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La baie de Quiberon est un espace obéissant à des lois d’organisation spatiale précises mais pas forcément connues par tous. Pour les activités nautiques et ostréicoles, le cadre juridique de notre étude est organisé, par un certain nombre de codes, de décrets et d'arrêtés. Nous allons détailler ceux qui nous semblent pertinents afin d’en comprendre les enjeux sous-jacents. Nul n’est censé ignorer la

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loi mais la législation complexe et propre à chaque domaine d’activité conduit à une complexité règlementaire.

Pour les activités sportives de pleine nature et plus précisément les activités nautiques, le cadre règlementaire est organisé et lié au fait que la mer est reconnue légalement comme un support de pratique pour des activités sportives. Le premier cadre règlementaire qui est imposé par les Affaires maritimes. En tant qu’utilisateur de la mer, chaque acteur nautique doit répondre au cadre règlementaire des usages d’embarcations via la règlementation due à la navigation. Ces règles définissent la zone de navigation en fonction de l’embarcation. Elles doivent être connues de tous les pratiquants, encadrants ou pratiquants libres. L’arrêté, émanant de la préfecture maritime atlantique, règlemente la pratique des activités nautiques le long du littoral et doit être mis en œuvre pour la bande des 300 mètres par les mairies. Des arrêtés municipaux proviennent des différentes mairies concernées sur le territoire pour baliser cette zone des 300 mètres. Les compétences du maire dans la bande des 300 mètres sont l'organisation de la baignade, les engins de plage et les annexes de bateaux tels que définis à la division 240. Le maire a également comme prérogatives de statuer sur les planches à voile, les kite surf et les surfs sur cette zone. « Les

mairies ont une police spéciale qui s’appelle la police de la baignade » mais « le préfet maritime reste quand même responsable de la réglementation nautique à l’intérieur de ces zones là » (MLG). Cette règlementation s’applique aux engins qui

peuvent évoluer jusqu’à 2 milles d’un abri : « on doit respecter la distance de

sécurité qui est à 2 milles des côtes » (TG). Le code du sport, pour les établissements

proposant des activités nautiques encadrées, est le texte en vigueur avec des références aux sections selon le support et implique un DSI (Dispositif de Sécurité et d’Intervention) : « nous avons des secteurs par rapport au type de bateau, des

armements de sécurité zodiac etc. et par rapport au public. Les petits ne restent pas trop loin de la côte et des supports sur les SL et les Diams, vont beaucoup plus loin pour répondre aux attentes du public » (SM). Pour les structures organisant des

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3 mai 1995 définissant les règles à suivre. Chaque pratique sportive nautique encadrée doit également respecter les textes fédéraux.

Cette règlementation n’est cependant pas mise en valeur dans un PDESI. Alors qu’il s’agit d’une obligation règlementaire liée au code du sport, le Morbihan ne possède ni PDESI ni CDESI. Un entretien téléphonique avec un responsable des sports au Conseil Départemental nous a permis d’avoir quelques explications sur cette situation. Ce représentant nous a clairement expliqué qu’il n’existait pas de volonté politique de créer un PDESI ou une CDESI, en nous précisant que bien souvent c’est « une coquille vide ». Pour lui, ces instruments ont plutôt servi dans des départements souhaitant développer les sports de nature comme levier économique. Or, dans le Morbihan, cette approche n’est pas nécessaire. Il n’existe donc pas, dans ce département d’organe qui serait représentatif des acteurs sportifs et donc des acteurs nautiques, qui, nous l’avons vu, sont multiples.

Concernant l’activité ostréicole, la règlementation est importante. Pour l’exploitation des concessions, les ostréiculteurs sont soumis à l’arrêté du 29 février 2012 portant sur les modalités de gestion administrative des autorisations d’exploitation des cultures marines, qui est lié au décret de 1983 fixant le régime d’autorisation des exploitations de cultures marines. Un ostréiculteur, qui nous a présenté un titre de parc lors d’un entretien, explique précisément cette règlementation : « Sur le titre de concession tu as un cahier des charges qui est lié

au site, c’est un arrêté qui est pris par le préfet t’as déjà un résumé ici qui te dit ton numéro, où il est, ce que tu as le droit d’y faire, là en l’occurrence c’est des huîtres en surélevé c’est à dire sur table diverses huîtres, creuses et plates, ça peut être diverses huîtres et coquillages, la surface et à quelle date le titre expire, là celui là c’est 2031 donc il faut que je fasse le renouvellement au plus tard début 2031. C’est un bail qui peut aller jusqu’à une trentaine d’années je crois » (NC). Les

ostréiculteurs payent une redevance annuelle aux Affaires maritimes : « c’est le

domaine public maritime, l’État te loue ses concessions. C’est une redevance annuelle […d’] à peu près 140 euros à l’hectare ça fait quand même une somme

