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L’acquisition de la nationalité par décision de l’autorité

L’évolution de la répartition des compétences en droit de la nationalité

Chapitre 3 La loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse, du 29 septembre

A. L’acquisition de la nationalité par décision de l’autorité

336. La nationalité peut s’acquérir par décision de l’autorité dans deux cas, hormis la naturalisation ordinaire, soit par naturalisation facilitée (infra1), nouveau mode d’acquisition dérivée introduit par la loi sur la nationalité, soit par réintégration (infra2), institution déjà connue sous l’empire des lois précédentes.

1. La naturalisation facilitée

337. Avant de déterminer si l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 a réellement été concrétisé par la loi sur la nationalité (infrab), comme les autorités l’ont prétendu, et d’examiner tous les autres cas de naturalisation facilitée (infra c), il convient au préalable de définir cette notion nouvelle (infraa).

a. Notion

338. L’une des grandes innovations de la loi sur la nationalité1112 était l’introduction d’un nouveau mode d’acquisition de la nationalité, la naturalisation facilitée, se distinguant de la naturalisation ordinaire par le fait que ses conditions matérielles et de procédure sont exclusivement réglées par le droit fédéral1113, les

1110 Art. 3 de la loi de 1903.

1111 FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 96 ; FAVREANTOINE,Nationalité, p. 771 ; BENZURS, p. 100.

1112 En réalité, une certaine naturalisation facilitée existait déjà sous l’empire de la loi de 1903. En effet, lorsque la loi prévoyait l’inclusion dans la réintégration de l’enfant d’une ancienne Suissesse (art. 10 de la loi de 1903), cet enfant ne pouvait en réalité être réintégré puisqu’il ne possédait auparavant pas la nationalité suisse. Par conséquent, pour cet enfant, une procédure facilitée était mise en place, procédure parallèle à la réintégration.

1113 AUBERTJEAN-FRANÇOIS,Traité, n° 969, p. 363s ; BURGERFRANZ-XAVER, p. 31 ; HOTTELIERMICHEL,Nouveau droit, p. 571.

Chapitre 3 La loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité

cantons et les communes se voyant restreindre dans leurs compétences en la matière1114.

339. Dans ce cas, comme pour la réintégration, c’est l’autorité fédérale qui confère directement au requérant le droit de cité cantonal et communal, les cantons et les communes ayant toutefois la possibilité de soulever des objections1115. Celles-ci ont toutefois pour particularité de ne pas forcément devoir être suivies par les autorités fédérales, qui peuvent octroyer la nationalité contre la volonté des cantons et des communes1116. Le système de naturalisation se trouve dès lors inversé, dans la mesure où ce n’est plus d’abord l’autorité fédérale qui donne une autorisation et les cantons et les communes qui, par l’octroi de leur droit de cité, font acquérir souverainement la nationalité suisse, mais c’est l’autorité fédérale elle-même qui, lors de l’autorisation, octroie la nationalité suisse et, partant, le droit de cité cantonal et communal. Par conséquent, il s’agit réellement d’une centralisation de la matière en faveur de la Confédération, les cantons étant dépossédés de toute compétence.

340. Le but de la naturalisation facilitée est l’unification du domaine au profit d’une seule entité, la Confédération, afin d’avantager les personnes soumises à cette procédure. Si le domaine avait été laissé aux cantons, grands auraient été les risques de laisser ces facilités lettre morte, dans la mesure où, en vertu de leurs compétences et leur pouvoir d’appréciation, les cantons n’auraient en aucun cas eu une politique cohérente en matière de naturalisation facilitée. La procédure aurait en outre été longue et certainement coûteuse1117et les conditions auraient peut-être été rendues bien plus strictes1118.

341. Contrairement à la naturalisation ordinaire, la naturalisation facilitée présente donc les caractéristiques d’une procédure rapide, simple et peu coûteuse1119, avec un allègement des autres conditions de fond par rapport à la naturalisation ordinaire, puisque son but est précisément, pour certaines catégories d’étrangers, de rendre l’acquisition de la nationalité suisse plus accessible.

342. Les autorités sont parties du principe que le requérant, vu ses liens étroits avec la Suisse, était déjà suffisamment assimilé, c’est-à-dire que la preuve de son

« accoutumance » au mode de vie suisse n’était plus à faire1120, contrairement à ce qui

1114 Le projet prévoit en effet la naturalisation facilitée pour certains cas qui ne pouvaient faire l’objet que d’une naturalisation ordinaire, ce qui constitue une importante innovation, FF 1951 II 665, p. 685. FASELDOMINIQUE, p. 102.

