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4 – Territoires et mobilités

4 – Ter ritoi res et mo b ili tés

4 – Territoires et mobilités

« Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : Un cycliste n’est stable sur sa bicyclette Qu’en avançant » Jacques Chirac, La France pour tous C’est l’hétérogénéité qui conduit au mouvement entre les lieux ; et c’est la mobilité qui fait la stabilité des sociétés.

Cette proposition peut paraître paradoxale mais, de fait, cette relation entre l’hétérogénéité et les mobilités est un champ de recherche encore vierge et pourtant à la base de la compréhension des processus spatiaux et économiques. La géographie a développé très tôt une culture du statique, immédiate, instantanée des phénomènes, dont la plus caractéristique est sans doute l’usage des statistiques des recensements. Elle rejoint en cela les économistes néo-classiques qui ont fait de l’immobilité des facteurs de production une condition de la possibilité d’équilibre spatial de l’économie (Aydalot, 1980).

« Parce que toutes nos observations débouchent sur le constat que les sociétés bougent, il convient de se préoccuper d’un nouvel objet de recherche qui oblige { repenser les catégories habituellement prises en compte dans nos sphères scientifiques, entre les milieux naturel et humain, la ville et la campagne, les sciences du ‘social’ et celles du ‘milieu physique’. Entre aménagement et production agricole, conditionnement de la récolte, transport, commercialisation, force de travail, influence de la ville et relation à la ville, mobilité et pluriactivité des ruraux, où placer les césures dans nos analyses respectives lorsque nous étudions le monde rural ? » (Marchal, 1997). On le comprend, il ne s’agit pas de réfléchir sur les mobilités dans le cadre des études classiques de migration, de multi résidences, de qualification transfrontalières ou multi-polarités, etc., où le géographique n’est finalement présent que par l’origine et la destination, toujours dans des instantanés (Mazurek, 2008; Mazurek, 2009c). Il s’agit de comprendre les mobilités comme facteur de réponse { l’hétérogénéité de l’espace et { la conformation de territoires. La question est par conséquent : comment, par la mobilité, la société est-elle capable d’optimiser l’usage de l’hétérogénéité spatiale, et de conduire à une dynamique de stabilité ?

« Assurément l’organisation de l’espace peut se définir comme le résultat de l’équilibre entre les facteurs de dispersion et de concentration { un moment donné de l’histoire de l’espace » (Santos, 1986, p. 20). La mobilité des biens, des personnes, des idées, etc. qui a lieu dans l’espace peut être liée à plusieurs processus sociaux :

Une tension permanente entre l’ancrage territorial et la pluralité des lieux, question centrale de la sociologie de la vie quotidienne, et de la distinction possible entre territoire et espace vécu, perçu, imaginé, etc., ou même espace de vie (Lindón, 2000) ;

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Un effet de groupe, significatif de l’activation de certains réseaux spatiaux plus que sociaux, la hiérarchie urbaine en est un exemple flagrant.

Ces processus se réfèrent à 3 thématiques de base : la relation de proximité (qui concerne le lieu), les réseaux (qui concernent l’espace), et la relation mobilité – identité (qui concerne le territoire).

Les économistes des sciences régionales ont abordés très tôt ces questions de lieux, car il existe

évidemment une relation causale, mais difficile, entre lieu – hétérogénéité et économie. Les

lieux, dans un milieu hétérogène, sont plus ou moins appropriés pour des activités productives spécifiques. Un lieu devra donc se contenter de certaines activités, et devra complémenter ses besoins au moyen de la mobilité, soit de moyens de productions, soit de biens et service à la production. La combinaison de cette création – modification des lieux par la mobilité d’une part, de la construction d’une identité des lieux d’autre part, fait que la mobilité participe { la construction des territoires et { leur dynamique. L’intérêt de l’étude des migrations, pour les géographes, ne réside pas dans les réseaux sociaux, les flux ou les localisations origine – destination, constituant une géographie évènementielle ou une démographie dynamique ; mais bien de comprendre en quoi cette mobilité construit ou modifie les espaces et les territoires à tous les niveaux, celui du local comme celui des grands enjeux internationaux.

