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Du projet d'études au projet de vie : une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des Premières Nations du Québec

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Academic year: 2021

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(1)

Du projet d’études au projet de vie : Une analyse des

parcours universitaires chez les étudiants des

Premières Nations du Québec

Thèse

Jean-Luc Ratel

Doctorat en administration et politiques de l'éducation

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Du projet d’études au projet de vie

Une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des

Premières Nations du Québec

Thèse

Jean-Luc Ratel

Sous la direction de :

(3)

RÉSUMÉ

En lien avec le contexte historique de ségrégation sociale et la visée assimilatrice de l’éducation formelle qui leur fut imposée, les Autochtones du Québec ont longtemps été exclus de l’enseignement supérieur. De nos jours, ils connaissent des taux de diplomation en constante augmentation, mais maintiennent un écart persistant par rapport à la population non autochtone. Les données recueillies auprès de 23 étudiants et diplômés universitaires des Premières Nations du Québec et de 11 professionnels travaillant auprès d’eux nous ont permis de constater un motif commun aux différents parcours scolaires : étudier en vue de contribuer à l’amélioration du mieux-être chez les Autochtones, tant dans les communautés qu’à l’extérieur.

Nos objectifs généraux sont de contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec et comprendre le sens conféré par les étudiants des Premières Nations du Québec à leurs parcours universitaires. Plus spécifiquement, nos objectifs de recherche visent à : 1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations; 2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours; 3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires; 4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

Notre thèse explique comment les parcours scolaires des étudiants universitaires des Premières Nations du Québec sont nettement influencés par leur rapport à l’identité et aux cultures autochtones et que cette influence donne lieu à des projets d’études qui prennent la forme de projets de vie en milieu autochtone (Blaser, 2004). Ces projets sont de nature collective et visent le mieux-être des Autochtones en général en plus des étudiants eux-mêmes, que ce soit dans les communautés ou à l’extérieur. Nous expliquons aussi comment les étudiants parviennent à combiner les apports de l’éducation autochtone à ceux

(4)

de l’éducation occidentale, en lien avec la conception de la décolonisation de l’éducation telle que définie par Battiste (2013). Leur rapport à l’identité et aux cultures autochtones est analysé en tenant compte des rapports de pouvoir entre la culture majoritaire québécoise, elle-même en situation de minorité dans le contexte canadien (McAndrew, 2005). C’est donc en relevant les éléments caractéristiques des faces externe et interne de leurs cultures (Juteau, 1999) que nous saisissons cette influence dans leurs parcours scolaires et, plus généralement, dans leurs vies.

Les étudiants et diplômés interviewés témoignent, chacun à sa façon, de l’ancrage de leurs parcours scolaires dans le modèle de l’université comme sphère publique démocratique (Giroux, 2002) en vue de développer le mieux-être chez les Autochtones. La plupart ont connu des expériences de travail et d’implication en milieu autochtone à différents moments de leurs parcours. On constate aussi que certains ne cherchent pas à ancrer leurs études dans le modèle des projets de vie, mais qu’ils vivent alors leurs cultures dans d’autres sphères d’activités. La plupart des participants sont des étudiants dont les parents n’ont pas fréquenté l’université (de première génération) et c’est dans la transmission d’un rapport favorable à l’institution scolaire que se trouve une partie de l’explication de leur passage à l’université, en lien avec la sociologie de Lahire (1995). Notre discussion poursuit la réflexion sur l’institution universitaire elle-même et sa métamorphose ayant permis à un nombre accru d’Autochtones de la fréquenter, dans l’optique de la multiversité (Kerr, 1967). Nous défendons un modèle de campus interculturel (Tanaka, 2003) conçu comme sphère publique démocratique dans le but de mieux répondre aux défis contemporains de la diversité ethnoculturelle dans les universités québécoises.

(5)

ABSTRACT

Quebec’s Indigenous peoples have long been excluded from higher education because of the historical context of social segregation and the assimilative aim of the formal education imposed on them. Today, that population is experiencing increasing graduation rates, but they are maintaining a persistent gap with the non-Indigenous population. The data collected from 23 Quebec First Nations university students and graduates, plus 11 professionals working with them, allowed us to see a common pattern in the different school pathways: study in order to improve the well-being of Aboriginal people within and outside the communities.

Research general objectives are, first, to contribute to a better knowledge of the phenomenon of university studies among the First Nations of Quebec and, second, to understand the meaning conferred by Quebec First Nations students on their university studies. Research specific objectives are to: 1) Understand the relationship to Indigenous identity and culture among First Nations students and graduates; 2) Understand the main factors explaining the transition to university of First Nations students and how their pathways go; 3) Understand the projects and achievements of First Nations students in connection with their university studies; 4) Analyze the environment offer by universities and public authorities to help the integration of Indigenous students into the university community.

This thesis explains how the educational pathways of First Nations university students in Quebec are clearly influenced by their relationship to Indigenous identity and culture, and how that influence gives birth to study projects in the form of life projects in an Indigenous environment (Blaser, 2004). These projects are of a collective nature and focus on the well-being of Indigenous peoples in general, in addition to the students themselves, whether in communities or outside. I also explain how students manage to combine the contributions of Indigenous education with those of Western education, in connection with the conception of the decolonization of education as defined by Battiste (2013). Their relationship to Indigenous identity and cultures is analyzed in relation to the

(6)

power relationships between the majority culture in Quebec, which is, itself, a minority in the Canadian context (McAndrew, 2005). It is therefore by identifying the characteristic elements of the external and internal faces of their cultures (Juteau, 1999) that I capture this influence in their schooling and, more generally, in their lives.

The students and graduates interviewed testify, each in their own way, the anchoring of their educational backgrounds in the university model as a democratic public sphere (Giroux, 2002) in order to develop the well-being of Indigenous peoples. Most have experienced work and involvement in Indigenous communities at different points in their lives. I also note that some do not seek to anchor their studies in the model of life projects, but they, then, live their cultures in other spheres of activity. Most of the participants are students whose parents have not attended university (so-called first generation) and it is in the transmission of a favourable relation to the school institution that is part of the explanation to their transition to university, in connection with the sociology of Lahire (1995). The discussion continues to reflect on the university institution itself and its metamorphosis, which has allowed an increasing number of Aboriginal people to attend it, in relation to the idea of multiversity (Kerr, 1967). I argue for an intercultural campus model (Tanaka, 2003) designed as a democratic public sphere in order to better respond to the contemporary challenges of ethnocultural diversity in Quebec universities.

(7)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... ii

ABSTRACT ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... vi

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES ... xi

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ... xii

REMERCIEMENTS ... xiii

INTRODUCTION...1

PREMIÈRE PARTIE – CADRE DE LA RECHERCHE ...5

CHAPITRE I – PROBLÉMATIQUE ...6 1.1. CONTEXTE SOCIAL ...7 1.1.1. Quelques définitions ...7 1.1.1.1. Autochtones ... 7 1.1.1.2. Premières Nations ... 9 1.1.1.3. Inuit ... 10 1.1.1.4. Métis ... 10 1.1.1.5. Allochtones ... 11

1.1.2. Brève histoire des Autochtones au Canada ... 11

1.1.2.1. La période préconfédérale ... 12

1.1.2.2. De nouvelles politiques d’assimilation ... 12

1.1.2.3. Vers l’autodétermination... 15

1.1.3. Situation contemporaine des Autochtones au Québec ... 17

1.1.3.1. Identités et cultures ... 17 1.1.3.2. Communautés ... 18 1.1.3.3. Gouvernance ... 22 1.1.3.4. Situation socioéconomique ... 23 1.1.3.5. Éducation ... 25 1.1.3.6. En milieu urbain ... 27

