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Les dispositions restreignant les compétences des cantons et des communescommunes

L’évolution de la répartition des compétences en droit de la nationalité

Chapitre 2 De la création de l’Etat fédéral à la seconde guerre mondiale

A. Les dispositions restreignant les compétences des cantons et des communescommunes

248. La Confédération trouva le moyen d’accroître encore ses compétences par certaines dispositions générales du droit de la nationalité et en particulier en matière de naturalisation par le biais de l’introduction de l’autorisation fédérale.

837 Il est à noter que « les enfants légitimes d’unheimatlos nés après l’incorporation de leur père dans une commune, deviennent bourgeois de cette commune et jouissent de tous les droits attachés à la qualité de bourgeois. De même les enfants naturels d’unheimatlos incorporé deviennent bourgeois de la commune à laquelle ils appartiennent en vertu de la législation du canton que cela concerne et jouissent dans cette commune de tous les droits attachés à la qualité de bourgeois » (art. 4 al. 3 de la loi de 1850).

838 Art. 4 al. 1 de la loi de 1850.

839 Ces derniers étaient toutefois préservés dans une certaine mesure, puisque l’incorporé n’acquérait pas de ce fait le droit de participer aux concessions et répartition directe des biens ou des revenus communaux, mais pouvait acquérir ces droits plus favorablement, c’est-à-dire pour la moitié du prix ordinaire ou lorsque le prix n’était pas fixé, par une somme déterminée par les autorités du canton, ne devant toutefois pas excéder la moitié de la valeur capitalisée des bénéfices découlant de ce droit même (art. 4 al. 1 de la loi de 1850). Voir HISEDUARD,Band III, p. 275s.

840 Art. 5 de la loi de 1850.

841 HISEDUARD,Band III, p. 263 ; IMMERPIERRE, p. 34 ; LUTHERMARKUS, p. 65. Notons toutefois que l’interdiction faite aux cantons de naturaliser des étrangers qui n’étaient pas libérés de leur nationalité d’origine fut supprimée de la Constitution mais reprise, sous une autre forme, dans la loi de 1876, par le biais de l’autorisation fédérale de naturalisation. Voirinfra n° 255. Par ailleurs, cette exigence sera également reprise dans la loi de 1903, ainsi que dans la loi fédérale sur la nationalité (art. 17 LN, teneur de 1952, RO 1952 1115), mais sera définitivement supprimée lors de la modification de 1990, dans la mesure où il fut finalement considéré que le candidat à la naturalisation avait une double identité, qu’il n’était pas possible de gommer, voir SCHÄRERROLAND,Nouvelle révision, p. 171 ; HOTTELIERMICHEL,Nouveau droit, p. 579. BO CN 1989, p. 1441.

249. Concernant les dispositions générales, les cantons se virent d’abord interdire l’expulsion de leurs ressortissants842, ensuite la renonciation à la nationalité suisse fut placée sous le contrôle de la Confédération843 et, enfin, la nouvelle Constitution assura à la femme le droit de cité de son mari844, disposition qui constitutionnalisait la règle coutumière précitée845 et, partant, s’imposait aux cantons846, dont les compétences se trouvaient de ce fait restreintes847.

250. En matière de naturalisation, plusieurs raisons ont fait que la situation qui régnait sous l’empire de la Constitution de 1848 n’était plus tenable. D’abord, le principal but de la modification constitutionnelle était de mettre fin aux abus des cantons qui, pour certains, marchandaient l’octroi de leur droit de cité afin de cupidement s’enrichir848. Ensuite, les restrictions que la Constitution de 1848 apportait à la naturalisation n’avaient été appliquées par les cantons que fort souplement849, la Confédération ne bénéficiant que d’un pouvoir de contrôle a posteriori, après que les cantons eussent octroyé leur droit de cité qui conférait la nationalité suisse850. Enfin, le fait que la nationalité suisse était déjà acquise rendait une intervention de la part des autorités fédérales difficile en ce qui concerne les relations de la Confédération avec l’étranger, dans la mesure où elle était rendue responsable d’un conflit de nationalité qu’elle n’avait pas causé851.

842 Art. 44 al. 1 Cst. 1874 (teneur de 1874) : « Aucun canton ne peut renvoyer de son territoire un de ses ressortissants, ni le priver du droit d’origine ou de cité ». Cette disposition fut supprimée lors de la révision de 1928 puisque, selon l’art. 44 al. 2 Cst. 1874 modifié, la compétence en matière de perte de la nationalité était désormais exclusivement fédérale, une telle disposition ayant été superflue, voir BURCKHARDTWALTHER, Kommentar, p. 381. Voir infra n° 312.