1115 Art. 26 LN. FF 1951 II 665, p. 685.

1116 BURGERFRANZ-XAVER, p. 30. Voir art. 31 al. 2 LN : « lorsque l’autorité cantonale s’oppose à la naturalisation facilitée, le Conseil fédéral peut l’accorder sur proposition du Département fédéral de justice et police ou sur recours (art. 51) ».

1117 BURGERFRANZ-XAVER, p. 23.

1118 BURGERFRANZ-XAVER, p. 31.

1119 Art. 26 al. 1 LN. FF 1951 II 665, p. 678. Bull. stén. CN 1951, p. 827. BURGERFRANZ-XAVER, p. 13.

1120 FF 1951 II 665, p. 676ss.

est le cas en matière de naturalisation ordinaire1121. Il en va de même pour le délai de résidence, ce dernier étant sensiblement plus court1122ou carrément inexistant1123. 343. Si l’on se place du point de vue de l’art. 27 LN, cette disposition exigeait que le requérant devait avoir vécu dix ans en Suisse, ce délai n’étant guère plus court que celui exigé pour la naturalisation ordinaire pour les enfants ayant vécu en Suisse entre dix et vingt ans, qui voyaient ainsi leur durée de résidence compter double, soit seulement six ans, alors qu’en matière de naturalisation facilitée, un tel cumul n’existe pas1124. La raison de cette différence s’explique principalement par le fait qu’en matière de naturalisation facilitée, l’aptitude n’est pas examinée, puisque l’on suppose d’emblée que le requérant est apte à obtenir la nationalité suisse, alors qu’en matière de naturalisation ordinaire, cet examen est encore à faire1125.

344. Puisque la naturalisation facilitée ne concerne que certains étrangers, il convient d’examiner son champ d’application personnel afin de déterminer quelles catégories d’étrangers sont susceptibles d’en bénéficier et, partant, d’être soustraits à la naturalisation ordinaire, donc aux compétences cantonales et communales.

b. L’art. 27 LN : la concrétisation de l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 ?

345. Après la révision constitutionnelle de 1928, il était nécessaire de déterminer s’il était opportun de concrétiser l’art. 44 al. 3 Cst. 1874, c’est-à-dire d’introduire dans la loi l’acquisition de la nationalitéjure soli. Les arguments contre l’introduction de ce principe dans le droit suisse étaient fort nombreux1126. D’abord, la forme sous laquelle lejus soli était prévu par la Constitution pouvait être considérée comme inadéquate, car ce dernier faisait dépendre beaucoup trop du hasard l’acquisition de la nationalité suisse, le risque étant que, dans les faits, l’enfant soit élevé et éduqué dans un pays étranger, une telle réglementation pouvant créer, pour les autorités,

« un grand danger »1127.

346. Ensuite, l’acquisition de la nationalité suisse de façon automatique ne pouvait être envisagée que si l’on était persuadé de pouvoir accueillir un nombre assez élevé d’éléments nouveaux « peu intéressants », une telle solution ne pouvant se justifier que s’il fallait incorporer le plus possible d’enfants de parents étrangers.

1121 Art. 14 LN. BURGERFRANZ-XAVER, p. 63.

1122 Art. 27, 29, 30 LN.

1123 Art. 28 LN. Voir BURGERFRANZ-XAVER, p. 74, 80. Il faut cependant que le requérant réside en Suisse au moment du dépôt de la requête ainsi que durant toute la procédure de naturalisation, ATF 106 Ib 1 = JT 1982 I 340Eising, cons. 2a.

1124 BURGERFRANZ-XAVER, p. 62 ; GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 39, p. 75. Cet auteur relève cependant que, en matière de naturalisation facilitée selon l’art. 27 LN, la présence en Suisse n’est pas nécessaire, alors que c’est la cas pour la naturalisation ordinaire.

1125 Art. 14 LN. BURGERFRANZ-XAVER, p. 63.

1126 Les arguments énumérés par le Conseil fédéral paraissent aberrants, dans la mesure où ils sont en totale contradiction avec ceux avancés quelques années auparavant, lors de la révision de l’art. 44 Cst. 1874. Voir supra Chapitre 2, section IV-C-2. Voir également Bull. stén. CN 1951, p. 749, 827.

1127 FF 1951 II 665, p. 677.

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Dans ce cadre, et notamment du fait de la baisse notable de l’immigration, la décision fut prise de choisir la « qualité » et non la « quantité »1128.

