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5 – Territoires et vulnérabilité

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5 – Territoires et vulnérabilité

« Préférez les impossibilités probables aux possibilités improbables. » Aristote

La théorie du territoire est avant tout la théorie du risque.

Si l’homme est grégaire, s’il construit des identités, s’il aménage son espace pour construire des territoires, parfois fermés, s’il développe des stratégies d’échange, de filiation, de mobilité, etc. c’est pour répondre { la vulnérabilité externe, des autres territoires, comme interne, c'est-à-dire générée par la société même (Beck, 2002b). La vulnérabilité provient d’une situation de risque qu’il s’agit d’identifier et que beaucoup d’auteurs identitifent comme moteur de changement, de mobilité, et même comme moteur de l’innovation (Peretti-Watel, 2003).

Il faut entendre par risque, non pas une vision très techniciste ou formelle du problème (Thyrion, 1967; d'Ercole et al., 1994; Péguy, 1995; Vertzberger, 1995; Renn, 1998; Hampel, 2006; Renn, 2008), mais une vision anthropocentriste, depuis le point de vue de la société, ou comme conséquence de la présence de la société (Covello, 1993; Luhmann, 1993; Maskrey, 1993; Renn, 1998; Peretti-Watel, 2000; Sjöberg, 2000; Slovic, 2000; Peretti-Watel, 2001; Langford, 2002; Joffe, 2003; Arreghini & Mazurek, 2004; Haimes, 2009a). Je ne m’étendrais pas sur le contenu de la théorie du risque que nous avons travaillée par ailleurs (Arreghini & Mazurek, 2004; Mazurek & Arreghini, 2006; Mazurek et al., 2010a; Mazurek et al., 2010b, et plusieurs publications en cours) ; je m’attacherais plutôt { mener une réflexion sur le caractère relatif de la vulnérabilité et de son implication dans la compréhension de l’espace Andin.

Il y a en effet de nombreux biais dans les définitions du risque, de la vulnérabilité et de la résilience telles qu’utilisées principalement par ceux qui étudient les aléas dits naturels, ou les processus de crise aigue (technologique, économique ou sociale). L’aléa, la menace ou le danger ne sont pas des paramètres objectifs, sinon totalement subjectifs car ils dépendent du modèle de la société et de la manière dont elle perçoit, nomme ou mesure ces paramètres. Malgré l’impressionnante évolution de la connaissance scientifique, la vulnérabilité des sociétés ne cesse d’augmenter. Plus nous construisons de méthodes de mesure, et plus nous découvrons de nouveaux risques, et moins nous sommes capables de les affronter. « Faire toujours plus risqué un Monde qui parait pourtant devenir plus sûr » (Peretti-Watel, 2001). De fait, ce paradoxe provient d’une nécessité, pour le scientifique ou le technicien, de dominer les choses, de les maîtriser au moyen de ses propres artifices, sans chercher à utiliser les capacités des sociétés à réguler ses propres risques.

La vulnérabilité se définit comme l’évaluation du niveau de sensibilité et / ou d’exposition d’une population, d’un lieu, etc., { l’occurrence d’un aléa, ou la présence d’une menace ou d’un danger; définition très réductrice parce qu’elle fait référence, dans la majorité des cas, « à l’incidence spatiale » des aléas (Gilbert, 2009).

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D’une manière générale, la vulnérabilité se définit comme l’instabilité d’un élément en relation à la modification de son environnement.

La vulnérabilité n’est donc pas intrinsèque { un élément sinon toujours en relation – face à – un contexte donné. L’usage de ce terme par la recherche scientifique suppose que l’on puisse la caractériser au moyen de trois paramètres :

Le contexte qui permet la vulnérabilité ;

Le caractère qui permet l’expression de la vulnérabilité ;

La relation entre l’élément et son contexte qui fonde la vulnérabilité et produit un effet. Le contexte rend un élément vulnérable quand il établit une pression ou une perturbation sur cet élément au point de pouvoir provoquer un changement de ses composantes, de sa nature ou de son comportement. Les pressions ou perturbations externes sont multiples : changement climatique continu, pression anthropique, incendie, tremblement de terre, pollution, apparition d’un allergène, crise économique, etc. mais aussi changement dans les modalités de gestion, de réglementation, changement culturel, etc. qui correspondent souvent à des échelles temporelles et spatiales très diverses. Dans le cas des territoires, la modification du contexte peut venir de la complexification des territoires dont nous avons parlé. La surimposition de nouveaux territoires (administratifs par exemple), construits sur des logiques identitaires nouvelles, peut constituer un facteur de vulnérabilité pour des populations déjà fortement organisées.