1.2. RECENSION DES ÉCRITS ...28

1.2.1. Profil des étudiants ... 30

1.2.2. Domaines d’études ... 32

1.2.3. Identité ... 33

1.2.4. Services offerts ... 34

1.2.5. Intégration de contenu autochtone ... 36

1.2.6. Relations avec les allochtones ... 37

1.2.7. Projets futurs ... 37

CHAPITRE II – MÉTHODOLOGIE ...40

2.1. POSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE ...41

(8)

2.3. TERRAIN ...49

2.4. ANALYSE ...53

CHAPITRE III – PRÉSENTATION DU CORPUS ...58

3.1. PROFIL SOCIODÉMOGRAPHIQUE ...58

3.2. MILIEU D’ORIGINE ET MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE ...60

3.2.1. Milieu d’origine ... 61

3.2.1.1. Scolarité des parents ... 62

3.2.2. Mobilité géographique ... 63

3.3. LES ÉTUDES ANTÉRIEURES ...66

3.3.1. Études primaires et secondaires ... 67

3.3.2. Études collégiales ... 68

3.3.3. Études universitaires ... 69

3.3.3.1. Base d’admission universitaire ... 69

3.3.3.2. Retours aux études ... 70

3.3.3.3. Les domaines d’études ... 70

3.4. RÉALISATIONS ET ASPIRATIONS FUTURES ...72

3.4.1. Réalisations professionnelles et implications ... 72

3.4.2. Aspirations futures ... 73

CHAPITRE IV – CADRE CONCEPTUEL ...76

4.1. SOCIOLOGIE DE L’ÉDUCATION...76

4.1.1. Individualisme méthodologique ... 77

4.1.2. Sociologie de l’expérience ... 78

4.1.3. « Nouvelle » sociologie de l’éducation ... 80

4.1.4. Pédagogie critique ... 82

4.1.5. La reproduction ... 84

4.1.6. Lahire et le prolongement critique de la reproduction ... 87

4.2. DIVERSITÉ ETHNOCULTURELLE EN ÉDUCATION...89

4.2.1. Éducation interculturelle et multiculturelle ... 89

4.2.2. Éducation antiraciste et approches critiques et transformatives ... 92

4.2.3. Éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits humains ... 94

4.2.4. Éducation inclusive ... 94

4.3. NOTRE CADRE CONCEPTUEL ...96

SECONDE PARTIE – RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS ...103

CHAPITRE V – RAPPORT À L’IDENTITÉ ET AUX CULTURES AUTOCHTONES ...104 5.1. IDENTITÉ ETHNIQUE ...104 5.1.1. Face externe ... 105 5.1.1.1. Assimilation et colonisation ... 105 5.1.1.2. Racisme et discrimination ... 108 5.1.1.3. L’Autre ... 111 5.1.2. Face interne ... 113 5.1.2.1. Diversité autochtone ... 113

(9)

5.1.2.2. Traditions et coutumes ... 115

5.1.2.3. Au-delà des apparences ... 118

5.1.3. Critique des frontières ... 120

5.1.3.1. Diversité culturelle et mondialisation ... 120

5.1.3.2. Occasions de rencontre et d’échange ... 123

5.1.3.3. Généalogie ... 128

5.2. RAPPORT AUX CULTURES AUTOCHTONES ...132

5.2.1. Dimension relationnelle ... 133

5.2.1.1. Proximité sociale ... 133

5.2.1.2. Liens familiaux ... 134

5.2.1.3. Rôle des aînés ... 135

5.2.1.4. Bien-être personnel et identité autochtone ... 136

5.2.2. Dimension linguistique ... 137

5.2.2.1. De la distinction entre l’oral et l’écrit ... 137

5.2.2.2. Langues autochtones ... 138

5.2.2.3. Langues allochtones ... 139

5.2.3. Dimension artistique ... 140

5.2.3.1. Arts et artisanat ... 140

5.2.3.2. Diffusion culturelle ... 141

5.2.4. Dimension spirituelle et philosophique ... 142

5.2.4.1. Valeurs ... 142

5.2.4.2. Vision holistique et temporalité... 142

5.2.4.3. Spiritualités autochtones ... 143

5.2.4.4. Influence du christianisme ... 144

5.2.5. Dimension géographique ... 145

5.2.5.1. Rapport à la terre ... 146

5.2.5.2. Activités et produits du terroir ... 147

5.2.5.3. Communauté ... 148

5.2.5.4. Présence autochtone en milieu urbain ... 150

5.2.6. Dimension sociopolitique ... 152

5.2.6.1. Lois et règlements spécifiques ... 152

5.2.6.2. Mobilisations et revendications ... 154

5.2.6.3. Organisations autochtones ... 155

5.2.6.4. Contexte socioéconomique ... 156

CHAPITRE VI – SUR LES CHEMINS DE L’UNIVERSITÉ : UNE ANALYSE DES PARCOURS SCOLAIRES ...161

6.1. LE RAPPORT AUX ÉTUDES UNIVERSITAIRES PRÉCÉDANT LA FRÉQUENTATION UNIVERSITAIRE ...161

6.1.1. Universitaires « anticipés » ... 162

6.1.2. Universitaires « réorientés » ... 162

6.2. LE RAPPORT AUX ÉTUDES UNIVERSITAIRES PENDANT LA FRÉQUENTATION UNIVERSITAIRE ...163

6.2.1. Variations intra-individuelles du rapport aux études universitaires ... 164

6.2.2. Un rapport aux études souvent altruiste ... 165

(10)

6.3.1. Premier passage immédiat ... 167

6.3.2. Premier passage différé ... 168

6.3.3. Poursuite envisagée des études ... 169

6.4. PARCOURS UNIVERSITAIRES ...170

6.4.1. Premier cycle ... 171

6.4.1.1. Motifs et intérêts ... 171

6.4.1.2. Difficultés scolaires et réorientations ... 172

6.4.1.3. Conciliation études-travail-famille et difficultés extrascolaires ... 175

6.4.2. Cycles supérieurs ... 176

6.4.2.1. Motifs et intérêts ... 177

6.4.2.2. Difficultés scolaires et réorientations ... 178

6.4.2.3. Conciliation études-travail-famille et difficultés extrascolaires ... 179

6.5. QUELQUES FACTEURS EXPLICATIFS DU PASSAGE À L’UNIVERSITÉ ET QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DU MILIEU D’ORIGINE ...181

6.5.1. Rapport à l’école des parents et de la famille élargie ... 181

6.5.1.1. Faible scolarité parentale et contexte sociohistorique peu favorable ... 183

6.5.1.2. À défaut de soutien scolaire, un encouragement aux études ... 183

6.5.1.3. Ni laissés-pour-compte, ni héritiers ... 185

6.5.2. Parentalité ... 186

6.5.2.1. L’influence des enfants sur le projet d’études ... 188

6.5.2.2. Les « familles étudiantes » ... 189

6.5.3. Soutien financier ... 190

6.5.4. Mobilité géographique ... 194

6.5.5. Expériences professionnelles ... 195

CHAPITRE VII – DES PROJETS D’ÉTUDES AUX PROJETS DE VIE : L’INFLUENCE DE L’IDENTITÉ ET DES CULTURES AUTOCHTONES SUR LES PARCOURS ...199

7.1. MOTIFS LIÉS AUX ÉTUDES ...199

7.1.1. Dès l’inscription ... 200

7.1.2. Pendant les études ... 203

7.2. PROJETS D’ÉTUDES COMME PROJETS DE VIE ...205

7.2.1. Dans la communauté d’origine ... 206

7.2.2. Dans d’autres communautés ... 208

7.2.3. En milieu urbain ... 211

7.2.4. Sans ancrage local a priori ... 213

7.3. PROJETS ET RÉALISATIONS EN LIEN AVEC LES CULTURES AUTOCHTONES ...216

7.4. DES PROJETS AUSSI INDIVIDUELS ...217

7.5. LE POINT DE VUE INSTITUTIONNEL ...219

CHAPITRE VIII – DISCUSSION ...223

8.1. L’UNIVERSITE ET LES AUTOCHTONES : VERS LE MIEUX-ETRE ...223

8.1.1. Le rapport à l’identité et aux cultures des Premières Nations ... 223

(11)

