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3 – Espace et Territoire, quelques principes

3 – E spac e e t Ter ritoi re , que lqu es pr in ci p es.

3 – Espace et Territoire, quelques principes.

« On ne fait pas des guerres pour des territoires Mais pour des mots » Arthur Koestler, Bricks to Babel

La question est maintenant de savoir ce qui distingue l’espace du territoire.

De l’examen des ouvrages de géographie, on ne peut pas dire que la distinction entre ces deux mots soit clair : « c’est d’ailleurs le constat par lequel commence tout article un peu général qui lui est consacré » (Debarbieux, 1999). Le territoire est lui aussi polysémique, « créant une réelle difficulté de communication entre chercheurs » (Lévy & Lussault, 2003, p.907), mais aussi du discours de l’action publique (Faure, 2006) car plus que polysémique, l’usage de ce mot est incertain et « ambigüe dans les discours experts ». Lussault, 2007, par exemple, considère le lieu, le territoire et le réseau comme des éléments situés au même niveau de définition des formes spatiales, même si le premier constitue le « méta-concept intégrateur de tous les autres », relatif à un espace qui se caractériserait par l’échelle, la métrique, la substance et la configuration. Mais aussi, le lieu est inclus dans le territoire et le réseau ; le territoire, et même l’espace, inclut les deux autres…

Le territoire fait souvent partie des « espèces d’espaces » sans que l’on sache si les deux concepts sont finalement nécessaires !

Nul doute que ce manque de clarté soit lié à un manque de formalisation des concepts, mais aussi à une forme de pensée occidentale qui ne peut se passer de limite, ni d’une interprétation politique du territoire. « Nul doute qu’en Europe, un modèle se soit progressivement imposé au point de constituer une norme naturelle : le territoire comme terroir qui attache l’exercice de la fonction politique ou plus largement des opérations de légitimation sociale à la terre découpée en circonscriptions » (Retaillé, 2005, page 180). Mais de manière très caractéristique, l’auteur opère dans la suite du texte un glissement entre territoire et spatial, autour des questions de l’identité, de l’ethnicité, de l’informel, pour terminer par confondre les deux termes : « L’espace, avec la spatialité, ne s’impose pas comme une évidence déj{ l{ et partout identique { la définition qui a pu en être donnée en Europe » (page 181, même paragraphe). Même si l’on est d’accord avec l’appréciation de Retaillé sur les limites du « tournant géographique » et sur les limites de la notion de spatialité appliquée { d’autres espaces que l’espace européen, il n’en est pas moins que ces idées sont basées sur une imprécision entre ces deux termes d’espace et de territoire.

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Eliminons d’emblée la définition réductrice qui fait du territoire une aire délimitée par une appartenance juridique, liée { l’action publique, voire en lien fort avec l’Etat. C’est pourtant la définition la plus usuelle, sans doute liée { sa nature politique, puisqu’elle « consiste à survaloriser le contenant au dépens du contenu » (Sautter, 1985b, p.196), c’est { dire rendre inévitable les limites du territoire politique (Alliès, 1980) (le contrôle territorial) au détriment du contenu de l’appropriation territoriale (la territorialité). C’est une conception de la géographie dont il est difficile de s’abstraire car remontant aux racines de la philosophie cartésienne occidentale, et à la nécessité d’imposer des découpages « territoriaux » pour le contrôle interne de l’espace par l’Etat. La création des départements, peu après la révolution française, est une marque de transfert de ce contrôle du local au central. Alliès, 1980, a bien montré cette mutation de la conception de l’espace avec la révolution française : la limite politico administrative à la fois comme droit (statut juridique pour le peuple) et devoir (l’obligation d’adhésion du peuple). Le territoire n’est plus alors une forme d’appropriation par les acteurs sociaux mais « un instrument de l’autorité nécessaire { la poursuite du bien commun » (Burdeau, 1949 cité par Musso, 2009). Nous sommes ici au cœur du problème d’une conception dominante du territoire : alors que la République garantie la liberté des peuples, et son auto détermination, elle lui surimpose en définitive un carcan autoritaire. Dans les Andes, cette contradiction est flagrante. Deux conceptions du territoire deviennent incompatibles : un territoire conçu comme un mode de vie, ayant des formes originales et spécifiques de gestion communautaire s’oppose { un territoire du politique, marqué de centralisme, sur le modèle de la hiérarchie et de la représentation. Nous y reviendrons.