Le caractère vulnérable est souvent étudié de manière absolue, comme valeur intrinsèque de la propriété de l’élément. Combien de fois avons-nous vu écrit dans les manuels qu’ « une société pauvre est plus vulnérable qu’une société riche”, utilisant des caractéristiques qui se veulent absolues (précarité, pauvreté, marginalité) mais qui sont en réalité totalement relatives au contexte où elles se situent. Dans ce sens, l’usage dans la recherche du terme vulnérabilité

introduit sa propre contradiction : il se définit avec le présupposé qu’un élément est vulnérable de manière absolue alors que cette vulnérabilité est relative au modèle dans lequel elle se révèle.

Par exemple, les sociétés traditionnelles d’Amazonie sont très vulnérables en relation au modèle économique occidental, mais le sont beaucoup moins en relation à leur propre mode de vie. La vulnérabilité provient par conséquent de l’interaction d’un modèle sur une société; elle ne se génère ni par la société même, ni par le modèle en soi. Le caractère de vulnérabilité varie évidemment dans le temps et dans l’espace ou selon des caractéristiques du modèle ou de la société ; par exemple, en santé il existe des différences très significatives de vulnérabilités en relation { des maladies selon que l’on se situe en zone urbaine ou rurale, selon le genre, les groupes d’}ges, etc. Le caractère vulnérable peut donc être une propriété émergente d’un territoire soumis à des contraintes fortes, ou à des modifications de contexte.

Cette relation entre un élément, son contexte et le temps définit une situation de

vulnérabilité qui peut être structurelle ou conjoncturelle (Arreghini, Mazurek, 2004). La dimension structurelle de la vulnérabilité concerne des propriétés fondamentales des éléments, et d’interactions { long terme (plusieurs années { plusieurs siècles), c’est { dire dont les impacts peuvent affecter la structure même des éléments (dimension culturelle, frontières historiques, conformation du réseau urbain, politiques ou crises économiques, patrimoine, etc.). La dimension conjoncturelle, au contraire, concerne les propriétés qui interagissent dans le temps court ou de manière ponctuelle, { partir d’aléas perceptibles dans le cycle d’une vie humaine (gel, variation de prix, épidémie, mode, etc.). Il faut concevoir qu’il existe une relation entre les menaces ou dangers conjoncturels ou structurels, dépendant du type d’impact qu’ils peuvent générer, et la

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vulnérabilité conjoncturelle ou structurelle dont les paramètres sont dépendants des éléments. Quelques exemples d’interactions permettent de l’illustrer dans ce tableau :

Ce sont les relations entre éléments et contextes qui figent en définitive la nature et l’intensité de la vulnérabilité. Les recherches sur la vulnérabilité ont longtemps limité ces relations à des facteurs très simples et objectifs, souvent de cause { effet, ainsi qu’{ des critères monétaires ou directement mesurables (maisons détruites, volume de contaminant, perméabilité des sols, etc.). Ces critères ne rendent évidemment pas compte de la complexité des interactions, et en particulier du fait que tous les éléments ne réagissent pas de la même manière dans un contexte donné, pointant la complexité aussi au niveau de la relation individu / groupe. Pour ces raisons, les recherches actuelles essaient de mettre l’accent sur des critères plus sociaux et subjectifs (l’information par exemple), psychosociologiques (perception et comportement), ou de nature cyclique ou emboîtée, générés par l’élément ou le contexte. En santé par exemple, la disponibilité de l’information, la perception et le comportement face { une maladie, et l’appartenance religieuse (qui conditionne par exemple le degré de confiance vis-à-vis de la médecine) sont aussi déterminants que la vulnérabilité biologique en cas d’épidémie. On retrouve cette démarche dans ce que Langford, 2002, appelle une « approche existentielle de la perception du risque ».

