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Une définition juridique des sports de nature caractéristique de cette constante évolution

S’il est encore nécessaire de démontrer le caractère perpétuellement innovant des sports de nature, il suffit d'observer le positionnement du législateur. Le « droit des sports de nature » est une« matière récente » (Sontag, Roux, 2013). Depuis 1975 et la loi Mazeaud qui instaure une première réglementation, « la part

du droit relative à ce domaine n’a depuis cessé de croître de manière continue, opérant une importante « juridicisation » de ce champ social. » (Sontag, Roux, 2013).

En effet, « en devenant des activités économiques et sociales importantes, les sports

II Cadre général : le développement des sports de nature : des pratiques sociales au cœur de nouvelles territorialités

Le cadre juridique définissant les sports de nature est effectivement récent puisque datant de juillet 2000. L’évolution permanente des sports de nature empêche le législateur d’avoir un inventaire exact des pratiques puisque ces dernières évoluent sans cesse. Il a cependant fallu, notamment pour répondre aux problématiques liées au développement des pratiques sportives dans les espaces naturels, une définition législative permettant ainsi un cadre d’action juridique. La loi du 6 juillet 2000, intégrée dans le Code du sport à l'article L311-1, apporte cette définition : "Les

sports de nature s'exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public ou privé, des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés, ainsi que des cours d'eau domaniaux ou non domaniaux." Le législateur a donc intégré

cette notion en choisissant de définir les pratiques sportives de nature, non pas par une liste exhaustive des activités qui deviendrait rapidement obsolète, mais en privilégiant l'entrée par la notion d'espace, le lieu d’exercice.

Par instruction n°04-131 JS du 12 août 2004, le ministère en charge des sports précise la définition des sports de nature comme des «activités physiques et sportives dont

la pratique s'exerce en milieu naturel, agricole et forestier – terrestre, aquatique ou aérien – aménagé ou non.» Les définitions anciennes n’ont cependant pas toutes

été annulées par ces nouveaux textes puisque le code du sport, adopté par l’ordonnance du 23 mai 2006, intègre des dispositions de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. L’approche législative est donc triple : par secteur d’activité avec une différenciation des milieux d’exercice de la pratique (eau, air, terre), par lieux de pratique (espaces, sites ou itinéraires en milieu naturel) et en lien avec le droit de propriété (domaine public des collectivités publiques ou domaine privé des collectivités publiques et/ou de propriétaires privés). Le sportif pratiquant de pleine nature, qui n’a plus besoin de stade ou d’autre aménagement structurel, n’a cependant pas accès de plein droit et sans aucune contrainte à la nature. En plus du droit du sport, et sans recherche d’exhaustivité, le pratiquant se heurte entre autres : au droit administratif, au droit de la propriété, au droit civil de la responsabilité

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(responsabilité du propriétaire du site en cas d’accident), au droit des espaces protégés, au droit forestier, au droit rural, et dans le cadre de notre étude pour partie, au droit littoral (prise en compte de la nature juridique du littoral). Le cadre règlementaire pour la pratique des sports de nature est caractérisé par une imbrication de différentes règles et explique son caractère évolutif. « Les sports de

nature fédèrent aujourd’hui les règles de droit les plus variées, qui se situent au croisement de différentes problématiques » (Sontag, Roux, 2013). Les acquis du

texte législatif sont essentiels pour le pratiquant autant que pour la nature en tant qu’espace de pratique. La meilleure accessibilité aux espaces naturels en tant que site de pratique est au cœur de la notion d’Espaces, Sites et Itinéraires (ESI). Les ESI doivent être explicités dans des plans (PDESI) et encadrés par des commissions (CDESI) ayant pour vocation de gérer ces PDESI.

La terminologie juridique faisant référence aux éléments naturels comme mode de catégorisation ne correspond pas toujours à une réalité exacte ou du moins correspond à une réalité elle aussi fluctuante. L’exemple le plus parlant dans le domaine du nautisme est le changement très récent de fédération pour le kitesurf. Dans une décision du Ministère des Sports publiée le 11 janvier 2017 au Journal Officiel, la FFV a annoncé que la délégation de la discipline du kiteboard (kite nautique) lui était désormais attribuée, ce qui impliquait un non renouvellement de la délégation à la FFVL qui l’avait depuis 2003 (mais s’y intéressait depuis ses débuts dans les années 90). Certes cette décision du législateur est à relativiser puisqu’elle permet à la France de s’aligner avec les décisions internationales, dont celle du CIO, qui considèrent le kiteboard comme une discipline de voile. Cependant, cette catégorisation des sports de nature par le milieu d’exercice de pratique montre ses limites : un pratiquant de kite surf est souvent, l’hiver ou sur d’autres terrains, un pratiquant sur neige et en buggy. Faudra-t-il pour autant qu’il prenne trois licences différentes dans trois fédérations ? Comment va se passer la cohabitation entre les écoles labellisées EFV et souvent subventionnées par les communes et les écoles de kitesurf privées ?

