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Les tendances actuelles

Théorie générale du droit de la nationalité

Chapitre 5 Les principes du droit suisse de la nationalité

B. Les tendances actuelles

150. La situation actuelle se présente d’une manière identique475, dans le sens où le législateur suisse prend garde à ne pas créer de cas d’apatridie. En effet, l’enfant d’un ressortissant suisse acquiert la nationalité de son parent dans presque tous les cas476. Il en va de même de l’enfant adopté477 et de celui trouvé en Suisse478. Par ailleurs, lorsque le lien de filiation entre l’enfant et le parent qui lui a transmis la nationalité est annulé, l’enfant ne perd pas la nationalité suisse de ce seul fait s’il risque de devenir apatride479. La perte de la nationalité ensuite de la naissance à l’étranger ne peut intervenir que si l’intéressé est double national480. En outre, la libération et le retrait de la nationalité suisse ne peuvent se produire que lorsque la personne ne risque pas de devenir apatride481.

151. Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution fédérale de 1999, un nouveau mandat a été offert à la Confédération : celui, non plus de prévenir, mais de remédier à des cas d’apatridie. En effet, il s’agit, pour la Confédération, d’instituer une naturalisation facilitée en faveur des enfants apatrides482. Ce mandat a récemment été concrétisé483. L’on peut dès lors constater que la problématique de la lutte contre

473 Art. 5 ACF 1941. FF 1951 II 665, p. 680s. Voir Titre II, Chapitre 2, section V.

474 Art. 7 let. c loi de 1903 ; art. 3 ACF 1941 ; art. 10, 42, 48 LN de 1952.

475 A noter que la Suisse a ratifié un certain nombre de conventions internationales traitant de l’apatridie (voir égalementsupra Chapitre 2, section III-B). Ainsi, la Convention de Berne tendant à réduire le nombre des cas d’apatridie, du 13 septembre 1973 (RS 0.141.0 ; entrée en vigueur pour la Suisse le 18 juin 1992), concerne-t-elle les cas d’acquisition de la nationalité à la naissance et n’aborde dès lors l’apatridie que sous son volet préventif. La Suisse a atteint le but fixé par cette convention en adaptant la transmission de la nationalité par la naissance au principe de l’égalité des sexes par la révision législative de 1984 (FF 1987 III 337, p. 338. Voir Titre II, Chapitre 6, section I).

476 Art. 1 LN. Pour ce qui est de l’enfant d’un père suisse non marié à la mère étrangère, il n’acquiert toutefois la nationalité du père que pour autant que le lien de filiation soit établi (art. 1 al. 2 LN).

477 Art. 7 LN.

478 Art. 6 LN.

479 Art. 8 LN. Il en va de même pour l’enfant adopté (art. 8a al. 1 LN).

480 Art. 10 al. 1 LN.

481 Art. 42 al. 1, 48 LN.

482 Art. 38 al. 3 Cst. Voir Titre II, Chapitre 7, section II-B. Voir également la Recommandation n° R (99) 18 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la prévention et la réduction des cas d’apatridie, du 15 septembre 1999, qui enjoint aux Etats membres de faciliter l’acquisition de leur nationalité en faveur des apatrides, donc également des adultes et pas seulement des enfants.

483 Art. 30 LN, qui est entré en vigueur le 1erjanvier 2006 (RO 2005 5233). Voir Titre II, Chapitre 7, section II-B. A noter que la Suisse respecte désormais pleinement tant l’art. 24 § 3 Pacte II que l’art. 7 § 1 CDE. La Suisse avait, au moment de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, réservé

Chapitre 5 Les principes du droit suisse de la nationalité

l’apatridie, même si elle existe de longue date, n’en est pas moins d’actualité, problématique qui n’est pour l’heure pas totalement résolue, notamment pour les apatrides adultes, qui ne bénéficient d’aucune facilité leur permettant d’acquérir la nationalité suisse484.

VI. La nationalité à trois degrés

152. La nationalité suisse détient une triple assise : communale, cantonale et fédérale485. Il s’agit d’une spécificité helvétique, qui tient en grande partie à la structure fédérale de la Suisse et à l’évolution historique de la répartition des compétences entre le pouvoir central et les entités fédérées486. Cette trilogie signifie qu’une personne ne peut pas détenir seulement l’un ou l’autre de ces liens, chacun étant indissolublement lié et n’existant pas sans l’autre487. Pour être suisse, la personne devra dès lors détenir simultanément un indigénat cantonal et être bourgeoise de la commune appartenant à ce canton. Une personne peut évidemment détenir plusieurs bourgeoisies, voire plusieurs indigénats, mais elle ne pourra jamais ne détenirquela nationalité suisse. Par ailleurs, le droit de cité suisse est inclus dans le droit de cité cantonal, de sorte que celui qui établit qu’il est citoyen d’un canton prouve de ce fait qu’il est ressortissant suisse488. La même chose est valable s’agissant du droit de cité communal.

