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La loi fédérale de 1903

L’évolution de la répartition des compétences en droit de la nationalité

Chapitre 2 De la création de l’Etat fédéral à la seconde guerre mondiale

A. La loi fédérale de 1903

270. La loi fédérale sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse, du 25 juin 1903903, fit un pas de plus dans l’augmentation des pouvoirs de la Confédération. Cette loi, comme celle la précédant, ne réglementait que l’acquisition et la perte de la nationalité par décision de l’autorité904. Son but était avant tout d’attribuer le droit de cité aux personnes effectivement attachées à l’Etat en leur permettant de participer en esprit et en acte à la vie nationale905, tout en luttant contre la surpopulation étrangère906.

271. En matière de répartition des compétences, deux types de restrictions du domaine d’activité des cantons et des communes peuvent être constatés. D’une part, pour ce qui est de la naturalisation ordinaire (infra1), la Confédération augmenta encore les conditions à remplir pour le requérant afin d’obtenir l’autorisation fédérale. D’autre part, la Confédération a soustrait certaines catégories de personnes aux compétences des cantons et des communes jusque-là soumises à la naturalisation ordinaire afin de les placer sous sa compétence exclusive (infra2 et 3).

901 Art. 253 al. 1 CC.

902 SCHÄRERROLAND,Evolution, p. 187s.

903 Entrée en vigueur le 1erjanvier 1904, cette loi remplaça celle du 3 juillet 1876 qui, à cette occasion, a été abrogée, voir art. 15 de la loi de 1903.

904 FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 83 ; FAVREANTOINE, Nationalité, p. 746 ; IMMERPIERRE, p. 35. Par ailleurs, elle reprend essentiellement les dispositions de la loi de 1876, voir FF 1901 II 769, p. 794ss.

905 FAVREANTOINE,Droit constitutionnel, p. 81.

906 FASELDOMINIQUE, p. 98. Voir aussi FF 1901 II 769.

1. La naturalisation ordinaire

272. En matière de naturalisation ordinaire, au niveau de l’autorisation fédérale, les compétences de la Confédération se sont étendues, non seulement en ce qui concerne son pouvoir d’examen (infraa), mais aussi pour ce qui est de la durée de résidence (infra b). En rendant ces exigences plus strictes, la Confédération avait désormais le moyen de faire un premier tri des candidats.

a. Le pouvoir d’examen en vue de conférer l’autorisation fédérale 273. Conformément à l’art. 44 al. 2 Cst. 1874, dans sa teneur originelle, l’étranger qui avait l’intention d’obtenir la nationalité suisse devait demander au Conseil fédéral l’autorisation de se faire naturaliser dans un canton et une commune907, ce dernier procédant à un examen approfondi de la situation de l’étranger et de sa famille908 sur la base de différentes instructions qu’il édicta sur les conditions et formalités à remplir909. Cette disposition constitutionnelle n’avait été concrétisée par la loi de 1876 que de façon relativement restreinte, car elle ne prévoyait que la possibilité d’accorder l’autorisation fédérale aux étrangers « dont les rapports avec l’Etat auquel ils ressortissent sont tels qu’il est à prévoir que leur admission à la nationalité suisse n’entraînera pour la Confédération aucun préjudice »910, le Conseil fédéral se bornant à examiner si la personne en question détenait encore des liens avec son pays d’origine.

274. La loi de 1903 élargit dans une mesure non négligeable le pouvoir d’appréciation de la Confédération911, en restant dans le cadre de la disposition constitutionnelle, puisqu’elle prévoyait que le Conseil fédéral se devait d’examiner toutes les circonstances touchant la personne de l’étranger et sa famille et si la naturalisation du requérant pouvait entraîner unpréjudice pour la Confédération912. En utilisant des termes volontairement vagues et indéterminés, le Conseil fédéral se vit

907 Art. 1 et 4 al. 1 de la loi de 1903. Cette loi avait repris les principes de la loi de 1876 qui confiait au Conseil fédéral le soin d’examiner les rapports du candidat à la naturalisation avec son pays d’origine, afin que fût évitée la double nationalité, ainsi que l’accomplissement de la durée légale du domicile, voir FAVREANTOINE, Droit constitutionnel, p. 81.

908 Art. 2 al. 4 de la loi de 1903 : « Le Conseil fédéral examine aussi les rapports de l’étranger avec son pays d’origine, ainsi que toutes autres circonstances touchant sa personne et sa famille. Il peut refuser l’autorisation, s’il résulte de cet examen que la naturalisation du requérant entraînerait un préjudice pour la Confédération ».