347. Enfin, la législation en matière de nationalité se devait d’assurer à l’Etat un noyau stable de population, ce but étant garanti par lejus sanguinisseul1129. En raison de sa situation, de ses étroites frontières et de la constante migration, la Suisse ne pouvait pas fonder son droit sur le jus soli, sinon la cohésion de sa population risquait de sensiblement en souffrir1130.

348. La solution permettant de déterminer la valeur des candidats à l’obtention de la nationalité suisse afin que les autorités puissent rester maîtres du choix des personnes1131, rendu impossible par l’incorporationjure soli, consistait à prévoir, pour les enfants élevés en Suisse d’un père étranger et d’une mère suisse1132, une procédure de naturalisation facilitée1133, l’autorité fédérale conférant directement au requérant le droit de cité cantonal et communal1134, après avoir examiné la situation du requérant.

349. Or, cette procédure différait quelque peu de la faculté offerte par l’art. 44 al.

3 Cst. 1874. D’un côté, elle allait moins loin que ce que la Constitution permettait.

Selon les autorités, une telle situation était admissible en vertu de l’adagequi peut le plus peut le moins1135. Il n’est cependant pas certain que cet avis puisse être suivi de façon aussi catégorique1136. En effet, la Constitution ne faisait nullement mention d’une procédure de naturalisation, mais se bornait à prévoir l’acquisition de la nationalité de par la loi, ces deux modes d’acquisition étant bien différents, puisque le premier exige un acte de volonté de la personne concernée, suivi d’une décision d’une autorité, alors que le second ne le requiert pas, la nationalité étant acquise d’office1137. Cette interprétation est relayée par l’intention des auteurs de l’art. 44 al. 3

1128 FF 1951 II 665, p. 677.

1129 FF 1951 II 665, p. 675.

1130 FF 1951 II 665, p. 675.

1131 Bull. stén. CN 1951, p. 745. Voir JAAC 1959/1960 (29) n° 112 ; JAAC 1957 (27) n° 87, p. 201.

1132 Etait considérée comme « suisse de naissance » la femme à qui la loi attribuait dès la naissance le droit de cité suisse en raison de sa filiation, mais non pas celle qui l’avait acquis par mariage, soit en bénéficiant de la naturalisation de son père, soit en se faisant elle-même naturaliser (FF 1979 III 685, p. 687).

1133 Plus souple et moins onéreuse, FF 1951 II 665, p. 678.

1134 FF 1951 II 665, p. 685. En l’espèce, l’enfant qui a vécu en Suisse pendant dix ans au moins (il doit avoir une résidence en Suisse au moment du dépôt de la requête, voir JAAC 1962/1963 (31) n° 90, p. 173) et dont la mère est suisse par naissance, peut former une demande de naturalisation facilitée avant vingt-deux ans révolus (art. 27 al. 1 LN). Si les conditions sont remplies, il n’acquiert pas, comme en matière de naturalisation ordinaire, le droit de cité cantonal et communal de son lieu de domicile mais ceux que la mère a ou a eu en dernier lieu (art. 27 al. 2 LN). FF 1951 II 665, p. 697. ATF 97 I 685 = JT 1973 I 127Bürgerrat de la Ville de Bâle et Müller, cons. 3 ; ATF 97 I 689 Sparascio, cons. 2 et 3. Cette réglementation peut paraître surprenante, dans la mesure où l’enfant peut avoir beaucoup plus de liens avec sa commune et son canton de domicile, voir MEYERWALTER, p. 210. Par ailleurs, l’absence de relations du requérant avec la commune dont il doit acquérir la bourgeoisie ne constitue pas un motif de rejet de la demande, JAAC 1957 (27) n° 88, p. 203 ; JAAC 1955 (25) n° 96, p. 193.

1135 FF 1951 II 665, p. 678. FASELDOMINIQUE, p. 286 ; WIEDERKEHREVELYNBEATRICE, p. 61, 82.

1136 Voir BURGERFRANZ-XAVER, p. 19ss.

1137 BURGERFRANZ-XAVER, p. 17.

Cst. 1874, qui était clairement d’introduire le jus soli afin de lutter contre la surpopulation étrangère et non de prendre une demi-mesure1138. En outre, l’argument selon lequel l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 n’obligerait pas la Confédération à légiférer dans le sens d’une incorporationjure soli, mais ne lui offrirait qu’une simple faculté de le faire1139, et donc qu’elle pourrait aller moins loin que ce que la Constitution prévoit, doit être rejeté, dans la mesure où une attribution de compétence ne constitue en soi jamais une injonction au législateur1140, ce dernier étant libre de légiférer ou non1141. Par ailleurs, les termes utilisés quant à l’exigence de la mère suisse n’étaient pas identiques, puisque l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 traitait de la

« mère d’originesuisse », alors que l’art. 27 al. 1 LN parlait de la « mère suisse par naissance», cette dernière notion étant plus restrictive que la première1142. En exigeant une durée du domicile en Suisse avant de pouvoir présenter une demande de naturalisation facilitée, la loi sur la nationalité restreignait l’accès à l’incorporation des jeunes étrangers par rapport à l’art. 44 al. 3 Cst. 18741143.