Eliminons aussi l’idée de l’inexistence du territoire. Di Méo, 1998, ne fait du territoire qu’une réunion entre l’espace social et l’espace vécu, comprenant 4 caractéristiques : l’identité collective (espace social conditionnant le rapport aux autres), le contrôle collectif (la délimitation ou le politique qui assure sa reproduction), le symbolique et le patrimonial (outil de mobilisation sociale), la construction collective (dans le sens historique). Il n’y a pas par conséquent de différence significative entre espace et territoire, sinon que « la territorialité s’identifie pour partie { un rapport a priori, émotionnel et présocial de l’homme { la terre. Il participe en troisième lieu de l’ordre des représentations collectives, sociales et culturelles » (Di Méo, 1998, page 108). De cette circularité naît une ambigüité des deux concepts, surtout lorsque le même auteur assimile le territoire à « un terme voisin, celui de lieu », définissant le lieu comme la plus petite unité spatiale, fortement chargée de symbolisme, de valeurs, de vécu, de perçu, etc., conception d’ailleurs assez proche de celle de territory, associé a place and space, chez les auteurs de langue anglaise (Debarbieux, 1999).

On pourrait aussi laisser de côté la définition très générale de Ferrier, 1984, qui s’apparente { celle du paysage, mais qui contient les éléments de son analyse : « des traces anciennes aux marques d’aujourd’hui, les territoires nous parlent de nous, ils nous parlent de notre histoire profonde, { l’intersection de la nature et de la culture, que nous voulons débusquer par une interrogation inlassable des lieux. » ; ou de la définition circulaire qu’il propose dans Ferrier et al., 2005 : territoire comme synonyme d’espace, et espace géographique comme territoire des constructions scientifiques.

Le lien qui existe entre ces diverses définitions est le ‘nous’ de Ferrier, c'est-à-dire les acteurs, ceux qui délimitent l’espace, ceux qui construisent ou vivent un espace, qui créent l’histoire sociale en relation à un espace. Le territoire est avant tout le système d’acteurs qui agit sur un espace, qui multiplie les actions pour créer l’espace (Barel, 1981; Marié, 2004) : « le territoire est d’abord le lieu où l’action et la pensée sociale entrent en contact avec la matière et la substance. Cette relation

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est d’autant plus fondamentale qu’elle est incertaine ». C’est sans doute ici qu’est le positionnement épistémologique le plus intéressant : l’espace construit un système de relation entre les lieux, mais le territoire construit, lui, un système de relations entre les acteurs sur les lieux. Les espaces « produits », au sens de Dollfus, 1991; Brunet, 1997; Di Méo & Buléon, 2005, sont en fait des territoires. Ce que propose Dollfus, par exemple, c’est que « chaque société, chaque entreprise ou institution crée son espace, le ‘produit’, c'est-à-dire, utilise une portion de l’extension terrestre pour développer ses activités et vivre l{ » (p.135). L’espace produit est unique, mais les territoires sont multiples ; et cette multiplicité oblige les acteurs à développer des stratégies pour pouvoir occuper le même espace. Ces stratégies seront plus ou moins

compatibles ; cette compatibilité se construit sur la base d’identités multiples qui vont se

confronter ou s’associer. Mubi Brighenti, 2009, sociologue italien, a ainsi une très belle définition du territoire : « le territoire n’est pas défini par l’espace ; c’est plutôt lui qui définit l’espace { travers des structures de relations. […] Ce n’est qu’après avoir placé les relations entre acteurs, plutôt que l’espace, au cœur conceptuel du territoire qu’il devient possible de saisir la manière dont les territoires spatiaux et non spatiaux sont superposés et inter reliés de multiples façons. ». Le processus de formation du territoire est très différent de celui de l’espace : l’espace est « concret », résultat de l’action de la société, système des lieux et des localisations ; le territoire est une pratique sociale, « identitaire », système d’acteurs en interaction agissant sur l’espace. Cette pratique sociale, c’est la création d’une territorialité que Raúl Prada (1996) définit de manière intéressante : « le concept de territorialité suppose la créativité sociale de l’espace, c'est-à-dire la capacité de produire un espace propre » (p. 16).

