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6 – Territoires et gouvernance

6 – Ter ritoi re s et gou ver n an ce

6 – Territoires et gouvernance

« Je suis d’un autre pays que le vôtre, D’un autre quartier, D’une autre solitude, Je m’invente aujourd’hui des chemins de traverse, … » Léo Ferré Dans le parcours que nous suivons le long de ces chapitres, la gouvernance serait la nécessaire réaction au risque territorial, car elle permettrait la mise en place des conditions nécessaires à ces milieux innovateurs.

Hélas, le terme de gouvernance est aussi polysémique et extrêmement paradoxal (Prats, 2003). Alors qu’il devient aujourd’hui un paradigme très utilisé par les acteurs, il est toujours difficile d’en donner une définition consensuelle.

La gouvernance est liée directement, elle en est même la fonction centrale, à la gestion et l’administration du territoire ; ces deux derniers termes étant pris dans leur sens général « d’action de s’occuper » mais aussi de don et de distribution. Toutes les sociétés, même les moins ancrées dans la modernité, ont une gestion de leur territoire, dérivée de formes de hiérarchies et d’autorités. Cette gestion n’est pas toujours liée { des aménagements de l’espace, elle peut être très subtile, par exemple autour de l’usage d’un rituel. Lors des fêtes d’août, de l’Equateur au Chili en passant par l’Argentine, des rites spécifiques comme la khoa ou la challa (donation a la Terre-Mère), le sahumiero (« nettoyage » de la maison par une « mesa » que l’on brûle selon certains rites) ou le sacrifice de lama, sont des actes de respect à la Pachamama et ainsi de gestion d’une meilleure récolte. La gestion suppose toujours une relation entre les acteurs, et un accord sur les formes de ces relations. Les modalités de la gestion, appelées gouvernance, pose donc deux problèmes :

celui de la légitimité des territoires en particulier des territoires qui sortent du champ de l’institutionnel, et de la relation entre ces deux types de territoires.

celui de l’autorité, faisant de la Nation et du rapport avec l’Etat un cas particulier de territoire. Les acteurs légitimés ont-ils plus d’autorité pour gérer un territoire ? Quelles sont les formes de légitimation ? Peut-on accepter que la gouvernance ne s’applique qu’{ des formes légitimées par la Nation ?

Ce débat est important et central aujourd’hui dans les pays Andins, où la revendication indigène devient le centre des modèles politiques. La nouvelle constitution (2009) de Bolivie accepte le principe de l’autonomie territoriale et en particulier de l’autonomie des territoires indigènes, ainsi que l’élimination de tout rapport de dépendance et de hiérarchie entre les entités territoriales55. Une bonne gouvernance supposerait donc l’instauration d’un dialogue permanent entre ces entités de manière à coordonner les actions.

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Si le territoire n’est utilisé que dans son acceptation de territoire politique, « comme matrice fondamentale de la juridicité sur le rapport initial de consubstantialité entre les administrations et l’autorité politique » (Faure, 2006), alors les paradigmes de territorialité et de gouvernance n’ont pas vraiment de sens. La gouvernance dans un système territorial politico-administratif ne peut exister qu’au moyen d’un processus de légitimation par la représentation, démocratique ou non. C’est pourquoi les sciences politiques ont des difficultés de conceptualisation des termes « territorial », « territorialité », « territorialisation », et surtout gouvernance, qu’ils associent { des processus politiques dans le sens de l’intervention de l’Etat. « Ces évolutions sont sans doute des symptômes de la crise du modèle français d’administration, en ce sens qu’elles révèlent sur le plan théorique des enjeux politiques inédits de territorialité liés au processus général de décentralisation dans tous les systèmes politiques nationaux » (Faure, 2006). Et cet auteur d’annoncer la fin des territoires, en référence à Badie, 1995, puisque les mouvements sociaux s’émancipent de l’administration territoriale ; comme si l’administration politique était nécessaire { la construction de territorialité.