Fonction

territoriale Mobilité circulatoire Mobilité ou migration lointaine

Appropriation

Formes comparées d’appropriation collective de l’espace (biophysique, culturelle,

économique, sociale) ; Formes

d’organisation ; Formes d’intégration locale ; Formes de reconstruction identitaire

Modalités d’appropriation territorial en comparaison avec l’espace de référence (idéalisation) ; Critères de promotion territorial; Processus individuel ou collectif du retour; Modification des organisations.

Exploitation

Type d’activité (en particulier les femmes); formes collectives et division sociale du travail; Modification de la tenure de la terre; Mobilité sociale.

Modification du patron productif ; Apprentissage ; Mobilité sociale ; Spécialisation productive; Investissement; mobilités urbaines.

Occupation Type d’habitat ; Rôle de la famille et de la communauté ; relation privé / public ; Reconnaissance ; Mobilité sociale.

Modalités des formes de reproduction de l’habitat ; Notion de patrimoine; Relation avec l’urbain et création d’un nouvel urbanisme.

Echange Réseaux de relations entre familles et espaces ; Processus individuel et collectif; Rôle des TICs; Réseaux spécifiques ; Mobilité sociale et spatiale ; Attraction et trajectoires.

Gestion

Aspect politique et organisationnel ; Services – Infrastructure ; Flux financiers

Participation ; Services; Intégration / Contribution locale

Notion de citoyenneté ; modernisme Relation avec la communauté d’origine Politique de re-intégration – coopération – investissement

Tableau 3: Mobilité et fonctions territoriales, élaboré d’après Mazurek, 2009c

L’espace vécu des nomades est un espace de mobilité (Bernus, 1995a; b, Retaillé, 1998, 2007), comportant une armature de lieux qui lui sert d’orientation et de système d’appropriation, changeante en fonction des saisons, et rythmant ainsi les mouvements. Le territoire approprié est

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constitué de cet espace de mobilité. Et il ne faudrait pas croire que cet espace vécu soit celui du rural et du traditionnel ; comme nous le rappelle Frerot, 1999, « la représentation maure de l’espace urbain est totalement imprégnée du mode de vie nomade ». Une question d’actualité puisque malgré des références fortes à la ville, on ne peut parler de civilisation urbaine pour les nomades. « Au Sahel, la mobilité a toujours constitué un mode original de gestion de l’incertitude » (Walter & Retaillé, 2008). Le parallèle est évident avec la forte mobilité des populations rurales des Andes, lesquelles, dans certaines situations, nous pourrions qualifier de nomades. Cette mobilité est également centrée sur une armature de lieux, et des centralités urbaines (petites et moyennes villes), dans lesquelles se reproduisent les modèles de la vie rurale aymara, fortement soumises à des incertitudes variables. La ville de El Alto est un cas particulier de cette centralité, construite comme un compromis entre le mode de vie rural Aymara, et la nécessité de s’intégrer dans l’urbain. L’analyse de Retaillé, 1998 : « ce milieu [nomade] est par ailleurs ‘construit’ non sur l’homogénéité du désert mais sur la complémentarité des sites joints qui forment un territoire », s’applique parfaitement aux Andes, qui sont pourtant hétérogènes mais empreintes de ces complémentarités qui forment territoire. Et Retaillé de compléter (p.72) que c’est « l’espacement qui rend nécessaire la circulation et non pas directement l’aridité, ce qui explique que tout le peuplement ne soit pas mobile ». La complémentarité des fonctions de productions dans des territoires morcelés permet ainsi le mouvement mais aussi la mixité des groupes sociaux autour de l’usage de la ressource.

Dans les Andes, la mobilité fait partie intégrante de l’association lieux – mouvements. Les familles ont un habitat - centre, lieu de naissance, (uta), mais ont aussi des lieux d’habitation secondaire (jant’a). La multi-résidence est d’ailleurs un des problèmes d’estimation de cette mobilité, car elle n’est pas souvent déclarée, ou peut être éphémère.

