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L'Organisation Mondiale du Tourisme définit le tourisme comme "les activités

déployées par les personnes au cours de leurs voyages et leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui

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ne dépasse pas une année à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs"4. Nous lui préférerons, pour la suite de notre travail, la définition que nous en donne Knafou et Stock (2013) et qui se rapproche de l’analyse transmoderne des sports de nature : celle d'un "système d'acteurs, de pratiques et d'espaces qui participent de la

"récréation" des individus par le déplacement et l'habiter temporaire hors des lieux du quotidien". Du point de vue de la sociologie des organisations, cette définition

nous semble plus pertinente et en adéquation avec le cadre théorique que nous allons exposer par la suite.

Le lien entre sports de nature et tourisme est évident de part leur nature intrinsèque, leur lien avec la recherche d’un ailleurs. Les sports de nature et le tourisme constituent en effet une même logique de destination. « Il est largement admis que

les pratiques touristiques tirent leur substance de la rupture provisoire avec l’espace, le temps et l’activité du quotidien » (Rauch, 1996 in Géographie des sports).

L’analyse transmoderne de Corneloup est ici transférable dans le domaine du tourisme qui croise celui des sports de nature. Les pratiques touristiques « anciennes » étaient fondées essentiellement sur un « ailleurs compensatoire » (Bourget et al, 1998 – cité par Corneloup, 2011). Le « post-tourisme » amoindrit selon lui les frontières initiales entre les domaines d’activités, entre les loisirs et le tourisme, entre l’ici et l’ailleurs. Le bien-être n’est pas uniquement dans un tourisme voyageur et par conséquent influence l’émergence de « transpratiques » dans le tourisme et les pratiques sportives.

La figure transmoderne de l’explorateur sportif change par exemple de statut. Désormais la « transmission de récits, d’épopées et d’histoire fabuleuses » est incarnée par de nouvelles figures qui sont présentes dans différents domaines et non uniquement dans le sport : de Sylvain Tesson qui utilise la littérature à Yvan Bourgnon. Ces récits portent également un regard axé « développement durable » sur notre société et l’état de la nature.

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« Sport et tourisme se mélangent […] aujourd’hui profondément et totalement » (Bodin et al. 2009). Sports de nature et tourisme sont donc inscrits dans une logique économique de manière indéniable, avec toutes les précautions nécessaires à prendre comme nous l’avons évoqué précédemment. C’est ce que prouve d’ailleurs, la marque, désormais déposée et protégée, d’Unité Touristique de Pleine Nature® (UTPN) issue d’une expérimentation en Lozère pour fédérer différents acteurs économiques locaux et les collectivités territoriales afin de mener une politique globale de développement territorial fondé sur les activités sportives de nature. La dénomination même de cette marque est porteuse de sens. Dans cette optique, c’est bien une logique de produit qui doit s’imposer face à celle de l’infrastructure. La notion de tourisme sportif est donc à analyser plus précisément ici.

Pour cela, il convient de revenir sur la définition de cette expression proposée par F. Beauchard (2004). Pour lui dans cette notion, la « dimension économique des

activités prime » et l’aspect éducatif ou sportif passe au second plan. Pour

Lapeyronie (2009), le terme est cependant polysémique « dans la mesure où il peut

s’entendre comme le fait de se déplacer pour pratiquer un sport, se déplacer pour un spectacle sportif ou même pratiquer du sport sur son lieu de villégiature ». La

figure du touriste peut en effet se décliner différemment : le touriste peut être un touriste venu assister à un événement sportif, touriste sportif, un sportif qui fait du tourisme, un « touriste consommateur de services sportifs et des prestations

connexes » (Bessy et Mouton, 2004), un touriste qui va occasionnellement pratiquer

un sport de nature avec des modalités de pratique diverses…

Le tourisme et le tourisme sportif sont de « puissants accélérateurs de

développement local » (Bodin, Héas, Javerlhiac, et Robèn, 2009). Le développement

des sports de nature, à la croisée du sport, du loisir et du tourisme, va par conséquent questionner les problèmes d’aménagement, de développement et de maîtrise de ces territoires (Augustin, 2008). Comme nous l’avons présenté ci-avant, il existe de réelles « stratégies politiques de légitimation des territoires par les sports de nature

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ajoutée touristique sont nombreux et peuvent, par le biais des sports de nature, trouver un moyen de valoriser les territoires surtout s’il s’y rajoute une médiatisation ou du moins une stratégie marketing conséquente. Les collectivités territoriales ont un intérêt dans la prise en compte du développement du tourisme sportif. Certains auteurs alertent cependant sur la posture des « collectivités territoriales [qui] se

contentent du rôle, certes indispensable, de l’aménagement du territoire »

(Lapeyronie, 2009) et laissent l’ «avenir du tourisme sportif aux mains des

opérateurs privés ». Dans le monde du nautisme, certains élus locaux ont bien

compris l’intérêt de développer cette stratégie de construction d’une offre sportive et touristique dans une perspective d’identification territoriale unique. C’est dans cette optique que Guibert et Le Dû (2007) analysent, comme un exemple de spectacle sportif, Le Vendée Globe, mythique course à la voile autour du monde. La structuration des sports de nature dans l’offre touristique et de loisir est au service de l’économie touristique. La mise en tourisme des sports de nature est un outil des politiques publiques dans le développement touristique en ce sens qu’elle questionne le développement, l’aménagement et la maîtrise des territoires.