8.1.3. Étudier pour le mieux-être chez les Autochtones ... 233

8.1.4. Le rôle de l’institution universitaire dans le développement du mieux-être chez les Autochtones ... 236

8.2. VERS UNE MULTIVERSITÉ INTERCULTURELLE ET DÉMOCRATIQUE ...239

8.2.1. Une perspective interculturelle et inclusive ... 240

8.2.2. L’université comme sphère publique démocratique ... 244

8.2.3. De l’université à la multiversité ... 246

CONCLUSION ...250

BIBLIOGRAPHIE ...255

ANNEXES ...287

Annexe I – Guide d’entretien (participants principaux) ...288

Annexe II – Guide d’entretien en anglais (participants principaux) ...293

Annexe III – Guide d’entretien (participants complémentaires) ...298

Annexe IV – Formulaire de consentement (participants principaux) ...300

Annexe V – Formulaire de consentement en anglais (participants principaux) ...305

Annexe VI – Formulaire de consentement (participants complémentaires) ...310

Annexe VII – Synthèse des principales caractéristiques concernant les participants principaux ...315

(12)

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Tableaux

Tableau 1.1. Répartition des membres des Premières Nations dans les communautés du Québec (2015)

19

Tableau 1.2. Répartition des Inuit dans les communautés du Québec (2015) 21 Tableau 1.3. Données sociodémographiques relatives aux populations

autochtones du Canada (2011, 2016)

24

Tableau 1.4. Services d’enseignement offerts par les écoles de bande au Québec

26

Tableau 3.1. Profil sociodémographique 60

Tableau 3.2. Milieu d’origine 62

Tableau 3.3. Scolarité des parents 62

Tableau 3.4. Mobilité géographique 64

Tableau 3.5. Mobilité géographique liée aux études universitaires 65

Tableau 3.6. Lieu de résidence future envisagé 66

Tableau 3.7. Parcours préuniversitaires 67

Tableau 3.8. Type d’école fréquenté au primaire et au secondaire 68 Tableau 3.9. Plus haut diplôme obtenu lors de la 1re admission à l’université 70 Tableau 3.10. Cycles d’études fréquentés et programmes complétés (étudiants

et diplômés confondus)

71

Tableau 3.11. Répartition des domaines d’études 72

Tableau 6.1. Rapport aux études avant et après l’arrivée à l’université 165 Tableau 6.2. Scolarité des parents et type de premier passage à l’université 182 Tableau 7.1. Caractéristiques des projets d’études devenus projets de vie 215

Figures

Figure 2.1. Les 3 flux de l’analyse qualitative selon Miles et Huberman (2003) 54

(13)

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AADNC Affaires Autochtones et du Nord canadien AÉC Attestation d’études collégiales

APN Assemblée des Premières Nations du Canada

APNQL Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador CAA Centre d’amitié autochtone

CBJNQ Convention de la Baie-James et du Nord québécois CÉPN Conseil en Éducation des Premières Nations

CÉRUL Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval

CNEQ Convention du Nord-Est québécois

CRSH Conseil de recherches en sciences humaines

CRSNG Conseil de recherches en sciences naturelles et génie DÉC Diplôme d’études collégiales

DÉP Diplôme d’études professionnelles DÉS Diplôme d’études secondaires

DÉSS Diplôme d’études supérieures spécialisées ÉPG Étudiant de première génération

IRSC Instituts de recherche en santé du Canada

MÉES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur UQAC Université du Québec à Chicoutimi

UQAM Université du Québec à Montréal

(14)

REMERCIEMENTS

Je tiens en premier lieu à remercier ma directrice de recherche, Annie Pilote, pour son soutien indéfectible tout au long de mon parcours doctoral. Elle a su m’encourager à persévérer dans les moments difficiles et à toujours garder en tête cet objectif ultime du dépôt de la thèse. Elle a aussi beaucoup contribué à ma formation de chercheur et d’enseignant en m’intégrant dans ses projets de recherche et en m’encourageant dans mes premières expériences comme chargé de cours. C’est aussi grâce à elle que je me suis toujours accroché à mon projet de recherche et que j’ai cru en mes capacités de le mener à terme. Je la remercie donc pour sa patience, sa rigueur, ses commentaires pertinents et ses encouragements répétés.

Ce projet de thèse me semblait une nécessité, non seulement pour satisfaire ma propre curiosité intellectuelle, mais aussi dans un esprit de démocratisation de l’enseignement supérieur. J’ai donc voulu illustrer les avancées réalisées depuis les dernières décennies à ce sujet chez les étudiants autochtones du Québec, mais aussi les défis soulevés par leur fréquentation scolaire en termes de prise en compte de la diversité ethnoculturelle et de la diversité sociale auprès des universités et des autorités politiques. Je tiens particulièrement à remercier chacun des étudiants et diplômés qui ont accepté de participer à ce projet de recherche en m’accordant leur temps et surtout leur confiance. Je leur suis infiniment reconnaissant de m’avoir accueilli et d’avoir partagé leurs expériences pour m’aider à mieux comprendre le sens qu’ils accordent à leurs études. Bien que je ne puisse vous nommer, soyez assurés que vous êtes tous et toutes bien présents dans mon cœur et je vous souhaite le meilleur à venir dans vos projets. Je tiens aussi à remercier les professionnels impliqués dans le milieu de l’éducation autochtone interviewés de m’avoir apporté des éclairages supplémentaires par rapport aux parcours des étudiants et aux enjeux administratifs et politiques qui leur sont inhérents. Même si je ne peux non plus vous nommer, vous n’en êtes pas moins bien présents dans mes pensées et je vous remercie de votre confiance.

(15)

Un parcours doctoral est aussi l’occasion de rencontrer des personnes marquantes dans notre développement intellectuel et personnel. Tant de gens m’ont aidé à leur façon à me rendre jusqu’au bout, dans ce qui m’a parfois semblé cette quête vers l’inaccessible étoile dont parlait Jacques Brel. De ce nombre, je tiens à remercier Thierry Rodon de m’avoir offert l’occasion de découvrir de nouveaux horizons dans le sillage de mes intérêts de recherche, de m’avoir soutenu comme chercheur, comme étudiant et d’avoir cru en moi alors que j’en avais grandement besoin. Je tiens aussi à remercier mes collègues de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord et du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA) de m’avoir soutenu dans les périodes de doute, de m’avoir aidé à surmonter les difficultés que la vie nous réserve parfois au moment où l’on s’y attend le moins et d’avoir partagé tant de repas sur l’heure du midi. Un merci particulier à Aude Therrien et Benoit Éthier pour leur amitié.

Un grand merci également aux collègues et amis étudiants Karine Vieux-Fort, Jo Anni Joncas, Sofia Arsenii, Amélie Groleau, Paul-Antoine Cardin, Corentin Faucher et Luba Markovskaia pour les discussions sur nos thèses respectives et les joies du métier d’étudiant. Je ne saurais passer sous silence l’appui de professeurs qui m’ont encouragé à persévérer et avec qui j’ai eu droit à de riches discussions qui ont alimenté mes réflexions. Merci à Jacques Kurtness, Renée Cloutier, Canisius Kamanzi, France Picard, Jean Bernatchez et Maryse Potvin pour les sages conseils et les échanges autour de la sociologie, de l’enseignement supérieur et de l’éducation interculturelle. Merci aussi à tous ces collègues rencontrés durant les séminaires, colloques et congrès, avec qui j’ai pu partager mes travaux en progression afin de sans cesse les améliorer et merci aux étudiants de mes cours et séminaires de m’avoir aidé à devenir, osé-je l’espérer, un meilleur pédagogue. Un merci spécial à Julie Delisle pour les discussions, parfois sérieuses, parfois moins, et pour son aide dans les moments difficiles.