Si par contre, le territoire est conçu comme un processus légitimé d’appropriation par un groupe d’acteurs, lié ou non au pouvoir de l’Etat, ce que nous avons appelé un processus de territorialisation, alors la gouvernance prend tout son sens, comme système de cohésion des territoires dans l’espace, sur la base des cinq fonctions définies dans le chapitre 3 (Mazurek, 2009d). Il peut y avoir alors coexistence de plusieurs systèmes de représentation sur un même espace: politico-administratif, associatif, ethnique, de quartier, religieux, productif, etc., que parfois les sciences politiques appellent des « groupes de pression », entre lesquels le dialogue sera nécessaire pour établir une action collective sur l’espace. On comprend que ce dialogue sera facile au niveau local, de par le petit nombre d’acteurs, et par la proximité de ces acteurs ; il devient complexe au niveau des départements ou de la nation.

Comme nous l’avons bien démontré dans une publication sur la gouvernance territoriale dans les pays d’Amérique Latine (Mazurek, 2009a), il faut clarifier les définitions de gouvernabilité et de gouvernance : nous y avions réservé la gouvernabilité à l’efficacité des structures et des mécanismes d’action de l’appareil d’Etat (mécanismes de fonctionnement vertical) pour permettre d’assurer une bonne gouvernance ; cette dernière est alors définie comme le mécanisme de dialogue transversal entre tous les acteurs territoriaux. Comme nous le verrons au chapitre 8, la planification devient alors un outil fondamental dans cette relation gouvernabilité - gouvernance.

Si la définition de la gouvernance est liée à la coordination d’acteurs territoriaux, la gouvernance des territoires devient une tautologie. Peut-il exister des territoires sans gouvernance, dans la mesure où l’existence du territoire est conditionnée par le jeu des acteurs qui le construisent ; et peut-on concevoir une gouvernance sans territoire, puisque les niveaux d’interactions et de coordination entre acteurs s’effectuent dans un espace ?

Par contre, la complexification des territoires nécessite des mécanismes chaque fois plus nombreux et précis de dialogue et de concertation au sein des territoires et entre territoires, pour lesquels effectivement l’Etat peut jouer un rôle important de régulateur. On est donc aujourd’hui amené à construire de subtils jeux entre gouvernabilité et gouvernance, entre les capacités des institutions et les modalités du dialogue social.

Pour illustrer ce propos, nous repartons dans nos Andes.

La forme traditionnelle d’autorité qui fonctionne encore aujourd’hui dans l’ayllu est basée sur trois principes :

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la rotation annuelle des pouvoirs entre les diverses communautés qui composent l’ayllu ; cette autorité peut prendre plusieurs noms, c’est en général le jilaqata ou le mallku (ce dernier terme désignant aussi une autorité supérieure comme la marka composée de 4 ayllus), composé du tata jilaqata (homme) et de sa dualité, la mama jilaqata (o T’alla). La prise de décision s’effectue autour du thakhi (qui signifie cheminement), assemblée périodique ou du cabildo (qui peut être traduit par assemblée générale) ; elle constitue l’axe central de la vie communautaire, incluant aussi bien la gestion sociale, productive, territoriale et religieuse.

Les autorités ne répondent pas à un système de représentativité mais de consensus. Le jilaqata est une autorité prestigieuse, car détentrice des ressources spirituelles des communautés, mais il prend peu de décision et même se retrouve au centre d’un contrôle social très rigoureux de ses actions.

Photo 21: L'assemblée et l'autorité

A gauche, l’assemblée municipale élargie aux autorités locales sur la place de la commune de Calamarca (près de La Paz). A droite, les autorités au premier rang des ateliers participatifs (Jilaqatas vêtus d’un poncho, d’une

ch’uspa de coca, d’un fouet et d’un b}ton de commandement - Chulchucani, commune de Potosi). L’assemblée procède en particulier { la distribution des terres aux familles (sayana) et à l’espace commun pour les parcours (saynoca). Cette distribution dépend des conditions de récolte des années précédentes, de la situation des familles, et d’évènements particuliers pouvant se produire (comme un mariage par exemple).

