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Quelques repères, que je m’impose !

2 – Le l ieu , l e s ym b ol e, le réseau ,…, l’on tol ogie d e l ’Espace ?

Quelques repères, que je m’impose !

« Les gens qui vivent dans le passé doivent s’incliner Devant ceux qui vivent dans l’avenir. Sinon, le monde se mettrait { tourner { l’envers »

Arnold Bennett, Repères.

Nous venons d’examiner une certaine conception du lieu et de l’espace, résultat d’une réflexion autour de l’utilisation de nos concepts de la géographie occidentale dans un contexte Andin. Avant de poursuivre sur l’usage de ces concepts, en particulier dans la définition du territoire, il me paraît important d’ajouter quelques éléments de réflexions en relation au positionnement de certaines écoles géographiques dans ce débat.

Pour la plupart des auteurs, « les origines de la géographie … remontent loin dans l’histoire humaine » (Gould & Strohmayer, 2003) ; mais pour ces mêmes auteurs, tout ce qui est antérieur au XVIIIème siècle n’est digne que d’un salut respectueux, et d’un hommage aux explorateurs, navigateurs et autres cartographes qui ont fait alors office de géographe. On ne peut certes faire tourner le monde { l’envers, mais il est important de comprendre et d’insister sur ce tournant épistémologique dont j’ai déj{ parlé et qui limite considérablement notre vision cosmologique de la discipline, pour ne pas dire sa possible universalité.

Il est important, pour la géographie, de reconsidérer ce tournant, qui a suivi celui de la science en général, bien en deçà du XVIIIème30. Ce tournant, comme l’analyse Glacken, 2000, 2002, 2005, 2007, provient de l’intégration d’une idée maîtresse dans la relation entre l’Homme et la Nature : celle de l’Homme comme agent géographique. Cette idée permet de considérer à la fois une vision anthropocentriste de cette relation (la Terre est faite pour l’Homme), une ontologie naturaliste (au sens de Descola, 2005, qui implique une séparation entre Nature et Culture, et un lien entre les deux), et une domination de la Nature par l’Homme (la possibilité d’une action géographique). Ces principes ont imbibé notre savoir, et ont conformé une certaine géographie qu’il est peut être aujourd’hui nécessaire de reconsidérer. Ils ont « empoisonné l’histoire de la pensée géographie … et les discussions écologiques contemporaines sur la rupture de l’équilibre de la nature par l’Homme », selon l’expression de Glacken.

L’examen de l’évolution de la pensée géographique (Gould & Strohmayer, 2003) nous montre que la remise en question des principes de la géographie du XVIIIème est extrêmement récente. Elle s’est matérialisée dans plusieurs courants { partir des années 1970, comme la « révolution quantitative », la géographie culturelle et humaniste, la science régionale, etc. sans que se soit développée une théorie spécifique du géographique ; des ensembles théoriques ont été maîtrisés certes, intégrés dans des processus de spatialisation (en démographie, économie ou écologie par exemple), mais sont restés peu spécifiques de la géographie car communs { d’autres disciplines voisines. Comme le signale Debarbieux, 1999, au grès des courants, chaque discipline s’est approprié un terme : ‘région’ pour les ‘classiques’, ‘espace’ pour les quantitativistes, ‘ paysage’ pour les culturels, ‘territoire’ pour les géopolitiques, etc. sans qu’une réflexion commune ait été possible sur leur possible recoupement.

La géographie culturelle prend une position « à part » dans ce dispositif, parce qu’elle se base sur des référents spatiaux qui ne relèvent pas des rapports sociaux, mais des rapports d’identité {

30 Le philosophe Michel de Certeau le situe au XVIIème siècle, au moment de la rupture discursive entre religion et morale, c'est-à-dire le passage « d’une organisation religieuse à une éthique politique ou économique », qui a marqué définitivement la pensée occidentale

