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La France, avec ses espaces maritimes et littoraux, possède un patrimoine naturel remarquable et conséquemment un potentiel de développement socio- économique important. Le littoral français constitue de manière historique l’un des fleurons de son tourisme : en 2000, les 60 km qui vont de Monaco à Saint-Tropez, produisaient à eux seuls 1 % de la recette touristique mondiale ! 1032 communes sont en situation littorale et 450 ont le statut de commune touristique voire de station classée (Rimaud et Piriou, 2013). Un Français sur deux passe ses vacances d’été sur une plage et les étrangers y sont tout aussi nombreux. Mais, au fil des ans,

II Cadre général : le développement des sports de nature : des pratiques sociales au cœur de nouvelles territorialités

ce littoral fait l’objet de pressions de plus en plus vives, qu’il a du mal à maîtriser. La Bretagne, région maritime majeure avec ses 2 730 km de côtes, soit un tiers des côtes françaises, répartis sur quatre départements ayant une façade avec la mer du Nord et l'océan Atlantique, n'échappe évidemment pas à ce phénomène. C'est pourquoi, aujourd'hui et peut-être plus que jamais, nous assistons à une concentration forte, voire même à une saturation des activités sur sa zone côtière.

a. Le tourisme breton : particularités ou particularismes ?

En 2016, la Bretagne a accueilli 13 millions de touristes pour 96 millions de nuitées (Etude Reflet 2016), et la barre des 100 millions de nuitées, dû à une année touristique 2017 exceptionnelle, a presque été atteinte selon les donnés 2017 du CRT. Ce tourisme est caractérisé par une forte saisonnalité : en 2015, 84 % des nuitées totales en Bretagne ont été réalisées en saison, c’est-à-dire dans la période d’avril à septembre (CRT, 2016). Des communes voient leur population doubler (voire plus) pendant la haute saison, avec d’importantes conséquences en termes d’aménagement et de dimensionnement des infrastructures (stations d’épuration, parkings… ) : Selon la direction nationale du tourisme, le Morbihan bénéficie d’un surcroît de population de plus de 170 % (Rimaud et Piriou, 2013).

En 2011, une étude menée conjointement par le CRT Bretagne et l’Insee (INSEE, DGE), montre qu’«avec un total de 6,6 milliards d’euros, la consommation

touristique intérieure représente 8 % de la richesse produite en Bretagne en 2011, plaçant la région au 6 è rang national». Depuis la loi de janvier 2015 sur le

redécoupage des régions, les chiffres de comparaison au plan national sont certes à pondérer. Néanmoins s’il faut retenir une idée de cette étude dans le cadre de notre travail, c’est bien de montrer qu’en Bretagne, en dehors du tourisme urbain, la dépense touristique et l’emploi sont directement liés à zone littorale.

Il faut effectivement noter que 75 % des touristes venus en Bretagne ont séjourné sur le littoral, ce qui illustre bien l’importance des retombées économiques de cette

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activité sur cette frange mais aussi toutes les tensions de saisonnalité. Concernant l’emploi touristique, la côte polarise ce besoin. « Ainsi, deux emplois sur trois se

situent sur l’espace littoral qui ne représente pourtant que 20 % de la superficie de la région. » (Source : INSEE Analyses Bretagne, n°24, juillet 2015). Mais du fait de

son caractère extrêmement saisonnier, cela induit des difficultés dans le recrutement de main d’œuvre, qui va de pair avec la problématique d’hébergement de ces saisonniers.

La Bretagne est également « la 1ère région pour les séjours à la mer des Français et

pour les activités nautiques » (CRT, 2016). C’est un lieu terre de symbole de la

« conquête sportive des grands espaces de nature du monde » (Augustin, 2002) dont l’impact médiatique est notable : terre de grands marins, anciens et nouveaux explorateurs des océans, et toujours des marins modernes réputés désormais pour leurs exploits sportifs avec des records qui sont battus de plus en plus vite. Le littoral breton, qui pourrait être analysé dans les mêmes termes que le littoral médocain par J.P. Augustin (2002), connaît lui aussi un « marquage de loisirs sportifs ». Si, initialement la mer et l’iode ont eu des vertus curatives et les bords de mer étaient les premiers lieux de villégiature, nous assistons désormais à un renouvellement incessant des pratiques d’accès à cette nature, notamment via les pratiques sportives de nature. A ce titre, la station touristique peut servir de «laboratoire

d’analyse de pratiques récréatives (de loisirs ou touristiques) mais aussi des relations entre populations endogènes et populations exogènes » (Rimaud et Piriou,

2013).