Cette structure qui conforme le pouvoir local des communautés a été particulièrement bien étudiée, y compris dans ses formes récentes par les anthropologues (Medina, 1997; Ticona, 2003; Dávalos, 2005), mais pratiquement pas par les géographes qui ont le plus souvent basé leurs recherches sur les territoires politico-administratifs. Les formes d’administration du territoire sont basées sur un système dual de décision : d’une part les foyers qui interviennent sur leurs unités de production (qui peuvent être multiples) et de l’autre la communauté, au travers d’autorités hiérarchisées qui contrôle et gère les situations familiales, sur un territoire vaste et hétérogène. Le système dual fait un va et vient constant entre la coordination centralisée et la production décentralisée, ce qui permet d’adapter le système de gestion et les règles selon l’étage écologique et ses spécificités (voir pour une description détaillé de ces systèmes au Pérou Mayer & de la Cadena, 1989; Mayer, 2002). Pour Enrique Mayer, cette organisation permet une forme de régulation extrêmement efficace dans un contexte de milieu contraignant et d’agriculture communautaire : chaque zone a une production spécialisée, mais chaque famille est diversifiée ; situation inverse de la côte et de son agriculture familiale, situation que nous avions mis en évidence à partir des statistiques agricoles au Pérou (Mazurek et al., 1998; Mazurek, 2000).

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Photo 22: Les "fameuses" cartes roses des ateliers SWOT (FODA en espagnol : Forces, Faiblesse, Opportunités, Menaces): l'expression spontanée des revendications

« Moi, ma personne, Nives Kapa Chacha, qui pour le mouvement indigène Pachakutic, veut un changement complet de gouvernement, voyant que mon pays est très triste, avec mes yeux je voie que mes frères en ont assez ; moi, ma personne, je hais les lois maudites et je sais penser, raisonner, ainsi qu’il ne vont pas me tromper,

comme expression d’une faveur indigène ».

Photo 23: Une expression plus formelle, le compte rendu des décisions de l'atelier participatif pour le plan d'aménagement du territoire dans les communautés de Palca Mayo et Pati Pati.

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La Marka peut recouvrir beaucoup de communautés, comme celle de Jesús de Machaca dans le département de La Paz, (Viadéz & Blanes, 2009), d’une superficie de 960.000km2 et qui comprend 26 Ayllus pour une population de 13247 habitants. Elle correspond de fait à une commune par recomposition dans les divers découpages politiques qu’ont imposés les espagnols depuis la colonisation. On trouvera des descriptions de ces recompositions dans nombres de publications (Sebill, 1989; Rivière, 1997; Blanes, 2000; Quispe et al., 2002; Ríos et al., 2002; Ticona, 2003; Andolina et al., 2005; Nicolas et al., 2005; Viadéz & Blanes, 2009), et je ne proposerai qu’un résumé des caractéristiques qui nous intéressent pour notre propos.

Le système traditionnel des ayllus a été contraint de s’adapter lors de six grandes étapes de recomposition territoriales en Bolivie 56:

La reducción des espagnols, dès le XVIème siècle, qui ont voulu fixer dans des villages les populations qu’ils considéraient comme trop mobiles ;

La recomposition, après la République, des reductos en cantons, censés représentés les anciennes communautés mais plus enclins à satisfaire les intérêts des hacendados (grands propriétaires) ;

La recomposition de nombre de communautés indigènes en communautés paysannes ou syndicats après la réforme agraire de 1952 ;

Le processus de municipalisation, impulsé par la loi de participation populaire en 1994, qui devait donner plus d’autonomie aux pouvoirs locaux, mais qui n’a pas suivi les découpages des communautés, et a profité aux partis politiques. La constitution des municipes a été en partie suivie d’une « districtation » qui devait correspondre aux anciens cantons et communauté, mais qui n’a eu qu’un effet limité. Par contre, la loi de participation populaire incluait la création des OTB (organisations territoriales de base), censées représenter elles aussi les communautés dans le dialogue direct avec la municipalité. La loi de participation populaire a aussi intégré la notion de TCO (Terres Communautaires d’Origine) qui est un titre de propriété collectif attribué { une ou plusieurs communautés qui peut démontrer son attache ancestrale aux terres qu’elle occupe.