Les relations qui fondent la vulnérabilité génèrent souvent des perturbations qui peuvent modifier les caractéristiques des éléments, parfois de manière irréversible ; ce caractère de réversibilité fait partie de la mesure de la vulnérabilité : la résilience du système (Dauphiné, 2003b; Haimes, 2006; 2009b; a), qui peut être associée à deux autres caractéristiques complémentaires des systèmes : la redondance (existence d’éléments similaires qui peuvent assumer les fonctions des éléments vulnérables) et la robustesse (capacité de résistance des éléments avant la perturbation) (Haimes, 2009b). La résilience se définit ainsi comme la capacité de réponse des éléments à une situation de perturbation; réponse qui doit permettre la restauration des propriétés essentielles des éléments (dans un ordre de coût et de temps « acceptable » selon la littérature anglosaxonne). Le débat reste entier de savoir si cette résilience peut aussi s’appliquer { des adaptations des éléments, c’est { dire { des transformations adaptées qui permettent la survie de ces éléments (comme dans la génétique de l’évolution par exemple) ; ce qui ferait alors de la résilience le moteur de l’innovation.

Il existe aussi pour la résilience des facteurs qui la favorisent (l’organisati0n des groupes sociaux par exemple), la limitent (changement climatique qui change le contexte même) ou l’anéantissent (par exemple la « spirale protectrice » en santé). La résilience varie dans le temps et peut inclure un processus d’apprentissage dans la relation entre l’élément et son contexte; la grande difficulté de sa mesure est alors l’établissement du point de « l’état initial ». Le paradoxe est par conséquent que toute pression ou perturbation sur un élément n’est pas forcément négative puisque le processus de résilience effective donne pour résultat d’une innovation. Plusieurs auteurs considèrent que la vulnérabilité est source d’innovation, certains en font même le moteur du développement des sociétés (voir par exemple Romer, 1990; Chauveau et al., 1999;

Danger structurel Danger conjoncturel

Vulnérabilité structurelle

Innovation de la société Adaptation ou destruction de la société Vulnérabilité conjoncturelle Application d’une technologie Réaction ou adaptation

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Hall, 1999; Mollard, 1999; Peretti-Watel, 2000; Chiriboga, 2003; Peretti-Watel, 2003; Portnoff, 2003).

Les éléments peuvent être de natures très diverses, tant physique que biologique ou sociétal :

individus, population, écosystèmes, groupes sociaux, territoires, mais aussi infrastructures ou services, etc. Le niveau d’intervention du contexte et de la perturbation conditionne la nature de la vulnérabilité : la vulnérabilité d’un individu signifie-t-elle la vulnérabilité d’une société, et vice versa ? La vulnérabilité d’une société signifie-t-elle la vulnérabilité de ses constructions et vice versa?

La mesure du risque relève donc de l’analyse de système et des propriétés d’émergence de ces systèmes, du fait de la complexité des interactions entre concepts, paramètres et caractéristiques. En réalité, dans un système, Les éléments sont interdépendants, ce qui signifie que la situation de vulnérabilité d’un élément peut avoir des répercussions sur la vulnérabilité d’autres éléments qui n’étaient pas au préalable considérés comme vulnérables. La relation est plus complexe que la simple somme des effets, et fait intervenir une vulnérabilité globale du système résultat de l’interaction entre les éléments. Ceci signifie aussi que s’assurer individuellement face { un risque donné peut être d’une certaine utilité mais que la mitigation d’une vulnérabilité globale doit nécessairement répondre { des politiques globales (c’est le cas des épidémies, des accidents de la route, des menaces nucléaires, etc.).