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L’identité

« C’est de l’identité Qu’est née la différence » Heinz R. Pagels L’univers Quantique

Le débat sur l’identité a été largement engagé en géographie et ceci depuis Vidal de la Blache et l’acceptation d’un certain déterminisme entre le géographique et le social (voir pour cela Glacken, 2000, 2002, 2005, 2007; Debarbieux, 2006).

L’identité se définit comme une forme collective de relation { un objet, au moyen d’un certain nombre de symboles qui sont appropriés (auto identification) et pour lesquels la société reconnait une certaine légitimité dans cette appropriation (reconnaissance) ; « l’identité des uns passe par le regard des autres » (Marié, 2004). C’est donc un processus d’interaction entre un individu et le collectif au moyen de symboles légitimés. L’identité c’est aussi ce qui distingue un individu des autres, qui lui donne son caractère unique mais surtout qui permet à ce caractère de perdurer dans le temps. S’identifier, c’est devenir identique { quelque chose ou quelqu’un (la sphère d’identité) et c’est aussi s’individualiser par rapport aux autres (l’extérieur de la sphère). En psychologie ou psychanalyse, l’identité est attaché au Non-moi, souvent absent, et nécessitant par l{ même une représentation qui assure cette identification. La reconnaissance au ‘non-moi’ occasionne souvent des modifications substantielles de l’aspect, du comportement, des formes de pensée, etc. chez les individus sujets. La démarche d’identification est donc par définition structurante. Un des éléments de cette structuration est la mémoire ou le patrimoine, éléments indispensables à la transmission de cette identité, qui peut être fugace comme très permanente dans le temps. C’est ainsi que les jeunes s’identifient par leurs vêtements, leurs cheveux, leur tatouages, …, les équipes de football et leur supporters par le maillot, …, et les villageois des Andes par leur tissu ou leur chapeau, etc.

L’identité n’est pas la culture. L’identité s’inscrit dans une culture.

La construction de l’identité ou de la culture s’effectue par des pratiques, et en particulier par des pratiques de l’Espace, en tant que support collectif. La répétition des pratiques, comme modalité de relation sociale, et comme forme de réponse et d’adaptation { l’espace conduit { des formes d’identités spécifiques, qui se distinguent, par définition, des modalités d’autres espaces, et peuvent créer, dans le temps long, une culture. Berger & Luckmann, 1986, parlent d’une socialisation primaire, non spécifiquement cognitive, mais surtout chargée de relations émotionnelles fortes qui permettent une intériorisation du fait identitaire. Les rites initiatiques, encore présent en occident, obligatoires dans les Andes, sont des éléments privilégiés de la reconnaissance de l’autre et de l’affirmation de l’identité. Dans les Andes, cela commence par le nom et le prénom, puis la coupe d’une mèche chez les garçons (le rutuchikuy qui a remplacé l’ancien rite de puberté, le warachikuy) et le perçage des oreilles chez les filles (entre 3 et 5 ans) qui permet l’élargissement du cercle des relations de l’enfant et montre son appartenance à la communauté, formalisée ensuite lors du mariage et de l’expression du statut social { l’intérieur de la communauté (Malengreau, 1995; Lestage, 1999). On peut noter, comme illustration de ce processus d’intériorisation primaire, la reconnaissance du territoire national qui se fait au moyen du service militaire, ou l’appartenance { une religion (la confirmation, la circoncision, etc.).