909 Instructions du Conseil fédéral sur les conditions et formalités à remplir pour obtenir l’autorisation fédérale, du 30 décembre 1903 (FF 1904 I 20), complétées par celles du 28 juillet 1905 (FF 1905 IV 859), puis par celles du 9 avril 1912 (FF 1912 II 795). Voir BURCKHARDTWALTHER,Droit fédéral, p. 638ss.

910 Art. 2 ch. 2 de la loi de 1876. Voir DESALISLOUISRUDOLF, p. 315, où il est précisé que « l’examen de la moralité du requérant ne rentre pas, à proprement parler, dans les attributions du Conseil fédéral ». Voir supra n° 255.

911 FASELDOMINIQUE, p. 99.

912 Art. 2 al. 4 de la loi de 1903, voir note n° 908. Voir BURCKHARDTWALTHER, p. 569 ; SAUSER-HALLGEORGES, p.

13, qui relève que la qualification morale du candidat faisait l’objet, de la part des autorités, d’un sévère examen.

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attribuer une compétence bien plus grande que celle qu’il détenait sous l’empire de la loi de 1876913. Par conséquent, le Conseil fédéral, ainsi que ses services, allèrent beaucoup plus loin que le simple fait d’examiner si le requérant détenait encore des liens avec son pays d’origine914; la Confédération vit donc son champ d’action être élargi.

b. Le stage au niveau fédéral

275. En 1920 fut révisée la loi de 1903915afin de contrôler l’immigration toujours croissante en Suisse916. Au lieu de remanier entièrement la législation sur la naturalisation ou d’introduire au niveau fédéral lejus soli, les autorités ont opté pour une modification partielle de la loi de 1903, tant le problème leur semblait urgent917. 276. En matière de naturalisation ordinaire, la loi de 1903 prévoyait une durée de résidence de deux ans918 seulement, ce qui pouvait poser deux types d’inconvénients : d’une part ce délai était trop strict car il concernait tous les étrangers, même ceux étant dans l’obligation de s’absenter de Suisse pendant la guerre, malgré leur niveau d’intégration919. D’autre part, cette durée était beaucoup trop courte920 car elle n’était pas de nature à faciliter l’intégration et, partant, favorisait la naturalisation de « complaisance »921.

277. Il fallait dès lors combiner deux objectifs922: le premier consistait à faciliter l’acquisition de la nationalité aux étrangers nés en Suisse ; le second à mettre un obstacle à la naturalisation de tous les étrangers venus en Suisse pour des raisons économiques ou financières pendant la guerre. Puisque la Suisse était située au centre de l’Europe, elle se trouvait sur la voie que devaient suivre « toutes les foules

913 Le Conseil fédéral avoue ouvertement que la nouvelle formulation de l’art. 2 de la loi de 1903 lui octroie une plus grande liberté (FF 1901 II 769, p. 794s).

914 Voir FF 1870 II 777, p. 795, où le Conseil fédéral précise, à réitérées reprises, que la Confédération ne détient que le pouvoir d’examiner si le candidat possède encore des liens avec son Etat d’origine, le reste étant de la compétence des cantons.

915 Loi fédérale du 26 juin 1920, entrée en vigueur le 15 octobre 1920 (RS 1848-1947, vol. 1, p. 93).

916 En 1910, la population étrangère représentait 552’011 personnes, soit le 14,7% de la population totale (FF 1919 IV 235, p. 235).

917 FF 1919 IV 235, p. 235.

918 Art. 2 de la loi de 1903. A noter que dès le 30 novembre 1917, le Conseil fédéral décida, vu l’augmentation des demandes de naturalisation d’étrangers qui avaient pris domicile en Suisse depuis le début de la guerre, de ne plus délivrer d’autorisation qu’aux personnes justifiant d’un séjour ininterrompu de quatre années immédiatement avant leur requête. Selon l’avis du Conseil fédéral, une telle manière de procéder était tout à fait conforme à la loi de 1903 qui n’aurait prévu qu’un minimum en exigeant un séjour de deux ans, ce qui paraît pour le moins discutable. Voir BURCKHARDTWALTHER,Droit fédéral, p. 641. FF 1916 III 107, p. 109 ; FF 1918 II 1, p. 22s ; FF 1921 III 572, p. 573.

919 FF 1919 IV 235, p. 236.

920 En effet, ce stage de deux ans était l’un des plus courts rencontrés dans la législation positive, la durée moyenne se situant entre trois et dix ans (FF 1919 IV 235, p. 240ss).