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n’importe quelle échelle. « Prendre en compte les trajectoires individuelles et interroger les populations sur leur sentiment d’appartenance { un territoire et la participation de celui-ci dans la formation des identités individuelles est un préalable nécessaire à la compréhension de la formation des identités collectives » (Guérin-Pace & Guermond, 2006, dans leur éditorial du numéro spécial de l’Espace géographique). Faire de l’identité un sentiment individuel, lié au lieux ou au moins aux micro espaces (Guermond, 2006) signifie ignorer les relations sociales permanentes entre les individus. Pour Claval, 2003b, « la culture qui intéresse les géographes est donc d’abord constituée de l’ensemble des artefacts, des savoir-faire et des connaissances par lesquels ils médiatisent leurs relations avec ce qui les entourent » (p. 5) ce qui signifie que la culture n’est pas issue des relations sociales entre les individus, mais de la médiatisation de ces relations, par le symbole, le langage, le code ou le discours. Cela rend parfois compliqué le discours des géographes culturels (le changement d’échelle par exemple), puisque la configuration des identités collectives ne peut se faire qu’{ partir des identités individuelles, sans qu’il y ait réellement de rapport (sociaux) entre les deux (Di Méo, 2008).

Dans cette optique, le lieu acquiert bien une valeur culturelle, et donc identitaire. Mais l’expression de cette valeur culturelle n’est pas seulement possible par le moyen d’une médiatisation des rapports sociaux, sinon par une construction de savoir-faire et de connaissances qui ne peuvent être que le fruit d’un processus de relation, donc de hiérarchie et d’agglomération, c'est-à-dire du rapport social lui-même. La culture nait du rapport social, et non l’inverse. Le lieu devient symbole, et code identitaire, lorsque les rapports sociaux l’ont « jugés » ainsi. Rattacher le lieu { la culture sans faire intervenir le rapport social et l’organisation de ces rapports sociaux n’a donc pas de sens. Comme le mentionne Habermas, 1975, l’ensemble culture – langage ne peut fonctionner que lorsque les règles sociales du dialogue sont établies.

En géographie culturelle, le paysage ou la région, voire les aires, se substituent { l’espace et au territoire, car le problème de l’absence de rapports sociaux devient un limitant pour l’explication géographique. Le politique, l’identité territoriale, ou les références patrimoniales deviennent des « impostures » puisqu’ils ne sont le fruit que des appareils idéologiques : « En recherchant systématiquement les liens entre l’attitude des populations et les territoires, et en justifiant ces liens prétendument ‘culturels’ par des éléments historiques, les géographes confortent une approche rétrograde de l’organisation de la société » (Guermond, 2006, page 293).

Une confusion d’échelle, comme une confusion conceptuelle : l’identité locale n’est pas l’identité planétaire, et le territoire n’est pas la frontière ! L’identité territoriale n’est pas fabriquée par le géographe, et celui-ci n’a que peu de marge de manœuvre pour en modifier les paramètres ; l’analyse de l’identité n’est donc pas un « jeu intellectuel gratuit », comme le prétend Guermond, mais une analyse des réalités sociales qui chaque jour, créent de nouvelles relations qui peuvent ou non se concrétiser sur un espace donné.

Les géographes sont de plus en plus distants des séparations entre nature et société, entre objet et sujet qui fondent les conceptions naturalistes de la science (Demeritt & Dyer, 2002), mais les alternatives ne sont pas évidentes. Le culturalisme, l’humanisme ou le positivisme n’en sont pas forcément une en science sociale, et les méthodologies sont multiples, n’offrant pas un cadre suffisamment rigide pour permettre d’influencer les politiques.

On doit à Harvey, 1984; 2010, { l’école française de la géographie et { la nouvelle école de science régionale de Walter Isard, de reconnaître l’inadéquation des théories a-spatiales, et donc la spécificité de la géographie comme discipline, mais aussi la nécessité de reconsidérer la géographie autour des relations qui créent l’espace. On doit { Milton Santos ou David Harvey d’associer { cette géographie des relations, la définition d’un espace social prenant origine dans la

