• Aucun résultat trouvé

La carte ci-dessus nous montre bien une répartition de l’activité ostréicole en Bretagne sud localisée entre le golfe du Morbihan et la baie de Quiberon. Cette dernière apparaît comme le lieu privilégié pour l’eau profonde puisque le cadastre conchylicole nous montre bien l’importance de ce territoire. La baie de Quiberon, en raison de ses caractéristiques géographiques et topographiques, dispose, en effet, d’un caractère unique en France en matière d'ostréiculture. Protégé par la presqu’île de Quiberon des vents dominants d’ouest et surtout de la houle, avec des zones d’estran importantes, ce territoire est particulièrement adapté à l’activité ostréicole. Comme nous l’avons vu dans le cadre général, sur la partie rétrospective de l’ostréiculture, la baie de Quiberon a joué un rôle clé dans l’histoire de l’ostréiculture bretonne, notamment après guerre. « Le Morbihan sud c’est quand

même le berceau de l’ostréiculture avec la plate ! » (GK). Pour bien comprendre

V Analyse des données

dans la perspective de partage avec les pratiques nautiques, nous vous proposons de repositionner ces zones pour mieux comprendre les activités ostréicoles.

Carte 5 : la répartition des zones de concessions ostréicoles en baie de Quiberon A l’ouest du plan d’eau, après l’isthme de Penthièvre, en longeant la côte vers le nord, cette grande étendue sablonneuse, ancienne zone de captage d’huîtres plates, est aujourd’hui exploitée pour l’élevage de l’huître creuse sur l’estran. Ce travail s’effectue sur des tables métalliques surélevées du sol à une hauteur de 60 cm. Cette zone est accessible par ponton (bateau ostréicole) au coefficient de vives eaux. Un peu plus au nord, cette grande baie très protégée, composée de l’anse du Pô et la baie de Plouharnel, est le lieu historique de cette activité, dès la fin du XIXe siècle. Un grand nombre d’entreprises ostréicoles y sont installées, offrant un visage protéiforme de l’activité. De très nombreuses dégustations et ventes au détail se sont développées ces dernières années. Ce lieu est aussi dédié à l’élevage en surélevé des huîtres creuses. Plus à l’est, dans la rivière de la Trinité en aval du pont de Kérispert, se trouvent, de chaque côté du chenal donnant accès au port, des concessions sur l’estran pour le travail de la creuse. Les exploitations se situent,

V Analyse des données

elles, très majoritairement en amont du pont. La limite de notre étude concerne la rivière de Saint Philibert et Locmariaquer : les concessions sont aussi sur l’estran et les exploitations souvent à proximité. Retenons que le travail sur estran est aujourd’hui exclusivement réservé à l’élevage de la creuse.

La seconde zone, beaucoup plus conséquente en termes de superficie (autours de 2000 ha), s’étend au nord d’une ligne La Trinité-sur-Mer/Saint-Pierre-Quiberon. L’analyse du cadastre ne permet pas de distinguer les deux usages distincts sur ces concessions, à savoir le captage de l’huître plate et l’élevage de l’huître creuse à même le sol. Ces données nous auraient pourtant permis une analyse plus précise dans le double usage du territoire avec les nautiques. En effet, l’élevage en eau profonde a un impact moins problématique pour la navigation puisque les concessions sont balisées aux quatre coins du parc, tandis que les zones de captage sont plus proches de la côte et avec une densité de bouées correspondant au nombre de cages déposées, soit environ une bouée par mètre carré.

a. Deux atouts essentiels

a1. Une façon unique de travailler : l'eau profonde Un professionnel nous fait l'éloge des pratiques possibles et termine ses propos par : « C’est un lieu exceptionnel la baie en ostréiculture ! »(CK). Pourtant, lors des entretiens, tous ne l'expriment pas spontanément tant cet élément fait parti de leur environnement, de leur culture. L'ensemble des ostréiculteurs interrogés a repris une exploitation familiale ou est enfant d'ostréiculteur, voire avait déjà des grands- parents dans le métier. La baie étant protégée des vents dominants d'ouest et surtout de la houle, cela permet de travailler les huîtres sur des concessions à même le sol et rend possible une mécanisation des tâches. Cela demande un investissement conséquent dans des pontons de grande taille, mais le confort de travail est bien réel en comparaison à la pénibilité du travail des poches pour la culture des huîtres sur l'estran. L’'un des ostréicultures interrogés l’explique bien : « y’a du monde intéressé

V Analyse des données

qui est le top, après y’a des contraintes, il n’y a pas toujours la qualité que t’espérerais mais au niveau de la facilité du travail physique c’est bien » (MLJ).

