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2. Professionnalisation du tennis

2.1 Le tennis de compétition en France

La FFT organise chaque année environ 20 000 tournois (site web de la Fédération Française de Tennis, 2017). En France, le tennis de compétition passe avant tout par l’affiliation à un club agréé. Un joueur ne peut donc s’inscrire à des compétitions officielles s’il n’est pas licencié dans un club. Il est soumis à des règlements et des normes très stricts, pour des questions d’organisation de compétitions sportives, de santé et de dopage, entre

9 ATP 250 car il distribue 250 points au vainqueur, ATP 500, va par conséquent distribuer 500 points et donc 1000 pour les

Master 1000. Par ailleurs, l’organisation du tennis féminin se veut plus ou moins similaire. Joueurs et joueuses partagent par ailleurs bon nombre de tournois dont les quatre tournois du Grand Chelem. Depuis 2007, ces quatre tournois pratiquent l’égalité des primes entre les hommes et les femmes.

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autres. Les clubs affiliés sont directement rattachés à la FFT. Les compétiteurs vont donc s’affronter dans ce cadre compétitif très organisé, afin de pouvoir évoluer dans la hiérarchie des classements et accéder à la « classe » supérieure, communément appelée, dans la matrice du tennis français, « une série ». Le système de compétition, d’un point de vue national, s’est quelque peu calqué sur le système professionnel, que nous décortiquerons par ailleurs. Les compétiteurs sont répartis dans ce qui s’appelle, la pyramide de classement : la pyramide est organisée en quatre séries, la première est composée des meilleurs joueurs français et la quatrième des joueurs les moins bien classés. Cependant, il y a une subtilité dans la figure ci- dessous, plus le compétiteur obtient un classement avec un chiffre se rapprochant des valeurs négatives, plus son niveau est important, jusqu’à son entrée dans le Top 100 national chez les hommes ou le Top 60 national chez les femmes.

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Figure 1. Pyramide classement français saison 2017-2018

Si cette structure se voit être pyramidale, c’est pour symboliser la répartition des compétiteurs qui la composent. La forme géométrique d’un supposé triangle est symbolisée par le niveau des participants. Très nombreux à la base et s’amenuisant à mesure que le niveau augmente. La pointe du triangle étant ainsi occupée par le Numéro 1 français de l’année en cours. Ainsi, durant les tournois, s’élancent en premier les joueurs les moins bien classés et se suivent les joueurs de mieux en mieux classés. Ainsi, afin de pouvoir évoluer dans le tableau du tournoi, il faut donc gagner la très grande majeure partie du temps, contre un joueur moins bien classé au premier tour, pour ensuite être confronté à un joueur de

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classement égal ou supérieur. Une défaite face à un adversaire ayant un classement inférieur est appelé dans le jargon, une « contre » correspondant à une contre-performance, et une victoire face un joueur mieux classé est cette fois nommée « perf » pour signifier une performance. Avec un quota de points différent selon que celle-ci est réalisée face à un joueur se trouvant un, deux ou trois échelons au-dessus. Sans rentrer plus dans le détail de ce système10, un logiciel de calcul permet de manière mensuelle de calculer les points accumulés par un joueur et ainsi d’ajuster son classement de manière automatique. Pour ce qui est des meilleur(e)s joueurs ou joueuses français(e)s qui ne jouent pas de tournoi sur le circuit « français » mais uniquement professionnel, ce sont les classements ATP ou WTA qui vont déterminer le classement français. Pour exemple, Richard Gasquet, classé 26e mondial à la fin de la saison 2018, est le français le mieux classé à l’ATP, il est donc considéré comme le numéro un français. Le système de classement français attribuant un positionnement précis dans la hiérarchie, illustré à l’aide de la Figure 1, se doit d’être très rapidement assimilé par les compétiteurs et les compétitrices. Le classement devient très rapidement le principal, pour ne pas dire le seul critère objectif, permettant de concrétiser les progrès réalisés par les compétiteurs.

Un élément reste malgré tout contradictoire au sein de cette matrice sociale. Bien que précis, ces classements ne permettent cependant pas d’affecter de manière objective les individus dans des catégories. En effet, l’appartenance des joueurs aux groupes, Haut Niveau ou professionnels ou « simples » compétiteurs ne dépend pas uniquement du classement des individus, il y a d’autres critères de catégorisation pour le classement. Le premier est le niveau des tournois dans lequel est engagé le joueur ; le deuxième est l’âge.

Ainsi, des joueurs de tennis de très bon niveau peuvent uniquement évoluer sur le

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territoire national, sur des tournois dit « français ». Ce genre de tournoi permet de gagner des points pour évoluer dans le classement « français » mais ne confère pas de point ATP (professionnel). Cela a pour conséquence qu’un joueur peut tout à fait être 55e joueur français, sans avoir de classement ATP (professionnel), et un autre 88e joueur français, donc supposément moins bon, mais qui a lui joué sur le circuit ATP, possédant des points ATP, peut se prévaloir d’être un professionnel.

