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7 – Territoires, interdisciplinarité et complexité

7 – Ter ritoi re s, in ter d isc ipli n arité et c om ple xité

7 – Territoires, interdisciplinarité et complexité

“Les idiots ignorent la complexité. Les pragmatiques en souffrent. Certains parviennent { l’éviter.

Les génies la suppriment.” Epigrams on Programming, Alan J. Perlis

Je ne saurai faire de parallèle entre cette citation et la situation de la géographie, mais il est certain que nous souffrons de notre incapacité à expliquer des processus aussi complexe que les interactions humaines ; parfois nous faisons les idiots en proposant des relations si simples ou tellement compliquées qu’elles nous discréditent. Mais il est difficile de l’ignorer, tout comme de la supprimer.

De l’exposé que je viens de faire sur la différentiation entre espace et territoire et du rôle de l’acteur – action dans ce processus de distinction, il faut retenir que la géographie n’est plus seule sur le terrain du spatial. Au moins 6 domaines scientifiques y sont présents : l’éthologie, l’écologie humaine et la psychologie sociale dans une perspective interactionniste (donc la sociologie), la géographie et la philosophie, et sans doute aussi l’économie. Mubi Brighenti, 2009 & 2010, propose de créer la « territoriologie », non comme discipline mais comme dialogue transdisciplinaire sur des problèmes situés dans leur contexte. On peut faire effectivement la constatation que les emprunts disciplinaires qui ont servi à rédiger ce document ont été tirés d’un matériel d’une richesse extrême, dont je n’ai exploré qu’une partie très superficielle. Mais il est une observation intéressante que l’on peut faire ressortir de toutes ces lectures, c’est la place de l’espace, moins du territoire, dans la préoccupation de ces disciplines. Cette observation me conduit à une question : l’espace, et le territoire, peuvent-il servir de support au dialogue pour la construction d’une théorie du social ? Y-a-t-il un intérêt { centrer l’objet sur l’espace, plutôt que sur le temps ou sur le groupe social ? Quelle est alors la place de chaque discipline dans ce dialogue et par rapport aux objets ?

Nous sommes tous confrontés à la contradiction entre fragmentation et spécialisation de la recherche dans les disciplines d’une part (et { la diminution conséquente de la réflexion théorique), et le caractère holistique des grands problèmes de la société d’autre part. Nous sommes submergés par de grands enjeux comme le changement climatique, le développement durable, la globalisation, la gouvernance, etc., et notre action devient de moins en moins visible et intelligible, parce qu’elle ne s’occupe que d’une fraction de ces enjeux. Cette contradiction pousse { l’interdisciplinarité mais avec des moyens épistémologiques et méthodologiques encore très limités.

Le recours { des langages communs, mathématiques entre autres, n’a pas vraiment fait ses preuves dans les années 1990, ni la recherche de « metasciences » qui gommerait les frontières disciplinaires autour d’une grande problématique (l’environnement par exemple), ni l’introduction d’une « complexité » ou d’une « systémique », annoncée depuis les années 70, qui n’a pas donné non plus de résultats très probants sur l’explication des problèmes du monde (Billaud, 2003). Nous

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ne parlerons évidemment pas des structures de l’enseignement et de la recherche qui imposent trop de barrières structurelles et psychologiques à ce dialogue.

Quel rapport avec les Andes ?

Le rapport est celui de la conception même de la science occidentale, dans un contexte rationaliste et positiviste. L’interdisciplinarité est elle possible dans un tel contexte occidental ? On peut même se demander, comme Le Moigne (2002, p. 164) si « l’interdisciplinarité est épistémologiquement tolérable ? ».