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Toujours dans le domaine du nautisme, le législateur risque d’avoir à faire face à une jurisprudence qui imposera nécessairement des modifications des textes de loi avec le développement important des foils. Connus initialement depuis les utopies incarnées notamment par l’hydroptère et développées de manière « maîtrisée » dans le monde de la course au large puis dans celui du kitesurf, ces appendices en carbone qui permettent de s’élever au dessus de l’eau se démocratisent. Alors que la vitesse et la maniabilité parfois « incontrôlable » par utilisateur non averti caractérisent cette innovation technologique, les foils ont fait leur apparition depuis 2017 sur des produits « grand public » (malgré un coût qui reste important) : des paddles, des petits catamarans de série mais aussi des planches. Alors que l’innovation technologique est encore en cours de développement, ce nouveau sport de pleine nature est déjà happé par le marketing et devient un marché économique comme le prouve également le positionnement stratégique que souhaite développer en la matière l’ENVSN qui propose depuis 2015 la Semaine Affoilante® puis les Foils journées de l’ENVSN. Dans le domaine nautique, l’arrivée du foil n’est pas qu’une évolution des pratiques mais demande bien un réapprentissage de la voile : le skipper Armel Le Cléac’h, navigateur éprouvé, précise lui-même les précautions d’usage nécessaire « A notre échelle, c’est l’équivalent d’une F1 lancée à toute vitesse sur

une piste bosselée. » 1 . La démocratisation est certes effective mais, « malheureusement », encore trop peu d’accidents sont survenus et la jurisprudrence actuelle n’est pas un matériau suffisant pour règlementer les pratiques qui sont signalées comme très dangereuses et accidentogènes par les pratiquants eux-mêmes. Le lien entre évolution technologique et définition juridique est parfois saisi par avance par d’autres administrations publiques : pour anticiper dans le domaine des accidents en mer, les affaires maritimes développent

1 Source :« Transat Jacques Vabre : La révolution des bateaux volants », Le Parisien, 3 novembre 2017. http://www.leparisien.fr/week-end/transat-jacques-vabre-la-revolution-des-bateaux-volants-

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actuellement, en coopération avec l’ENVSN, Prédisauvetage2, un outil d’analyse et de prévention des accidents en mer fondé sur algorithmes prédictifs.

Au moment de rédiger cette étude, une proposition de loi visant à « favoriser le

développement des sports et activités de nature en allégeant la responsabilité civile des propriétaires et gestionnaires de sites naturels » a été adoptée en première

lecture par le Sénat le 31 janvier 20183. Elle fait suite à une jurisprudence de 2016 qui a condamné la fédération française de la montagne et de l’escalade, gestionnaire d’un site naturel par délégation pour une commune, à indemniser à hauteur d’1,2 million d’euros la victime d’un accident survenu à la suite de l’effondrement d’un rocher. Pour appuyer cette modification législative visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires, les auteurs de cette proposition font valoir que la promotion des « sports et loisirs de nature » « se heurte à un environnement

juridique inadapté ». La « grande insécurité juridique », évoquée par Sontag et Roux

(2013), est ici au cœur de l’évolution législative consubstantielle au développement des sports de nature.

Un autre argumentaire introductif cité par les auteurs de cette proposition de loi est que ces « activités [de pleine nature] constituent un atout touristique important

pour de nombreuses collectivités territoriales». Il nous permet de faire le lien avec

l’aspect de développement économique indissociable des pratiques de sports de nature.

2. Les sports de nature : levier de développement économique et touristique des territoires

Les nouvelles pratiques qui émergent sans cesse, dans différents milieux socioprofessionnels, s’inscrivent sur de nouveaux espaces de pratiques et font

2 Source : « Mer. Nouveaux sports, nouveaux risques », Le Télégramme, 1er avril 2018 :

http://www.letelegramme.fr/bretagne/mer-kitesurf-foil-paddle-nouveaux-sports-nouveaux-risques- 01-04-2018-11909848.php

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conséquemment apparaître de nouveaux enjeux économiques liés à ces consommations touristiques et sportives. « Les sports de nature sont [bien] devenus

une composante à part entière de l’économie touristique, appelée à jouer un rôle central dans le repositionnement de la destination France face aux recompositions en cours du marché touristique mondial » (Géographie des sports, p. 145). Les

évolutions des pratiques sportives de nature convergent avec de nouveaux enjeux liés au développement économique des territoires. « Le sport est sorti du sport » d’après Bessy et Mouton (2004) et il participe désormais « au développement

économique ». Le questionnement sur la mise en marché des sports de nature est

donc nécessaire autant que sur le marché économique qui se fonde sur cette activité pour permettre un essor touristique territorial. « Ce changement de statut

s’accompagne logiquement d’une montée en puissance d’enjeux de régulation et de gestion » (Géographie des sports, p. 145). Le rôle des activités sportives est

également structurant dans le développement économique local et l’organisation des territoires. « À la fois jeux et enjeux de société, ils représentent une

opportunité à saisir pour les différents acteurs concernés par le développement local » (Bessy et Mouton, 2004).

Les « dynamiques spatiales qui débordent largement le seul phénomène sportif » (Augustin, date) imposent une approche territoriale des sports de nature et la prise en compte de l’échelon local comme échelon pertinent du développement et à la création de ressources territoriales. « La transmodernité en émergence induit de

savoir gérer transversalement les dynamiques territoriales et de s’inscrire dans des territoires de projet » (Corneloup, 2005).

Dans le cadre de notre étude, le lien avec le tourisme est évident pour les deux secteurs d’activité professionnelle que sont le nautisme et l’ostréiculture.