153. Il résulte de cette trilogie du droit de cité que les différentes entités de l’Etat détiennent des compétences en matière de nationalité. D’origine essentiellement cantonale et communale, le droit de la nationalité s’est progressivement centralisé au profit de la Confédération489. Les entités fédérées possèdent néanmoins encore de

l’application de son droit interne, qui ne respectait pas cette obligation, puisque la législation suisse n’accordait pas de droit à l’acquisition de la nationalité helvétique. Il sied de relever que la Suisse n’a pas fait une telle réserve dans le cadre du Pacte II. En effet, il fut considéré que, selon les travaux préparatoires de la CDE, celle-ci visait avant tout à lutter contre l’apatridie, contrairement au Pacte II, par l’octroi d’un droit à la naturalisation, condition que le droit suisse ne remplissait manifestement pas, en particulier au moment de l’échec, devant le constituant, du projet de 1983 visant à faciliter la naturalisation des jeunes étrangers, des réfugiés et des apatrides (voir à ce sujet Titre II, Chapitre 7, section II-A), FF 1994 V 1, p. 29. Depuis le 1erjanvier 2006, le droit suisse est toutefois conforme tant à l’art. 24 § 3 Pacte II qu’à l’art. 7 § 1 CDE, dans la mesure où l’enfant apatride bénéficie de la naturalisation facilitée (art. 30 LN, RO 2005 5233). La Suisse pourra ainsi retirer sa réserve à l’art. 7 § 1 CDE. Voir Titre II, Chapitre 7, section II-B.

484 Voir Titre II, Chapitre 7, section II. Il convient également de mentionner les discussions politiques, en particulier émanant de l’Union démocratique du centre, qui visent à lutter contre les abus dans le domaine de la naturalisation ordinaire, en instaurant une naturalisation à l’essai. Au-delà de l’opportunité d’une telle mesure, il convient de relever qu’elle ne doit pas entraîner l’apatridie. Aucune proposition concrète visant à modifier la loi sur la nationalité dans ce sens n’ayant été faite jusqu’à présent, il paraît pour le moins prématuré d’en traiter en détail.

485 Art. 37 al. 1 Cst.

486 Voir Titre II.

487 AUERANDREAS/MALINVERNIGIORGIO/HOTTELIERMICHEL, Volume I, n° 378s, p. 127 ; MAUERHOFERKATHARINA, p.

107.

488 FAVREANTOINE,Nationalité, p 146s ; IMMERPIERRE, p. 39.

489 Art. 38 al. 1 et. 3 Cst.

larges compétences législatives, en particulier pour ce qui est de la naturalisation ordinaire490, de même que pour l’acquisition et la perte de leur propre droit de cité, dans les limites du droit fédéral491. Dès lors, dans ce dernier cas du moins, les cantons et les communes réglementent le droit de la nationalité à leur niveau. En outre, en vertu de cette structure à trois paliers, chaque entité détermine le contenu du lien, en d’autres termes la Confédération, les cantons et les communes précisent quels sont les droits et les obligations de leurs ressortissants492.

154. Il découle de ce qui précède que la nationalité est homogène et indivisible.

En effet, il n’existe qu’une nationalité493, de sorte qu’un ressortissant genevois n’est pas moins suisse qu’un ressortissant uranais. Par ailleurs, aucune distinction n’est opérée selon le mode d’acquisition de la nationalité494, par naissance ou par naturalisation. Chaque personne possédant la nationalité suisse l’est de la même manière, sans qu’il ne puisse y a avoir de limitation dans le temps495. Dès lors, tous les Suisses sont égaux en droit496.

VII. Le rôle de la jurisprudence du Tribunal fédéral ou le droit de la nationalité conçu comme un droit prétorien

155. La jurisprudence du Tribunal fédéral n’a cessé de jouer un rôle important dans le domaine du droit de la nationalité, rôle qui est de plus en plus marqué depuis les deux arrêts de l’été 2003 ayant trait à la naturalisation par le peuple. Il s’agit, en l’espèce, non pas de faire un résumé de tous les arrêts rendus par le Tribunal fédéral, mais bien de procéder à une approche formelle, mettant en exergue la place de la jurisprudence, et du reste son importance, en matière de nationalité.

156. Trois étapes décisives de la jurisprudence du Tribunal fédéral seront analysées, de la Constitution de 1874 (infraA) jusqu’aux problèmes suscités par la démocratie directe (infraC), en passant par la loi sur la nationalité de 1952 (infraB).

Dans ce cadre, il conviendra de mettre en parallèle la jurisprudence de la Haute Cour avec celle des autorités administratives de la Confédération.

490 Art. 38 al. 2 Cst. ; art. 12 al. 1 LN.

491 En particulier pour l’acquisition de leur droit de cité par naturalisation de Confédérés dans un autre canton ou une autre commune que celle d’origine. Voir en particulier, pour les limites du droit fédéral : art. 4, 11, 16 LN ; art. 161, 271 CC. ATF 116 II 657 = JT 1993 I 602B. ; ATF 114 II 404 = JT 1990 I 637 A.

492 Voirinfra Chapitre 7.

493 LUTHERMARKUS, p. 73.

494 Une exception existait pendant longtemps pour la femme étrangère ayant acquis la nationalité suisse par son mariage avec un helvète. Celle-ci ne pouvait transmettre cette nationalité ainsi acquise à ses enfants, sauf s’ils risquaient de devenir apatride (art. 57a al. 1 LN, teneur de 1990, RO 1991 II 1034). Cette inégalité a récemment été abolie (RO 2005 5233).

495 LUTHERMARKUS, p. 73.

496 Art. 37 al. 2 Cst.

Chapitre 5 Les principes du droit suisse de la nationalité

A. De la Constitution fédérale de 1874 à la période des pleins