• Aucun résultat trouvé

Conclusion du Chapitre

CHAPITRE 2 EVOLUTION DES DETERMINANTS TERRITORIAU

2.2. Les tendances territoriales de l’habitat et des activités : continuités et ruptures

2.2.1. Tendances actuelles et à venir des localisations résidentielles

L’analyse des tendances actuelles en termes de continuités et de ruptures est menée avant de présenter les ouvertures prospectives issues de la littérature scientifique.

Tendances actuelles

Les recensements qui suivent celui de 1999 permettent de déterminer les tendances actuelles. Elles se caractérisent par des ruptures fortes vis-à-vis des tendances précédentes, en termes démographiques et de construction de logements.

Une première rupture concerne l’évolution démographique générale. À l’échelle de l’ensemble de la région, la fin de la décennie 1990 se traduit par un fort ralentissement de la croissance démographique, principalement dû à une amplification du déficit migratoire de l’Île- de-France avec la province (Sagot, 1999). Au contraire, dès les premiers résultats de la nouvelle méthode de recensement, une reprise démographique apparaît (tableau 13). Les derniers chiffres disponibles estiment la population francilienne à près de 11,7 millions d’habitants au 1er janvier

2008 (Buisson et Vérone, 2011).

Tableau 13 - Croissance de la population francilienne entre 1990-1999 et 1999-2008 Croissance

totale Croissance annuelle

1990-1999 1999-2008 266 000 733 000 29 600 81 400

Source : Buisson et Vérone, 2011

83

80 000 personnes par an, ce qui n’a pas été observé en Île-de-France depuis le début des années 1970.

Les causes de cette croissance renvoient à un « moteur démographique à trois temps » (Louchart, 2005, p. 5), caractérisé par un fort excédent naturel et des échanges migratoires positifs avec l’étranger mais déficitaires avec les autres régions françaises. Le renforcement de l’excédent naturel francilien est le principal moteur de la croissance démographique. Il s’établit à environ + 100 000 par an, marqué par une hausse de la fécondité à 173 000 naissances par an entre 1999 et 2006, et une diminution des décès à 73 000 par an (Beaufils, 2009). Les échanges migratoires ont un effet ambivalent. Les échanges avec le reste du territoire sont fortement déficitaires : 556 000 arrivées contre 902 000 départs entre 2001 et 2006 (Charrier, 2009), l’Île-de-France étant attractive pour les jeunes de 18 à 24 ans, et répulsive pour les individus à partir de 40 ans, qu’il s’agisse de couples avec enfants ou de retraités. Ce déficit n’est que partiellement compensé par les migrations internationales, si bien que les mouvements migratoires franciliens sont déficitaires d’environ 20 000 personnes par an.

La seconde rupture de tendance est géographique. Après des décennies de croissance des espaces périphériques, cette dynamique se caractérise par un net recentrement dans le cœur de l’agglomération francilienne51. Un découpage concentrique par couronnes permet de caractériser

cette rupture.

Tableau 14 - Taux de croissance démographique annuelle 1982-1999 et 1999-2006 en Île-de- France

Paris Petite couronne Grande couronne

1982-1999 - 0,1 % + 0,2 % + 0,9 %

1999-2006 + 0,4 % + 1,0 % + 0,7 %

Source : Mary-Portas, 2009

Pour la première fois depuis 50 ans, Paris regagne des habitants. Le centre de l’agglomération est le territoire de ce regain de croissance démographique (Raulot, 2011). Au contraire, les départements de grande couronne voient leur croissance démographique continuer de ralentir. Ainsi, d’après des estimations de l’IAU, les deux-tiers de la croissance démographique se concentrent dans un rayon de 20 kilomètres autour de Notre-Dame, alors que cet ensemble n’en avait jamais représenté plus de 20 % depuis 1968 (Louchart, 2008).

Plus précisément, ce sont les communes limitrophes de Paris qui sont les plus dynamiques : après un taux de croissance annuelle moyenne de 0,1 % entre 1982 et 1999, celui-ci connaît une très forte progression à 1,3 % entre 1999 et 2006 (Mary-Portas, 2009). Ailleurs, les évolutions ne sont pas uniformes : la croissance en grande couronne s’effectue principalement dans les

51 Le terrain de thèse se limitant à l’Île-de-France, le cas des franges franciliennes, qui participent cependant des évolutions démographiques et résidentielles , ne sera pas évoqué ici. Voir par exemple Beaufils et de Biasi, 2010.

