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CHAPITRE II – MÉTHODOLOGIE

2.4. ANALYSE

Notre analyse des données recueillies s’est opérée en s’inspirant de Miles et Huberman (2003) et de leur « réalisme transcendental », qui considère que « les phénomènes sociaux existent non seulement dans les esprits mais aussi dans le monde réel – et que des relations légitimes et raisonnablement stables peuvent y être découvertes […] [et que le] caractère légitime de ces relations vient des régularités et des séquences qui lient les phénomènes entre eux » (p. 16). L’analyse qualitative a donc suivi un plan général en trois « flux », suivant une logique d’aller et de retour entre les données collectées et leur analyse, plutôt qu’une suite d’étapes successives et linéaires dans le temps. Le premier flux, celui de la condensation des données, « renvoie à l’ensemble des processus de sélection, centralisation, simplification, abstraction et transformation des données “brutes“ figurant dans les transcriptions des notes de terrain » et « s’opère continuellement, dans toutes les phases d’un projet à orientation qualitative » (p. 29). Le second flux, celui de la présentation des données, concerne « un assemblage organisé d’informations qui permet de tirer des conclusions et de passer à l’action » puis les auteurs soulignent que « [l]a forme la plus fréquente de présentation pour des données qualitatives est traditionnellement le texte narratif » (p. 29). Quant au troisième flux, celui de l’élaboration/vérification des conclusions, les auteurs nous rappellent que « [l]es conclusions sont également vérifiées au fur et à mesure du travail de l’analyste » (p. 30), qu’elles ne sont donc pas définitives et peuvent être revues en cours de rédaction.

Figure 2.1. – Les 3 flux de l’analyse qualitative selon Miles et Huberman (2003)

Source : Miles et Huberman, 2003 : 28

Nous avons donc effectué notre analyse en suivant ces trois flux, au fur et à mesure de la collecte des données, plutôt que comme une étape temporellement distincte de cette dernière. Nous avons dans un premier temps produit une fiche-synthèse (voir annexe VIII30) après chaque entrevue auprès des étudiants et diplômés, où nous résumions les principaux éléments d’information pertinents, ce qui a donné lieu après les quatre premières entrevues à l’élaboration d’un modèle de fiche synthèse qui fut ensuite systématiquement repris pour tous les autres cas. Chaque fiche comporte une première partie incluant des éléments concernant les données sociodémographiques, la scolarité autre qu’universitaire, les parcours universitaires, les expériences professionnelles et de bénévolat ainsi que les projets futurs. La seconde partie de la fiche reconstitue le parcours

30 Afin de préserver la confidentialité des participants, il nous est impossible de présenter les fiches-synthèse

des participants puisqu’on y retrouve de manière détaillée les parcours de chacun. Nous avons toutefois reproduit à l’annexe VIII un exemple de fiche-synthèse en prenant soin de caviarder les éléments d’information concernant le participant ou la participante en question.

détaillé de chaque participant en séparant les éléments d’information importants selon qu’ils concernent la sphère scolaire ou la sphère extrascolaire.

À partir des constats tirés de cette première analyse, nous avons alors pu mieux orienter notre collecte de données en termes de profils de participants et par rapport aux informations recueillies durant les entrevues. Après chaque entrevue, une retranscription (verbatim) a suivi, ce qui fut possible en raison de l’enregistrement (audio) de chacune des entrevues. Nous avons alors fait parvenir une copie de la retranscription anonymisée à chaque participant, en vue de recueillir ses commentaires et nous assurer de l’exactitude des renseignements recueillis. Nous n’avons reçu aucune demande de correction et les participants nous ont surtout écrit pour nous remercier de leur avoir fait parvenir les retranscriptions de leurs entrevues.

