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CHAPITRE II – MÉTHODOLOGIE

2.3. TERRAIN

Nous avons d’abord identifié, pour assurer une bonne représentativité sociologique de notre échantillon (Hamel, 1997), 4 caractéristiques déterminantes dans la sélection des étudiants et diplômés : la communauté d’origine, la langue, le sexe, le statut d’étudiant ou de diplômé. Nous avons ainsi pu rejoindre des participants aux profils diversifiés, comme nous le présentons plus en détails au chapitre III qui puissent témoigner des multiples facettes des parcours universitaires chez les Premières Nations du Québec. En résumé, nous avons interviewé 17 femmes et 6 hommes issus de 12 communautés différentes, qui se répartissent à peu près également entre le milieu urbain (12 participants sur 23) et le milieu rural (11 participants sur 23). Les 15 étudiants et 8 diplômés sont de langue maternelle française (13), anglaise (2) et autochtone (8) puis ont principalement étudié en français (16 sur 23) ou en anglais (7 sur 23).

Nous avons ensuite recouru à la technique du « carnet d’adresses » pour effectuer notre recrutement, c’est-à-dire en contactant d’abord les responsables de l’enseignement postsecondaire dans les conseils des communautés des Premières Nations, identifiées en fonction de leur emplacement géographique ainsi que de la langue maternelle et d’usage de leurs membres. Après avoir pris contact et expliqué notre projet de thèse auprès de 8 communautés, 7 d’entre elles ont finalement accepté de nous mettre en contact avec des étudiants ou diplômés universitaires28. Nous avons alors bénéficié de la collaboration des responsables de l’enseignement postsecondaire, qui ont fait circuler chez les étudiants et diplômés universitaires une invitation à nous contacter pour participer à une entrevue. Dans un second temps, les étudiants et diplômés nous ont contacté par courriel et nous avons convenu d’un rendez-vous.

28 Le refus essuyé nous fut expliqué par le fait que la communauté avait décidé de se donner un temps de

réflexion avant de participer à tout nouveau projet de recherche mené par des chercheurs de l’extérieur. Dans un autre cas, nous avons obtenu l’approbation d’une communauté, mais le recrutement effectué par la suite n’a donné aucun résultat.

Nous n’avons donc pas eu accès aux listes d’étudiants inscrits ou diplômés des communautés ni à quelque renseignement nominatif que ce soit. Cette procédure faisait partie des exigences formulées par le CÉRUL afin de s’assurer que le recrutement respecte les attentes et préoccupations des communautés. Le comité nous a toutefois permis d’obtenir une approbation éthique d’un centre de services aux étudiants autochtones dans une université, au lieu de s’adresser directement à chacune de leurs communautés d’origine, ce qui nous a permis de rejoindre des étudiants dans 6 autres communautés29. Nous avons aussi obtenu un certificat du comité d’éthique de la recherche de cette université qui nous autorisait à entrer directement en contact avec le centre de services aux étudiants autochtones pour rejoindre ces derniers. Le recrutement s’est alors fait en personne sur le campus et en partie par courriel lorsque des étudiants intéressés nous contactaient, à la suite d’une invitation lancée par le centre. Tous les participants étaient majeurs et il n’y a eu aucune rémunération. Nous offrions cependant des breuvages, au goût des personnes rencontrées, et un remboursement des frais de transport, ce qui ne fut par contre jamais demandé.

Avant de commencer une entrevue, nous présentions verbalement les enjeux éthiques soulevés par la participation et nous nous assurions du consentement libre, éclairé et explicite de chaque personne rencontrée. Un formulaire de consentement (voir annexes IV et V) fut signé conjointement par chaque participant et l’interviewer, qui fut dans tous les cas l’auteur de ces lignes, et 23 entrevues furent réalisées avec des étudiants et diplômés universitaires provenant de 6 nations et 12 communautés. Elles ont eu lieu en français (16 sur 23) ou en anglais (7 sur 23), au choix des participants, et chacune s’articulait autour des objectifs généraux et spécifiques précédemment définis. Elles duraient environ 1 heure et demie – d’un minimum de 35 minutes à un maximum de 3 heures – et ont toutes eu lieu en personne, en une seule séance, mais avec des pauses lorsqu’un participant en exprimait le besoin. Le lieu de l’entrevue était laissé à l’entière discrétion des participants et nous les avons rencontrés sur leurs lieux d’études (9), de travail (8), de résidence (5) ou dans un endroit public (1).

29 Deux personnes proviennent de deux communautés situées à l’extérieur du Québec, mais ont été amenées

à déménager au Québec avant de poursuivre leurs études universitaires et résidaient toujours au Québec au moment de leurs études.

