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Un plaidoyer pour le Lieu

2 – Le l ieu , l e s ym b ol e, le réseau ,…, l’on tol ogie d e l ’Espace ?

Un plaidoyer pour le Lieu

« L’aborder ce n’est point visiter l’oasis, C’est faire notre religion d’une fontaine » Saint-Exupéry, Terre des hommes

Ce qui est central autour de cette définition de l’ontologie de l’espace, c’est l’existence (existentielle) du lieu. « On n’échappe pas au lieu », disait Roger Brunet, 2001, p. 12. Le lieu existe parce que l’espace est hétérogène, et inversement l’hétérogénéité s’explique par l’existence des lieux.

C’est ainsi l’atome de la chimie de certains géographes (Brunet et al., 1993), faite de relations entre ces lieux (c'est-à-dire de distance, d’attraction, de répulsion, de réseau), de structuration et d’organisation de ces lieux, à la croisée des spatialités et des temporalités (Debarbieux, 2010). Le lieu est indissociable de sa symbolique, tout comme l’atome est indissociable de sa masse. Il façonne l’hétérogénéité du dehors { la manière des « hétérotopes » de Foucault, 1976, en ayant un sens mais en étant aussi miroir du sens de la société et des relations qu’elle engendre. Nous construisons ou fréquentons chaque jour des lieux qui ne sont pas que des matérialités, mais des reflets de nos modes de vie, de notre culture, de notre mode d’appropriation de l’espace. Pensons { l’école : c’est le lieu privilégié de l’éducation, c’est un b}timent ayant une certaine réalité, mais c’est surtout le lieu de la reproduction de notre cosmovision et de notre culture. Le lieu existe fixé par l’échelle de notre quotidien ; c’est l’endroit et le moment (relation spatio-temporelle) où l’individu rencontre l’autre, où l’altérité est métabolisée (Bellasi, 1985 cité par Lindón, 2000). C’est pour Auguste Comte une image de persistance et de stabilité nécessaire { l’équilibre mental, qui débute par la maison (in Halbwachs, 2004). Pour ces raisons, il n’existe pas de lieu global ; le lieu est solidement enraciné dans le local ; c’est sa signification qui pourra prendre un sens global au sein de la société, mais pas son appropriation spatiale.

Par ailleurs, parce que le lieu est attaché à des propriétés et des relations, un ensemble de lieux aura des propriétés nouvelles, comme dans tout système. Pour cela aussi, le lieu n’existe pas en dehors de la relation avec la totalité. En particulier, comme le souligne Retaillé (2007), le lieu est crée par « l’annulation des distances au sens matériel physique et l’entrée en corrélation réciproque de la variété culturelle, sociale, politique, économique qui peut s’ensuivre… ». Paradoxalement, le lieu, supposé fixe et matériel, peut devenir circonstanciel, construit par « le mouvement qui le porte » (Retaillé, 2007, p. 177).

Voici donc quatre propriétés intéressantes : le lieu est local ; le lieu ne peut être dissocié de celui qui l’a créé ; il est aussi indissociable d’une totalité ; et la relation entre les lieux fait émerger des propriétés nouvelles, liées à la mobilité.

Le lieu n’est donc pas seulement cette composante physique associée à des coordonnées dites géographiques, s’associant toujours { une certaine matérialité ou même { une conception plus cartographique que géographique (Turco, 2009). Le lieu se trouve constamment « tiraillée entre une exigence systématique et une tendance anecdotique » que Kant décrit dans sa géographie (Kant, 1999 ; Laboulais-Lesage, 2000) ; c’est une tension entre la reconnaissance de la diversité, de l’hétérogénéité, dans le cadre d’une pensée cosmopolite, et la nécessité de suivre le courant de la philosophie de la raison, et ainsi de catégoriser chaque entité ou place ; vieux débat entre l’idéographique et le nomothétique.

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Photo 8: Tres Cruces, lieu ou non lieu ?