Les 4 premiers cas analysés nous ont donc permis d’élaborer un modèle de fiche- synthèse qui retraçait les parcours des participants pour réorganiser la structure diachronique de chaque récit en parcours biographique. Nous avons ensuite procédé à l’analyse thématique des retranscriptions des entrevues menées auprès des 23 participants principaux, avec l’appui du logiciel NVivo, ce qui a facilité la codification à l’aide de « nœuds » à partir desquels nous avons identifié les concepts centraux de l’analyse – qui seront présentés au chapitre suivant. La codification s’est effectuée en suivant un codage mixte, c’est-à-dire qui « comporte un ensemble ouvert de rubriques et de catégories ou un ensemble fermé de rubriques et un ensemble ouvert de catégories, en entendant par “ensemble ouvert” une liste initiale qui peut se modifier, se compléter ou se réduire en cours d’analyse » (Van der Maren, 2004 : 436). Dans cette veine, nous avions préalablement identifié des codes de manière déductive, en fonction des questions présentes dans le guide d’entretien (voir annexes I et II). Nous en avons ensuite ajouté d’autres, de manière inductive, qui émergeaient à la relecture des retranscriptions et nous avons alors repassé systématiquement en revue chacune des entrevues pour y repérer les nouveaux codes. Nous avons ainsi regroupé les différends nœuds libres (« free nodes ») nouvellement créés au sein de nœuds hiérarchisés (« tree nodes ») afin de faciliter leur identification. Par exemple, nous avons regroupé au sein du concept « cultures

autochtones » (nœud hiérarchisé), des nœuds correspondant aux différentes dimensions identifiées (relationnelle, linguistique, artistique, spirituelle et philosophique, géographique, sociopolitique). Au sein de chacune de ces dimensions, nous avons ensuite regroupé des nœuds correspondant aux indicateurs identifiés dans les retranscriptions (par exemple, au sein de la dimension géographique, on retrouve les nœuds « rapport à la terre », « activités et produits du terroir », « communauté » et « présence autochtone en milieu urbain ».

Nous avons donc eu recours à l’analyse thématique, c’est-à-dire à « la transposition d’un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé et ce, en rapport avec l’orientation de recherche (la problématique) », ayant ainsi « procéd[é] systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus » (Paillé et Mucchielli, 2012, p. 232). Chez les participants complémentaires, l’analyse thématique s’est effectuée sans recourir à des fiches-synthèses puisque nous n’analysions pas leurs parcours. Nous avons donc relevé les thèmes qui ressortaient dans l’ensemble du corpus plutôt que pour chaque cas en particulier31, et ce, encore avec l’appui du logiciel NVivo. Nous n’avons cependant pas

procédé à une analyse systématique de ces données puisqu’elles ont été collectées à titre de complément destiné à nous aider à mieux comprendre les réalités propres aux étudiants universitaires autochtones.

Une fois toutes les données recueillies, retranscrites et codées, nous avons dès lors pu entreprendre l’écriture des chapitres de cette thèse. En suivant l’esprit de Miles et Huberman (2003), cette écriture reflète aussi le processus d’analyse en différents flux puisque certaines interprétations sont rédigées directement dans les chapitres de la seconde partie « Résultats et interprétations », en plus bien sûr du retour dans le chapitre de discussion. Nous avons d’abord rédigé le chapitre de présentation du corpus (chapitre III) pour ensuite passer aux chapitres suivants, qui ciblent chacun un objectif spécifique. Durant ce processus, chaque cas parmi les participants principaux fut structuré de la même

31 Nous avons tenu compte des fonctions occupées par les participants complémentaires en vue de mieux

manière en fonction des questions et objectifs précédemment définis. En somme, il ne s’agissait pas d’énumérer chacun des cas un à la suite de l’autre en insistant sur ses spécificités, mais plutôt de tous les examiner selon la même « loupe » pour ensuite dresser les constats ressortant de cette opération. Nous avons ainsi pu dégager certains concepts centraux et mettre en lumière comment ils prenaient individuellement forme en mettant en perspective les caractéristiques propres à chacun. Tous les cas analysés de manière approfondie à la lumière des concepts centraux ont donné lieu à certaines conclusions à la fois générales, concernant plus d’un cas, et spécifiques, concernant un seul cas.

Enfin, l’analyse du corpus formé des entretiens réalisés auprès des participants complémentaires nous a permis d’obtenir un éclairage extérieur aux points de vue des étudiants et diplômés puis nous a aidé à enrichir nos réflexions quant à l’objet d’étude. Nous aurons l’occasion de revenir davantage sur leurs témoignages à la fin du chapitre VII et dans la discussion. Ils nous ont permis de nous renseigner tant du point de vue des pratiques sur le terrain que par rapport aux aspects administratifs, politiques et philosophiques.