921 FF 1919 IV 235, p. 236.

922 FF 1919 IV 235, p. 236.

en mal d’émigration »923; afin de ne pas permettre une naturalisation de cette partie d’émigrants s’attardant sur le territoire fédéral, une durée de résidence de seulement deux ans ne fut pas considérée comme suffisante. La durée de six ans, en revanche, écartait à dessein les étrangers ne faisant qu’un séjour en Suisse de courte durée924, l’accent étant mis sur l’intégration qu’une durée de résidence supérieure aurait été mieux à même d’apporter925.

278. Par cette augmentation de la durée de résidence commençait à se faire sentir le besoin de l’introduction de la condition de l’assimilation de l’étranger, ce qui n’était pas le cas auparavant puisque le côté financier était davantage pris en considération pour l’octroi de la nationalité suisse926. Avec cette peur de la surpopulation étrangère, mais aussi avec l’intention de ne pas vouloir incorporer un étranger qui n’aurait pas été intégré, est apparue la nécessité de prendre en considération l’intégration par l’exigence d’une durée de résidence plus élevée927. 279. Il était toutefois nécessaire d’assouplir cette durée de résidence pour deux catégories d’étrangers : la première était constituée des personnes dans l’obligation de s’absenter de Suisse pendant quelques mois. Cette résidence de six ans ne devait dès lors pas forcément avoir lieu de façon ininterrompue, mais pouvait être répartie sur une certaine période928. La seconde catégorie était constituée par les étrangers nés en Suisse qui bénéficiaient également d’un traitement de faveur car ils pouvaient demander, sous réserve du respect des autres conditions, la naturalisation après trois ans de résidence en Suisse seulement929. Par conséquent, même si la loi révisée se voulait favorable à ces deux catégories d’étrangers, elle a tout de même été durcie en vue de lutter contre la « surpopulation étrangère ».

280. En ce qui concerne la naturalisation aux niveaux cantonal et communal, la loi de 1903 ne contenait aucune disposition obligeant un candidat à ne demander son admission que dans le canton ou la commune où il était domicilié, ce qui signifie que le requérant pouvait librement choisir son canton et sa commune de rattachement, pourvu que les exigences posées par les lois cantonales et communales eussent été

923 FF 1919 IV 235, p. 243.

924 FF 1919 IV 235, p. 243.

925 LUTHERMARKUS, p. 67 ; FREUNDDORRIT, p. 76.

926 BENZURS, p. 70 ; BOLLETERWALTER, p. 19.

927 L’on peut cependant discuter du fait que la durée de résidence soit à même de favoriser l’intégration, surtout lorsqu’elle se monte à douze ans, comme l’introduira par la suite la loi fédérale sur la nationalité, voir infra Chapitre 3, section I-A.

928 Art. 2 de la loi de 1903 révisée : « l’étranger doit avoir résidé effectivement en Suisse pendant 6 ans au cours des 12 années précédant sa requête [al. 1], mais il doit dans tous les cas justifier d’une résidence effective sans interruption en Suisse pendant les deux années précédant sa requête [al. 3] ». FF 1919 IV 235, p. 243s.

929 Art. 2 al. 3 de la loi de 1903 révisée : « les étrangers qui sont nés en Suisse et y ont résidé au moins dix années au cours des vingt premières années de leur vie peuvent obtenir l’autorisation après une résidence effective en Suisse de trois années au cours des cinq années précédant la requête ». FF 1919 IV 235, p.

244s.

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respectées930. Les cantons et les communes étaient dès lors entièrement compétents pour poser des exigences de domicile ou, au contraire, les exclure. Ainsi, certains cantons n’exigeaient-ils aucun domicile sur leur territoire931, alors que d’autres le prescrivaient, avec une durée variable932.

2. L’incorporationjure soli déléguée aux cantons

281. L’art. 5 de la loi de 1903 (infrab), qui est critiquable à plus d’un titre (infra c), a été adopté dans une situation bien particulière, alors que la crainte de la surpopulation étrangère régnait (infraa).

a. La situation démographique : le moteur dujus soli

282. Comment cette volonté, de la part des autorités fédérales, d’introduire lejus soli, concept inconnu sur nos terres933de tradition dejus sanguinis934, pouvait-elle se justifier ? L’explication tient pour beaucoup à l’augmentation massive de la population étrangère sur le sol helvétique. Le dernier recensement effectué en 1910 ayant révélé que la Suisse accordait l’hospitalité à 250’000 étrangers, cela revenait à affirmer que sur dix hommes, il y avait un étranger935et donc que la population de la Suisse avait triplé à la fin du XIXesiècle.