Enfin, les identités ne sont pas immuables, tout comme les cultures. De tout temps, elles ont évoluées, en fonction des modes de vies, des modes tout court, des relations sociales elles

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mêmes. Cette évidence est souvent oubliée même par des théoriciens comme Arjun Appadurai, qui finit par nier la notion même de culture (pour des raisons de primitivisme), pour ne s’attacher, dans la tradition gramscienne, qu’{ l’imaginaire et { la globalisation comme moteur des ‘subalternités’ (Appadurai, 2001). Cet auteur (tout comme Giddens par exemple) considère, au nom de cette dés-identification, que la relation au territoire s’efface avec la mondialisation, et que les relations s’effectuent dans des réseaux, dont les medias sont les moteurs. L’espace devient fluide, déterritorialisé, ponctué des seuls éléments de l’imagination, créateur de ‘locality’ et de ‘scape’ ou s’effectue la circulation des idées, de la finance, des personnes, etc. Appadurai parle même de rupture, de changement radical dans la construction des identités, dans laquelle la mixité, par le biais des medias et des mobilités, jouerait le rôle essentiel.« Les groupes migrent, se rassemblent dans des lieux nouveaux, reconstruisent leur histoire et reconfigurent leur projet ethnique... désormais, les groupes ne sont plus étroitement territorialisés, ni liés spatialement, ni dépourvus d'une conscience historique d'eux-mêmes, ni culturellement homogènes » (p. 89). Sommes-nous réellement dans une analyse des impacts de la mondialisation, ou dans une fiction de la nouvelle modernité occidentale, à la manière de Barjavel ! Je préfère m’attacher { des conceptions peut être moins imaginatives, mais sans doute plus significatives des relations sociales, comme celle de Castells, 1999, par exemple (cité par Alphandéry & Bergues, 2004) qui pense que « ce qui caractérise la nouvelle structure sociale, la société en réseaux, c’est que la plupart des processus dominants, ceux qui concentrent le pouvoir, le capital et l’information, sont organisés dans l’espace des flux. Mais la plupart des expériences humaines restent locales et ce qui fait sens pour les êtres humains le demeure aussi ».

La localisation, l’identification, la création d’une identité de groupe, etc. restent des mécanismes étroitement liés à la vie sociale. Loin de se délayer ces mécanismes se renforcent car l’évolution de la société (qui n’est pas forcément celle de l’Etat) semble aller vers plus de complexité dans les rapports sociaux et les organisations collectives que dans une espèce de ‘dérive et d’errance dans l’espace monde’. Bourdieu, 1977, l’exprime ainsi pour ce qui concerne la perception sociale du corps. « Le corps socialement objectivé est un produit social qui doit ses propriétés distinctives { ses conditions sociales de production et le regard social n’est pas un simple pouvoir universel et abstrait d’objectivisation, comme le regard sartrien, mais un pouvoir social, qui doit toujours une part de son efficacité au fait qu’il trouve chez celui auquel il s’applique la reconnaissance des catégories de perception et d’appréciation qu’il lui applique » (page 52). Il suffit de remplacer le mot corps par le mot territoire, pour comprendre que le territoire se construit sur la base de référents sociaux, qui différent selon le groupe auquel ils s’appliquent, mais qui reste social. Et dans ce sens, l’expression de Brunet et al., 1993, prend aussi tout son sens : « Le territoire est { l’espace ce que la conscience de classe est { la classe : quelque chose que l’on intègre comme partie de soi, et que l’on est prêt { défendre » (page 480). Et bien sûr, le glissement vers la Formation Economique et Sociale de l’Espace, chère { Santos, 1996a, devient nécessaire à condition que nous remplacions le mot espace par le mot territoire, liant ainsi « le mode de production, la formation sociale et [le territoire] comme trois catégories interdépendantes » (page 22), lesquelles nous pourrions, au final, analyser à partir des fonctions de Brunet, 1997. Nous avons alors ici une représentation cohérente que nous pourrions appeler une hexis spatiale, dans le sens de Thomas d’Aquin ou de Marcel Mauss : les faits sociaux ou la praxis permettent une intériorisation de certains caractères « modèles » ou de référence significatif de la position sociale ; ils permettent de se « socialiser » et de s’identifier par rapport aux lieux, au sein d’un territoire.