Le guide d’entretien destiné aux étudiants et diplômés (voir annexes I et II) était composé de dix questions, ou plus précisément onze au total, dont une était adressée seulement aux étudiants et une autre seulement aux diplômés. À chaque question, on retrouvait une courte liste d’éléments à aborder et nous nous y référions au besoin, en cours d’entrevue, afin de nous assurer qu’ils avaient tous été abordés. Nous avons généralement suivi l’ordre de présentation des questions, mais il arrivait parfois qu’un participant réponde en partie à des éléments d’une question qui n’avait pas été posée, auquel cas nous nous ajustions en tenant compte de cette partie de réponse au moment de poser cette question. Nous avons bâti le guide d’entretien en suivant une logique de parcours de vie, en commençant par le milieu d’origine, le parcours scolaire primaire et secondaire, le cheminement ayant conduit à la poursuite des études universitaires et le déroulement des études universitaires. Nous poursuivions ensuite avec des questions sur les représentations des cultures autochtones et euroquébécoise chez les participants, les projets futurs des étudiants (après les études) et les activités des diplômés depuis la fin de leurs études, pour finalement conclure avec la manière dont les participants envisageaient l’avenir de leurs communautés et nations. Suivait aussi un court questionnaire pour compléter les informations personnelles des participants que nous administrions verbalement et c’était surtout l’occasion de faire un retour sur les renseignements personnels déjà collectés durant les entrevues afin de nous assurer avec chaque participant qu’ils avaient été bien saisis.

Ces questions nous ont permis de comprendre les parcours des étudiants et diplômés, tant par rapport à leurs études universitaires qu’aux autres grandes étapes de leurs biographies, en suivant la méthode du récit de vie (Bertaux, 2010) pour retrouver la structure diachronique de chaque histoire reconstituée. Elles nous ont aussi permis d’aller au-delà des cas individuels pour saisir la complexité des mondes sociaux dans lesquels s’inscrivent les étudiants et diplômés, en lien surtout avec l’institution universitaire, l’autochtonie (à différentes échelles), la société majoritaire (euroquébécoise) et le marché du travail. En somme, nos questions visaient à répondre à nos quatre premiers objectifs spécifiques concernant la place occupée à l’université par les cultures autochtones chez les étudiants des Premières Nations, leurs parcours universitaires, leurs projets et réalisations

ainsi que la place occupée par les cultures autochtones chez les étudiants à l’extérieur de l’université.

En plus des entrevues avec les étudiants et diplômés, d’autres ont été réalisées avec 11 participants complémentaires œuvrant dans le domaine de l’éducation autochtone au Québec. Le recrutement s’est effectué à la fois en personne, simultanément à notre collecte de données auprès d’étudiants sur les campus, et à la fois par courriel et téléphone, avec certaines personnes ciblées pour leur expertise dans le domaine. Nous avons volontairement évité de recueillir des renseignements personnels sur ces participants complémentaires car nous n’avions en aucun cas prévu effectuer une analyse de leurs discours en lien avec leurs propres situations, mais bien à titre de complément d’information nous permettant d’enrichir nos réflexions et mieux saisir les enjeux associés à la poursuite d’études universitaires chez les membres des Premières Nations. C’est aussi pour cette raison que nous ne les avons pas incluses dans la présentation du corpus (chapitre III). Les participants complémentaires occupaient, au moment de l’entrevue, surtout des fonctions administratives et de soutien aux étudiants à l’université (8 sur 11), en plus d’une personne membre du corps professoral universitaire, d’une personne retraitée du corps professoral universitaire et d’une personne occupant la fonction de conseiller auprès d’une organisation autochtone. On retrouvait parmi elles 5 membres des Premières Nations et 6 allochtones.

Elles nous ont permis d’apporter un éclairage supplémentaire aux parcours des étudiants des Premières Nations en général – et non à ceux des étudiants que nous avons rencontrés – en offrant un point de vue institutionnel. Elles se sont toutes déroulées sur les lieux de travail des personnes interviewées, à l’exception d’un cas au bureau de l’interviewer. Ces entrevues ont toutes eu lieu en français et ont duré environ 45 minutes, d’un minimum de 35 minutes à un maximum de 67 minutes. Comme pour les étudiants et diplômés, nous nous sommes assuré d’obtenir un consentement libre et éclairé et avons signé conjointement avec chaque personne un formulaire de consentement (voir annexe VI). Nettement plus succinct, le guide destiné aux participants complémentaires (voir annexe III) visait surtout à répondre au 4e objectif spécifique : « Analyser l’environnement

mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire ». Nous nous intéressions donc moins aux parcours des participants qu’à leurs connaissances relatives aux étudiants universitaires autochtones et aux institutions concernées. Les deux premières questions visaient à obtenir une brève description des fonctions occupées et de la manière dont l’employeur était interpellé par l’enseignement universitaire chez les Autochtones au Québec, alors que la situation de celui-ci faisait l’objet de la troisième question. Les deux questions suivantes concernaient le lien entre l’accroissement de la fréquentation universitaire et le mieux-être chez les Autochtones ainsi que les améliorations à apporter pour y parvenir.