Ce qu’ont montré Condarco & Murra, 1987, c’est que la mobilité des personnes vers des étages écologiques lointains – jusqu’{ 10 jours de marche – était une conception même de l’espace. Ainsi l’espace n’est pas mobile (voir Retaillé, 2005) mais l’espace est mobilité. L’espace n’est pas le résultat des actions d’une population sédentaire, mais au contraire d’une société mobile. C’est d’ailleurs dans la mobilité que l’identité prend sa légitimité, et non dans la sédentarité. La sédentarité n’est donc pas une opposition au nomadisme (Retaillé, 1998) mais le résultat de la division du travail et des formes de spécialisations productives qui obligent à diminuer la mobilité des hommes en créant de l’économie de proximité !

La mobilité, caractéristique des Andes, remet-elle en question la dualité indigène – étranger ? Ou renforce-t-elle au contraire le sentiment d’identité territoriale ? Ou faut-il penser qu’au travers de cette mobilité, l’indigène cherche son identité ? Comme le souligne Marié, 2004, le territoire n’est pas seulement une question de relation entre la Terre et l’Indigène, mais « il devient une sorte de triangulation : l’indigène sans son rapport au terroir certes, mais ce rapport n’est jamais possible sans le regard de l’étranger. En ce sens, l’étranger sous toutes ses formes, dans toutes ses gradations (tiers inclus ou tiers exclu), est le miroir réfléchissant sans lequel la société ne peut produire sa culture. » (p. 186).

C’est pour cette raison aussi que la mobilité est très souvent attachée { la centralité. Car le lieu central est le lieu où la communauté pourra échanger avec l’autre, et parfois l’étranger. Les places de marchés sont choisies dans ce sens ; elles sont toujours situées dans des endroits stratégiques, confluences de chemin, lieu symbolique, ou terrain neutre, qu’ils soient urbains ou ruraux. La centralité, c’est aussi la ville, qui apporte son lot de transformation culturelle, et d’insertion dans une modernité difficilement compatible avec les principes de la cosmovision andine. Beaucoup d’études ont montré l’importance des mobilités et migrations urbaines, sous

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des aspects très divers (flux financiers, foncier, rituels, violence, etc.), dans ces mutations culturelles, souvent en dehors des cadres préétablis de l’Etat et même des scientifiques : « les migrants réussissent à établir une série de dynamiques sociales et de pratiques culturelles qui dépassent les logiques restrictives des Etats et arrivent à avoir leur propre dynamique de reproduction et de maintenance » (Herrera, 2008). La plupart des recherches sur les migrations se basent sur les mouvements internationaux ; elles insistent sur le maintien des attaches au lieu d’origine, et souvent sur le renforcement des liens communautaires, au travers de la reproduction des rituels, des fêtes, ou de l’investissement dans les infrastructures communautaires (Faret, 2003; Benecio, 2004; Cortes, 2004; Giorgis, 2004; Hinojosa, 2004; OIM, 2004; Sassone et al., 2004; Villa & Martinez Pizarro, 2004; Herrera et al., 2005; CEPAL, 2006; Cogneau & Gubert, 2006; De la Torre, 2006; Zlotnik, 2006; Canales, 2007; Pellegrino, 2007; Fibbi & d'Amato, 2008; Baby-Collin & Sassonel, 2010). C’est une conclusion intéressante face aux discours sur la mondialisation qui annonce la fin des territoires. Le maintien des liens et des réseaux territoriaux, la conformation de diasporas, renforcent les échanges et les formes hybrides de culture, conditions de maintien de la territorialité, et de recomposition des espaces et des lieux dans des processus globaux (Gupta, 1997; Safran, 2004). « L’hypothèse que nous présentons ici associe deux choses qui semblent impossibles à associer, c'est-à-dire, vivre et agir à la fois ici et là-bas » (Beck, 1998, p 52).