Produire une thèse, c’est aussi l’occasion de constater tout l’amour que nos proches nous apportent et qui nous aide non seulement à persévérer dans nos études, mais aussi à ne pas perdre de vue que nous sommes des êtres interreliés. Les contacts avec ma famille m’ont ainsi aidé à garder les pieds sur terre et à ne pas oublier d’où je viens. Merci surtout

(16)

à mes parents, Yves Ratel et Danielle Lecompte; mes frères, Yannick et Stéphane; ma grand-mère, Fleurette Tourangeau; ma tante, Carole-Lyne Ratel; mes beaux-parents, Maryse Rhéaume et Yves Pageau; mes belles-sœurs, Nathalie Lachance et Josée Hamel; mon neveu, Arthur Ratel. Je vous remercie d’avoir toujours cru en moi et de votre aide sous toutes ses formes à tant de moments cruciaux durant mon parcours. Un merci spécial à Mélopée, fidèle compagne féline, pour ta présence discrète sur le coin de mon bureau quand je travaillais tard.

Enfin, un merci tout spécial à mon âme-sœur, Laurie Pageau, la femme de ma vie qui m’a redonné confiance en moi et en l’humanité, qui m’a donné le goût de me dépasser et m’a sans cesse appuyé pour y arriver. C’est beaucoup grâce à toi, Laurie, que tu peux aujourd’hui lire cette thèse et les présents remerciements, qui jamais ne pourront suffisamment témoigner de toute l’affection que j’ai pour toi et de tout le bonheur que tu me procures. Nous avons partagé tant de moments en tant qu’étudiants, l’une allant au congrès de l’un, l’un allant au congrès de l’une, et tous les deux se réunissant dans une passion commune pour l’éducation et la science. Ton écoute, ta générosité, ta patience, ton empathie, ton humour et, bien sûr, ton amour, m’auront permis de compléter mon doctorat tout en me sentant chaque jour l’homme le plus chanceux au monde de t’avoir rencontrée. Il faudra désormais s’habituer à nous voir moins souvent à la Tour des sciences de l’éducation, mais tu seras toujours la femme de ma vie et j’espère toujours mériter d’être l’homme de la tienne. Je te promets aussi de continuer de te soutenir durant ton propre parcours doctoral autant que tu as pu me soutenir durant le mien. Que notre amour se poursuive à jamais et qu’il continue de nous rendre plus forts.

(17)

Nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif. Si nous séparons avec soin les problèmes théoriques des problèmes pratiques, ce n’est pas pour négliger ces derniers : c’est, au contraire, pour nous mettre en état de les mieux résoudre. C’est pourtant une habitude que de reprocher à tous ceux qui entreprennent d’étudier la morale scientifiquement leur impuissance à formuler un idéal. On dit que leur respect du fait ne leur permet pas de le dépasser ; qu’ils peuvent bien observer ce qui est, mais non pas nous fournir des règles de conduite pour l’avenir. Nous espérons que ce livre servira du moins à ébranler ce préjugé, car on y verra que la science peut nous aider à trouver le sens dans lequel nous devons orienter notre conduite, à déterminer l’idéal vers lequel nous tendons confusément. Seulement, nous ne nous élèverons à cet idéal qu’après avoir observé le réel, et nous l’en dégagerons ; mais est-il possible de procéder autrement? Même les idéalistes les plus intempérants ne peuvent pas suivre une autre méthode, car l’idéal ne repose sur rien s’il ne tient pas par ses racines à la réalité.

(18)
(19)

INTRODUCTION

Dans la foulée de la Révolution tranquille, l’accessibilité à l’enseignement supérieur s’est incontestablement accrue au Québec. Ainsi, le Rapport Parent a donné une véritable onde de choc en revoyant de fond en comble un système d’éducation qui réservait cet ordre d’enseignement à une mince élite, issue des classes sociales supérieures et essentiellement masculine. Or, le chapitre consacré à l’éducation chez les Premières Nations et Inuit de ce rapport ne s’intéressait guère à l’enseignement supérieur, si ce n’est quelques mots sur la formation des maîtres appelés à enseigner aux élèves autochtones. Autrement, on se contentait surtout de déplorer le faible niveau de scolarité de ceux qui, selon la terminologie des années 1960, étaient désignés en tant qu’Indiens et Esquimaux. Tout au plus avançait-on la nécessité de développer l’éducation des adultes autochtones en vue d’accroître la diplomation chez ceux qui avaient quitté l’école sans diplôme, mais aucune mention n’était faite des enjeux les concernant en enseignement supérieur.

On comprend dès lors que la création des cégeps et l’expansion des campus universitaires fut entreprise sans prendre en compte les besoins et particularités des étudiants autochtones. Le mouvement de démocratisation scolaire qui s’en est suivi visait donc d’abord et avant tout celle de la population non autochtone, dont le retard en termes de diplomation était particulièrement marqué chez les francophones par rapport aux anglophones. En effet, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle se fit essentiellement en termes de langues et de religions, ce qui conduisit au développement d’un système d’éducation visant à répondre aux besoins des francophones et anglophones ainsi qu’à ceux des catholiques et protestants, à tout le moins jusqu’à la déconfessionnalisation qui s’opérera progressivement à partir des années 1990.

Faut-il alors s’étonner qu’une population initialement exclue des réflexions ayant conduit à la création du système d’enseignement collégial et universitaire tel que nous le connaissons aujourd’hui s’y sente encore souvent exclue? En effet, il faudra attendre le dépôt du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones trois décennies plus tard pour qu’une première commission d’enquête gouvernementale d’ampleur produise

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une réflexion sur la place des Premières Nations et Inuit en enseignement supérieur. Une série de recommandations détaillées visait à leur assurer non seulement un meilleur accès aux études collégiales et universitaires, mais aussi une meilleure rétention jusqu’à leur diplomation, le tout dans le respect de leurs cultures. Deux décennies plus tard, on constate que ces recommandations sont toujours d’actualité et qu’elles ont souvent été reprises par des établissements souhaitant mieux répondre aux besoins de leurs étudiants autochtones et en recruter de nouveaux.

On constate toutefois du même souffle que la poursuite d’études universitaires chez les Premières Nations et les Inuit s’est considérablement accrue depuis la publication des rapports Parent et Erasmus-Dussault, sans pour autant que l’écart historique ne soit dépassé. Il s’agit donc d’un cas flagrant de discrimination systémique à l’égard d’un groupe minoritaire et marginalisé en éducation qui s’inscrit dans le contexte québécois de démocratisation scolaire ségrégative (Merle, 2000), comme le soulevait un récent avis du Conseil supérieur de l’éducation (2016). Dans cette optique, l’analyse des parcours d’étudiants universitaires des Premières Nations du Québec soulève forcément la question de la justice sociale en éducation et met le doigt sur les inégales avancées en termes d’accessibilité aux études en fonction de l’origine ethnoculturelle. Dans un contexte où l’éducation auprès des Autochtones s’est longtemps limitée à l’imposition d’une culture dominante, dans la pure tradition évolutionniste ayant forgé le colonialisme en Amérique du Nord, la question de l’identité reste cruciale pour mieux répondre aux besoins des étudiants et favoriser leur réussite éducative. Le défi est donc colossal en vue de mettre en place des mesures permettant aux cultures autochtones de s’épanouir sur les campus et ainsi assurer une meilleure sécurité culturelle des étudiants autochtones, gage de leur réussite éducative (Pidgeon, 2008a).