Elle est possible lorsque tous les acteurs impliqués se basent sur une même cosmovision, holistique dans son rapport { la nature (et la nature des choses). Elle n’est sans doute pas possible dans le cadre d’une rationalité disciplinaire. Georges Benko disait que « si la science a envie d’aller plus loin qu’une discipline néopositiviste […] elle doit élargir ses fondements épistémologiques et, { la fois, son champ de connaissance et d’action » (in Viana Hissa & Ribeiro, 2010). La pratique des méthodes, dites systémiques, de l’aménagement du territoire, et la construction des nouvelles politiques d’aménagement du territoire tant en Bolivie qu’en Colombie m’ont conduit { la réflexion (tout comme l’analyse que fait Kalaora, 1999 des experts internationaux) que nous devions modifier le sens de la contribution des disciplines à des positionnements problématiques plus larges. « La connaissance ne se définit pas comme la mise à distance des processus sociaux, mais comme un processus réflexif dans les processus sociaux » (p. 517, cité également par Billaud, 2003, p. 33). La démarche que nous devons adopter est celle de la modification de la production des savoirs, incluant des interfaces autant avec les autres disciplines qu’avec la société civile. Cette démarche peut se symboliser par les deux schémas suivants. A gauche, une démarche « classique » d’aménagement du territoire telle que pratiquée par les ingénieurs des ministères et des ONGs de la plupart des pays d’Amérique latine. Le point de vue techniciste, rationnel, y est prédominant. Chaque discipline doit répondre en proposant son analyse qui sera ensuite soumise { un assemblage systémique. C’est cette solution, la synthèse, qui sera proposé { la demande sociale. A droite, une démarche qui part du problème de la demande sociale (ou plus généralement d’une problématique systémique) et pour lequel nous allons interroger les disciplines pour connaître les éléments de réponses possibles et les assembler dans un nouveau questionnement qui sera soumis à la demande sociale.

Figure 23: Démarches pluri et inter disciplinaires

La différence fondamentale entre ces deux démarches provient de la manière dont la connaissance est produite, car une des grandes confrontations, dans les deux cas, est de savoir s’il

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est possible ou pas de répondre au problème. Dans le premier cas, on suppose que la connaissance est suffisante et si telle n’est pas le cas, on remet ou non en question cette connaissance (approche descendante au moyen de la fameuse ‘problématique’ qui fait avancer les disciplines) ; dans le second cas on évalue le niveau de connaissance et on produit de la connaissance pour répondre directement au problème au moyen du questionnement disciplinaire (approche ascendante).

Nous sommes dans deux démarches très distinctes : la pluridisciplinarité qui se rapproche, même s’il existe un dialogue, d’une cohabitation des disciplines ; et d’une interdisciplinarité, qui est la construction, à partir des connaissances existantes, d’un objet commun, ici une problématique relative à un besoin social.

La démarche descendante est la plus commune dans les méthodologies d’aménagement du territoire en Amérique Latine, et nous avons essayé de changer ces méthodologies pour les faire évoluer vers une démarche ascendante, en y associant un questionnement basé sur des méthodes participatives de partage des connaissances avec les acteurs concernés59. Il est intéressant de constater que ces nouvelles méthodes furent bien acceptées par les populations locales, ainsi que par les ingénieurs de la planification ; beaucoup moins par les instances politiques et administratives. Pour donner un exemple de cette différence de démarche, je donnerai cette anecdote qui eut lieu lors d’une réunion de la commission des risques naturels, dans le cadre d’un atelier pour la construction de ces nouvelles politiques d’aménagement du territoire, au Ministère bolivien du développement durable. L’ingénieur en charge de la sécurité civile posa d’emblée le problème des risques naturels comme une nécessaire coordination entre les disciplines et les administrations, proposant un tour de table pour connaître les potentiels participants à de telles études. Sa vision étant celle d’une expertise où chaque discipline proposerait une interprétation et des solutions aux problèmes des risques naturels. Géologues, géographes, sociologues, etc., présents montrèrent tous leur intérêt et leur compétence dans ce domaine. Vint le tour du représentant de l’Education Nationale qui nous présenta sa perception d’une manière très distincte (traduction approximative) : « il est hors de question pour nous d’enseigner le risque naturel, d’apprendre { nos enfants que la Pachamama engendre des risques, et même que le risque puisse exister dans une cosmovision andine. Dans la nouvelle réforme éducative, il s’agit d’apprendre aux enfants notre intégration dans la Pachamama et l’usage de notre savoir dans le respect de la Pachamama ». Stupéfaction dans la salle, y compris de moi-même. Mais finalement sa réflexion, même si elle était baignée d’indigénisme politique, n’était pas sans fondement. Il proposait de partir d’une conception et de b}tir un savoir autour de cette conception. Ne peut-on, dans une démarche interdisciplinaire, considérer que nous ne savons pas résoudre le problème ? Que ce problème doit nous amener à une autre réflexion, une autre conception de nos pratiques scientifiques qui intègre le problème lui-même ?