Cette focalisation sur les migrations internationales fait que les chercheurs délaissent, en Amérique latine, les études sur les formes de diasporas internes, comme le sont les communautés Aymara à Santa Cruz, ou les Quechua dans les zones de colonisation des Terres basses. Les formes de mobilité, de multi-résidence, sont pourtant des modes de brassage des pratiques culturelles encore plus intéressantes, puisqu’elles concernent des appropriations de multiples espaces sous des formes identitaires différentes, et la conformation de multiples territoires qui sortent des cadres de la norme institutionnelle.

Chez les U’wa de Colombie, le territoire est vaste ; la mobilité est essentielle { l’organisation du territoire et { sa cohérence dans le temps et dans l’espace. Les espagnols, au XVIIème, ne comprirent pas cette logique et qualifièrent cette population de nomades. Ne disposant pas de population permanente sur des lieux, dans le sens de la finca espagnole, ils ne pouvaient donc pas posséder des terres ni de territoires, au sens occidental de la propriété (Falchetti, 2007). Cette anecdote, ancienne, est encore valable de nos jours. Les TCO de Bolivie (Terre Communautaire d’Origine), censées apporter aux populations indigènes un territoire « officiel », sont en fait des titres de propriétés, certes communautaires mais privés, qui ne respectent pas les modes d’appropriation ni de mobilité de ces populations. Pour moi, ce sont des formes d’attribution de territoires dans le modèle des réserves indiennes d’Amérique du Nord.

Qui pense aujourd’hui, dans les politiques foncières des pays Andins, { intégrer des modalités de propriétés « tournantes » dans le temps et dans l’espace ?

Lors d’un colloque que nous avions organisé sur la construction de la nouvelle constitution (Benavides & Mazurek, 2006), Jorge Miranda, professionnel indigéniste, alors Directeur de la planification, avait fait une proposition dans le sens d’intégrer les dimensions de la mobilité horizontale et verticale des acteurs andins dans les nouvelles méthodologies multiculturelles de l’aménagement du territoire. Comme nous l’avions signalé dans les conclusions de ce livre, l’incompréhension fut totale entre le monde indigène et les mondes scientifique et politique. L’imposition d’un cadre territorial institutionnel, sur le modèle napoléonien, suppose une stabilité, au moins statistique, des populations ; il nous est toujours difficile de penser en dehors de frontières !

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Un travail de mémoire d’anthropologie réalisé sous ma direction par Rodas Arano, 2010, sur la commune de San Benito (près de Coroico, Yungas) a porté sur les caractéristiques des processus identitaires dans des communautés de migrants permanents, où il existe des liens extrêmement forts entre les membres de la communauté, même si la plupart du temps cette communauté est vide des ses habitants. Elle s’est créée après la réforme de 1953, par translation des habitants de l’hacienda de San Benito où ils avaient été, tous, esclaves. Depuis cette époque, la population est en perpétuel mouvement, mais garde pour centre le village de San Benito dans lequel ils disposent de terres et continuent leurs activités de productions et de rituels festifs. Même les enfants nés en dehors du village reviennent pour maintenir l’équilibre de la communauté basé sur le principe « andando y trabajando somos comunidad » (en mouvement, mais travaillant, nous sommes une communauté).

Carte 8: Réseaux de mobilité et centralité de l'identité

Ce graphique montre les espaces conformés par les mobilités des communautaires de San Benito, et en encarté, les lieux fréquentés ou habités par les familiaux de deux permanents du village, faisant partie de la

communauté et y revenant pour travailler la terre et participer aux fêtes et rituels.

« Nous partions, mais nous revenions pour travailler notre terre… Nos enfants aussi s’en allaient et revenaient… D’autres étudiaient et sont revenus… Moi, je sors, je sais aussi (en souriant), mais je reviens car je suis de San Benito. Je dois travailler mes terres ‘pues’… Maintenant, mon fils est en Argentine, mais pendant les fêtes il revient, il ne s’en va pas. D’autres de mes enfants travaillent la terre ici avec moi. Certains de mes petits enfants aussi. D’autres sont dans d’autres endroits mais reviennent, bien que je ne les vois pas souvent. Ils ne s’en vont pas, ‘pues’… Je vais leur donner en

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héritage ma pelle pour qu’ils puissent travailler la terre. Mais aussi ils m’apportent des choses de par là bas. » (Martín de San Benito). L’ancrage territorial fonde la communauté, au travers des réseaux sociaux qui peuvent être internationaux, mais toujours en relation au village-centre. Je reproduis sur la carte 8 une synthèse de ces travaux, lequel nous montre la complexité de ces réseaux sociaux du quotidien.