Le modèle économique d'une exploitation ostréicole de la baie de Quiberon est donc un peu différent d'une exploitation qui travaille sur l'estran, comme l'illustre le secrétaire général du CRC : « Si tu compares un céréalier de la Bretagne à un

céréalier de la Beauce, c’est la même logique en terme de moyens, d’économie générale et de pilotage d’entreprise. C’est à dire qu’en baie de Quiberon on raisonne tout de suite à l’échelle de 4 à 5 ha, sinon ça n’a pas de sens. Celui qui fait des poches raisonne à la poche au mètre carré » (AD). Même si l'image est parlante,

il est important de ne pas se référer à l'ensemble des éléments que cela pourrait renvoyer et notamment en terme de posture environnementale, ici pas de traitements, au contraire un souci vital de qualité des eaux que nous évoquerons un peu plus loin.

a2. Une baie pour deux huîtres

Il est parfois difficile pour le néophyte de saisir le travail de l'ostréiculteur en baie de Quiberon. Depuis le littoral, seule l’activité sur estran est visible et, en baie, l’activité est visible uniquement via des bouées mais qui ne donnent pas de clés de compréhension, ni pour des touristes lambdas, ni pour des pratiquants nautiques et parfois même pas pour des locaux. Quand l'un des ostréiculteurs vous dit : « les

meilleurs parcs de captage c’est dans les hauteurs ! » (GK), il est nécessaire de

déchiffrer ses propos. Quand il parle de hauteur, cela correspond à la hauteur d'eau, dans ce cas, cela veut dire que ce sont des concessions en eau profonde mais avec peu de profondeur, soit celles qui sont les plus près de la zone d'estran. Le secrétaire général du CRC nous précise : « la zone de captage est circonscrite dans la zone des

3 à 5 m » (AD). Ces parcs sont propices au captage de l'huître plate. Si aujourd'hui

un pourcentage très faible de ce naissain est élevé jusqu'à la commercialisation en baie de Quiberon, pour des raisons de mortalité encore importante, c'est pourtant bien le lieu presque exclusif de captage tant la production de la rade de Brest reste

V Analyse des données

marginale. Cela nous est expliqué lors d'un entretien, tout comme le lien avec Cancale : « le captage de plate en France, c’est la baie ! Cancale est dépendant de

nous pour produire les huîtres plates » (GK). L'essentiel des jeunes huîtres part finir

son cycle de grossissement sur Cancale, et, l'interdépendance de ces bassins étant extrêmement forte, il existe même des ostréiculteurs qui travaillent sur les deux bassins afin de pouvoir maîtriser l'ensemble de l'élevage de cette huître plate et ne pas être dépendant. C'est ce que nous expliquait le secrétaire général du CRC pour expliquer l'augmentation des bouées de captage en baie : « on s’aperçoit qu’il y a

un engouement, une augmentation de la pratique du captage notamment par le fait qu’on a un certain nombre d’éleveurs de Cancale et de la baie du mont St Michel qui viennent capter ici en se disant si on capte nous même on n’a pas besoin d’acheter » (AD). Mais ce travail de captage demande des investissements

considérables en terme de matériel, d'achat de concessions, et d'espace de travail à proximité de l'eau alors que le foncier est de plus en plus rare.

Cela confère donc au travail en eau profonde un attrait très recherché pour la qualité de ses huîtres (MLJ) et une certaine facilité de travail. Les témoignages sont presque unanimes. L'un explique sa volonté de la sorte : « mais le but c’est de retravailler

au maximum en baie » (CK), un autre : « je n’envisage pas de mettre plus en poches mais en revanche en baie j’ai encore de la place, il y a du potentiel » (MLJ).

Seulement une poignée d'élus (35 à 40 entreprises) a aujourd'hui le privilège de pouvoir y exercer le travail de la creuse en eau profonde.

b. Les risques conchylicoles

Le captage de naissain d'huîtres plates a toujours eu lieu en sud Morbihan, même s’il a connu des épizooties qui ont lourdement impacté la profession à plusieurs moments. Ces périodes de mortalité ont amené à une reconfiguration de la géographie ostréicole en baie de Quiberon.

Un des risques majeurs et permanents de la profession ostréicole est le risque d’épizootie aux causes multiples et pas encore scientifiquement précisées mais dont

V Analyse des données

les conséquences sont catastrophiques puisque causant des mortalités massives d’huîtres. La profession a traversé deux épizooties entre 1970 et 1980 qui ont eu pour conséquence l’arrêt, presque total, de la culture de l’huître plate. En trouvant comme huître de substitution, l’huître creuse d’origine japonaise, il a fallu réapprendre un nouveau métier car même s’il s’agit d’une huître les caractéristiques d’élevage et les zones de captage ont modifiées totalement les méthodes de culture et les interactions entre les bassins ostréicoles français. Certaines régions ont pu profiter de ce passage à la creuse pour se lancer dans l’ostréiculture (en Normandie par exemple). La baie a connu, à nouveau, de gros problèmes de mortalités vers 2008 : « Il faut savoir que dans la baie on a connu un coup dur, on va dire il y a une

petite dizaine d’années maintenant. Il y a eu des mortalités relativement conséquentes dans le naissain d’huître, il y a eu une mortalité très conséquente dans la baie de Quiberon ce qui fait que la baie n’est plus exploitable que dans la partie haute, là où les sols sont les plus durs » (MLJ). Il ne s’agissait pas à ce moment

d’une nouvelle épizootie mais plutôt d’un virus. Les causes, analysées par l’IFREMER, semblent multiples mais l’un des facteurs principal pourrait être lié à la trop grande densité d’élevage et aux changements successifs de bassin d’élevage au cour du cycle de croissance.