A l’inverse, les changements qui peuvent induire une réduction de la vulnérabilité dans certains facteurs, ne signifient pas nécessairement une réduction de vulnérabilité pour tous les facteurs de manière automatique, parce que les effets ne sont pas linéaires. Au contraire, la réduction de certains facteurs de vulnérabilité peut en augmenter d’autres. Un exemple connu est celui de l’usage de l’énergie dans les pays du Sud : une communauté peut remplacer le bois par le gaz comme combustible de cuisine ; ceci réduit les impacts négatifs sur la forêt et ainsi la vulnérabilité écologique ; mais cela peut augmenter la vulnérabilité culturelle ou économique, dans la mesure où beaucoup de rencontres intergénérationnelles s’effectue autour du feu de bois (et pas du poêle { gaz), et qu’il faut acheter le gaz (et pas le bois). Le contrôle de la vulnérabilité par la société est un jeu de balance ; la complexité de l’analyse suppose en fin de compte un choix de société. Ce choix est possible par un jeu d’information, de certitudes et d’incertitudes qui

fondent la décision.

James Bernouilli, dans son “principe de la raison suffisante” stipule que le risque représente « la quantité d’information qu’un individu considère comme nécessaire pour sortir de son incertitude ». C’est une probabilité subjective qui fait intervenir non seulement une estimation des probabilités de réussite d’une opération sinon aussi une estimation de second ordre qui correspond { la confiance qu’a l’individu sur sa propre estimation. Bernouilli affirme ainsi que « le risque est le niveau d’incertitude subjective { partir duquel un individu est susceptible de participer dans une activité particulière » (Jorland, 1993). Dans une grande mesure, les facteurs de vulnérabilité correspondent d’une part { un contexte déterminé et d’autre part { un niveau d’information sur ses propres composantes et sur les composantes du contexte ; lesquelles peuvent être individuelles ou collectives, matérielles ou immatérielles.

Même dans le cas de risques naturels, ce principe s’applique, dans le cadre d’une estimation de la vulnérabilité et d’une prise de décision qui font intervenir des perceptions des phénomènes et des comportements en réaction { ces perceptions. Dans beaucoup de cas, l’analyse du risque par l’aléa ou la vulnérabilité socio-économique n’est pour cela pas suffisante pour comprendre les

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comportements. Le cas du gel dans les Andes est un bon exemple. Le gel est en effet une menace permanente dans la plupart des régions de l’Altiplano, dans la mesure où les populations savent que le phénomène peut se présenter (connaissance du phénomène) ; c’est aussi un aléa puisque le phénomène apparaît avec une certaine fréquence, (niveau d’information collective et de probabilité d’occurrence) ; c’est aussi un danger, car le gel comporte des propriétés intrinsèques bien connues , pouvant provoquées des dommages importants sur les récoltes ou le cheptel. Nous couvrons là les trois caractéristiques essentielles de la définition technique du risque : l’aléa, la menace et le danger. Les facteurs de vulnérabilité, quant à eux, peuvent être constitués par un contexte physique ou matériel (type de sol, humidité, microclimat, etc.), organisationnel ou psychologique (disponibilité de main d’œuvre, données du marché, respect des calendriers, etc.), et des niveaux différents de connaissance, c'est-à-dire, d’information, de la menace ou du danger (connaissance du terrain, circulation de l’information, accès { la radio, etc.).

Selon le niveau d’information dont dispose le paysan (connaissance du terrain, écoute de la radio, type de culture, etc.), celui-ci évaluera la situation et prendra une certaine décision sur la manière de réagir. La quantification de ce risque dépendra du choix entre la considération de ce risque comme potentiel ou comme résultat. S’il a toute l’information, le paysan considérera le risque comme nul, malgré l’existence d’aléa, de menace ou de danger, et interviendra de manière « sûre » ou n’interviendra pas. S’il n’y a aucune conséquence, on pourra dire que son évaluation fut bonne, et que le risque fut compensé par une vulnérabilité faible ; mais s’il y a des conséquences, cela signifiera qu’{ risque égal, ce sont les facteurs de vulnérabilité, autrement plus importants, qui ont fait la différence. L’imprécision et la subjectivité de la notion de risque sont les principaux problèmes de son évaluation. Parce qu’aussi dans toute décision il existe un risque : « il n’y a pas de choix sans tourment » (proverbe allemand).