Comme nous l’avons vu, le risque est affaire de perception et de comportement, peu de technique. Analyser les risques, les évènements et les effets dans une approche techniciste n’apporte pas forcément une réponse au problème. Considérer que la Pachamama « est la plus forte » et qu’il est nécessaire de la respecter, en s’adaptant { ses contraintes et en profitant de ses bienfaits, est sans doute une approche très possibiliste, mais est à réfléchir dans la démarche scientifique ! Sans doute la première méthode ne fera que construire des maisons antisismiques, alors que la seconde proposera de modifier les comportements pour éviter les lieux où la

59 Ces méthodes ont été appliquées en Bolivie à Calamarca et à Potosi et transcrites dans un document officiel de la direction de planification avant qu’elle soit dissoute ; et en Colombie par le groupe de planification rurale du Centre International d’Agriculture Tropicale, Cali.

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Pachamama est en colère. Dans le premier cas nous appliquerons un savoir construit a priori ; dans le second nous remettrons en question ce savoir pour en construire un autre, adapté à la situation. Les méthodes de recherche participative, et participative – action se sont développées dans ce cadre. Tout un courant du postmodernisme et de la phénoménologie, venu principalement du monde de la recherche agricole, aussi bien de France que de Hollande et du monde anglo-saxon, propose une nouvelle façon de voir la recherche : « learning together for change » selon l’expression de Hagmann, 1999 ; recherche participative conduisant à un double processus d’innovation de la part des chercheurs et de la société civile. Des auteurs comme Ashby & Sperling, 1995; Probst et al., 2003, faisant référence aussi aux travaux de Chambers, 1993; Janssen & Goldsworthy, 1996; Engel, 1997; Douthwaite, 2002, ont créé une dynamique autour de ces recherches au sein du groupe INRM du CIAT60. Du côté français, l’INRA et le groupe SAD (Département des Sciences pour l’Action et le Développement avec Jean-Pierre Deffontaines), ainsi que certains laboratoires de l’ENGREF (autour de Sylvie Lardon) (Debarbieux & Lardon, 2003; Angeon et al., 2006; Benoît et al., 2006) en ont fait leur ligne principale de recherche qui nous a laissé une bibliographie impressionnante. Toutes ces recherches se sont situées à l’interface entre l’agronomie et la géographie, avec une place centrale donnée au territoire, puis sont apparues dans la course des disciplines comme l’économie ou l’écologie. Ces disciplines ont pu dialoguer car elles avaient une préoccupation commune : le développement rural, surtout dans des contextes de grande pauvreté des populations. Malgré de nombreuses critiques sur le caractère de recherche-action de ces méthodes, voire de « recherche appliquée », on peut affirmer aujourd’hui que ce que l’on peut générer comme dialogue entre scientifiques et population locale pourrait très bien s’appliquer au seul monde scientifique. Nous sommes capables de résoudre sur le terrain des problèmes d’une grande complexité comme le maintien de la biodiversité, et nous ne saurions pas le faire dans des laboratoires ? Ou alors, l’interdisciplinarité ne pourrait se penser que dans le cadre d’opérations finalisées ?