Alors que la baie de Quiberon est un territoire presque unique en France pour le travail en eau profonde des huîtres directement au sol, cet avantage indéniable implique également certaines contraintes importantes auxquelles les ostréiculteurs doivent s’adapter. Dès les débuts de l’exploitation de la baie, les ostréiculteurs ont connu une évolution des prédateurs. Nous pouvons citer entre autres les crépidules et les bigorneaux perceurs mais également les étoiles de mer : « l’inconvénient c’est

qu’on est en première ligne au niveau des entrées d’étoiles [de mer] et là on s’est payé des journées, des semaines d’étoiles. Régulièrement tout l’été on passait »

(CK). Pour lutter contre ces prédateurs et préserver la marchandise, les ostréiculteurs doivent les pêcher à l’aide d’écheveaux, sorte de cordage détoroné trainés au fond de l’eau sur lesquels les étoiles s’accrochent, mais cela demande

V Analyse des données

efficace. Un autre type de prédateur est redouté des ostréiculteurs : la daurade.

« Le gros souci de la baie c’est que les daurades peuvent tout avaler en peu de temps, donc le travail de plusieurs années peut être réduit à néant » (CK). Ce poisson, qui

fait d’énormes dégâts en très peu de temps, est présent de manière périodique mais sur une saisonnalité marquée (de mars à octobre). « C’est dur à pêcher et nous on

est jamais là quand elles sont là, elles sont tellement farouches c’est un poisson qui survit tout le temps » (GK). Et pourtant l’ostréiculteur doit y faire face, trouver les

solutions au risque de mettre en péril l’entreprise. Certains ostréiculteurs mettent des filets protecteurs autour de leurs parcs, d’autres font appellent à une société extérieure (un regroupement d’ostréiculteurs) qui pêche à leur place. L’entretien des parcs ostréicoles pourrait aider à réduire les impacts négatifs des prédateurs.

« Les contraintes de la baie sont plus liées aux problèmes de prédation notamment la daurade et puis les étoiles de mer mais là on maîtrise mieux » (CLJ). Par ces

propos, nous voyons que la lutte contre les prédateurs peut s’avérer plus ou moins facile en fonction du prédateur et des techniques mises au point.

Nous voyons bien par l’analyse de ces données, les multiples facteurs de dépendance au milieu naturel, qui peuvent, à tout moment, avoir des conséquences dramatiques si la gestion du risque n’est pas dans la culture de l’entreprise. « Je garde un quota

sur l’estran en cas de chasse, un volume minimum pour que quoi qu’il arrive, on garde ça sous le coude » (CK). Dans le même temps, cet ostréiculteur nous expliquait :

« les concessions étaient abandonnées et moi j’ai fait la demande ce n’est pas des

mauvais parcs mais on était dans une ambiance morose les gens se désintéressaient de la baie, moi quand j’ai su que ce morceau là était vacant j’en ai fait la demande »

(CK). Ces propos illustrent la nécessaire prise de risque mêlée à une analyse fine de la situation ostréicole dans la période de crise après 2008, mais il semble, au vu de la situation économique de son entreprise aujourd’hui, que ses choix se sont avérés judicieux, la baie étant à nouveau un terrain propice à la creuse.

V Analyse des données

Le nautisme, nous l’avons vu ci-dessus, « a été considéré comme une priorité

après le transport et la mobilité et la modernisation de l’offre » (VG) par les élus

d’AQTA. Ces choix sont argumentés puisque pour eux, « il y a deux dimensions [dans]

le nautisme » : « une question d’image pour notre territoire » et il sert

« l’attractivité économique » (VG). Ce territoire « n’est pas attractif grâce aux

chapelles » (VG). Les élus et acteurs sont cependant conscients « qu’entre l’intention et la consommation il y a un décalage » (VG). Le territoire étudié offre

une concentration importante d’activités nautiques composées d’écoles de voiles (ENSVN, SNT, YCC), dont la réputation est en partie fondée sur les grands noms qui y sont passés ou y passent encore (Eric Tabarly, Olivier de Kersauson, Thomas Coville), autant que de petites structures privées. La carte ci-après présente cette répartition à partir de l’implantation foncière des entreprises nautiques : en vert est indiquée la zone d’évolution règlementaire des activités, à savoir une navigation maximum à deux mille à partir du trait de côte.