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division du travail. La géographie de David Harvey, résolument marxiste parce que fidèle à son époque, suppose, { l’inverse de la géographie culturelle, une interaction forte du contexte politique ou culturel sur notre conception de l’espace : « la forme et le contenu du savoir géographique ne peuvent pas être compris indépendamment de la base sociale qui engendre et utilise ce savoir » (Harvey, 2010, p. 36). Elle s’attache plus aux « messages » que le géographe élabore et retransmet au peuple, qu’{ l’analyse des relations { l’espace ; plus aux pratiques du géographe qu’aux pratiques des hommes dans l’espace. « Les géographes ont ainsi perdu leur vocation à synthétiser la connaissance dans sa dimension spatiale et se sont éloignés des processus de construction d’un savoir géographique populaire { mesure qu’ils se sont spécialisés » (p. 41). Que le géographe ait été au service du pouvoir de l’époque (voir les 6 pratiques géographiques { l’époque bourgeoise qu’annonce Harvey) est plus qu’évident : la cartographie au service de la colonisation et du droit, l’exploration des ressources naturelles, l’étude des modes de vie et de reproduction sociale, la géopolitique, l’aménagement, le culturel comme support aux doctrines, etc. Ce rôle continuera, tout comme la chimie ou la physique continuera d’être au service de puissances industrielles… « La géographie est une chose trop importante pour être laissée aux géographes. Mais elle est bien trop importante pour qu’on la laisse aux généraux, aux politiques et aux dirigeants d’entreprises », conclut-il (p. 46). Mais cette conclusion n’en est pas une, car il nous propose ensuite une géographie du peuple se confrontant aux classes dirigeantes et { l’Etat, c'est-à-dire une géographie au service d’un autre pouvoir, un « changement de camp », au milieu de contradictions évidentes entre la rigueur et l’honnêteté scientifique et l’engagement nécessaire contre le positivisme et pour le matérialisme. Il le reconnait lui-même, cette tâche de « construction d’un discours commun au service de la description et de la théorisation devient une affaire compliquée » (p. 48). Mais par rapport à la proposition de Harvey de construire une géographie engagée, populaire et définie comme projet politique, y-a-t-il réellement une différence significative de conception avec la géographie « traditionnelle » de l’époque ?

Harvey pose « l’espace comme mot-clé » ; il en reconnait, comme tous les géographes, le caractère polysémique mais se garde bien de proposer une définition. Il se satisfait d’une division tripartite de l’espace qui devrait suffire à la création de son ontologie :

l’espace absolu que l’on pourrait assimiler { l’espace physique : fixe, euclidien, palpable, mais qui contient déjà certains caractères sociaux : c’est aussi l’espace de la propriété, des entités territoriales politico-administratives ;

l’espace relatif : non-euclidien dans la mesure où il dépend du cadre de référence de l’observateur, espace perçu selon la distance et le temps, qui ne sont pas associés { des processus sociaux mais { des flux, de capital, d’énergie dans l’écosystème ;

l’espace relationnel, soutenant qu’il n’existe pas d’espace ou de temps en dehors des processus qui les définissent ; il s’agit de la relation d’un point { l’ensemble, tout comme l’influence du tout sur le point. Ce point concentre alors l’expérience, le rapport au monde, l’identité. Il se rapproche alors de la philosophe Hannah Arendt (Goetz & Younès, 2009) lorsqu’elle considère la politique comme un état relationnel entre l’espace – temps et la vie sociale.

La proposition de Harvey est ainsi à la fois séduisante et confuse. A partir des deux tableaux qu’il nous propose (Figure 1 page 69 et figure 2, page 76), on comprend finalement (après une transgression aux trois espaces d’Henri Lefebvre), que nous sommes en présence de lieux, de flux et de relations sociales. Dans une démarche marxienne, on placera alors les frontières, le capital ou la consommation dans l’espace absolu, les échanges matériels et l’argent dans l’espace relatif, les mouvements de résistance et les mouvements politiques dans l’espace relationnel. L’approche est séduisant mais elle conduit à une double déception : d’une part sa perception de l’espace est peu géographique, mélangeant des objets de nature sociale extrêmement différentes comme la

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montagne, la frontière ou la résidence ; et par ailleurs il ne comprend la logique sociale de création de l’espace que dans le cadre des rapports de force capital – travail. Ce dernier aspect est sans doute le plus important, car il dénote d’une conception totalement occidentale de la géographie, { l’encontre même de ses propres principes. La frontière de l’Etat, par exemple, qu’il classe dans l’espace absolu, n’est-elle pas le résultat d’un rapport social dominant – dominé impliquant à la fois un espace physique, des conditions relationnelles et des effets de rupture temporelle ?

