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La période antérieure à la création de l’Etat fédéral

L’évolution de la répartition des compétences en droit de la nationalité

Chapitre 1 La période antérieure à la création de l’Etat fédéral

224. Différentes périodes importantes du point de vue de la répartition des compétences marquent cette époque, plus précisément celle conduisant du Moyen Age tardif (infraI) à la création de l’Etat fédéral (infraII). Point n’est ici nécessaire de procéder à une analyse approfondie de la situation telle qu’elle se présentait, mais bien plus de procéder à une photographie de l’état du droit et des compétences respectives qui existaient à ces moments de l’histoire de la Suisse.

I. L’Ancien Régime (avant 1798)

225. A l’époque de l’Ancien Régime768, chaque canton, ainsi que chaque commune, réglementait librement les questions relatives à la nationalité769. Il n’existait pas encore de nationalité suisse au sens où on l’entend aujourd’hui770, même si déjà au XVe siècle le terme de « Confédéré » était utilisé dans le sens d’appartenance à la Confédération suisse771.

226. A la fin du Moyen Age, beaucoup de Suisses n’ayant d’autre patrie que leur commune, qui était souvent le centre des activités de ses habitants, le droit de cité était purement communal, élémentaire772. En effet, le lien qui attachait l’habitant à une commune déterminée n’était fondé que sur une propriété dans l’enceinte du bourg773, ce lien n’étant, de ce fait, que purement économique774, réel et non personnel775.

227. Le corps helvétique ne prit véritablement forme que par la création de communautés, d’abord privées, puis par le biais du développement d’une véritable organisation, en s’octroyant certaines compétences étatiques, puis en se liguant et se fédérant776. Le droit de cité devint personnel par le moyen de l’assistance des pauvres

768 Pour une étude plus détaillée des différentes périodes antérieures à cette date, voir RENNENFAHRTHERMANN, p.

695-718, ainsi que IMMERPIERRE, p. 24-28.

769 GRISELETIENNE,Art. 44 Cst., p. 4.

770 LUTHERMARKUS, p. 61 ; STEINLINPETER, p. 12.

771 LUTHERMARKUS, p. 61. Cet auteur relève en outre qu’il ne s’agissait pas encore d’une véritable nationalité, mais d’une simple appartenance à la Confédération si la personne détenait un droit de cité cantonal, l’acquisition et la perte de ce dernier étant exclusivement réglementés par les cantons.

772 BRIDELMARCEL,Précis, p. 290 ; SAUSER-HALLGEORGES, p. 3. Cependant, dans certains cantons, comme Uri, Glaris et Neuchâtel, l’affirmation selon laquelle le droit de cité communal est historiquement antérieur au droit de cité cantonal n’est pas exacte, voir LIEBESKINDWOLFGANG-AMÉDÉE, p. 352a.

773 IMMERPIERRE, p. 25.

774 FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 72 ; HISEDUARD,Band I, p. 106.

775 STEINLINPETER, p. 12. Par ailleurs, ce droit de cité s’éteignait par le simple départ de la commune.

776 IMMERPIERRE, p. 26.

qui devait être prise en charge, suite à la réforme et du fait de la sécularisation des biens des églises, par les communes777. Les personnes domiciliées dans une commune dont elles n’étaient pas bourgeoises étaient des « habitants perpétuels » lorsqu’elles étaient originaires des pays suisses et étaient qualifiées de « tolérées » si elles étaient étrangères à la Suisse778, tandis que les ressortissants des communes étaient considérés comme « citoyens ».

228. Aux alentours du XVIe siècle, lorsque, progressivement, les cantons devinrent des Etats, le droit de cité cantonal fit son apparition779, se superposant même quelquefois à la bourgeoisie des communes sises sur leur territoire780. Par conséquent, puisqu’il n’y avait pas encore de droit de cité fédéral, seuls l’indigénat cantonal et la bourgeoisie communale existaient781, cantons et communes étant totalement libres quant à la réglementation de ce domaine.

II. De la République helvétique (1798) à la création de l’Etat fédéral

229. Sous cette période, il conviendra d’examiner les trois premières constitutions de la Suisse, soit d’abord celle de 1798 (infraA), puis celle de 1803 (infra B) et, enfin, celle de 1815 (infraC).

A. La Constitution du 12 avril 1798

230. La Constitution helvétique du 12 avril 1798, qui fit de la Suisse une république une et indivisible782, mais qui est aussi la première constitution écrite de la Suisse783, « l’affubla d’une nationalité unique et superbement artificielle784». Elle proclamait comme étant citoyens suisses tous les bourgeois effectifs soit d’une ville municipale ou dominante, soit d’un village sujet ou non785, ce qui signifie qu’il n’y avait plus de place pour une conception fédéraliste du droit de cité, avec une assise communale et cantonale786; de ce fait, le citoyen suisse ne devait pas forcément

777 STEINLINPETER, p. 12 ; FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 72s.

778 FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 73.

779 SAUSER-HALLGEORGES, p. 3.

780 BRIDELMARCEL,Précis, p. 290.

781 BRIDELMARCEL,Précis, p. 291.

782 Art. 1 al. 1 de la Constitution de 1798. Voir RAPPARDWILLIAME., p. 20.

783 AUBERTJEAN-FRANÇOIS,Histoire constitutionnelle, p. 10.

784 IMMERPIERRE, p. 28.

785 Art. 19 Cst. 1798, cité par RENNENFAHRT HERMANN, p. 718 et IMMER PIERRE, p. 28 ; FAVRE ANTOINE, Droit constitutionnel, p. 73 ; HISEDUARD,Band I, p. 107 ; WIEDERKEHREVELYNBEATRICE, p. 3.