Dans tous les cas, nous partons sur une fausse piste si nous considérons l’interdisciplinarité comme « une démarche de recherche construite en assemblant de façon méthodique des connaissances » (Jollivet & Legay, 2005). Si l’interdisciplinarité est une démarche, c'est-à-dire une façon de penser, elle doit se formaliser dans une organisation, dans le sens général du terme, qui ne doit pas assembler des connaissances mais construire des connaissances spécifiques au problème interdisciplinaire. Construire une organisation suppose d’avoir des règles de fonctionnement, c'est-à-dire une méthodologie de fonctionnement interdisciplinaire. Cette méthodologie ne doit pas être de « comparaison » ni de « croisement » ni de « transfert » des connaissances mais de construction de connaissances autour d’un objet scientifique donné. De même cet objet n’est pas forcément une construction de la demande sociale, il peut être constitué d’une question de recherche ; question de recherche qui peut être traitée dans le cadre d’une méthodologie participative. Tout en étant critique vis-à-vis du contenu du texte de Jollivet & Legay, 2005, très axé sur la méthodologie et la comparaison disciplinaire, on ne peut qu’être d’accord avec une des conclusions : « Finalisée ou pas, il ne faut pas oublier qu’il s’agit toujours d’une interdisciplinarité ‘cognitive’ et que cette dimension doit être mise en évidence par les acquis qu’elle permet. Et ceci à la fois quant à la compréhension des faits étudiés, quant à la construction des règles de dialogue et de travail en commun entre les disciplines et, le cas échéant, quant à la place et à la nature de l’action { mener » (p. 187).

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INRM : Integrated Natural Resource Management, groupe international de recherche des CGIAR (Consultative Group on International Agriculture Research)

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L’interdisciplinarité est aussi une affaire de migration. « L’histoire des sciences n’est pas seulement celle de la constitution et de la prolifération des disciplines, mais en même temps celle des ruptures des frontières disciplinaires, d’empiétements d’un problème d’une discipline sur une autre, de circulation de concepts, de formation de disciplines hybrides qui vont finir par s’autonomiser. » (Morin, 1994). L’effort du chercheur volontaire de l’interdisciplinarité est donc de développer des concepts, des notions qui « circulent et, souvent, traversent clandestinement les frontières sans être détectées par les ‘douaniers’ ». Et Edgar Morin de nous rappeler que les grandes explications du monde sont nées du contact entre des chercheurs d’horizons divers : la théorie de l’information et celle de l’ADN, l’anthropologie de Lévi-Strauss et la linguistique structurale de Jakobson, l’éthologie, l’archéologie et la génétique dans la connaissance de l’évolution humaine, etc. Briser les barrières semble donc être la destinée de l’interdisciplinaire. Dans ce sens, et pour répondre { la question de départ, le Territoire ne sera un concept fécond de la théorie sociale que si nous arrivons à le « faire circuler », { partir d’une définition séduisante du point de vue épistémologique. Rapport de force ? Sans doute ! Nous pouvons déjà démarrer ce chemin de croix en construisant une « identité disciplinaire : chercher des transpositions d’une science { l’autre permet d’abord de mieux réfléchir { ce qui fait la spécificité des objets dont s’occupe chacun » (Pumain, 2003) ; ensuite faire circuler cette identité en montrant sa spécificité et sa complémentarité.

Janssen & Goldsworthy, 1996, disaient que l’interdisciplinarité n’était question que de volonté, d’une part en essayant de comprendre ce qui faisait l’interface entre deux disciplines autour d’un même problème, et d’autre part en recherchant des solutions en dehors des disciplines qui aient une utilité pour la société civile. « L’interdisciplinarité est d’abord affaire de culture épistémologique et d’obstinée rigueur, et donc de civisme » (La lettre Chemin Faisant, nº39, novembre 2001).C’est aussi, selon Morin & Le Moigne, 1999, de retrouver une posture de « science avec conscience », et de retrouver l’homme dans les sciences sociales.