283. Plus la population étrangère était nombreuse, plus un vent de panique soufflait sur le Palais fédéral936, et cela pour différentes raisons. D’abord, les étrangers bénéficiaient de l’application de la loi de leur pays d’origine dans certains domaines du droit937, cette ingérence du droit étranger dans l’ordre juridique suisse étant considérée comme une atteinte à la souveraineté nationale car le droit étranger acquérait de ce fait une trop grande importance938. Ensuite, les étrangers ne détenaient pas les droits politiques, donc les institutions publiques risquaient de perdre un « important appui »939. Enfin, les étrangers n’étaient pas soumis à

930 SAUSER-HALLGEORGES, p. 20. Voir également BRIDELMARCEL,Précis, p. 309, qui relève que cette faculté avait donné lieu à des abus puisque le requérant éconduit pour des motifs pertinents dans un canton où il était défavorablement connu était peut être admis « à la légère » dans un canton où il l’était beaucoup moins.

C’est d’ailleurs pour ces motifs que le législateur de la loi sur la nationalité a supprimé cette faculté, voir infra n° 333.

931 Uri, Schwyz, Obwald, Nidwald, Zoug, Soleure, Appenzell Rhodes-Intérerieures, Saint Gall, Argovie, Bâle-Campagne, cas cités par SAUSER-HALLGEORGES, p. 22. Voir également LIEBESKINDWOLGANG-AMÉDÉE, p. 365a.

932 La durée pouvait être d’un, deux, trois ou cinq ans de domicile sur le territoire cantonal, voir SAUSER-HALL GEORGES, p. 21s.

933 Et dans la majorité des Etats européens, voir BENZURS, p. 14.

934 FF 1920 V 1, p. 37. IMMERPIERRE, p. 40. Voir Titre I, Chapitre 5, section IV.

935 FF 1899 II 294, p. 294. Voir aussi DESALISLOUISRUDOLF, p. 293 ; LUTHERMARKUS, p. 66.

936 FF 1901 II 769, p. 781. Par ailleurs, le danger ne venait pas seulement des étrangers à l’extérieur de la Suisse, mais aussi des étrangers déjà installés en Suisse. Voir ILGALFRED, p. 5ss, qui énumère les raisons pour lesquelles les étrangers établis en Suisse n’étaient pas favorables à se faire naturaliser.

937 Essentiellement en matière de droit de la personne, de successions et de droit de la famille.

938 FF 1901 II 769, p. 781.

939 FF 1901 II 769, p. 781.

l’obligation du service militaire et étaient également dispensés du paiement de la taxe y afférente, ce qui constituait un double avantage en leur faveur par rapport au citoyen suisse, puisqu’ils étaient délestés d’une lourde charge et, de ce fait, étaient des « concurrents dangereux » sur le marché de l’emploi940. L’unique solution trouvée en vue de faire baisser la population étrangère était l’introduction dujus soli941.

b. L’art. 5 de la loi de 1903

284. Au vu du libellé de l’art. 44 Cst. 1874, il n’était guère possible, en vertu de la genèse de cet article, de faire en sorte que la Confédération eût le droit de fixer d’une manière générale les conditions d’acquisition et de perte de la nationalité suisse, la souveraineté cantonale se devant d’être préservée942. Puisqu’une disposition fédérale, qui aurait prévu que la naissance sur le territoire suisse conférait la nationalité suisse, n’aurait pas été couverte par la Constitution et qu’il ne s’était pas avéré opportun d’entreprendre une révision de celle-ci afin d’attribuer une nouvelle compétence à la Confédération943, il fallait trouver un moyen sur le terrain du droit cantonal944, moyen permettant de déjouer la répartition des compétences.