786 WIEDERKEHREVELYNBEATRICE, p. 3.

Chapitre 1 La période antérieure à la création de l’Etat fédéral

détenir un droit de cité cantonal787. Les cantons étaient devenus de simples circonscriptions administratives, comparables aux départements français788.

231. L’intrusion la plus marquée de l’Etat central dans les compétences cantonales fut sans doute à cette époque constituée par le problème, nouveau, du heimatlosat, plus particulièrement par la loi qui tenta de l’endiguer. En effet, la Constitution de 1798 avait octroyé la nationalité suisse à bon nombre de personnes789 dont le statut, au niveau du droit de bourgeoisie, était fort mal défini, ce qui créa des cas deheimatlosat, cas résolus par la loi du 13 février 1799 qui tenta de créer l’unité de l’Etat helvétique790. Cette loi autorisait tout citoyen helvétique à exiger la bourgeoisie de la commune dans laquelle il avait élu domicile, ce qui mécontentait les cantons et les communes, dans la mesure où ils considéraient ce moyen comme une intrusion intolérable dans leur souveraineté, dans un domaine qui leur était jusqu’à présent réservé791.

232. Cette réglementation ne perdura pas792 et, finalement, la loi sur les naturalisations du 10 août 1801 fut promulguée. Celle-ci prévoyait que le candidat à la naturalisation devait se faire agréer préalablement par une commune et se faire incorporer dans sa bourgeoisie, de manière à ce que les communes puissent conserver la haute main en la matière793.

B. L’acte de médiation du 19 février 1803

233. L’acte de médiation redonna à la Suisse une organisation confédérale794en restituant aux cantons les compétences dont ils avaient été dépouillés par la Constitution de 1798795. La citoyenneté helvétique n’existait encore que de nom796, c’est-à-dire que lorsqu’il en était question, il ne s’agissait que de l’appartenance à un

787 STEINLINPETER, p. 13.

788 MARTENETVINCENT,Autonomie, p. 135.

789 Il s’agissait des habitants perpétuels (c’est-à-dire les personnes domiciliées dans une commune dont elles n’étaient pas bourgeoises), de même que les étrangers naturalisés par les autorités de la République, voir IMMERPIERRE, p. 29. En effet, l’étranger résidant en Suisse depuis vingt ans avait la faculté de devenir suisse s’il s’était montré utile pour la communauté et qu’il pouvait faire la preuve de ses bonnes mœurs et d’un comportement irréprochable, voir art. 20 Cst. 1798, cité par RENNENFAHRTHERMANN, p. 718 ; HISEDUARD,Band I, p. 113.

790 RENNENFAHRTHERMANN, p. 719.

791 HISEDUARD,Band I, p. 114 ; IMMERPIERRE, p. 29. Voir FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 73, qui relève, à juste titre, que cette loi favorisait l’accès des habitants perpétuels aux biens bourgeoisiaux et confia à la commune la responsabilité de l’assistance des pauvres, obligations fort mal perçues par les cantons et les communes.

792 Une ordonnance rendit caduques les dispositions de la loi et une autre annula les naturalisations qui avaient déjà eu lieu, voir HISEDUARD,Band I, p. 114, 117s ; IMMERPIERRE, p. 29.

793 IMMERPIERRE, p. 29 ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 720 ; HISEDUARD,Band I, p. 115.

794 La Suisse n’était plus un Etat mais, comme avant 1798, elle était redevenue une pluralité d’Etats, voir AUBERT JEAN-FRANÇOIS,Histoire constitutionnelle, p. 14s.

795 IMMERPIERRE, p. 30 ; RAPPARDWILLIAME., p. 22 ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 720.

796 STEINLINPETER, p. 14.

canton, dans la mesure où cette citoyenneté helvétique n’était constitutive d’aucun droit ni obligation797.

234. La réglementation du droit de cité retourna, comme auparavant, dans les compétences des cantons et des communes, ces dernières voyant leurs pouvoirs encore davantage renforcés concernant leur politique de naturalisation798. En cette matière, la situation était la même qu’avant 1798, car seuls les cantons et les communes étaient compétents, la Confédération ne détenant plus aucune possibilité d’intervention799. L’effet négatif de cette réglementation fut la création de nouveaux cas deheimatlosat800, puisque seuls les citoyens d’un canton qui pouvaient en faire la preuve étaient considérés comme Confédérés801.

C. Le Pacte fédéral du 7 août 1815

235. Le Pacte de 1815, œuvre des Suisses802 mais néanmoins conçu dans l’hostilité et la méfiance mutuelle803, fut une codification du droit public de l’ancienne Confédération, laissant la compétence de réglementer le droit de cité aux seuls cantons804. Le « fléau » qu’était à l’époque le heimatlosatne disparut pas : au contraire, il s’amplifia805.

797 HISEDUARD,Band I, p. 117 ; Band II, p. 201.

798 HISEDUARD,Band II, p. 201 ; IMMERPIERRE, p. 30.

799 RENNENFAHRTHERMANN, p. 720.

800 IMMERPIERRE, p. 31 ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 720.

801 IMMERPIERRE, p. 31 ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 720.

802 Il sied de préciser que même si formellement il était conçu par les Suisses, il n’en était pas moins imposé par l’étranger, voir RAPPARDWILLIAME., p. 34.

803 RAPPARDWILLIAME., p. 34.

804 HISEDUARD,Band II, p. 201 ; IMMERPIERRE, p. 31s ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 722s. Relevons que le pacte fédéral marque un certain relâchement du lien fédéral, voir RAPPARDWILLIAME., p. 36.

805 HISEDUARD,Band II, p. 213ss ; IMMERPIERRE, p. 32 ; RENNENFAHRTHERMANN, p. 723.

Chapitre 2 De la création de l’Etat fédéral à la