Un lieu « non-lieu » appelé « tres cruces », les trois croisements, le « nulle part » à haute valeur symbolique car le point de croisement de trois Ayllus (communautés), lieu de toutes les réunions importantes. « Pourquoi un

champ vide peut-il occuper une position si centrale dans le territoire et être une instance de structuration de l’espace ? » (Aedo, 2008). Photo L. Arréghini - Potosí - Bolivie

La géographie est bien une « science des lieux », mais d’un lieu chargé d’une signification sociale. Quelle est alors la nature de ce lieu ? Les lieux sont-ils des objets géographiques, naturels, sociaux, etc. ? Nous faut-il une typologie ou une caractérisation de ces lieux, ce qui suppose l’analyse de la forme de fabrication de ce lieu par la société, ainsi que de la symbolique qui y est attachée ? Pourquoi les lieux prennent-ils des formes concrètes extrêmement diverses pour une même symbolique : l’arbre en Afrique, la croisée des chemins dans les Andes, la montagne dans la Bible, la place en Méditerranée, etc. ? Tous lieux de rencontre, de débat, de conflit.

Plus que la nature du lieu, il faut considérer la signification donnée par la société au lieu, et ses modalités de construction. « Le lieu est un point dans le monde où se réalisent quelques-unes des possibilités de ce dernier » (Santos, 1996b, p. 35), les « circonstances » de Retaillé (2007, p. 178). On répond ainsi à la question de savoir si le lieu est ponctuel, concret et physique : le lieu ne dépend pas de sa forme ou de son étendue mais de la signification qu’on lui attribue. Un lieu peut par conséquent être ce que nous appelons un milieu. Nous verrons que pour la culture Muisca de Colombie, le lac, le rocher ou la rivière sont des lieux, parfois sacrés, indépendamment de leur position ou de leur étendue, mais conçus d’une manière générique, par ce qu’ils représentent. Tous ces éléments ont par contre un nom, qui fait partie de cette symbolique, mais qui n’est pas unique. C’est le géosymbole de Bonnemaison, 1981, qui « humanise ainsi l’espace » (p. 261), même si cet auteur le conçoit dans une définition très restrictive comme expression de la culture et de la mémoire d’un peuple, synergie entre le mythe et le lieu. Mais le lieu qui conforme les relations sociales n’est pas toujours chargé de mémoire ou de culture, il peut être éphèmère ou simple

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point de repère, mais il structure l’hétérogénéité. De même, le lieu n’est pas unique, il fait partie d’un résau. Les lieux sont en relation et l’agencement entre les lieux n’est pas quelconque, du point de vue, toujours, de la symbolique : le lac est entre les rochers, il alimente la rivière, et le rocher surplombe la plaine, etc. Toutes les sociétés ont ces agencements de lieux symboliques : la statue sur la place, le bar dans le quartier, le marché dans un village, etc. souvent liés à des relations de pouvoir et à un espace public, donc partagé (Debarbieux, 1995; Monnet, 2007), et même constructeur de l’espace national « au croisement des spatialités et temporalités », comme le Panthéon, la Statut de la Liberté ou le Fujiyama (Debarbieux, 2010). « La symbolisation peut aussi être considérée comme l´un des facteurs majeurs de différenciation de l´espace en lieux, car le processus affecte à des portions d´espace un nom, une identité, une permanence, une raison d´être, une relation particulière avec certaines valeurs et significations, et tout cela contribue à l´avènement existentiel des lieux aux yeux de ceux qui les fréquentent ou les imaginent. » (Monnet, 2007). Chaque individu, groupe ou société construit ses propres lieux – symboles qui sont autant de référence dans son espace-temps. Le système de lieux va constituer cette trame de l’organisation

spatiale, quelque soit la nature du lieu et des liens entre les lieux.