Notre thèse est donc l’occasion de s’intéresser à ceux-là mêmes qui parviennent à déjouer les pronostics et dont la seule présence à l’université nous force à dépasser le fatalisme des inégalités en éducation. Tout en tenant compte des structures sociales et de leur étonnante capacité à reproduire l’ordre établi, nous avons donc voulu regarder de plus près ces cas de membres des Premières Nations qui ont choisi de poursuivre leur scolarité

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bien au-delà de ce qui est généralement observé au sein de leur groupe d’appartenance. Nos objectifs généraux sont de contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec et de mieux comprendre le sens conféré par les étudiants qui en sont membres à leurs parcours universitaires. Plus spécifiquement, nos objectifs de recherche consistent à : 1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations; 2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours; 3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires; 4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

Après avoir présenté notre problématique (chapitre I) et ainsi exposé la pertinence scientifique et sociale de la présente recherche, nous présenterons notre méthodologie (chapitre II), qui repose sur des entretiens effectués auprès de 23 étudiants et diplômés universitaires des Premières Nations du Québec. La présentation de notre cadre conceptuel (chapitre III) sera l’occasion de saisir l’articulation entre les théories de Bernard Lahire, Danielle Juteau, Marie McAndrew, Marie Battiste, Henry Giroux et Mario Blaser, qui nous ont permis de cerner notre objet de recherche aux lumières croisées de la sociologie, de l’anthropologie, des sciences de l’éducation et des études autochtones. La présentation du corpus (chapitre IV) permettra ensuite de prendre connaissance des cas étudiés en faisant ressortir les faits saillants de leurs profils. Nous verrons au chapitre V le rapport à l’identité et aux cultures autochtones des participants, qui sont, avant même d’être étudiants, des membres appartenant à des communautés et nations qui partagent plusieurs traits en commun tout en ayant développé leurs spécificités. Le chapitre VI sera spécifiquement consacré à leurs parcours scolaires et permettra au lecteur de comprendre ensuite l’influence de l’identité et des cultures autochtones sur les parcours des participants, objet du chapitre VII, où nous illustrerons que la finalité des études universitaires chez les membres des Premières Nations est à saisir à l’aune du développement du mieux-être chez les Autochtones. Enfin, la discussion (chapitre VIII) ouvrira la réflexion sur l’institution universitaire elle-même, sur sa métamorphose ayant permis à un nombre accru

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d’Autochtones de la fréquenter et sur notre défense d’un modèle de campus interculturel conçu comme sphère publique démocratique, en vue de répondre aux défis contemporains de la diversité ethnoculturelle dans les universités québécoises.

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PREMIÈRE PARTIE – CADRE DE

LA RECHERCHE

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CHAPITRE I – PROBLÉMATIQUE

L’étude des parcours d’étudiants universitaires des Premières Nations du Québec soulève inévitablement la question du contexte social propre aux Autochtones1 du Québec et les enjeux inhérents aux relations entre Autochtones et allochtones. Nous débuterons donc par une définition des principales notions utilisées et poursuivrons par une brève présentation de l’histoire des Autochtones ainsi que de leur situation contemporaine. Nous présenterons ensuite nos objectifs de recherche et analyserons l’état des connaissances accumulées à ce jour sur les étudiants autochtones au postsecondaire au Canada.

Alors que nous nous intéressions d’abord à la transition aux études universitaires chez les Premières Nations, nos premières entrevues en pré-test nous ont fait constater que c’était plutôt la question des projets envisagés et réalisés après les études qui s’avérait particulièrement riche dans les données recueillies, ce qui nous a décidé à nous orienter davantage vers le sens conféré aux études universitaires chez les étudiants autochtones en lien avec leur contribution au mieux-être chez les Autochtones, avec les objectifs suivants.

Objectifs généraux

1) Contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec.

2) Comprendre le sens conféré par les étudiants des Premières Nations du Québec à leurs parcours universitaires.

Objectifs spécifiques

1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations.

1 Tout au long de ce document, nous écrirons « Autochtone », avec une majuscule, lorsqu’il s’agit d’un nom

propre (par exemple : « On retrouve des Autochtones dans cette région. »). Nous écrirons plutôt « autochtone », avec une minuscule, lorsqu’il s’agit d’un nom commun (par exemple : « On retrouve des communautés autochtones dans cette région. »). À ce sujet, nous nous référons à l’Avis de l’Office de la langue française paru dans la Gazette officielle du Québec du 24 avril 1993. Nous écrirons « non-Autochtone » et « non-autochtone » en suivant la règle précédente. En ce qui concerne le nom « allochtone », nous l’écrirons toujours avec une minuscule puisqu’il ne s’agit pas d’un groupe en soi : il n’existe qu’en tant que « ce qui n’est pas autochtone ». Nous dirons par exemple : « On retrouve des allochtones dans cette région. C’est une région où il y a plusieurs communautés allochtones ».

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2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours.

3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires.

4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

1.1. CONTEXTE SOCIAL

Il convient dans un premier temps de bien définir les principales notions utilisées pour définir les Autochtones au Canada et mieux comprendre leur histoire ainsi que leur situation contemporaine. Nous nous arrêterons plus précisément aux trois grands groupes que sont les Premières Nations, les Inuit et les Métis. Nous nous intéresserons ensuite à leur histoire, plus particulièrement depuis la Confédération canadienne, et à leur situation contemporaine en termes de conditions de vie, de gouvernance, d’éducation et d’identité.

1.1.1. Quelques définitions

Les peuples autochtones ont longtemps été définis par leurs colonisateurs, et ce, depuis l’arrivée des premiers missionnaires, si bien que les termes utilisés pour les identifier ne reflètent pas forcément la manière dont eux-mêmes s’identifient. Nous décrirons donc ici les principaux termes utilisés dans le contexte canadien, tout en précisant d’emblée que les membres de chaque groupe autochtone (communauté, nation, confédération, etc.) se définissent d’abord eux-mêmes avant de l’être par la société majoritaire.

1.1.1.1. Autochtones

Si Morin (2009) souligne l’absence de définition formelle de l’autochtonie dans la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l’ONU de 2007, elle mentionne en revanche que les « représentants de plus de 5 000 cultures ont en partage des expériences identiques » (p. 68) qui les ont conduits à s’identifier en tant qu’Autochtones sur la base de valeurs communes (collectivité, développement durable, responsabilités à l’égard des

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générations futures), traçant une frontière symbolique avec les non-autochtones. Pour notre part, nous reprendrons la définition du sociologue José Martínèz Cobo, chargé par l’ONU de documenter la discrimination à l’égard des Autochtones dans les années 1970 et 19802.

[…] des peuples et nations qui présentent une continuité historique avec les sociétés précédant la conquête et la colonisation de leurs territoires, qui se considèrent comme distincts des autres secteurs de la société dominant intégralement ou partiellement ces territoires. Ils constituent aujourd’hui, [sic] des secteurs non dominants de la société et sont déterminés à préserver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique, sur la base de leur existence continue en tant que peuple, en accord avec leurs propres systèmes culturels, leurs systèmes légaux et leurs institutions sociales. (traduction française citée dans Bellier, 2009, p. 76)

Dans le contexte canadien, « Autochtones » renvoie donc aux descendants des premiers occupants du territoire de ce qui est aujourd’hui le Canada, ce qui regroupe les Premières Nations, Inuit et Métis. Cela dit, l’autochtonie concerne d’abord l’identité et non les seuls traits phénotypiques, d’autant plus que le métissage entre populations autochtones existait avant même l’arrivée des Européens, par exemple chez les Iroquois qui adoptaient des prisonniers « étrangers » (Miller, 2000, p. 13). On relève aussi plusieurs mariages « mixtes » sous le régime français (De Souza Correa et Girard, 2009) et d’autres unions ont constitué la nation métisse (Miller, 2000, p. 85-87). Si l’Autochtone a d’abord été défini comme « l’envers du Blanc » (Simard, 2003), l’identité autochtone peut aujourd’hui être saisie selon trois dimensions : autochtonéité (culture propre à l’ensemble des Autochtones), nation (culture propre à chaque nation) et communauté (culture propre à une communauté donnée au sein d’une nation) (Gallant, 2002, p. 102-103). Cela dit, Statistique Canada recensait 1 673 780 personnes déclarant une identité autochtone3 au pays en 2016, soit 4,9% de la population, et plus précisément 182 890 au Québec, c’est-à-dire 2,3% de la population.