Si les sports de nature et le tourisme sont producteurs de territoire, « il semble [cependant] délicat de penser et d’analyser les ancrages territoriaux des activités

en gommant les caractéristiques culturelles et sociales, d’une part, et les intérêts politiques et économiques, d’autre part. » (Guibert, 2015). Dans notre étude, le

croisement avec la notion de territoire nautique semble également nécessaire. C. Territoire touristique et territoire nautique

Dans le cas de la baie de Quiberon, le territoire analysé est à la fois un territoire touristique qualifié et régulé comme tel par les institutions mais également un territoire nautique sur lequel se croisent des usagers touristes et des usagers locaux. Les variables d’analyse se croisent doublement pour les touristes et pour les locaux, qui sont eux-mêmes des usagers lambda et/ou des professionnels des sports

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de nature : références spatiales ville-nature, référence sociale travail-récréation et référence temporelle quotidien-aquotidien.

Le nautisme, dans cette étude, s’entend au sens de Bernard (2016) comme « un

terme générique qui associe des acteurs, des pratiques, des lieux et des représentations autour d’activités sportives ou récréatives se déroulant sur l’eau au moyen d’un support de navigation ».

D’après Bernard (2017), la mer et le nautisme sont « incontestablement un faire-

valoir du territoire » au cœur de stratégies de marketing territoriale objectivée ou

non. Certains événements sportifs jouent à la fois sur le côté sport de nature et sur le sport côtier, au sens marin. « 177 km autour de l’une des plus belle baie du

monde » : c’est le slogan affiché par l’Ultra Marin, un événement sportif qui propose,

dans sa 14ème édition, 6 courses différentes autour du Golfe du Morbihan. En plus de sa dénomination, en elle-même porteuse de sens, l’analyse de ce produit sportif et touristique est intéressante car symptomatique de l’interpénétration de nos différents champs d’analyse : sport, tourisme, littoral. Certaines municipalités ou acteurs territoriaux n’ont pas du tout conscience de cet atout. Alors que La Trinité sur Mer accueille à l’année dans son petit port une flotte de bateaux parmi les plus mythiques et performants de la course au large actuelle (Idec, Sodébo, etc.), aucune stratégie marketing n’est réellement déployée pour valoriser cet atout. Aucun des grands navigateurs de ces écuries de course n’est ambassadeur de la ville alors que ce représentant pourrait, comme l’explique Bernard (2016), « aider les populations

locales dans la reconversion identitaire de l’espace de vie ». Seule une petite

cérémonie en mairie, médiatisée dans la presse locale, les met en valeur.

Cependant, Bernard (2017) tente de relativiser l’impact du nautisme en tant que « composante de l’offre touristique » en précisant que « la pratique d’une activité

nautique est rarement le motif du départ en vacances et du choix de la destination ».

Le tourisme nautique a divers visages et modalités et est, de ce fait,« une

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occasionnelle et est pratiqué, en minorité, dans un cadre règlementé (association, clubs).

Quelle définition d’un espace commun partagé est envisagée entre les différentes parties prenantes qui agissent sur le même territoire touristique et nautique ? Quel est la part du nautisme dans l’identité affichée dans la stratégie de marquage territorial ? C’est toute la question des enjeux des effets territoriaux déjà évoqués précédemment qui sont ici à nouveau convoqués. Pour rappeler Corneloup (2005), il s’agit bien de « favoriser la production d’un capital local durable » qui sera également construit en « fonction de l’histoire des mentalités, des alliances, des

tensions et des résistances locales qui agissent sur la logique du marché » (Mao et al., 2003, cité par Corneloup, 2005). Quand Bernard intitule son article en 2017

« Nautisme et tourisme : une convergence au bénéfice des territoires », c’est bien dans cette optique qu’il souhaite aller. Il y démontre le « rôle stratégique des

acteurs institutionnels du tourisme […] vis-à -vis du secteur nautique » (2017). Pour

lui, il semble nécessaire que « les acteurs privés [soient] sensibilisés aux enjeux du

nautisme (pour les prestataires touristiques) et du tourisme (pour les prestataires nautiques) ». Il insiste en précisant que « le manque de culture touristique chez les uns et nautique chez les autres pénalise l’ensemble des acteurs économiques ». Pour

Bernard, les acteurs territoriaux ont un rôle essentiel à jouer ici. Il faut également rajouter à ces interactions nécessaires, « la part du patrimoine immatériel et

matériel, des ressources culturelles et des jeux socio-politiques autour desquelles se définissent les identités territoriales et les logiques d’action des entrepreneurs »

(Bouhaouala, 2002). L’analyse conceptualisée dans le nautisme par Bernard rejoint ici une visée plus généraliste développée par Corneloup (2005) quand il précise que « la valeur des produits et des prestations proposés sur un site par un acteur

économique dépend pour une part de cette valeur territoriale locale avec laquelle celui-ci est lié ; valeur située qui dépend de ce bien collectif partagé entre les différentes parties prenantes d’un lieu. ». Cette valeur territoriale du produit

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sportif est essentielle dans le cadre du territoire de notre étude et de son contexte historique.