Cette conclusion sur l’importance du lieu et de son organisation en système est évidente lorsque l’on étudie les Andes. Les communautés traditionnelles définissent l’espace selon deux critères : le lieu et la direction de l’action entre les lieux. La surface, ou zone, n’a que peu d’importance en dehors de la parcelle21. Les lieux sont organisés, parce que chaque lieu dispose « d’un esprit » : « les propriétés des lieux viennent des particularités de leurs emplacements, de leurs relations aux voisins, de son histoire et, certainement, du point de vue de l’observateur » (Aedo, 2008, page 120). Cet auteur précise que la situation du lieu, et les directions de l’action vers le lieu sont inscrite dans le comportement linguistique. En Aymara, cette relation { l’espace se fait par adjonction de nombreux suffixes de position et d’action. « Ainsi, ‘wja’ (lieu) s’utilise habituellement pour situer un point dans l’espace, par exemple, dans l’expression ‘aka.wja.n.k.t.wa : je suis ici dans ce lieu’. De plus, on rencontre souvent ce suffixe précédent un autre, celui de ‘jita’, pour réduire au maximum les ambigüités de la localisation. Ainsi, ‘jita’ indique le lieu exact où se déroule une action ; de manière qu’il sera possible de signaler l’exactitude d’un lieu en disant ‘ajita.n : dans ce lieu précis » (Aedo, 2008, p. 121). De même le Quechua est aussi une langue des suffixes, qui s’intéresse peu au temps, mais est très riche en suffixes de position. Cette langue comporte de nombreux suffixes de mouvement vers ou depuis une action : man (situant où se trouve l’action sans distinguer le lieu de l’acteur), manta (point de départ de l’action), pi (lieu où se réalise l’action) ; J ajouté à un verbe donne la finalité pour laquelle on va à un lieu déterminé, Mu (l’action se réalise en mouvement d’un lieu { un autre), kamu (mouvement du sujet), nej (la proximité), etc. (Gutiérrez, 1987; Grondin, 1990). Cette pluralité des structures linguistiques liées { l’espace montre l’importance du repère et du mouvement, puisque même le temps est décrit par ces mouvements. Les traductions en langues européennes en deviennent hélas peu fidèles, car elles obligent { trahir l’espace pour mieux intégrer le temps (Itier, 1997).

Cette approche par la langue n’est pas anecdotique, elle montre comment se construit un système de communication autour de cette double nécessité des populations andines : d’une part celle de bien situer l’objet ou l’acteur, et par ailleurs celle de penser le temps par son inscription dans l’espace. « Quand un phénomène n’est pas localisable dans l’espace et dans le temps, ceci devient un phénomène difficilement intelligible. C’est pour cela que la localisation constitue dans ce

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La parcelle n’est pas qu’une surface ; elle est ainsi nommée dans son intégralité et constitue un lieu de référence, quelle que soit sa forme et sa dimension.

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cas un effort intellectuel pour réduire l’incertitude » (Aedo, 2008). Le mouvement d’un lieu { un autre est alors aussi important que les lieux mêmes, et ceci non pas en séparant les mots, mais en attachant aux mots ou aux verbes un suffixe donnant une valeur spatio-temporelle au langage. La détermination du lieu et sa position dans le temporel devient une nécessité pour comprendre le cosmos et le tissu social, et constitue un facteur d’identité { la communauté. L’ouvrage, particulièrement singulier, du mathématicien Iván Guzmán de Rojas, 1985, nous montre tous les problèmes d’incompréhension liés { de mauvaises interprétations ou mauvaises traductions de l’Aymara ; problèmes que nous pouvons étendre { la compréhension de leur notion d’espace et de territoire. Par exemple, la langue Aymara n’est pas bivalente, comme les langues européennes, ou une réponse doit être dans le domaine du possible ou de l’impossible. Elle est trivalente, sortant de la logique aristotélicienne, ce qui étend le champ des valeurs à vrai, faux mais aussi et surtout à l’incertain. Ce livre démarre par une remarquable démonstration de l’appréciation du temps par des variables de position et de mouvement : le passé est devant alors que l’avenir est derrière. « Cela s'explique parce que le temps court inexorablement en avant, indifférent aux désirs humains. Tout ce qui arrive a auparavant quelque chose d'inconnu qui se trouvait derrière; pourtant, une fois qu'il a eu lieu, l'événement se trouve devant. Nous ne pouvons pas oublier le passé, car il est devant nous, gravé dans notre mémoire. Nous pouvons "aplanir" ("pampachaña") les difficultés vécues, mais ce qui nous est arrivé dans le passé reste toujours devant nous. » (de Rojas, 1985, p.1). L’auteur de signaler que dans cette logique, le politique qui annoncera « allons de l’avant, regardons l’avenir », ne sera jamais compris. Cette logique trivalente, et l’expression des situations par des foncteurs – suffixes, donnent { cette langue une richesse descriptive et conceptuelle qui font de l’espace un concept complexe intégrée dans l’être même.