La loi électorale de 2004 qui a permis à des représentants de la société civile (et donc à des autorités indigènes) de se présenter aux élections locales.

La constitution de 2009 qui donne aux municipalités une certaine autonomie, et surtout la possibilité de constituer des municipalités indigènes autonomes, sur la base d’une reconnaissance des droits ancestraux par le parlement.

A partir de cette évolution, il est important de comprendre les transformations qui eurent lieu dans les relations de pouvoirs au sein des territoires indigènes. Á une structure simple, consensuelle, l’Ayllu, se sont superposées des limites politico-administratives qui ont eu pour résultat une fragmentation progressive de petits espaces supposés homogènes, ainsi qu’une fragmentation du pouvoir par l’adjonction de plusieurs fonctions représentatives auxquels d’ailleurs n’avaient pas accès les indigènes eux-mêmes (maire, sous préfet, préfet, conseiller départemental, sénateur et député). Les deux processus de fragmentation diminuent le rôle des autorités traditionnelles, d’une part parce qu’ils font passer le processus de décision du niveau collectif au niveau individuel, d’autre part parce que la nomination des autorités s’effectue sur le système représentatif et non filial ou consensuel ; et enfin parce l’autorité politique locale dispose

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Pris comme exemple, mais on retrouvera une recomposition similaire au Pérou ou en Equateur, puisque ces pays étaient sous le même régime de la colonisation espagnole, et ont connu les mêmes étapes de réforme agraire et de décentralisation.

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d’un rang supérieur { celui du Jilaqata. L’autre transformation significative dans le système territorial, c’est la dépendance des autorités { la ville, c'est-à-dire à une centralité figée, par rapport à une centralité liée au maillage communautaire (voir le chapitre 2).

La gouvernance a été très longtemps problématique : des limites de municipalités non fixées ce qui a généré de nombreux conflits57, des désaccords permanents entre maires et autorités originaires paralysant les projets, des problèmes de corruption, etc. ; en fin de compte une gestion municipale qui s’est contentée, pendant pratiquement 25 ans, de gérer les affaires courantes, construire de petites infrastructures, sans réellement créer une dynamique sociale ou productive. La loi de 2004 a permis à de nombreuses autorités traditionnelles locales de reprendre les rênes des municipalités, sans un résultat vraiment supérieur, sans doute par manque de formation. C’est la nouvelle constitution de 2009 qui a donné de nombreux espoirs de reconstitution des anciens territoires et a généré une dynamique dans ce sens, sans doute aujourd’hui incontrôlée et incontrôlable.

Selon une enquête réalisée en 2009 par Xavier Albó et Carlos Romero (référence Fundación Tierra), il existait à cette date en Bolivie 84 TCOs et 187 municipes potentiellement indigènes, sur les 327 qui conforment le pays.73 de ces 187 municipalités se considéraient composées à plus de 90% de population indigène. Selon le récent atlas publié par le ‘Viceministerio de Tierras’, 2010, la Bolivie compte { cette date 248 TCOs, représentant près d’un tiers de la superficie du pays, dont 87 (35%) dans le seul département de Potosí, et 153 (62%) dans les départements de Oruro et Potosí, c'est-à-dire le cœur de la zone de l’Altiplano. Cette dynamique est représentative du mouvement actuel de ‘re-ayllus-isation’, non pas sur un schéma nostalgique de territoire, mais parce que ce système est considéré par les populations de l’Altiplano comme le meilleur système de gouvernance, alternatif au dispositif de contrôle de l’Etat.