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Pinxten, 1997, considère qu’il existe trois niveaux dans l’identité : individuelle, groupal et communautaire.

L’identité individuelle est un paradoxe puisqu’elle se réfère { la manière dont nous sommes différents des autres, mais aussi à ce que nous avons en commun : c’est la photo contre la nationalité. Le premier caractère est changeant alors que l’autre est beaucoup plus stable ; les deux sont liés à des attaches culturelles et territoriales qui peuvent être multiples et générer des situations de crises par contradiction.

Certains auteurs (voir Tajfel & Turner, 1986; Pinxten, 1997) séparent volontairement les deux formes d’identité : l’individuelle étant réservée au spécifique, alors que l’identité sociale serait ce qui se rapporte à un groupe social déterminé (la famille, une classe sociale, une équipe de football, un syndicat, etc.), c’est { dire ce qui résulte de la conscience qu'a un individu d'appartenir { un groupe social tout comme la reconnaissance sociale de ce groupe qui justifie le sentiment d’appartenance. La création de cette identité passe par la construction de valeurs de reconnaissance, souvent appelées culture. L’identité culturelle est donc une tautologie, puisque l’identité ne peut se construire qu’{ partir de référents culturels, et vice versa. Les tensions entre identité individuelle et sociale sont souvent { l’origine de troubles ou de conflits, individuels ou collectifs.

L’identité communautaire concerne une référence { une période de temps ou un espace. La construction et la dynamique de cette identité communautaire se base sur des référents plus enracinés dans la religion, les coutumes, la langue, etc. c'est-à-dire beaucoup plus structurels. Ces référents fondent alors une mémoire, qui peut elle aussi se constituer en patrimoine. Le patrimoine est créé par des groupes d’acteurs, qui utilisent, entre autre, des éléments de l’espace pour construire leur propre identité. Il y a donc une différence entre le patrimoine territorial relatif { un groupe d’acteur, et le patrimoine spatial, dans un processus de « patrimonialisation » qui serait consensuel entre les acteurs, mais souvent le jeu de rapports de force et de positions dominantes (Barrère, 2003; Barrère et al., 2005; Requier-Desjardins, 2009). On répondra d’ailleurs à une autre question de Requier-Desjardins, 2009 (page 8) en affirmant qu’il existe plusieurs échelles (temporelles et spatiales) de références patrimoniales qui peuvent faire l’objet d’alliance ou de mésalliances entre groupe d’acteurs, d’adhésions ou de rejets, sans pour autant modifier les valeurs identitaires. Ce qui fait du patrimoine spatial une relation dépendante de son contexte et de son époque. Dans cet esprit dynamique, il faut se rappeler que le patrimoine n’est pas intangible. Comme nous le rappelle Absi, 2004, à propos de la mine de Potosi, « le patrimoine n’existe jamais que dans des appropriations et des configurations sociales et historiques particulières ». Bon nombre des lieux patrimoniaux dans les Andes ont été définis durant la période coloniale, en relation à une conquista espagnole et { la formation d’une bourgeoisie créole qui a voulu fondé l’identité nationale autour de ces lieux. Aujourd’hui les revendications indigène remettent en question non pas les lieux mêmes, mais leur signification symbolique, pour en resituer d’autres, plus attachés à leur propre histoire. Comme le signale Pascale Absi, les intérêts particuliers, souvent sous idéologie occidentale, forment la notion de patrimoine universel, et l’imposent comme forme d’identité aux propres acteurs de ce territoire ; le Cerro Rico est un lieu symbolique, mais il ne constitue un patrimoine qu’en référence { l’activité des espagnols, dont la mémoire n’est pas forcément partagée par les mineurs eux-mêmes. Il n’y a pas de patrimoine universel, et donc pas de territoire universel.

Nous passerons ici sur l’ensemble des mécanismes de construction de l’identité et de la mémoire, au travail de la symbolique des objets, du discours, de la représentation, de l’idol}trie,