2 Son rapport complet est disponible en ligne :

https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/publications/martinez-cobo-study.html.

3 Selon Statistique Canada : « “Identité autochtone” désigne les personnes s’identifiant aux peuples

autochtones du Canada. Il s’agit des personnes qui sont Premières Nations (Indiens de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit) et/ou les personnes qui sont des Indiens inscrits ou des traités (aux termes de la Loi sur

les Indiens du Canada) et/ou les personnes membres d’une Première Nation ou d’une bande indienne.

L’article 35 (2) de la Loi constitutionnelle de 1982 précise que les peuples autochtones du Canada s’entend

notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada ». Source :

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1.1.1.2. Premières Nations

Les membres des Premières Nations, aussi appelés Amérindiens ou parfois Indiens d’Amérique, regroupent la majorité des Autochtones au pays et englobent des centaines, voire des milliers de nations4. La terminologie à cet égard soulève certains débats (Dickason, 1996, p. 15-17), mais nous entendons le terme « nation » tel qu’utilisé aujourd’hui pour désigner le regroupement de membres au sein d’une de celles qui composent l’Assemblée des Premières Nations du Canada. Au Québec, cela inclut les Abénakis, Algonquins, Atikamekw, Cris, Hurons-Wendat, Innus, Malécites, Micmacs, Mohawks et Naskapis.

On distingue la population des Premières Nations selon qu’elle soit « inscrite » ou non au Registre des Indiens tenu par le ministère des Affaires Autochtones et du Nord canadien (AADNC), en vertu de la Loi sur les Indiens. Il s’agit d’une distinction légale qui comporte son lot de conséquences puisque seuls ceux inscrits sont soumis aux dispositions de cette loi (Dickason, 1996, p. 18)5. Une autre distinction légale concerne le lieu de résidence, en communauté ou à l’extérieur : dans ce dernier cas, la personne conserve tout de même son statut légal « indien » et le droit de vote au conseil de bande6. Chez les Cris

et Naskapis, on parle plutôt du Registre des bénéficiaires cris et naskapis, tenu en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ), étant donné que ces deux nations ne sont plus couvertes par la Loi sur les Indiens depuis la signature de leurs conventions négociées dans les années 1970. Notre recherche s’intéresse donc aux membres des Premières Nations « inscrits »7 ou « bénéficiaires », peu importe qu’ils résident ou non dans leurs communautés. Le terme « communauté » sera utilisé pour désigner les membres regroupés dans une localité

4 Il s’avère difficile de déterminer précisément les frontières entre ces nations, selon que l’on se base sur des

critères d’ordre linguistique, culturel, sociologique ou ethnique. Nous pouvons nous référer au découpage en huit grandes familles linguistiques utilisé dans Magocsi (2002, p. 8) : algonquienne, iroquoïenne, siouïenne, ktunaxa, salish, wakashan, tsimshian et dénée.

5 Dans son jugement du 14 avril 2016, la Cour Suprême stipulait cependant que « [l]es contextes historique,

philosophique et linguistique établissent que les ‘‘Indiens’’ visés au par. 91(24) [de la Loi sur les Indiens] englobent tous les peuples autochtones, y compris les Indiens non inscrits et les Métis ».

6 Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5, article 2.

7 Chez les Cris et Naskapis, on parle plutôt de « bénéficiaires des Conventions », comme nous le verrons un

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légalement définie comme village (Cris et Naskapis) ou réserve (autres nations).

1.1.1.3. Inuit8

Les Inuit constituent anthropologiquement et culturellement une population autochtone distincte de celle des Premières Nations. On les retrouve au Nunavik (Nord-du-Québec), Nunatsiavut (Labrador), Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest et Yukon) et au Nunavut. Ils ne sont pas légalement des « Indiens », malgré une courte période (de 1939 à 1951) où la Loi sur les Indiens s’appliquait à eux (Dickason, 1996, p. 381). La langue maternelle et d’usage de la très grande majorité des Inuit demeure l’Inuktut, qui regroupe différents dialectes selon les régions (Dorais, 2010), et la langue seconde est très largement l’anglais, même si le français a connu une nette progression au Nunavik depuis les années 1980 (Juteau, 2007). Au Québec, on retrouve 14 communautés inuit, regroupées sous la Société Makivik.

1.1.1.4. Métis

Certains considèrent que les Métis se limitent à ceux pouvant revendiquer des origines remontant aux communautés métisses de la Rivière rouge (Manitoba) ou encore, plus largement, à un territoire couvrant l’Ontario et le Manitoba (Chartrand et Giokas, 2002, p. 268-280). Par contre, du point de vue du Conseil national des Métis, toute personne qui s’auto-identifie en tant que Métis ou se reconnaît des ancêtres métis est considérée comme telle (Chartrand et Giokas, 2002, p. 289-294). Pour Statistique Canada, c’est cette seconde définition qui prévaut lors du recensement, à l’instar des autres populations autochtones. La plupart se trouvent dans les provinces de l’Ouest (65,8 %) et en Ontario (19,0%), mais 40 955 personnes se définissent comme Métis au Québec. Or, le gouvernement du Québec ne les reconnaît pas et il n’y a donc pas de « communautés » métisses officielles au Québec, mais plutôt des collectivités locales où vivent des Métis.

8 À l’instar de Dorais (2004), et ce, afin de « respecter le génie de la langue dont il est tiré » (p. 155), nous

avons choisi d’écrire « Inuit » (sans s) et « Inuk » dans sa forme singulière, lorsqu’il s’agit de noms propres, et de conserver « inuit » (invariable) pour les adjectifs. Nous écrirons donc, à titre d’exemples, un Inuk, des Inuit, un dialecte inuit, des chiens inuit. Ces choix linguistiques sont aussi ceux initialement approuvés par l’Office de la langue française en 1979, avant de se raviser en 1993 en privilégiant les règles propres à la langue française.

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1.1.1.5. Allochtones

Les allochtones sont ceux qui habitent le territoire canadien et ne sont ni membres des Premières Nations, ni Inuit, ni Métis. Ils incluent donc la grande majorité de la population, qui ne constitue toutefois pas un groupe qui se définit comme « allochtone ». On y trouve plutôt une kyrielle de groupes d’appartenance ethnoculturelle et nous distinguerons plus précisément entre, d’une part, les Eurocanadiens (issus de l’immigration européenne historique)9 et, d’autre part, les Canadiens issus de l’immigration (arrivés plus récemment, qu’ils soient de première ou deuxième génération). Plus précisément, le terme « Eurocanadiens » désigne les Canadiens descendant des deux puissances colonisatrices (Royaume-Uni et France) et des autres pays européens avant 196810. On recourt aussi au terme « Euroquébécois » afin de tenir compte d’une identité distincte de celle de la majorité eurocanadienne (Gélinas, 2002), dans le contexte où la population majoritaire allochtone du Québec peut être subdivisée entre francophones, anglophones et allophones11.

Les allochtones du Québec ne se définissent donc pas comme tels, mais surtout en fonction de l’appartenance linguistique et nous utiliserons le terme « allochtone » surtout pour distinguer cette population des Autochtones, lesquels peuvent se définir comme Autochtones, en plus bien sûr des groupes ci-haut mentionnés. Nous distinguerons aussi au besoin les réalités propres aux Euroquébécois et aux Québécois issus de l’immigration.