Dans le cas de notre étude qui est au croisement des sports de nature, du tourisme et de l’ostréiculture, le littoral est à la fois un territoire, un marché et un secteur. Par nature transversal, le tourisme ne peut se concevoir sans l’interdépendance avec la société, l’aménagement du territoire et l’économie.

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La mer et le littoral font l’objet de nombreux usages et sont aussi soumis à de nombreuses pressions du fait du changement climatique, des pollutions terrestres autant que de l’impact des activités humaines : risques d’inondation, érosion du trait de côte, atteintes à l’environnement, densification démographique et spatiale, pression foncière et spéculation, surdéveloppement de l’économie résidentielle, précarité de l’emploi souvent saisonnier.

Alors que la population bretonne est répartie pour 95 % à moins de 60 kilomètres de la mer, la fréquentation touristique est elle aussi inégalement répartie sur le territoire breton et se concentre principalement sur le littoral et les zones urbaines. La pression que subit la zone côtière en matière économique, sociale, environnementale, culturelle induit des difficultés en termes d’usage pour l’ensemble des activités présentes. Le tourisme, prépondérant dans de nombreuses communes littorales, cohabite avec des secteurs d’emplois productifs liés à la mer (transport maritime, pêche, conchyliculture, etc.). Sur le littoral, les ressources et espaces naturels sont convoités par le développement économique (touristique, résidentiel, parfois industriel) et par conséquent leur préservation constitue un enjeu majeur.

La gestion de cette zone littorale entraîne, de plus en plus, des concurrences d’usages, qui se transforment parfois en véritables conflits. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer, à titre d’exemples, les débats et l’opposition farouche d’une part de la population bretonne lors de différents projets. Que ce soit l’implantation d'une centrale nucléaire sur les côtes à Erdeven en 1975 ou plus récemment les projets d'extraction de sable par les industriels (tant sur la côte sud, Kerhilio 2007, que la côte nord, baie de Lannion 2015) porté alors par le collectif « Le peuple des dunes", les luttes entre acteurs économiques et les locaux ont marqué la région.

Pour revenir sur l'exemple du cordon dunaire Gâvre-Quiberon, qui jouxte notre territoire d'étude, il est important d'observer les interactions entre les acteurs, et

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de voir comment des acteurs aux intérêts divergents peuvent se retrouver. Ainsi une des raisons au renoncement d'extraction de sable semble bien être l'activité de tirs militaires sur une zone maritime qui n'empêche en rien la navigation mais rend dangereux toute extraction.

Contrairement à certaines prévisions, l’attractivité du littoral, et donc la pression engendrée sur l’espace, s’est encore accrue ces dernières décennies, car ce dernier a dû faire face à l’implantation de nouvelles activités économiques et sociales, sans que les usages traditionnels n’aient disparu. Il s’agit là, par exemple, de l’économie résidentielle, du développement exponentiel des activités de loisirs et du tourisme, mais aussi d’une prise de conscience collective pour l’intérêt patrimonial des lieux de vie et de la notion de préservation des sites, du patrimoine et des espèces. A ces données, il faut rajouter une augmentation de la population de près de 13% ces quarante dernières années, pour atteindre les 3,3 millions d'habitants avec de manière générale un accroissement de celle-ci sur ses côtes (INSEE, 2015).

Il existe donc un réel enjeu pour les institutions et les acteurs publics ou privés à mettre en œuvre un processus collectif d’analyse des enjeux, opportunité et menaces, afin de construire ensemble une stratégie partagée et appropriée de développement maîtrisé. Comme cela est explicité dans l’introduction des Enjeux contemporains du tourisme (Stock, Coëffé et Violier, 2017), « la participation du

tourisme au fonctionnement de la société contemporaine ne se résume pas aux gains d’autonomie des individus, aux bienfaits économiques, aux changements sociaux et culturels, mais pose aussi des problèmes politiques. » Pour ces auteurs, il existe de

« multiples manières d’organiser le tourisme […] où la gouvernance et les systèmes

d’acteurs politiques sont abordés ».

B. Un territoire touristique complexe mêlant nautisme et ostréiculture