Le cas de Potosí est assez significatif (voir carte 9). Dans les ateliers participatifs que nous avons organisés, les questions relatives à la gouvernance furent prioritaires pour le plan d’aménagement du territoire ; cette priorité montrait la nécessité d’un dialogue constructif entre les institutions publiques locales, et les diverses formes de représentativité communautaires. La commune de Potosi est divisée en 5 districts, reliquats de la division de la république, qui comptent chacun un corregidor (représentant de la municipalité). La municipalité est aussi découpée en 44 communautés dont 6 ayllus ayant chacun son représentant, et en 286 secciones o centros dont les délimitations sont approximatives, puisque chaque communauté ou ayllu peut être subdivisé en sections (carte en bas de l’Ayllu de Jesús de Machaca, Potosi). Ce découpage est fortement approximatif (carte 9 en haut à droite), et se superpose { d’autres dispositifs juridiques spécifiques comme par exemple le ‘Rayon Urbain’ qui délimite la zone urbaine du centre de Potosí. Chaque unité constitue un territoire de base, disposant d’un ou plusieurs représentants ou gestionnaires, souvent indépendants de la mairie ; celle-ci dispose de son propre conseil municipal élu, de techniciens et d’adjoints au maire, et d’un comité de vigilance issus de la société civile. C’est ce que nous appelons le ‘patchwork’ bolivien, résultat de siècles d’empilements de formes territoriales, qui est devenu ingérable, et dont les populations locales ne veulent plus. Malheureusement, les travaux de la constituante de 2009, qui pourtant sont le résultat « des demandes incessantes de décolonisation des peuples indigènes ou originaires » (Prada, 2005), n’ont pas permis de retourner à un niveau acceptable de la gouvernance territoriale.

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En Bolivie, près des deux tiers des communes n’ont pas de limites établies, et nombre de communautés, pour n’avoir pas de limites définies, se retrouvent en porte à faux entre deux communes, voire deux départements.

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Carte 9: Divisions de la municipalité de Potosí.

Le système bolivien est un bricolage entre d’anciennes formes de gestion (l’Ayllu), des formes intermédiaires toujours inscrites dans l’identité collective (le canton et le district), et des formes ‘modernes’ qui n’ont pas été

assimilées du point de vue juridique, en particulier du fait de l’absence de limite officielle, et du fait de la multiplicité des formes de représentations. Bref, les territoires deviennent ingérable.

Cette superposition de logiques souvent opposées fut { l’origine de nombreux conflits { tous les niveaux, aussi bien au sein des communautés, entre les communautés, ainsi qu’avec les communes voisines ou les autorités départementales (Vergas, 1998; Blanes, 2000; de la Fuente, 2001; Urioste, 2002; Ayo, 2003; Mazurek, 2006). Ces conflits ont résulté d’une multiplication des formes d’autorité et de contrôle social, parallèles ou hiérarchiquement supérieures aux autorités locales : corregidor (représentant de la mairie dans un district), membre du comité de vigilance, responsable d’OTB, conseiller municipal, maire et maire adjoint sectoriel, etc. ; sans compter que ces fonctions sont toutes décalées dans le temps (un an pour le Jaliqata, 2 ans pour les juntas vecinales, 5 ans pour le maire, etc.). La mise en place de la loi de participation populaire en Bolivie a généré un problème de légitimation des communautés en relation aux d’autres instances politico administratives, et une déstructuration des formes de solidarité territoriale puisque les communautés ne communiquent plus avec les voisines mais directement avec la mairie ; par ailleurs les communes deviennent concurrentes entre elles, pour les budgets en particulier, empêchant toute forme de collaboration intercommunale. Cette situation se retrouve au Pérou (Revesz, 1998; Remy, 2005b; a; Revesz, 2009) comme en Colombie (Laurent, 2005; Otero Bahamon, 2006; Laurent, 2007).

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Dans notre paradigme de relation espace / territoire, la proposition (Mazurek, 2009a) est par conséquent de distinguer une « gouvernance horizontale » (que certains comme Oriol Prats, 2003; Mayorga & Córdoba, 2005; Revesz, 2009, gouvernance démocratique dans un sens plus large incluant les institutions publiques), et une « gouvernance verticale » ou gouvernabilité. Je reprendrai, pour le compléter, le schéma publié dans Mazurek, 2009d, pour cette différence entre gouvernance et gouvernabilité, appliquée au territoire.

La gouvernabilité, nous la définissons comme la capacité de l’Etat et de ses instances { répondre aux demandes des citoyens, c'est-à-dire l’efficacité de ses institutions dans la gestion du dialogue et de la construction de politiques adéquates, définition relativement consensuelle (Oriol Prats, 2003; Mayorga & Córdoba, 2005). Elle correspond à la gouvernance de territoires