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L’analyse portera ici sur l’existence d’un ou des problèmes communs liés à la pratique d’une activité sportive de nature en concurrence avec une pratique primaire sur un même espace. Il s’agira d’analyser si les acteurs en présence peuvent avoir des positions particulières : cohabitation simple, coopération, conflit et si oui, de quels types.

Si une activité pose un problème social et qu’elle impacte une autre activité en imposant des conséquences particulières aux acteurs des autres activités se déployant sur le même territoire, alors l’action organisée peut être analysé via les concepts théorisés par Friedberg et Crozier. Friedberg précise que la définition de l’ordre local dépend, au départ, d’un choix du chercheur (p. 244). La définition du « problème » de départ doit donc parfois être revue en fonction du contexte étudié afin de pouvoir cerner plus précisément un ordre local précis. L’affirmation de l’existence du système doit se faire par la présence d’un processus endogène d’auto-

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entretien (p. 236). « Elle peut également se faire en montrant comment l’ordre

local a pu transformer les contraintes de la pré-structuration de son contexte pour apporter une solution, chaque fois originale, au problème posé » (Mounet, Perrin-

Malterre et Rech, 2012).

Dans cette analyse stratégique, il sera également nécessaire de prendre en compte des acteurs particuliers, à savoir les « actants non humains » (Latour, 1992), tout en relativisant, peut-être, leurs capacités stratégiques.

5. Hypothèses de recherche

Nous nous inspirerons de ces travaux sur la sociologie des organisations et sur la sociologie de l’innovation, avec la théorie de l’acteur-réseau et la notion de concertation, afin de mettre en évidence des comportements et des stratégies d’acteurs différents qui n’agissent pas tous de la même façon pour améliorer la contribution des loisirs sportifs de nature au développement sportif et touristique durable sur un territoire où ces loisirs sont en concurrence spatiale avec d’autres activités primaires.

En effet, chaque acteur se positionne de façon particulière en fonction des enjeux que représentent pour lui cette contribution. Dans notre contexte d’analyse, les incertitudes sont nombreuses venant de l’environnement : faille dans la règlementation, pression économique, contraintes environnementales, « défaillances » techniques possibles (dans le sens d’une non-maîtrise de l’innovation type foil par exemple). Les incertitudes sont nombreuses également venant du jeu des acteurs : dans la connaissance de ces éléments endogènes ou exogènes, leur utilisation dans l’action et la prise de position ou de décisions… L’effet de ces zones d’incertitudes peut mettre en lumière les stratégies différentes des acteurs et surtout l’interdépendance entre individus.

Comment s’organise le partage d’un même territoire avec des pratiques à la fois professionnelles et sportives ? Quelle est la structuration de « l’action organisée » ? Chaque activité a en effet son propre écosystème mais des points de croisement

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existent entre les deux activités qui peuvent être des convergences d’intérêts autant que des problématiques conflictuelles.

Les problèmes, évoqués en introduction et liés à ma pratique professionnelle, m’ont permis de voir l’existence d’un ordre local à plusieurs niveaux. Quelle est l’évolution à envisager de ce problème en fonction de l’analyse plus pertinente rendue possible par l’apport théorique ? Est-il possible de passer d’un territoire partagé à une stratégie coordonnée de développement ? En quoi la constitution d’un réseau autour de ces enjeux commun serait-elle intéressante ?

Le partage d’un territoire, en fort développement touristique par des activités elles- mêmes en développement incessants, impose une interdépendance stratégique des acteurs mais y-a-t-il réellement perception d’un « problème » commun et/ou d’une convergence vers un point de passage obligé au sens de Latour et Callon ? Si ce problème se traduit par un conflit ou tout du moins une non coopération des acteurs en présence ou une simple cohabitation, va-t-il y avoir d’autres phases dans ce que Friedberg nomme une « séquence génétique des systèmes d’actions concrètes » ? Quels interlocuteurs, qui incarneraient des traducteurs, peuvent aider à aller vers un changement nécessaire, maîtrisé et pertinent pour tous les acteurs du même territoire ?

IV. Méthodologie

Nous allons dans cette partie du mémoire traiter de la méthodologie que nous avons employée pour réaliser l’étude. Nous développerons dans un premier temps les méthodes de recueil des données, puis nous rendrons compte de la méthode utilisée pour analyser ces données.

Il s’agit ici d’une méthodologie au service d’un terrain d'étude particulier : le territoire de la baie de Quiberon entendu comme un « écoumène » maritime, au sens d’Augustin Berque, c’est-à-dire présentant une relation existentielle des hommes à leurs lieux : des terres anthropisées mais également un territoire maritime et littoral.