350. De l’autre côté, l’on peut constater que la naturalisation facilitée prévue par la loi débordait du cadre de l’art. 44 al. 3 Cst. 1874, c’est-à-dire qu’elle allait plus loin que le mandat constitutionnel. En effet, ce dernier prévoyait que les parents devaient être domiciliés en Suisse au moment de la naissance, alors que la loi sur la nationalité ne l’exigeait pas1144. En outre, le texte de la disposition constitutionnelle pertinente employait le verbe être à l’imparfait : « lorsque la mère était d’origine suisse par filiation », ce qui signifie qu’elle ne peut plus l’être1145, alors que la loi utilisait les termes d’« enfants de mère suisse par naissance », ce qui veut simplement dire que la mère a acquis la nationalité suisse par naissance, peu importe qu’elle l’ait conservée ou non1146.

351. Au vu de ce qui précède, l’on peut conclure que la base constitutionnelle ne coïncidait manifestement pas avec sa concrétisation, soit l’art. 27 LN. Si donc il n’est pas certain que cette naturalisation facilitée des enfants de père étranger et de mère d’origine suisse ait pu trouver sa base dans l’art. 44 al. 3 Cst. 1874, du moins pas dans

1138 Relevons que l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 a été introduit dans le but de lutter contre la surpopulation étrangère (voirsupra Chapitre 2, section IV-C), alors que la loi sur la nationalité rejette précisément l’idée selon laquelle le droit de la nationalité doit constituer un moyen de lutte contre cette surpopulation.

1139 «Kann Vorschrift ». Voir l’argumentation de M. le député Dietschi, Bull. stén. CN 1951, p. 761.

1140 M. le député Dietschi le confirme lui-même après coup, Bull. stén. CN 1951, p. 762.

1141 AUBERTJEAN-FRANÇOIS,Traité, n° 688, p. 262.

1142 ATF 105 Ib 49 = JT 1981 I 186Cicciarelli, cons. 3c. Voir note n° 1001.

1143 GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 61.

1144 Art. 27 al. 1 LN. Voir FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 95 ; GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 61.

1145 Il faut donc que les deux parents soient étrangers, la mère d’origine suisse ayant perdu sa nationalité, voir AUBERTJEAN-FRANÇOIS,Supplément, n° 950-952, p. 101. ATF 105 Ib 49 = JT 1981 I 186 Cicciarelli, cons. 4a.

1146 En effet, cette exigence ne concerne pas le statut de la mère mais le fait qu’elle ait obtenu ou non la nationalité par sa naissance, par un lien de filiation ou un changement de statut, soit en vertu des art. 1, 2, 5 ou 6 LN. Voir BURGERFRANZ-XAVER, p. 56. Elle n’est cependant pas suissesse de naissance lorsqu’elle a acquis sa nationalité par inclusion dans la naturalisation de ses parents ou lorsqu’elle l’a acquise par mariage ou naturalisation individuelle, voir GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 70. Par ailleurs, peu importe la manière dont la mère a perdu sa nationalité, voir GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 74.

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son texte clair, l’on peut cependant observer une certaine similitude entre ce dernier et l’art. 27 LN. En effet, le but principal de l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 était l’introduction dujus solien vue de faire baisser la population étrangère, celui de l’art. 27 LN étant l’incorporation des étrangers particulièrement bien assimilés, pour des raisons d’équité1147, et donc, dans un sens large, faire baisser la population étrangère1148, donc les deux dispositions, malgré le fait qu’elles n’aient pas exactement un but identique, avaient cependant le même effet1149. Cette interprétation, qui se focalise sur les effets des deux dispositions constitutionnelles, paraît toutefois discutable.