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redevance plus tout ce que tu payes à la profession, CNC, section régionale » (GK).En

ce qui concerne le territoire spécifique de la baie de Quiberon, il existe également un document annexé au titre de concession qui stipule les conditions particulières pour les parcs de captage et d’élevage d’huîtres à plat et surélevé (annexe). C’est dans ce document que nous pouvons trouver les conditions spécifiques de balisage des parcs et des capteurs. Il est important de noter que ce document, non daté et non signé, n’a pas été mis à jour en tentant compte de l’évolution des capteurs : les nouveaux collecteurs que sont les coupelles plastiques n’apparaissent pas dans ce document. Les institutionnels questionnés sur la valeur juridique de ce document ne répondent pas de manière explicite : « quand c’est annexé, oui en gros ça fait partie

de ce qu’on appelle le cahier des charges » et « après bassin par bassin on peut avoir des règles particulières qui sont édictées notamment par les structures »(AD). Il

s’agit donc simplement d’une sorte de « règlement interne qui stipule [notamment]

qu’il y a une hauteur d’eau minimale à respecter » (GR). Pour la baie de Quiberon,

ce texte explicite donc pour les ostréiculteurs les « règles de balisage, les règles

d’implantation, le placement des cages, les règles des hauteurs des cages et puis aussi les règles de travail de nuit et de plongée et des choses comme ça » (AD).

Dans le domaine du tourisme, la règlementation est liée à l’organisation territoriale. Dans le cas de notre étude, nous retiendrons le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) qui a pour vocation à concevoir et mettre en œuvre une planification intercommunale. Pour l’intercommunalité de notre terrain d’étude, le SCOT « a été

voté il y a quelques années déjà en l’occurrence au moment de la fusion avec AQTA en 2014 et […] donne les grands axes de développement pour l’habitation : [par

exemple faire] attention qu’il n’y ait pas que des résidences secondaires, des

retraités sur la côte et qui fluidifie la mobilité » (VG). Une « déclinaison » littorale

du SCOT est imposée par la loi de développement des territoires ruraux (DTR) avec le volet maritime dénommé SMVM. Le SMVM, crée par la loi du 7 janvier 1983, est un instrument d'analyse et de gestion spécifique de l'espace maritime et littoral. La procédure d’élaboration et d’adoption des SMVM a été modifiée par l’art.235 de la loi du 23 février 2005.Il est le résultat d'un travail de partenariat entre tous les

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acteurs institutionnels, associatifs et professionnels concernés. Dans le département du Morbihan, après 6 ans d’études et de procédure, le SMVM du Golfe du Morbihan a été approuvé par arrêté préfectoral du 10 février 2006. Ce territoire géographique a été choisi car il constitue une « zone qui a été identifiée comme à enjeux forts [...avec] des enjeux environnementaux forts et l’occupation du plan terrestre et

maritime qui à la période estivale est également très fort » (MLG). Ses

objectifs sont de fixer les orientations fondamentales de protection, d’exploitation des ressources de la mer et de l’aménagement du littoral. Cette initiative a donc permis de réunir toutes les personnes et structures ayant une activité socio- économique dans le golfe du Morbihan mais également d'aboutir à un outil d'aménagement du territoire consensuel et concret. Il est possible d’envisager cet outil comme une déclinaison territoriale de la GIZC puisqu’il vise, dans le droit français, à une meilleure intégration et une valorisation du littoral dans une démarche globale d'aménagement durable du territoire. Outil qui analyse les effets de concurrence, il peut arbitrer de possibles conflits d’usages ou proposer des moyens de les réguler en précisant les modalités d’organisation d’un même espace. Lourd à mettre en œuvre, cet outil reste le moteur d’une action concertée prenant en compte les besoins des usagers et la préservation environnementale. Il permet aux différents acteurs de mieux se connaître et de pouvoir plus facilement exprimer leurs attentes, difficultés, compétences et savoir-faire. Le SMVM est présenté par un représentant des Affaires maritimes comme un « dispositif état où justement à

travers des groupes de travail on associe l’ensemble des partenaires qu’ils soient environnementaux, associatifs, état, collectivités locales professionnels au sein des groupes de travail pour trouver une solution » et « essayer de concilier des objectifs qui ne sont pas forcément 100 % conciliables » (MLG). Il n’impose pas de valeur

règlementaire, même s’il peut se décliner par des règlementations locales, mais constitue bien une instance de concertation entre les usagers concernés suivants les thématiques choisies. « En soi ce n’est pas une panacée, ce n’est pas parfait mais

c’est un vrai outil de concertation qui est efficace et qui résout concrètement les problèmes […] par exemple de tables abandonnées par les ostréiculteurs » (MLG).