Dans les Andes, tout est lieu, et beaucoup de lieux se configurent au moyen de la toponymie, les Uywiris, que l’on peut traduire par lieu qui nous élève22, que l’on peut définir comme les lieux sacrés protecteurs. Tous ces lieux, sacrés ou non, ont un nom, parfois plusieurs en fonction du sens que lui donne la communauté ou la personne. « De fait, chaque point, en plein champ, où quelqu’un s’arrête, est un point déj{ défini auparavant par un nom et délimité par les noms de tous les autres lieux. […] Ainsi, très clairement, il y a ici une action de singulariser chaque lieu, de rendre particulier chaque site et de le mettre en évidence, en le différenciant des autres avec une grande netteté. De telle façon que l’espace résultant devient une totalité discontinue, minutieusement détaillé, rempli de points d’articulation qualitatifs distincts, chacun étant une unité en soi, qui se regroupe topographiquement avec les autres selon la morphologie du paysage, pour construire des ensembles supérieurs et eux-mêmes de plus grande extension, jusqu’{ recouvrir tout l’espace visible » (Martínez, 1989, p.23). L’espace qui semble « vide » de l’Altiplano est en fait un espace plein de lieux, tous significatifs, créant un vocabulaire de l’espace (position, personnes, animaux, choses, situations, phénomènes, évènements, etc.) et qui crée, selon l’expression de Martínez, un premier niveau de sémantique du paysage, qui permet à tout un chacun de « parler de l’espace », et de parler par l’espace. Uniquement par cette toponymie, le lieu crée de l’hétérogénéité.

Le lieu primordial est le cerro (le sommet). Il constitue le premier élément de situation et de mouvement. Il a toujours un nom, parfois deux dont un réservé aux rituels ; ce nom représente « un personnage de caractère dramatique et cosmique » (van Kessel, 1992 pour les aymaras du Chili). Los Achachilas (sommets) peuvent avoir rang de Mallku (Apu en quechua : homme avec autorité et prestige). Ils sont représentés par le condor, et représente la source de vie (l’eau des glaciers). On retrouve cette position du sommet comme un élément primordial de repérage des

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lieux et d’identité des communautés. Dans un travail réalisé par des étudiants d’anthropologie sur des thèmes très différents (la mobilité dans les Yungas et la pêche sur le lac Titicaca) (Rodas Arano, 2010; Mamani Colque, 2011), les référents des populations en relation à leur espace de vie étaient toujours les sommets (cerros) ; ils constituent les repères géographiques (positionnement), fonctionnel (apport d’eau, de p}turage, de gibier, etc.), identitaire (rituel, mémoire, etc.). Il n’y a pas de référence au territoire de la communauté sans référence aux cerros. Dans une géographie des Andes, c’est le premier élément { prendre en compte, référence universelle du lieu (voir Rappaport, 2004; Curvelo & Botero, 2010).

Le cerro n’est pas seulement un sommet, il est l’élément de limite et de direction, le guide spirituel masculin par opposition à l’Apachita, l’esprit protecteur féminin des vallées et des contrebas. La conception andine du monde est marquée par le lieu et la nature reproductive du lieu, par son caractère masculin ou féminin, qui donnent à la compréhension de la nature une dimension cyclique et reproductive (Miranda, 1996 ; Prada, 2003). C’est au travers des lieux et de la complémentarité des lieux que se reproduit la société.