285. Cette solution consistait pour la Confédération à octroyer aux cantons le droit d’accorder à la naissance, par voie législative, une influence déterminante pour l’acquisition de la nationalité suisse, sans qu’il ne soit nécessaire de requérir l’autorisation du Conseil fédéral, préparant ainsi la voie à l’introduction dujus soliau niveau fédéral945. La loi de 1903 délégua donc la faculté aux cantons d’introduire le jus soli946 à certaines catégories d’étrangers. Ainsi, les cantons détenaient-ils

940 FF 1901 II 769, p. 781, 788 ; FF 1899 II 294, p. 294.

941 GRISELETIENNE,Art. 44 Cst., p. 4 ; WIEDERKEHREVELYNBEATRICE, p. 57. En outre, le Conseil fédéral examina s’il était opportun de baisser la taxe de naturalisation tant fédérale que cantonale et communale. Pour ce qui est de la première, il arriva à la conclusion qu’elle n’était pas réellement dissuasive, dans la mesure où elle n’empêchait pas le requérant de déposer sa demande (FF 1899 II 294, p. 295). Quant à la taxe cantonale et communale, le Conseil fédéral conclut qu’elle était certes assez élevée, mais qu’elle était néanmoins proportionnée aux charges d’assistance que ces deux entités auraient éventuellement à supporter (FF 1901 II 769, p. 791). Il est clair que l’abstentionnisme de la Confédération tient pour beaucoup dans la volonté de ne pas froisser les cantons et les communes car, pour ces derniers, ces taxes constituait un revenu non négligeable. Pour comparaison, voir Titre III, Chapitre 4.

942 FF 1951 II 665, p. 667 ; FF 1901 II 769, p. 790s. Il est intéressant de relever que, dans son Message de 1920, le Conseil fédéral fait référence à une interprétation littérale de l’art. 44 Cst. 1874 effectuée par le Département fédéral de justice et police en 1900, selon laquelle la Confédération aurait le droit de

« déterminer toutes les conditions auxquelles l’acquisition et la perte de la nationalité étaient subordonnées », interprétation vivement réfutée par le Conseil fédéral, qui prend en considération la genèse de cet article constitutionnel (FF 1920 V 1, p. 32s). Voirsupra n° 253.

943 Le peuple, mais surtout les cantons, n’auraient pas accepté une telle limitation de leurs compétences (FF 1901 II 769, p. 791 ; FF 1920 V 1, p. 22).

944 FF 1901 II 769, p. 791s.

945 FF 1901 II 769, p. 792 ; FF 1920 V 1, p. 23.

946 En effet, il s’agissait de la possibilité de l’introduction dujus soli, car la loi de 1903 précisait que les cantons pouvaient prévoir que les enfants de certaines catégories d’étrangers nés sur leur territoire étaient de droit citoyens du canton et, partant, citoyens suisses (art. 5 de la loi de 1903), la naissance sur le sol cantonal

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désormais le pouvoir d’accorder la nationalité suisse, par le seul effet de la loi, à certains étrangers nés sur leur territoire, notamment à l’enfant dont la mère était d’origine suisse, ou si, à l’époque de la naissance de l’enfant, ses parents étaient domiciliés dans le canton depuis cinq ans au moins sans interruption947. Tous les inconvénients jusque-là reprochés aujus soliont ainsi été subitement oubliés948.

c. Appréciation

286. Cette manière de concevoir la baisse de la population étrangère était plus que critiquable, et cela pour différentes raisons. D’abord, les autorités confondaient littéralement l’acquisition de la nationalité par naturalisation (mode dérivé) et par naissance (mode originaire)949. Ensuite, il n’est pas certain qu’une acquisition massive de la nationalité eût été un moyen apte à faire baisser la population étrangère, le remède le plus efficace demeurant une politique d’immigration davantage restrictive, d’autant plus que l’introduction limitée dujus soline pouvait en aucun cas faire sombrer le nombre d’étrangers qui étaient déjà présents en Suisse et intégrés, puisqu’il s’agissait là d’un mode originaire d’acquisition de la nationalité950, ne concernant que les enfants de ces derniers. Enfin, la compétence de la Confédération de procéder à une telle délégation était plus que discutable, dans la mesure où la Constitution ne faisait nullement mention de l’introduction du jus soli951. En effet, comment la Confédération pouvait-elle déléguer une compétence qu’elle ne détenait pas952et, de ce fait, limiter dans la même mesure la compétence des cantons de prévoir lejus soli pour une catégorie d’étrangers plus étendue que celle limitativement énumérée dans la loi de 1903 ? Bien que les cantons ne fussent pas contraints de concrétiser la délégation ainsi reçue953, ils ne pouvaient cependant pas dépasser cette limite, c’est-à-dire passer outre les conditions de la naissance de l’enfant sur le territoire du canton et le domicile des parents dans le canton depuis

étant déterminante, malgré le fait que d’autres conditions pouvaient encore être exigées. Voir FAVREANTOINE, Nationalité, p. 747.

947 Art. 5 de la loi de 1903.

947 Art. 5 de la loi de 1903.