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Sur les trois qui existaient en France, il n’en reste plus qu’un aujourd’hui actif dans le Golfe du Morbihan, porté par les Affaires maritimes, en collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés. Le SMVM du Golfe du Morbihan n’est pas un outil de gestion possible concernant notre territoire d’étude. Il est cependant intéressant de constater qu’il fait état, de la même manière que dans notre questionnement, d’interactions et de confrontations possiblement conflictuelles des différents usages entre l’activité ostréicole dans le golfe et les autres activités : « L’activité

conchylicole n’est pas toujours appréciée des riverains du Golfe du Morbihan. Bien qu’étant traditionnelle, elle crée certaines nuisances, notamment sonores, la rendant difficile à intégrer dans un milieu urbanisé » (source : Rapport SMVM 2006).

Comme nous l’avons précisé ci-avant, l’activité ostréicole est une profession très organisée et règlementairement organisée (l’adhésion au syndicat est obligatoire et se fait au prorata de la surface de concession). L’activité nautique, pour des raisons à la fois structurelles et intrinsèquement liées aux caractéristiques des sports de nature, est nettement moins organisée voir peu structurée. Seules les structures adhérant aux fédérations sont structurées par les organes déconcentrés que sont les ligues et les comités départementaux. Il n’existe qu’un opérateur représentant les sports nautiques et qui est une particularité bretonne : Nautisme en Bretagne. Cependant, l’adhésion à cet organisme n’est pas obligatoire. L’évolution des structures nautiques existantes, souvent associatives, vers la pluriactivité, nécessaire pour toucher un public touristique plus large, et d’un autre côté, la création de nouvelles structures nautiques hyper-segmentées, et n’ayant pas de liaison obligatoire avec les fédérations, amène de fait une non structuration de la profession. La représentativité de l’activité nautique est donc bien plus problématique. Dans le cadre de la structuration d’un réseau, pouvant être amené à se concerter avec d’autres secteurs d’activités sur un même territoire, qui est légitime pour incarner la profession. Nous constatons donc une importante différence de structuration entre les deux activités. C’est toute la difficulté qui est d’ailleurs évoquée par le représentant des Affaires maritimes : « ce qui nous fait

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défaut c’est, qu’autant la profession des ostréiculteurs est bien structurée, donc on trouve des interlocuteurs crédibles très vite, autant [pour le nautisme…] quand c’est Tartenpion, sans que ce soit méprisant, qui nous révèle un problème, on peut lui expliquer ce qui se passe mais on ne trouvera pas un dispositif réglementaire tant qu’on a pas de gens qui soient représentatifs de l’ensemble d’une activité »

(MLG).Cet interlocuteur précise que « même une association [suffirait à être]

représentative ». Pour les Affaires maritimes, les fédérations et la DDCS sont les

seuls interlocuteurs existants. Ce qui pose problème pour représenter les pratiquants libres autant que les prestataires privés non affiliés.

Nous pouvons donc constater que notre terrain d’étude est bien une zone règlementée mais peu structurée dans le sens d’une visibilité entre les différents secteurs d’activités. La superposition des règlementations propres à chaque profession ainsi qu’à l’organisation territoriale rend complexe la lecture règlementaire de ce territoire et amène presque à ce que Bernard (2016) évoque comme « une discontinuité règlementaire ». Aucun organe ne peut en soi offrir une gestion de cet espace aux spécificités pourtant réelles. Les pouvoirs règlementaires de l’EPCI, incarnant la décentralisation étatique sur le terrain, sont faibles et ne peuvent pas affecter les domaines d’activités étudiés en imposant une quelconque règlementation. AQTA, en raison de la compétence économique et touristique, peut cependant fédérer les acteurs nautiques. Or, comme le précise Mounet (2007), « si

la présence d’un médiateur est possible dans des espaces gérés, elle ne va pas de soi dans la nature ordinaire.» La baie de Quiberon est en effet un territoire

caractérisé par l’absence de gestionnaire de cette nature ordinaire. Prise entre deux territoires gérés par d’autres instances, elle n’offre pas aux acteurs de représentants incarnant les « porte-paroles », au sens de Callon et Latour. Alors qu’il existe un outil de gestion concerté sur le golfe du Morbihan, la baie de Quiberon n’est pas identifiée comme une zone à enjeux forts. Il n’existe donc pas de prérogatives règlementaires concernant le partage de cet espace. Une concertation, portée par un ou des représentants institutionnels, permettrait cependant une meilleure

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même de préserver ce territoire et sa spécificité. Qui pourrait porter cet enjeu stratégique et se positionner comme traducteur, au sens donné par Callon et Latour, permettant ainsi aux divers acteurs concernés de créer un réseau ?