Pour ce qui concerne le critère de l’âge, prenons pour exemple un jeune espoir du tennis français qui à l’âge de 15 ans obtient le classement ‘0’. Comparons-le à un joueur de 35 ans qui a le même classement. Le jeune joueur de 15 ans, va bénéficier de sponsors, une structure de Haut Niveau, pour s’entraîner, d’un entraîneur personnel, etc. Ce dont ne disposera en aucun cas le joueur de 35 ans. Ainsi, ces joueurs peuvent tout à fait se catégoriser, mais aussi être catégorisé. L’un en tant que jeune espoir de Haut Niveau, tandis que la représentation que les pratiquants auront de l’autre joueur, sera potentiellement plutôt celle d’un bon compétiteur. Et cela, bien qu’ils possèdent exactement le même classement, donc le même niveau.

Voici pourquoi nous avons choisi de prendre en compte l’identification au groupe et plus exactement l’auto-catégorisation des individus dans notre analyse de la représentation sociale du Tennis. D’un point de vue opérationnel, nous avons donc fait le choix de laisser les individus s’auto-catégoriser, plus exactement, déterminer eux-mêmes leur groupe de niveau de pratique. L’Etude 1 interrogeant ce point précis, nous y reviendrons dans la problématique de cette recherche.

L’évolution dans le classement nous renvoie directement à la pratique du tennis de Haut Niveau sur le territoire national. Le tennis de Haut Niveau est lui aussi encadré par les clubs et la FFT, mais aussi en partie par l’Etat et le Ministère de la jeunesse et des sports. Le

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sport de Haut Niveau entretient un étroit lien avec le sport professionnel. Fleuriel (1996) nous rappelle à juste titre, que pour pouvoir se définir ou déterminer qui peut se prévaloir de l’identité de sportif de Haut Niveau, il faut bien en amont qu’un certain nombre de critères viennent définir, délimiter, les prérequis séparant les compétiteurs des sportifs de Haut Niveau. Le statut de sportif de Haut Niveau est reconnu en France depuis 1975 par la loi Mazeaud. Fleuriel (1996, p.13) précise par ailleurs, qu’« en contrôlant la population des athlètes de Haut Niveau, les pouvoirs publics contrôlent aussi le dispositif de production des performances ». Autrement dit, c’est bien l’Etat qui détermine si un athlète peut bénéficier du statut « officiel » de sportif de Haut Niveau ou non. Le Ministère dispose d’une liste répertoriant les athlètes de Haut Niveau en France et les joueurs et joueuses de tennis y sont présents. Nous aurions pu nous appuyer sur cette liste et ainsi nous assurer que les personnes de notre échantillon se prévalant de ce groupe, en faisaient bel et bien parti. Cependant, ce n’est pas le choix que nous avons entrepris. La première étude de ce travail questionnant cet élément, nous en préciserons la raison dans la problématique de ce travail.

Bien que la pratique du sport de Haut Niveau semble implicitement favoriser la séparation du sport de masse et du sport d’une pratique plus élitiste, l’Etat via le ministère des sports œuvre à fédérer les différentes pratiques sportives en un mouvement ascendant (Fleuriel, 1996). Il y a derrière cela, la crainte d’une pratique de Haut Niveau et élitiste, entrainant une forme d’autonomisation, notamment financière, pouvant créer un des écarts importants entre les pratiquants. Cependant la FFT, bien que dépendante du ministère des Sports, est une des fédérations sportives les plus riches (Cours de Comptes Publics, 2018). Les deux rendez-vous majeurs que sont Roland Garros, mais aussi le « Master Series de Paris Bercy » permettent à la FFT de pourvoir à une importante manne financière. Pour la diffusion du tournoi de Roland Garros, la FFT vient de lancer un nouvel appel d’offre afin d’augmenter ses bénéfices. Ces revenus, permettent à la FFT une stabilité et une autonomie importante.

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Mais aussi un investissement important dans le sport de Haut Niveau, notamment à l’aide de structures regroupant les meilleurs jeunes joueurs et joueuses de tennis du territoire.

Comme nous avons pu le voir, cette organisation hiérarchique du tennis permet d’avoir un aperçu assez précis sur le positionnement de chacun de ces acteurs qui nous ont orientés vers cet objet. Il nous a paru assez évident qu’un parallèle puisse être fait entre cette matrice sociale et la société dans laquelle nous vivons. Cette recherche a donc pour objectif de s’appuyer sur des théories telles que la catégorisation sociale, l'identité sociale, la représentation sociale, les rapports de domination, pour questionner cette matrice sociale organisée autour du tennis. Ainsi, avant de rentrer dans les considérations purement théoriques de cette recherche, nous avons voulu prendre le temps de voir en quoi cet organisme social peut s’avérer intéressant à questionner.