Les mobilités qui conforment ces espaces sont très diverses. Elles peuvent prendre la forme de mobilités courtes (en distance ou en temps) pour exploiter des terres en bordure du lac Titicaca, pour travailler ou commercer à El Alto, ou pour cultiver des agrumes ou de la coca dans les Yungas. Les mobilités peuvent être de durée et de distance plus importantes pour avoir contracter un travail ou un mariage au Pérou ou en Argentine, ou parce que des enfants sont partis vivre à Santa Cruz. Dans tous les cas, ces familles reviennent de manière relativement constante au moment des récoltes, ou de la fête du village. Les migrations plus lointaines, comme en Espagne font l’objet de retours épisodiques. Dans tous les cas les liens ne sont jamais rompus et les mouvements au sein de la communauté sont incessants ; tous les membres y sont répertoriés, y compris les cousins ou les petits enfants qui ne sont pas nés à San Benito, mais qui font partie de cette identité territoriale. « En conclusion, une communauté conformée par des personnes nées dans des lieux divers, et influencée par les déplacements de ses membres pourrait être caractérisée comme une population sans racine. Cependant, les participants [aux entretiens] avaient une identité commune enracinée dans la terre de San Benito. Clairement, tant l’identité comme la terre fonctionnait comme des fils conducteur qui donnaient une cohésion aux intégrants pour constituer la communauté et aux lieux pour conformer le territoire. Par conséquent, la communauté de San Benito se construisait constamment par les moyens des réseaux sociaux, mettant sur pied de nouvelles territorialités prenant fondement dans la mobilité. » (Rodas Arano, 2010, p.63). Plus concrètement, lorsque nous nous déplaçons { San Benito, c’est pour trouver une communauté qui ne cesse de croître, ajoutant chaque fois de nouveaux lieux et de nouvelles terres, ce qui se remarque dans le paysage, mais où vous aurez peu de chance de trouver quelqu’un qui puisse vous faire visiter le village !

Il s’agit d’une combinaison entre des mobilités circulaires52, caractéristiques de ces populations, qui associent des temps courts, de faibles distances, et des relations fortes avec le lieux de départ (Bonnemaison, 1977), et des formes de nomadismes comme « espace ouvert à tous les possibles » (Retaillé, 1998b), qui montre que le territoire est enracinement, dans un espace qui est mobile (Bonnemaison, 1981).

La rupture de cette circularité, en particulier par l’éducation, l’attraction de la modernité et de la surconsommation dans la ville, la recherche de stratégie individuelle, etc. est un facteur de recomposition importante dans les Andes. Sur l’Altiplano, le remplacement d’une mobilité verticale ou horizontale par une migration urbaine se traduit par une crise démographique et spatiale qui risque d’être fatale pour les communautés traditionnelles (Mazurek, 2010b). « La logique de l’archipel et du contrôle vertical s’évanouit, des carreaux de la mosaïque s’effritent, provoquant la désagrégation de l’ancienne trame de la vie économique et des relations » (Dollfus, 1978). Ce n’est pas une spécificité des Andes ; il est possible de voir, dans les pays occidentaux et les grandes villes, que la mobilité dans un cadre de complexification des territoires engage un processus de distanciation entre la composante relationnelle et la composante idéelle dans le maintien des composantes identitaires sur le territoire (voir plusieurs exemples dans le livre de

52

« S’il fallait définir la migration circulaire par une formule simple, on pourrait dire que le migrant quitte son île ‘pour mieux y revenir’ » (Bonnemaison, 1977, p.3).

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Séchet et al., 2008). Le déséquilibre entre les deux peut conduire à des ruptures qui se traduisent en retour ou en migration.