La géographie de Harvey est intéressante dans des contextes spécifiques ; elle est inutilisable dans d’autres contextes qui ne correspondent pas { l’évolution postmoderne des relations sociales, sans tomber dans des discours relativement standard sur les rapports de classes. En Bolivie, certains s’y sont frottés, comme le Vice-président de la République, García Linera, en proposant un compromis entre lutte de classe, décolonisation et lutte ethnique. Le résultat en est un discours totalement basé sur la relation d’un rapport dominant – dominé, { l’opposé de la géographie culturelle, c'est-à-dire sans culture ; le territoire est résumé à la constitution de blocs en relation à ces rapports de domination (García Linera, 2011). C’est sans compter sur le schéma organisationnel du monde indigène, bien loin de la conception des « clases trabajadoras indígenas, obreras y populares » 31 qui, par leurs cohésions, assureraient l’hégémonie du bloc national – révolutionnaire (p. 39)…

A cette étape du discours, vers quelle géographie se tourner ? Quel espace prendre en compte ? Y-a-t-il plusieurs espaces ? Comment sont-ils en relation ?

Henri Lefebvre, 1974, en définit trois : l’espace matériel (celui sur lequel nous marchons tous les jours), la représentation de l’espace (construction et représentation), et l’espace de représentation (espace vécu, imaginé, celui des émotions).

Jacques Lévy, 1999, et Michel Lussault, 2007, n’en voit qu’un, mais dépendant de l’échelle, de la métrique et de la substance ; c'est-à-dire un espace meuble ou malléable.

Guy Di Méo, 1998; Di Méo & Buléon, 2005, en distinguent trois également : l’espace produit de l’action sociale, assimilé au paysage et au territoire, et agglutinant des éléments de nature diverses (voies de communication, forêt, usine, etc.), l’espace perçu et l’espace représenté, produit de la conscience, des codes culturels, des idéologies. On retrouve dans cette dernière catégorie un espace de vie comme « expérience concrète des lieux » mais aussi l’espace concret des habitudes ou celui de l’imaginaire, et enfin l’espace social comme imbrication des lieux et des rapports sociaux, « l’ensemble des interrelations sociales spatialisées ».

Ferrier et al., 2005, en fait une interface entre plusieurs composantes (étendue, unités spatiales, territoire et aire) et ne le distingue du territoire que parce que rattaché au monde scientifique : « ‘Territoire’ désigne l’’espace’ comme le domaine où se déroulent la vie humaine et ses activités. […] ‘Espace géographique’ désigne le territoire comme ensemble de constructions scientifiques des géographes » (p. 88).

Quant à Roger Brunet, 1997; 2001, sa conception de l’espace est encore plus polysémique puisqu’elle englobe toutes les définitions déjà rencontrées : c’est une « étendue concrète, singulière, dotée d’attributs, repérable», mais c’est aussi une « étendue abstraite, générale mais munie de lieux virtuels », il est « produit, traversé par des champs de force », « comme représentation [il] se différencie d’autres construits similaires, { la fois par son extension et par son contenu », etc.

Mais la synthèse qu’il propose est séduisante, s’il ne la confondait pas, quelques lignes plus loin, avec le territoire. « Ce que l’espace géographique propose d’original, c’est { la fois la réalité des

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lieux différenciés, pris dans l’ensemble de leurs relations et de leurs interactions, et le jeu de lois propres { l’étendue, { l’espacement, { la distance, { la gravitation, elles-mêmes relatives à la nature et { l’organisation des sociétés qui s’y déploient et qui le produisent. » (Brunet, 2001, p. 14-16).

Finalement, si nous avons recours aux dictionnaires de géographie, nous trouvons des concepts trop peu définis car contenant tellement de sens qu’ils en perdent leur signification même. Bref, « l’espace est un concept ardu, difficile { cerner en tout cas. » (Lévy & Lussault, 2003, p. 325), « d’un point de vue géographique, le terme d’espace pose un problème singulier » (Lacoste, 2003, p. 153), positions rassurantes lorsque l’on est chargé d’en enseigner les principes.