L’information devient, dans ce cas, le point commun des paramètres face à la complexité des interactions. L’aléa devient menace quand il n’est pas connu, c'est-à-dire que sa probabilité de connaissance ou d’occurrence est basse ou nulle (on ne sait pas s’il y a eu ou s’il y aura du gel dans cette région et par conséquent on ne sait pas si une activité particulière est possible). Le chemin descriptif se complique encore plus avec l’estimation de second niveau de Bernouilli : l’individu doit estimer si l’information qu’il a reçue est fiable ou vraie (processus de réinterprétation de ses propres critères). La théorie normative de la décision54 considère que celle-ci est optimale quand, au cours d’un choix, le produit est maximum entre la probabilité estimée de l’occurrence des options de choix, et la valeur désirée de l’utilité de ce choix. Les probabilités ou valeurs peuvent être objectives ou subjectives. Ceci suppose que l’acteur connaisse toutes les options possibles de ce choix, ce qui est rarement le cas ; connaissance qui peut être améliorée par l’expérience ou l’accumulation d’information. Pour cette raison, dans l’évaluation du risque, dans l’ajustement de la vulnérabilité, et dans la prise de décision, les savoirs vernaculaires sont fondamentaux (sans doute beaucoup plus que les savoirs scientifiques plus subjectifs), ainsi que l’organisation et la participation à des réseaux. «La légitimation d’une science de la décision implique donc celle, corrélative, d’une science de l’organisation et d’une science de l’information. » (Le Moigne, 2002, p. 54).

54 On se réfèrera ici, sans l’approfondir aux travaux de Von Neuman et Morgenstern sur la théorie des jeux ou de Wiener sur la cybernétique et la science de la communication, de A. Simon sur la théorie normative néo-positiviste.

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Figure 19: Les multiples boucles d'interactions dans la caractérisation du risque.

Les interactions sur un élément sont toujours indirectes. Par exemple, le danger n’intervient pas directement sur un élément, il intervient par l’intermédiaire d’un contexte. Une mauvaise récolte d’un produit est un drame

dans le contexte d’une monoproduction, elle l’est moins dans le contexte de la diversification productive. De même, l’innovation peut permettre, par interrelation entre une menace et une action (prévention), de réduire

l’effet du risque. Etc. En vert sont placées les composantes concrètes ; en bleu les actions ; en orange des estimations de paramètres, plus subjectives.

Dans nos Andes, l’hétérogénéité de l’espace et les situations extrêmes des conditions physiques obligent à une gestion soutenue et constante du risque, aussi bien sur des aléas physiques (climatiques en particulier), que sociaux (prix de vente, application de politiques, conflits internes pour les ressources, etc.). La gestion de ce risque s’effectue au moyen d’une connaissance du contexte, surtout dans ses aspects structurels, beaucoup moins conjoncturels, et par une bonne analyse des caractères ou éléments qui sont sources de risque. Ces deux moyens de contrôle sont rendus possibles d’une part par la diversification des systèmes des activités (diversification des systèmes de productions, des zones de productions et des calendriers qui supposent une maîtrise de l’espace), d’autre part par un cadre organisationnel capable de gérer cette diversification, et enfin par une mobilité spatiale qui favorise les relations en réseau, et les échanges d’information. Enfin, la prise de décision est collective et se base sur des critères accumulatifs de la connaissance, l’usage d’une mémoire, qui intègre cette question du risque dans le mode de vie et d’organisation.

Il n’y a { mon sens pas de critère objectif définissant le risque, et surtout du risque statique. Le risque est un processus dynamique (qui suppose une appréciation dans le temps), et totalement subjectif (qui suppose une appréciation de sa relativité vis-à-vis d’un modèle). En relation au territoire, un des facteurs de subjectivité, construction sociale par excellence, est la notion de patrimoine, fréquemment perçue comme une revendication identitaire et souvent peu comme valorisation consciente et collective du territoire (Arreghini, Mazurek, 2004). Le patrimoine est la valeur que l’on attribue au territoire, qui entrera comme telle dans l’équation du risque, bien au del{ de la notion “d’enjeu” (Metzger & D'Ercole, 2009), car le patrimoine est constitutif de l’identité territoriale. Plus la valeur patrimoniale sera importante, et plus la vulnérabilité le sera aussi, en relation à un contexte de risque. De plus, la valeur patrimoniale étant liée non { l’espace mais au territoire, il peut exister des différences significatives d’appréciation du patrimoine selon