Entre les cerros se trouvent souvent les limites des communautés, le Tinku. Cette limite n’est pas physique, c’est un « concept fondamental plurivoque dans la structure sociale, économique et politique de la société andine » (van Kessel, 1992). C’est la limite consensuelle entre les ayllus qui ont les mêmes cerros de références ; c’est le combat rituel entre les ayllus pour la redistribution des terres ; c’est l’équilibre entre deux parties ; c’est le point de confluence des rivières ; dans cette vision duale, c’est de fait l’association, l’équilibre, la tension, le combat, entre deux parties opposées ou complémentaires : deux ayllus, la fertilité et la sécheresse, l’eau et le feu, l’homme la femme, etc.

Le cerro indique également des directions dans l’espace. Le Haut, représente la fécondité (réserve d’eau et de p}turage), l’Ici, la vie quotidienne (les pentes où se trouvent souvent l’habitat et les parcelles de culture), le Bas envisage le voyage, l’au-delà (les fonds de vallées où se trouvent les rivières) ; ce sont trois directions que symbolisent la triade Origine – Abondance – Distribution, en référence { l’eau qui donne la vie (van Kessel, 1992).

Dans cette hiérarchie des lieux vient le taypi ou le chuyma (ou chhima en Aymara) qui désignent le lieu central, le cœur, où confluent toutes choses, mais qui fait aussi référence à la conscience ou l’ordre moral. Le chuymani, c’est le sage, c’est aussi la personne }gée qui a de l’expérience. Le Taypi est multiple et change au cours de l’histoire (le Lac Titicaca pendant la période Aymara de Tihuanacu, puis Cusco ville impériale des Incas). Il peut changer aussi dans un Ayllu ou dans un village en fonction des représentations du pouvoir politico-religieux.

Cette anthropologie des lieux, associée au langage et à la symbolique de ce langage, est tout à fait passionnante. Elle explique l’importance du lieu et de l’univers symbolique dans la délimitation de la réalité sociale, et de la pertinence des interactions sociales (Berger & Luckmann, 1986; Halbwachs, 2004).

On la retrouve dans toutes les Andes, chez les Mapuche au Chili, comme chez les Muisca, les U’wa ou les Nasa en Colombie, mais aussi chez les peuples amazoniens, pour lesquels les référents ne sont cependant plus les mêmes (les sommets en particulier), mais sont remplacés par des équivalents : rivière, lac, chute, colline, arbre particulier ; la toponymie, dans tous les cas, constitue la clef de lecture de l’espace. Les Candoshi (zone amazonienne du fleuve Pastaza, en Equateur) ont leurs repères centrés sur l’habitat et la représentation de cercles concentriques autour de cet habitat. Mais l’espace est conformé par le réseau hydrographique, car toutes les rivières ont un nom, ce qui permet là aussi de donner une orientation : amont ou aval autour d’un

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centre mobile constitué par le point de vue de l’observateur (Surallés, 2004). A ceci s’ajoute des points de repère liés par exemple à la position du soleil, qui donnent aux Candoshi une représentation géométrique très particulière, fusiforme et dynamique (un muscle selon Surallés), par opposition à la vision statique et cubique de la géométrie euclidienne. Dans le même ouvrage, Santos-Granero, 2004, parle, dans le cas des Yanesha (peuple de l’Amazonie péruvienne), d’une écrite topographique de son histoire dans le paysage, basé sur l’élaboration de nombreux topogrammes et topographes qui symbolisent chacun une étape de cette histoire, qui peut être relue par les descendants.

Elle est aussi passionnante car, malgré plusieurs siècles de domination Inca, puis plusieurs siècles de domination espagnole, les structures restent, grâce au vocabulaire et à cette structure de la langue qui en stabilise les concepts (de Rojas, 1985; Franqueville, 1995).

Le lieu peut être considéré comme l’affirmation de l’existence. Cette constatation est assez

universelle dans les Andes. Elle se retrouve dans toutes les communautés colombiennes, en particulier les Arhaucos (Indigènes de la Sierra Nevada de Santa Marta) que j’ai eu l’occasion de rencontrer. Leur philosophie est très proche de celle des Andins du Sud. Pour eux, « la terre est un être qui vit, qui sent, parce que depuis la création de l’univers il est né et pensé comme un seul corps,