Je pense qu’il est important de définir notre position de géographie vis-à-vis des concepts que nous utilisons, de le faire { partir d’un travail pluridisciplinaire qui { la fois nous apportera des éléments de définition provenant de lois sociales générales, et par ailleurs nous permettra d’en différencier les éléments originaux en relation { l’espace et { notre discipline. Il est important aussi, je pense, de réfléchir à un corpus de définitions en se dégageant de cette fatalité du polysémique, de notre eurocentrisme, et d’un scientisme difficilement compatible avec les réalités sociales.

L’école des sociologues ou des psychologues d’avant les années 80, je pense { Moles & Rohmer, 1972; Lefebvre, 1974, ont tenté d’effectuer une espèce d’unité théorique entre l’espace physique, mental et social, entre le perçu et le représenté, mais aussi autour de l’insertion de ces espaces dans la pratique sociale. La géographie aurait intérêt à se confronter à la phénoménologie, { la psychologie de l’environnement, car la première caractérisation de l’espace provient de notre perception et de la reconnaissance des lieux, individuelle mais surtout collective. De ce mécanisme, il semble qu’il y ait consensus. L’espace nait d’une non-distinction entre le sujet et l’objet, et d’une disjonction entre les lieux, unique entre les autres, qui induit une relation de centre, de proximité et de lointain dans une spatio-temporalité dynamique et ouverte (voir les travaux de Chris Younès sur Henri Maldiney, dont un résumé se trouve dans Younès, 2009). Chez Maldiney, l’existence de l’espace est intimement liée { une expérience existentielle autour des lieux, créant un environnement sensoriel et communicatif totalement dynamique. C’est une forme d’existentialisme liée { l’existence du corps, comme chez Maurice Merleau-Ponty, et { sa relation { l’extérieur, c'est-à-dire { l’espace, que Jean Paul Sartre n’a jamais pris en considération. La mémoire des lieux est aussi composée d’une mémoire du corps, et de l’héritage du corps, l’acquisition d’une expérience existentielle au cours de la vie, mais aussi par héritage de nos parents, et de la famille. « Lorsque s’organise l’individu [du point de vue spirituel et spatial] commence l’aménagement du territoire » (Indien Arhuaco, in Martínez Zamora, 2010, p. 71). C’est pourquoi le premier lieu construit est celui de l’habitat, forme matérialisée de cette expérience, que l’on aime transmettre. Pour toutes ces raisons, les philosophes de la phénoménologie récusent la notion de territoire (au sens de la géopolitique), qu’ils pensent lier { une logique de séparation, de possession et non d’ouverture de l’espace ! Cette conception est assez bien résumée par Benoist, 2001b (p. 109), « Par spatialité, nous entendons cette extériorité qui se présente { nous essentiellement sur le mode de l’extension, de l’exposition, et dans laquelle nous sommes toujours déj{ pris, par laquelle chacune de nos paroles, chacun de nos gestes, d’être corps, sont originairement contaminés et déjetés en dehors d’eux-mêmes. »

Chapi tre : 2 – Le l ieu , l e s ym b ol e, le réseau ,…, l’on tol ogie d e l ’Espace ?

La géographie structuraliste, quant à elle32, considère les arrangements (structure et organisation) des éléments qui composent l’espace. Ce sont les chorèmes de Roger Brunet, 1980; Brunet, 2001, la « nouvelle » géographie structurale (Desmarais & Ritchot, 2000) issue des travaux des géomorphologues, et quelques auteurs de la géographie de la ville qui ont essayé de construire des modèles de représentation (Pumain, 1995; Pumain et al., 1996 par exemple et peut être les géographes de l’école de Chicago). Elle ne s’éloigne guère du grand courant de la géographie du XXème siècle qui cherche à « élaborer des typologies, à mettre en évidence des faits de structure et à analyser des combinaisons » (Claval, 2005). La philosophie structuraliste est