Nous savons donc comment faire de l’interdisciplinarité mais cette interdisciplinarité n’est pas forcément suffisante car il est aussi nécessaire « d’entrer en complexité », selon l’expression de Jean-Luc Bonnefoy, 2005. Il faut entrer en interdisciplinarité et en complexité comme nous entrons dans les ordres : avec une bonne dose de courage et de dévotion. « La complexité est beaucoup plus une notion logique qu’une notion quantitative » (Morin & Le Moigne, 1999, p. 46). C’est un peu le problème que nous avons aujourd’hui en géographie, lequel provient de la confusion entretenue par les fondateurs (Bertalanffy, 1973; Le Moigne, 1977; 1999) que la complexité, par l’analyse des systèmes, s’analyse par la modélisation, elle-même facilitée par le calcul. Ces auteurs de citer les équations différentielles, la théorie de l’information, la cybernétique, la théorie des jeux, de la décision, des réseaux, etc. Dans cette optique l’approche de la complexité par la modélisation, n’a finalement plus rien d’interdisciplinaire, seulement par le niveau de formalisation que l’on peut attribuer { chaque raisonnement en relation avec l’espace. Patrice Langlois, 2010, formalise ainsi un grand nombre de structures et d’interactions, dans un esprit de « rationalisation de la complexité géographique » : la structure, la hiérarchie, les géométries, les topologies, la matière et l’objet et leur processus de différentiation, l’interaction spatiale, etc. pour finalement s’organiser autour de deux notions a-spatiales : le vilain mot d’automate cellulaire, et le système { agents géographiques où l’interaction homme – espace ne relève plus que de la localisation. Même si ces formalisations, souvent mathématiques, sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes et discréditent en partie la relation à la complexité. Nous faisons ce que O'Sullivan, 2004, appelle un « philosophical twist » qui conduit au cercle vertueux de la génération de modèles complexes { partir d’une réalité complexe, qui ne finit que par tester la

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complexité du chercheur. Le modèle « n’apportent des surprises que parce que nous avons oublié d’y mettre des choses » (Pumain, 2003).

La complexité peut aussi s’aborder par des récits, des histoires, etc. qui montrent comment est le monde. Les modélisateurs doivent être avant tout des créateurs d’histoires, et non pas seulement des techniciens en mathématique. La démarche que proposait Bonnefoy, 2005, dans son document de HDR, était pour cela séduisante : remplacer l’agent – habitant par un agent – cognitif, en introduisant des éléments de représentations mentales, individuelles et surtout collectives dans la construction des systèmes multi agents, et des modifications possibles de l’environnement. « Ces représentations mentales individuelles et collectives fournissent à un habitant artificiel, qu’il soit ou non acteur du territoire, matière { modification ou au renforcement de ses stratégies, et la base de délibérations pour transformer son environnement à son propre usage ou { l’usage commun. Ces modifications de l’environnement par l’agent peuvent être d’ordre spatial (ou avoir des conséquences spatiales), d’ordre intime ou social. » (p. 129). Les convergences de point de vue sont évidentes, et j’espère trouver quelques disciples de Jean Luc Bonnefoy pour approfondir cet aspect de la complexité.

Il faut donc se méfier de la complexité trop rapidement assimilée à la modélisation. Ce que ne peut pas intégrer non plus le modèle, c’est le caractère innovant de l’individu et de la société, l’émergence d’une propriété particulière résultante d’un concours de circonstances. Dans la « réalité » des systèmes sociaux, l’innovation est quotidienne, et des propriétés émergent parfois d’interactions sociales ; une forme d’organisation, une forme d’occupation de l’espace, etc. Toute simulation ne peut que prendre en compte ces nouvelles propriétés qu’a priori ; en bref, un modèle a de grande difficulté à innover.

« L’idée de la complexité est une aventure. Je dirai même qu’on peut essayer d’entrer dans la problématique de la complexité que si on entre dans celle de la simplicité, parce que la simplicité ce n’est pas si simple que cela » (Morin & Le Moigne, 1999, p. 47). La proposition de ces auteurs est