émergence de l'approche par les ressources et aptitudes dynamiques. Le premier porte sur l'ambition de cette approche de

fonder une théorie de la firme évolutionniste (Kogut et Zander~·1996). Cêtfeamoiiion-repo-se---~--- sur les bases de la théorie des ressources: la firme est conçue comme un fonds de ressources et

d'aptitudes idiosyncrasiques à l'origine de rentes, et de l'économie évolutionniste: les comportements de réplication, d'innovation, et d'apprentissage sont à la base de la performance dynamique de l'entreprise. Les présupposés fondamentaux en outre portent sur la circulation de l'information et des connàissances: absorption, intégration, développement (Spender, 1994 en montre le potentiel de rente; Non*a et al. 1994, et DiBella et al. détaillent les processus de constitution des connaissances organisationnelles). La constitution d'une

théorie renouvelée de la firme cherche en outre à. éliminer les autres hypothèses comportementales typiques des courants contractualistes (Hogdson, 1995; Robertson, 1996), tel l'opportunisme (Conner et Prahalad, 1996; Kogut et Zander, 1996; Foss, 1996).

Le second apport concerne la mise en exergue d'une notion qui n'était pas apparue dans toute son importance suite à l'étude séparée des approches stratégique et économique du Courant des Ressources : la coordination interne. Les auteurs qui traitent des ressources dynamiques, de la base technologique et de l'innovation tirent de leurs analyses le rôle crucial joué par la coordination: elle permet d' «exploiter la spécificité inter-actifs» à la base de l'innovation (Christensen, 1994; Mueller, 1994). La coordination interne à l'entreprise s'appuyant sur des ressources et aptitudes humaines stratégiques devient le catalyseur de la constitution et la préservation des propriétés primaires et secondes des autres R&A (Farjoun, 1994; Mueller, 1996; Kamoche, 1996). La coordination interne permet de renouer avec deux inspirations proposées par les précurseurs: l'importance de la ressource humaine soulignée en son temps par Penrose, et la dimension, propre aux routines, de trêve (truce) dans les conflits et les discussions vaines, énoncée par Nelson et Winter (Cohendet et al., 1994). L'avantage concurrentiel est conçu comme reposant sur des processus distinctifs (les manières de coordonner et d'intégrer) formés par les positions en terme d'actifs spécifiques des firmes (les ressources et aptitudes) et les pas d'évolution qu'elles ont adopté ou hérité (Teece et al., 1997, p509). Un modèle d'analyse de la performance individuelle des firmes devrait donc comporter une mesure de la dimension de la coordination interne.

Toutefois, il faut se garder de considérer que tous les développements récents, pour fertiles qu'ils apparaissent, sont des progrès -en ce qui touche à l'explication de la performance tout au moins. En effet, si l'on peut concevoir que la vision des ressources productives doive tourner autour des concepts (mis en pratique) 4e modularité, d'architecture, de système technique, et de flexibilité de production comme le fait Sanchez, il nous est plus difficile de mesurer la valeur

réelle de la théorie de la firme comme système d'information et de connaissance distribuées. Plusieurs raisons nous paraissent devoir justifier cette réticence à vouloir épurer la fIrme: • l'idéalisation: l'univers concurrentiel a disparu de la conception de la fIrme. Or, pour justifier de la peIfonnance, il faut bien se préoccuper des critères fondamentaux d'existence de l'avantage concurrentiel. Grant et Spender oublient donc ce qui était la première des préoccupations des évolutionnistes: défInir les caractéristiques de l'environnement sélectif (voir supra). Le fonctionnement du système économique, et spécifIquement la concurrence, est idéalisé. TI s'agit d'un cadre à peine réactif dans lequel s'inscrit la firme: les clients, les fournisseurs, et les concurrents sont mis au second plan, ainsi que l'évaluation des tenants et des aboutissants de la performance de la firme.

• la dématérialisation : La fIrme est en quelque sorte dématérialisée, prise ontologiquement comme une fonctidri opérante dépendant de la quantité et de la qualité des informatiôns

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circulant et des connaissanCeSaccumulées. Or, les fIrmes, particulièrement les entreprises de l'industrie manufacturière, sont essentiellement des outils et des sites de production, des hommes et des femmes doués d'aptitudes spécifIques. La conCeption stratégique de la flexibilité de production s'inscrit bien dans le cadre d'une fIrme dont la nature est d'être productrice. Ce ne semble pas être le cas dans la conception centrée sur -l'information etla---- - connaissanCe dont le champ d'applications serait dès lors plutôt l'étude économique des industries de services.