1. Un espace littoral et touristique : le territoire de la baie de Quiberon Nous avons choisi la baie de Quiberon comme espace d’étude puisqu’elle est tout d’abord le lieu d’exercice de notre activité professionnelle mais également notre lieu de vie que nous avons vu évoluer depuis une vingtaine d’année. Cette implantation nous permet donc d’avoir une vision d’ensemble du territoire même si celle-ci doit être plus objectivée.

Même si cela peut sembler moins rigoureux du point de vue de la méthodologie et de la prise de recul nécessaire pour réaliser cette étude, il nous a semblé logique et cohérent d’utiliser notre espace de pratique et notre réseau pour élargir le questionnement initial.

C’est un espace sur lequel se croisent donc différentes activités professionnelles issues des secteurs primaires et de loisirs et sur lequel le tourisme est une donnée omniprésente. De multiples acteurs se mêlent et constituent la base de la structuration de l’offre touristique et sportive.

Le territoire analysé ici est en évolution permanente et ses acteurs, pour suivre ou anticiper ces changements, mettent en œuvre des stratégies particulières pour réaliser leurs objectifs. La baie de Quiberon est en effet un site sur lequel nous pouvons observer une évolution des pratiques sportives nautiques mais également des activités ostréicoles.

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Pour le nautisme, la baie de Quiberon est une alliance entre des bassins de navigation et des « spots » particuliers qui contribuent au rayonnement du territoire et favorisent la construction d’une destination touristique. Pour l’ostréiculture, c’est un territoire historiquement unique et toujours d’actualité.

La pré-structuration de l’ordre local est analysée à travers différents points (économie, ressources naturelles, technologie, contexte d’action politico-légal et système socio-cutlurel) pour les deux secteurs d’activités étudiés qui sont tous les deux concernés par le tourisme et le développement durable. La baie de Quiberon offre en effet un potentiel réel pour les deux activités mais est également un territoire sensible, où des préoccupations, axées sur le développement durable sont nécessaires, voire vitales pour sa survie. La biodiversité, le capital culturel, les écosystèmes sont des atouts, parfois fragilisés, pour les trois champs d’analyse qui nous intéresse.

La démarche systémique s’impose donc en raison des particularités de la zone étudiée. Il s’agit bien d’analyser les relations entre les éléments constitutifs d’un même territoire et qui sont en eux-mêmes, en plus des interactions conscientes ou non entre eux, des systèmes complexes : les particularités du nautisme en baie de Quiberon, le territoire ostréicole unique au monde et l’évidence du fait touristique s’analysent en tant que propres entités mais aussi dans leurs interactions, source ou non de conflits possibles. Chaque modification d’un élément de ce système est susceptible de transformer les équilibres existants, eux-mêmes déjà fragiles ou non conscientisés.

2. Méthode d’enquête A. Entretiens

Le matériau empirique de notre étude est constitué de 17 entretiens-semi- directifs réalisés de février à mai 2018. Tous les entretiens ont été programmés par téléphone. Avant chaque entretien, étaient présentés la démarche du

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questionnement général et celle du stage, ses objectifs, l’utilisation qui serait faite, avec leur accord, des enregistrements. Ces propos liminaires n’ont pas été enregistrés ni retranscrits.

Ces acteurs ont été sélectionnés au sein des contacts dont nous disposions. Les critères de sélection de l’échantillon sont basés d’une part sur l’activité exercée, d’autre part sur la situation géographique. L’objectif initial était de rencontrer au minimum un acteur « représentatif » par activité : ostréiculteurs et nautiques selon le type d’activité dans chaque secteur plus des « institutionnels » afin de pouvoir croiser les entretiens des professionnels avec une vision plus « règlementée ». Les acteurs ont été interrogés à leur travail ou à domicile et la durée des entretiens varie entre 20 et 50 minutes.

Bien que structuré autour de différentes thématiques, le questionnaire reste relativement libre sur la forme et la discussion offre la liberté d’approfondir les sujets qui nous ont paru centraux. Dans la mesure du possible, le matériel collecté a été mis au propre après chaque entretien ou le lendemain. Les propos de nos interlocuteurs, utilisés en citant leurs initiales entre parenthèse dans notre analyse, ont été mis en perspective avec les enjeux spécifiques et généraux pré-identifiés. Au sein d’une approche qualitative, ce n’est pas la fréquence d’un propos qui en fait la valeur, et chaque information, même isolée, a été consignée et prise en compte dans la formulation finale des enjeux.

Ces entretiens nous ont permis d’essayer de faire ressortir un état des lieux initial et de « reconstituer l’historique du processus, à travers la visions qu’en avaient les

représentants des différentes catégories » (Beuret, 2006). Afin de ne pas être

enfermé dans un réseau qui serait un simple jeu d’acteurs, nous avons essayé d’« utiliser plusieurs portes d’entrée ». Ces entretiens semi-directifs nous offrent la possibilité d’avoir des éclairages qui vont ébranler le questionnement de départ mais également confirmer la nécessité de la problématique proposée.