1.1.2. Brève histoire des Autochtones au Canada

L’histoire des Autochtones a longtemps exclu le point de vue des principaux intéressés car elle s’est surtout écrite sous la plume d’auteurs allochtones (Vahia, 2005, p. 15-45), étant donné que les peuples autochtones se transmettaient l’histoire oralement.

9 N’oublions pas que l’immigration sous les régimes français et britannique (1534-1867) a aussi inclus des

immigrants non-Européens, notamment des esclaves africains (Trudel, 2004). Sous le régime canadien, à l’exception de travailleurs chinois, au demeurant fortement victimes de discrimination, la politique d’immigration ne laissait pratiquement aucune place à l’immigration non-européenne jusqu’en 1962 (McAndrew et Audet, 2016).

10 Étant donné que la politique d’immigration n’a plus retenu le critère du pays d’origine à partir de 1968,

nous avons choisi cette date pour définir le groupe eurocanadien. Depuis, la sélection de l’immigration se fait selon un système de points individuels et les pays d’origine se sont nettement diversifiés, à un point tel que l’immigration canadienne est aujourd’hui principalement non-européenne (McAndrew et Audet, 2016).

11 Nous nous sommes inspirés du découpage effectué par Juteau (1999) entre « Indiens », francophones,

anglophones et « immigrants ». Ce découpage nous semble le plus apte à refléter la diversité ethnoculturelle propre au Québec, où le clivage ethnique se fait surtout sentir par le biais de la langue.

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Nous proposons néanmoins de mettre en lumière quelques événements marquants qui ont contribué à forger les réalités autochtones contemporaines, en utilisant des sources à la fois autochtones et allochtones, sans pour autant prétendre à un examen exhaustif de cette histoire.

1.1.2.1. La période préconfédérale

Ainsi, l’histoire des premiers habitants de l’Amérique débuterait à au moins 15 000 av. J-C, voire 50 000 av. J-C (Trigger, 1992). Dès 11 000 av. J-C, on retrouvait des populations du nord au sud du continent, mais plus fortement sur la côte pacifique (Dickason, 1996, p. 35). Les premiers habitants de l’actuel territoire québécois se sont établis au sud vers 6 500 av. J-C (Beaulieu, 1997, p. 28) et l’Arctique canadien a accueilli ses premiers arrivants vers 3 000 av J-C (Dickason, 2006, p. 3). Certaines nations ont pu côtoyer les Norois vers l’an 1 000 ainsi que les Portugais et les Basques quelques siècles plus tard (Dickason, 1996, p. 11-12). On estimait la population autochtone d’Amérique à 112 millions en 1492, dont 18 millions en Amérique du Nord (Sioui, 1989, p. 7), mais l’immense majorité sera par la suite décimée par les épidémies, guerres et famines issues de la colonisation européenne.

Miller (2000) qualifie l’occupation française et britannique (XVIe au XVIIIe

siècles) comme une période de « coopération » car les puissances européennes avaient besoin de l’appui des Autochtones. Chaque puissance européenne avait forgé ses propres réseaux d’alliances avec les nations autochtones, mais la situation a surtout changé au lendemain de la Conquête. L’arrivée des loyalistes étasuniens donnera lieu à la confiscation de terres alors réservées aux Autochtones. Une période de « coercition » (XIXe siècle à 1960) arrivera avec la fin de la guerre avec les États-Unis (1814), ce qui conduira les autorités britanniques à se désintéresser de leurs anciens alliés autochtones et à développer des réserves visant à les assimiler à la majorité eurocanadienne (Miller, 2000, p. 125).

1.1.2.2. De nouvelles politiques d’assimilation

C’est donc au cœur de cette période de coercition que naît en 1867 le Canada. Dès 1869, le parlement vote l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages,

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poursuivant la politique entreprise plus tôt en refondant quelques lois similaires et en définissant le statut d’Indien12, dont la responsabilité fut confiée au gouvernement fédéral.

Les « terres réservées aux Indiens » tombèrent sous l’administration fédérale13 et les agents des affaires indiennes disposeront d’une grande autorité sur la conduite des affaires internes de chaque communauté. En 1876, la première Loi sur les Indiens renforcera ces dispositions et elle demeure toujours en vigueur, en dépit d’importants amendements intervenus depuis. Ce faisant, la bande indienne regroupe « un ensemble d’Indiens à l’intention desquels le gouvernement a mis de côté des terres pour leur usage commun et à leur profit » (Dickason, 1996, p. 283), alors que la réserve représente le territoire, propriété de la Couronne, composé de ces terres.

D’autres dispositions seront ajoutées au fil du temps en vue de réviser la gouvernance locale des conseils de bande et interdire certains rassemblements spirituels et culturels autochtones (Dickason, 1996, p. 285-287). On retiendra que le législateur poursuivra de différentes façons l’objectif de l’assimilation des Autochtones à la culture dominante. Cette insistance a aussi redéfini l’identité autochtone sur de nouvelles bases, avec les réserves comme territoire d’appartenance et le statut d’Indien comme élément unificateur (Gélinas, 2007). On note par ailleurs que la Loi sur les Indiens établit qu’aucune loi fédérale ou provinciale ne peut aller à l’encontre de ses dispositions. Responsable des services sociaux aux Autochtones, le gouvernement fédéral ne voulait pas initialement consacrer des sommes importantes à son objectif d’assimilation par crainte de favoriser ce qu’il qualifiait de possible « paresse » (Shewell, 2004). Offrant des formations scolaires rudimentaires axées sur l’agriculture, il considérait les fonds alloués aux conseils de bande comme des versements temporaires aidant au développement économique en vue de transformer les réserves en municipalités.

Lavoie (2004, 2005) découpe l’histoire de la politique canadienne d’éducation des

12 Nous utilisons le terme « Indien » dans son sens légal, en lien avec les différentes lois qui en définissent le

statut. Il ne s’agit donc pas des Premières Nations au sens large et on ne saurait le confondre avec le terme employé pour parler des habitants de l’Inde.

13 Le Ministère des Affaires Autochtones et du Nord canadien a connu plusieurs changements d’appellation

au fil de l’histoire et les affaires autochtones ont parfois été rattachées à d’autres ministères, mais nous utiliserons AADNC dans le but de faciliter la compréhension.

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Autochtones en trois grandes périodes, soit de 1867 à 1946, de 1946 à 1969 et de 1969 à aujourd’hui. La première période est caractérisée par la volonté acharnée du gouvernement fédéral visant à « annihiler la distinction amérindienne pour passer à la forme extrême de l’idéologie d’intégration, c’est-à-dire l’assimilation » (Lavoie, 2004, p. 92). AADNC se lancera dans une vaste opération de construction d’écoles de bande, dispensant un enseignement de niveau primaire dans la plupart des réserves, auxquelles s’ajouteront des écoles de métiers et des pensionnats. Ces derniers, situés à l’extérieur des réserves, éloigneront les enfants d’âge scolaire des influences de leurs parents et de leurs communautés dans la poursuite de l’objectif d’assimilation (Castellano, Archibald et De Gagné, 2008).

Enfin, l’éducation visait surtout à apprendre à cultiver la terre ou exercer un métier en industrie et l’enseignement supérieur était à toutes fins pratiques exclu. Dans l’ensemble, le système instauré durant ces quelque huit décennies sera qualifié d’échec par un comité mis sur pied par Ottawa, qui recommandera une éducation axée sur la formation citoyenne (dans le moule eurocanadien) plutôt que sur l’effacement radical des spécificités autochtones. Une nouvelle politique visant à intégrer les élèves aux différents systèmes d’éducation des provinces sera mise en place et, en 1951, la nouvelle Loi sur les Indiens facilitera la conclusion d’accords entre AADNC et les provinces allant dans ce sens, accroissant de près du double le nombre de jeunes Indiens inscrits à l’école, alors que la population des réserves augmentait de 21 % (Lavoie, 2005, p. 58).