843 Art. 44 al. 2in fine Cst. 1874 (teneur de 1874) : «[La législation fédérale déterminera les conditions auxquelles]un Suisse peut renoncer à sa nationalité pour obtenir la naturalisation d’un pays étranger ». Il résulte de cette disposition constitutionnelle que la Confédération avait désormais la compétence de poser les conditions en matière de renonciation à la nationalité suisse, mais les cantons restaient tout de même compétents pour prononcer la libération elle-même, voir SAUSER-HALLGEORGES, p. 37. Cette disposition avait été introduite dans la Constitution de 1874 car certains cantons rendaient la perte de leur droit de cité extrêmement difficile, pour aucun motif valable, voir STEINLINPETER, p. 16. La renonciation à la nationalité suisse fut concrétisée par la loi de 1876, puis par celle de 1903 ; concernant cette dernière, voir ATF 72 I 138Carmine ; ATF 64 I 320 Haefelinger ; ATF 59 I 214 Nycander et Lauterburg ; ATF 57 I 278 Riant ; ATF 56 I 167Huber ; ATF 42 I 370 Henseler-Dulong.

844 Art. 54 al. 4 Cst. 1874 (teneur de 1874) : « La femme acquiert par le mariage le droit de cité et de bourgeoisie de son mari ». Cette disposition permettait à la femme étrangère d’acquérir automatiquement la nationalité suisse du fait de son mariage avec un ressortissant helvétique, puisque depuis 1848 l’acquisition du droit de cité cantonal et communal octroyait la nationalité suisse.

845 Voirsupra n° 240. AUBERTJEAN-FRANÇOIS,Traité, n° 942, p. 356 ; LUTHERMARKUS, p. 65.

846 SAUSER-HALL GEORGES, p. 4, 9s. La disposition constitutionnelle précitée s’applique aussi bien entre ressortissants de différents cantons qu’à celles de femmes étrangères avec des Suisses. BURCKHARDT WALTHER,Kommentar, p. 502.

Chapitre 2 De la création de l’Etat fédéral à la seconde guerre mondiale

251. Il fallait dès lors trouver une solution qui permît aux trois parties intéressées, soit la commune, le canton et la Confédération, de coopérer, puisque la nationalité suisse possédait une triple assise852. Deux solutions pouvaient être envisagées : la première consistait en une ratification par le Conseil fédéral des décisions de naturalisation accordées par le canton ; cette solution fut cependant vite abandonnée car elle créait une sorte de tutelle de la Confédération sur les cantons, et, partant, était incompatible avec la souveraineté cantonale853.

252. La seconde solution consistait à faire précéder l’action de la Confédération sur celle des cantons et, de la sorte, combiner le « droit d’examiner » et le « droit de prononcer »854. Le Conseil fédéral distinguait entre deux types d’actes en matière de naturalisation : le premier était celui par lequel le candidat se libérait des liens le rattachant à son pays, cet acte devant être de la compétence de la Confédération, dans la mesure où celle-ci était compétente en matière de relations internationales855. Le second était l’acte par lequel le requérant à la naturalisation formait de nouveaux liens, plus précisément les conditions dans lesquelles se trouvait le candidat, soit sa valeur personnelle, son état de fortune, sa condition familiale, domaines qui relevaient de la compétence des cantons et des communes, dans la mesure où ces dernières devaient supporter les charges d’assistance lorsque la personne naturalisée tombait dans le besoin856.

253. La grande innovation constitutionnelle permit donc à la Confédération, par voie législative, de fixer des conditions minimales sur la naturalisation des étrangers, les cantons pouvant aller au-delà de ces conditions minimales857, c’est-à-dire poser des exigences plus strictes. Malgré son libellé, le nouvel article constitutionnel a été interprété restrictivement par les Chambres fédérales, qui considéraient qu’il ne conférait qu’un droit de contrôle de la Confédération sur les cantons858. Il permettait donc à la Confédération de participer à l’admission des étrangers dans une phase préalable, précédant l’intervention des cantons859, phase au cours de laquelle le Conseil fédéral se bornait à examiner la position du requérant quant aux liens le

852 FF 1876 II 940, p. 942.

853 FF 1870 II 777, p. 795.

854 FF 1870 II 777, p. 795.

855 FF 1870 II 777, p. 795 ; FF 1920 V 1, p. 31.

856 FF 1870 II 777, p. 795 ; FF 1920 V 1, p. 31.

857 Art. 44 al. 2 Cst. 1874 (teneur de 1874) : « La législation fédérale déterminera les conditions auxquelles les étrangers peuvent être naturalisés[…]». Voir aussi FF 1876 III 375, p. 377, où le rapporteur français de la Commission du Conseil des Etats précise que les cantons « demeurent libres d’exiger un domicile de 2, 3 ou même 5 ans ».

858 FF 1920 V 1, p. 30 ; FF 1901 II 769, p. 790. BURCKHARDTWALTHER,Kommentar, p. 382 ; SAUSER-HALLGEORGES, p. 4. En outre, cet article constitutionnel ne donnait pas à la Confédération le pouvoir de légiférer en matière intercantonale, domaine appartenant exclusivement aux cantons.

859 FF 1876 III 940, p. 940s. FASELDOMINIQUE, p. 97.

rattachant à son pays d’origine, l’autorisation étant délivrée si l’autorité arrivait à la conclusion que la naturalisation le dégageait de ces liens860.

254. Malgré ces ingérences de la Confédération dans les compétences cantonales, ces dernières demeuraient intactes pour ce qui est de la naturalisation des Confédérés861.