352. Serait-il dès lors envisageable de fonder la disposition litigieuse en question sur une autre base constitutionnelle ? L’on pourrait argumenter que, puisque la Confédération était autorisée à édicter les conditions d’acquisition de la nationalité sur la base de l’art. 44 al. 2 Cst. 1874, elle pouvait aussi, dans une certaine mesure, les faciliter. Certes, elle le pouvait, mais pas en s’attribuant le domaine et, partant, en s’arrogeant une compétence pleine et entière au détriment des cantons et des communes. Comme il a déjà été relevé, l’art. 44 al. 2 Cst. 1874 ne contenait pas une compétence générale de réglementer la naturalisation en faveur de la Confédération comme aurait pu le supposer son libellé1150. La Confédération ne pouvait, en la matière, qu’édicter des dispositions minimales, les cantons et les communes restant compétents pour le surplus. Or, la naturalisation facilitée, telle que prévue par la loi sur la nationalité, se trouvait être un domaine totalement soustrait, non seulement pour les conditions matérielles, mais aussi pour les conditions de procédure1151, à la compétence des cantons, ce qui n’entrait précisément pas dans le champ de l’art. 44 al. 2 Cst. 18741152.

353. Nonobstant l’argument du Conseil fédéral, selon lequel cette procédure de naturalisation facilitée permettait de mieux tenir compte des intérêts des cantons et des communes que l’incorporation jure soli, puisque les autorités cantonales et communales avaient la capacité de soulever des objections1153, cette procédure constitue clairement une soustraction d’une catégorie entière d’étrangers à la naturalisation ordinaire et donc à la compétence des cantons et des communes : c’est

1147 FAVREANTOINE,Nationalité, p. 769 ; MEYERWALTER, p. 208, qui relève que le but principal de l’art. 27 LN n’était plus, comme à l’époque de l’introduction de l’art. 44 al. 3 Cst. 1874, de faire baisser la population étrangère, mais bien plus de mener une politique de naturalisation cohérente dans l’intérêt de la Suisse, c’est-à-dire d’incorporer des personnes qui étaient déjà totalement intégrées, donc suisses de fait, mais qui n’ont pas voulu ou pu passer par la procédure de naturalisation ordinaire.

1148 BURGERFRANZ-XAVER, p. 20s.

1149 GRENDELMEIERHANSRUDOLF, p. 61.

1150 Voirsupra n° 309.

1151 BURGER FRANZ-XAVER, p. 19, relève que si les conditions matérielles avaient été réglementées par la Confédération, mais la procédure laissée aux cantons, la naturalisation facilitée aurait pu se baser sur l’art.

44 al. 2 Cst. 1874, or tel n’est pas le cas en l’espèce.

1152 BURGERFRANZ-XAVER, p. 18s ; WIEDERKEHREVELYNBEATRICE, p. 65.Contra, FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 95. Voir AUBERT JEAN-FRANÇOIS,Supplément, n° 945, p. 100, qui précise que les cas de naturalisation facilitée doivent avoir une base constitutionnelle spéciale et ne peuvent dès lors pas se fonder sur l’art. 44 al. 2 Cst. 1874.Contra HANGARTNERYVO,Grundzüge, p. 225.

1153 FF 1951 II 665, p. 686.

la Confédération elle-même qui est compétente tant en ce qui concerne les conditions matérielles que de procédure1154.

354. Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que l’argument des autorités selon lequel l’art. 27 LN se base sur l’art. 44 al. 3 Cst. 1874 était plus que discutable et, partant, erroné1155. Il en va de même pour l’art. 44 al. 2 Cst. 1874. Plus généralement, la Confédération est devenue apte à décerner la nationalité suisse, par décision de ses autorités, compétence que le constituant ne lui a, en réalité, jamais offerte1156.

355. Puisque la Confédération n’a pas réellement concrétisé l’art. 44 al. 3 Cst.

1874, c’est-à-dire qu’elle a préféré opérer par le biais d’une naturalisation facilitée, les cantons et les communes détenaient encore certaines compétences en matière dejus soli1157.

c. Les autres cas de naturalisation facilitée

356. L’innovation que constitue la naturalisation facilitée a également été rendue possible pour d’autres catégories d’étrangers. L’enfant mineur dont la mère avait conservé sa nationalité suisse1158, s’il résidait en Suisse et si le père était mort, le mariage dissous ou si le couple était séparé de corps ou de fait1159, ou si l’enfant était apatride1160, pouvait demander la naturalisation facilitée. Ces cas constituaient le corollaire du fait que la femme pouvait conserver sa nationalité1161. En outre, lorsque l’étranger avait cru de bonne foi qu’il était suisse alors qu’en réalité il ne l’était pas, mais avait tout de même été traité comme tel par les autorités1162, il pouvait

1154 Relevons que la loi de 1903 déléguant aux cantons la compétence d’introduire lejus soli ainsi que la

1154 Relevons que la loi de 1903 déléguant aux cantons la compétence d’introduire lejus soli ainsi que la