Cela dit, on dénombrait en 1975 près de 500 traités signés avec les Autochtones (Dickason, 1996, p. 272), mais les gouvernements ont longtemps considéré que les droits de ceux qui occupaient l’ancien territoire de la Nouvelle-France avaient déjà été éteints avec le changement de colonisateur, et ce, même si les Britanniques avaient conclu plusieurs traités avec des nations anciennement alliées des Français à la veille et au lendemain de la Conquête (Émond, 2005, p. 26). C’est pourquoi les Autochtones du Québec, des Maritimes et du sud de l’Ontario n’ont pour la plupart pas signé de traité avant la fin du 20e siècle.

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1.1.2.3. Vers l’autodétermination

Après avoir cherché à définir le statut d’Indien et encadrer la plupart des pratiques sociales sous le couvert étroit de la Loi sur les Indiens, le gouvernement canadien procéda à un virage en déposant le Livre blanc en 1969. Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes, cherchait à abolir le statut d’Indien et les conséquences liées à plus d’un siècle de mise en réserve. En guise de réplique, l’Association des Indiens de l’Alberta déposa son Livre rouge défendant une philosophie dont s’inspireront ensuite les Autochtones de partout au pays, à la suite de la parution de La maîtrise indienne de l’éducation indienne (Fraternité des Indiens du Canada, 1972). Le dépôt du Livre blanc produisit donc un effet inverse à celui souhaité puisqu’il a servi d’élément déclencheur à un vaste mouvement associatif autochtone qualifié de « panindianisme » (Goyon, 2007, p. 12) et les Autochtones voudront se prendre en charge, développer eux-mêmes un système répondant à leurs besoins et reflétant leurs cultures. Ils rejetaient autant l’enclavement de l’école de bande sous tutelle fédérale que la dissolution dans les écoles allochtones, ces dernières ne tenant pas compte de leurs spécificités et de leur rapport difficile développé avec l’école. Leur argumentation se base sur une certaine « dette symbolique » de l’État canadien à leur égard, l’éducation autochtone ne relevant donc pas de l’assistance publique (Lavoie, 2005, p. 62). De plus, la politique des pensionnats prit progressivement fin à partir des années 197014, même si ses séquelles se font toujours sentir (Castellano, Archibald et De Gagné,

2008; Ottawa, 2010).

Après l’abandon du Livre blanc et l’adoption de la politique du multiculturalisme en 1971, le Canada reformulera son ambition d’assimiler les Premières Nations au moule eurocanadien et l’éducation offerte dans les écoles autochtones pourra davantage refléter les cultures locales. En 1971, AADNC proposait désormais « d’aider les populations indiennes et esquimaudes à adopter des programmes d’éducation et à se doter d’installations qui répondent à leurs besoins » ainsi que, l’année suivante, à « fournir des installations et des services éducatifs destinés à promouvoir les aspirations culturelles des Indiens et des Esquimaux et à les aider à atteindre, comme individus, l’épanouissement

14 Certains pensionnats ont maintenu leurs activités par la suite, mais sous le contrôle des conseils de bande

locaux. Les derniers pensionnats autochtones disparurent dans les années 1990 (Castellano, Archibald et De Gagné, 2008, p. 65).

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personnel et l’égalité de possibilités par rapport aux autres Canadiens » (cité dans Lavoie, 2005, p. 63). En 1976, 64 communautés autochtones contrôlaient complètement leurs écoles et 200 le faisaient partiellement, sans compter les 3 500 étudiants autochtones inscrits dans les collèges et universités. En 1981, ce seront 185 écoles que les bandes contrôleront et l’on retrouvera « trois conseils scolaires indiens et 58 centres culturels et éducatifs dirigés par des Amérindiens » (Lavoie, 2005, p. 63). L’éducation chez les Autochtones s’engagera vers une perte de contrôle des autorités fédérales vers les communautés, tout en s’arrimant aux systèmes provinciaux publics d’éducation. Au Québec, deux commissions scolaires (Kativik et Crie) seront créées à la suite de la signature de la CBJNQ et de la CNEQ.

Les peuples autochtones ont souvent eu recours aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits issus de traités et leurs droits ancestraux, les premiers étant plus faciles à identifier car ils se réfèrent à des documents signés, alors que les droits ancestraux reposent essentiellement sur la tradition orale et les pratiques autochtones (L’Heureux-Dubé et Otis, 2004, p. 1-7). Si les questions autochtones canadiennes se sont surtout développées autour des « Indiens », cette situation changera progressivement à partir des années 1970 et surtout avec le rapatriement de la Constitution (1982), qui enchâssera la reconnaissance des Autochtones (Premières Nations, Inuit et Métis) et de leurs droits ancestraux et issus de traité. Au Québec, des « traités modernes » seront alors conclus avec les Cris, Inuit et Naskapis (CBJNQ en 1975 et CNEQ en 1978) et d’autres exemples suivront chez les Inuit de l’Inuvialuit (1984) et du Nunavut (1999).

Enfin, soulignons l’influence marquante de la Crise d’Oka, qui s’est déroulée de juillet à septembre 1990 à propos des revendications territoriales mohawks et, bien au-delà, de l’autodétermination des Autochtones dans le contexte canadien. Il s’agit d’« un tournant dans la visibilité accordée aux nations autochtones » (Guilbeault-Cayer, 2013 : 119) et on a par la suite observé un changement dans les discours gouvernementaux autour d’une amélioration des relations entre Autochtones et allochtones, bien qu’il s’agisse davantage d’un désir que d’un « changement radical » (Idem : 136). On retiendra néanmoins les travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones (1991-1996), qui fut

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précisément créée en réaction à la Crise d’Oka et dont le troisième volume consacre un chapitre à l’éducation. On y relève notamment la recommandation 3.5.1., à l’effet « [q]ue les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux reconnaissent sans délai l’éducation comme secteur de compétence central dans l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone ». Les auteurs s’intéressent aussi grandement à l’enseignement postsecondaire chez les Autochtones, notamment avec la recommandation 3.5.24. qui défend « [q]ue les établissements d’enseignement postsecondaire publics des provinces et des territoires prennent de nouvelles initiatives ou élargissent celles existantes afin d’accroître le taux de participation, de persévérance et de réussite des étudiants autochtones »15.

1.1.3. Situation contemporaine des Autochtones au Québec

Nous établirons dans cette section un portrait des communautés, de l’organisation sociale et politique, du système d’éducation, des cultures et de la présence autochtone en milieu urbain. Reprenant la posture de Lahire (1993, p. 3-7), nous considérons que ce n’est pas rendre justice à une population que d’esquiver ses conditions de vie peu favorables sous prétexte de ne pas la stigmatiser davantage et nous présenterons donc aussi la situation socioéconomique des Autochtones du Québec.

1.1.3.1. Identités et cultures

La plupart des nations (Algonquins, Atikamekw, Cris, Innus, Micmacs, Naskapis et Inuit) ont recours à des langues maternelles autochtones, incluant différents dialectes selon les communautés et les régions. Chez les Abénakis, Hurons-Wendats et Malécites, c’est principalement le français qui est utilisé comme langue maternelle, alors que l’anglais prédomine chez les Mohawks. L’anglais est plus répandu comme langue seconde chez les Cris, Malécites, Naskapis et Inuit; tandis que le français l’est davantage chez les Atikamekw et les Innus. Les Algonquins et les Micmacs se répartissent entre le français et l’anglais selon les communautés (Secrétariat aux affaires autochtones, 2011, p. 14).

La tradition orale revêt une place incontournable dans les cultures des nations

15 Les citations sont tirées du volume III du rapport, disponible en ligne en version non numérotée :

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