Concernant le nautisme, comme le précise C. Boulé (2007), « les sports nautiques

font désormais partie prenante de la vie des ces territoires en mutation permanente depuis une vingtaine d’année, au même titre que des activités plus anciennes : ostréiculture, tourisme, … ». A noter également que le territoire nautique est

changeant : ce n’est pas une entité administrative si aisée à manipuler. Les remarques de Boulé (2007) dans ce sens sont pertinentes et questionnent : « on

pourrait envisager de modifier le champ d’action des PDESI alors remplacés par des plans régionaux. Les territoires (du windsurf et kitesurf) se multipliant au gré des déplacements de sportifs, les plans de gestion pourraient suivre ces mobilités sportives.»

Dans le cas de notre étude, il est important de noter les spécificités du tourisme sur la zone de la baie de Quiberon. La ville de Quiberon est une station balnéaire au sens historique du terme (liée au développement des chemins de fer) mais, sur ce territoire, la mise en valeur touristique des loisirs sportifs est assez récente, si l’on ne considère pas le bain de mer des années 1860 comme une pratique sportive au sens actuel du terme. Les « contraintes » géographiques de la presqu’île avec ses plages ventées et désertes dans les années 60 étaient presque antinomiques avec la pratique sportive. Le développement de nouveaux sports de nature ont fait de cet espace un nouveau royaume des sports de pleine nature et notamment des sports de glisse, loin de la référence à une forme traditionnelle de station balnéaire. Ce qui est à l’œuvre ici dans ces transformations, c’est une modification due à la fois aux nouveaux usages et aux usagers eux-mêmes. Conséquemment à ce développement non maîtrisé par les institutions, il est possible d’observer une « volonté de ramener

dans le giron des stations des pratiques qui tendent à leur échapper » (Géographie

des sports, p.141). La municipalité de Saint-Pierre-Quiberon a perçu en partie les possibilités existantes dans l’atout sports de nature : sur son site web et sur un grand

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panneau de signalisation à l’entrée de Penthièvre, le nautisme est mis en valeur et devient un slogan. « Reine des sports nautique » et « Royaume de la glisse » sont utilisés comme des slogans pour s’auto-qualifier. Cette observation, qui est valable sur cette zone d’étude, est transposable sur d’autres lieux du littoral breton.

Mais l’effet inverse est également observable sur le même territoire de la baie de Quiberon à savoir la réappropriation du nautisme comme « faire-valoir du

territoire » (Bernard, 2016). Plouharnel, dont l’implantation géographique est hors

du front de mer, est une commune plus ou moins enclavée entre terre et mer qui a misé sur le développement touristique axé sur la création d’un nouveau type de station touristique mettant en avant les sports de glisse. Ce développement économique, initié au départ par des prestataires privés (écoles de surf labellisées ou non) qui se sont installés sur la commune et ont mis en exergue l’atout surf, a été repris par la municipalité. Les élus locaux ont en effet cherché à obtenir auprès du système institutionnel fédéral le label « ville de surf » désormais apposé sur le panneau de signalisation à l’entrée de la commune. En étudiant plus attentivement les critères mis en œuvre dans cette démarche de labellisation, nous pouvons y voir des enjeux intéressants. Nous observons une forme de reconquête par les fédérations, ayant perdu leurs prérogatives dans le développement non maîtrisable des sports de nature, d’une nouvelle forme de mainmise. L’exemple de ce label « Ville de surf », valable pour deux ans et qu’il faut « acquérir » via une redevance de 2 000 €, est assez symptomatique. Créé par la Fédération Française de Surf en 2015, il se veut gage « de qualité touristique » et vise « à valoriser les communes qui assurent un

accueil et un environnement favorables à la pratique du surf sous ses différentes formes, pour la population locale ou touristique.5 » Une hiérarchisation en trois niveaux, symbolisés par des étoiles, est mise en place et permet de monter en grade dans les actions développées. La FFV entend ici réellement mettre en œuvre une « démarche certificative » avec des critères d’attribution, à l’origine dédiés à la

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pratique du surf, et désormais inscrits dans une politique globale d’aménagement du littoral autant que dans une démarche de valorisation touristique.

Dans cet exemple lié à un sport de nature, nous retrouvons les trois axes du développement durable qui questionne nécessairement l’interconnexion des champs d’analyse précédemment convoqués.

D. Sport, économie, tourisme et environnement : le développement