• l'individualisation. Aller dans le sens de l'idéalisation et de la dématérialisation de la finne revient in fIne à achever de faire reposer la conservation, la création et l'utilisation de la connaissanCe sur l'individu (Grant, 1996). De même que la fIrme était idéalisée et le cadre concurrentiel effacé, l'individu surgit dans la plénitude de ses capacités sans que le groupe au sein duquel il travaille n'émerge comme adjuvant, catalyseur, ou créateur. TI nous semble que

l'apprentissage peut être organisationnel (voir les travaux d'Argyris par exemple), et que le rôle des groupes dans la constitution des aptitudes n'est plus à faire. Par conséquent, l'individualisation à laquelle aboutit cette vision de l'entreprise ne nous apparaît pas comme une avancée permettant de mieux expliquer la performance des entreprises.

• la dénaturation de l'évolutionnisme: Les points précédents remettent fondamentalement en cause la nature de l'évolutionnisme. Tout d'abord, l'idéalisation de la firme plonge dans l'ombre les différents déterminants temporels de la performance (trajectoires, dépendance de sentier, opportunités, etc.). Ensuite, par la dématérialisation de la firme, Grant et Spender prétendent expliquer la formation des structures de l'entreprise et justifier les frontières organisationnelles, par les flux, la nature, la répartition et la complexité des informations et des connaissances circulant. C'est concevoir l'information et la connaissance comme étant toujours actuelles, et ne souffrant guère d'obsolescence, en un mot oublier la nature évolutionniste de l'innovation et de l'apprentissage. Finalement, faire reposer sur les individus le fonctionnement cognitif de l'entreprise ne permet pas de concevoir la relative permanence du mode de coordination économique qu'est la firme. TI est difficileà la fois de penser l'individu comme récipiendaire de la connaissance et étant in fine la source de l'avantage concurrentiel, et de maintenir que la firme est une collection continuée de R&A et de routines. En fait, l'individualisation revient à affiner à l'extrême le niveau d'analyse pertinent de la performance pour le ramener à l'individu. TI ne s'agit pas pour nous d'un progrès, mais d'une régression à une vision néoclassique atomistique de la structure des marchés, appliquée au facteur humain. Par conséquent, sous des couverts évolutionnistes, cette conception a des conséquences ou des présupposés qui semblent ne pas l'être.

Au total, au lieu de rassembler efficacement les déterminants de la performance, la théorie de l'entreprise fondée sur l'information et la connaissance dynamiques nous semble dissoudre ce

qui faisait la force du Courant des Ressources: concevoir

1. les R&A et leurs différentes propriétés à la base de l'avantage concurrentiel et de la performance, exprimée à travers le potentiel de rentes (de rareté, de monopole, différentielles et marshalliennes) appropriables par la fIrme ;

2. l'entreprise dans son cadre économique et concurrentiel ;

3. la nature productive de l'entreprise (les propriétés des R&A à l'origine des rentes) ;

4. les processus de sélection, d'accumulation, de détermination temporels foncièrement évolutionnistes à la base des transformations des R&A.

Pour ce qui nous concerne, c'est autour de ces piliers que nous bâtirons notre modèle théorique.

II.3.3.b.Recherches mettant l'accent sur la co-évolution des R&A et de l'environnement sélectif

Les R&A en plus de leurs propriétés primaires et secondes obéissent à des règles de conditionnement et de développement temporels qui peuvent conduire les fIrmes, performantes durant une période, à perdre leur avantage concurrentiel. Les grandeurs principales responsables de cet affaiblissement progressif des propriétés des R&A sont l' innovation- et Tapprentissage des concurrents. Ces conditions évolutives -des propriétés -des

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internes aux firmes, en quelque sorte, elles lui sont endogènes de même que les potentialités d'appropriation des rentes sont idiosyncrasiques.

L'approche par les ressources dynamiques rend ainsi compte de l'aspect dynamique de la création et de la constitution de l'avantage concurrentiel (Leonard-Barton, 1996; Sanchez et al., 1996). En évaluant les propriétés des ressources et aptitudes, elle inclut indirectement les potentialités de modiftcation de la combinaison à l'origine des rentes et de l'avantage concurrentiel. Toutefois, rares sont les contributions qui explicitent ce phénomène de

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