84

communes les moins polarisées de la couronne périurbaine, principalement en Seine-et-Marne et dans l’Essonne. L’augmentation moyenne de population entre 1999 et 2006 y est de 1,5 % par an, dont 0,9 % grâce aux migrations (Mary-Portas, 2009).

Les résultats les plus récents indiquent une harmonisation des taux de croissance démographique annuelle aux alentours de + 0,5 % par an entre 2006 et 2011. La croissance parisienne s’accélère alors que celle des départements de la grande couronne ralentit, la tendance étant stable pour ceux de la petite couronne.

Tableau 15 - Taux croissance démographique annuelle par couronne entre 1982 et 2011

Paris Petite couronne Grande couronne

1982-2011 + 0,1 % + 0,5 % + 0,9 %

2006-2011 + 0,6 % + 0,5 % + 0,5 %

Source : Bellidenty et al., 2014

Les évolutions de population se traduisent donc effectivement par une rupture dans la mesure où la petite couronne, et surtout les communes limitrophes de Paris, regagnent une attractivité qu’elles n’ont jamais connue dans les dernières décennies, mais également par le maintien d’une tendance à l’étalement qui, s’il s’affaiblit, n’en résiste pas moins et surtout s’effectue de façon de plus en plus dispersée. Pour résumer : « Le centre se densifie, le périurbain s’étend » (Labrador, 2011, p. 1). En termes d’analyse des processus et surtout de leurs facteurs explicatifs, on pourra regretter que les tendances récentes n’aient pas produit de système interprétatif aussi puissant que pour l’étalement urbain ou la périurbanisation. À l’heure actuelle, les travaux existants sur les évolutions démographiques en Île-de-France relèvent de structures comme l’IAU ou l’INSEE, et sont avant tout descriptifs.

Les évolutions actuelles du logement sont marquées par les effets de la crise économique. Après un niveau de construction historiquement bas entre 2002 et 2006 où sont achevées 31 000 résidences principales par an (Charrier et al., 2009), l’amorce de reprise de la construction constatée en 2007 a été stoppée en 2008. La crise a retardé les évolutions du marché immobilier, à la fois en reportant les opérations de construction neuve, et en ralentissant les transactions dans l’existant (Corbillé et Pauquet, 2010).

D’un point de vue géographique, les tendances sont difficiles à dégager dans la mesure où les différents éléments de la littérature ne sont pas convergents.

D’un côté, certains travaux s’orientent vers une poursuite, ralentie, des tendances précédentes. L’analyse menée par l’IAU sur l’évolution de la construction en Île-de-France indique qu’entre 2002 et 2006, 45 % des logements sont construits à Paris et en petite couronne,

85

alors que ce chiffre était de plus de 50 % au milieu des années 1990, le déclin de la construction étant moins rapide en grande couronne (Charrier et al., 2009). Cela conduit à estimer que les tendances précédentes à l’étalement de l’urbanisation se prolongent, de manière moins marquée. Cette analyse est conforme aux travaux menés au sein de l’institut sur les évolutions de population, qui considèrent que le regain démographique en proche couronne n’est pas dû à une hausse de la construction, mais à une diminution du taux de vacance et à une faible baisse du nombre moyen de personnes par logement (Louchart, 2008).

En parallèle, des travaux menés par Xavier Desjardins à partir d’un découpage radioconcentrique de l’Île-de-France en cercles de 10 kilomètres révèlent une tendance inverse (Desjardins, 2010). Les bornes temporelles sont différentes, puisque la période actuelle est comprise entre 1999 et 2007, ce qui peut fournir un élément explicatif quant à la divergence des interprétations. D’après ces travaux, cependant, on assiste à un recentrement de la construction de logements en Île-de-France.

Tableau 16 - Evolution concentrique de la construction de logement en Île-de-France (depuis Notre-Dame)

0-10 km 10-20 km 20-40 km > 40 km

1968-1999

1999-2007 21 % 30 % 30 % 27 % 36 % 33 % 12 % 10 %

Source : Desjardins, 2010

Pour Xavier Desjardins, cette tendance au recentrement est liée à deux facteurs. Elle est directement issue du renouvellement urbain des communes limitrophes de Paris. L’achèvement en cours des villes nouvelles contribue à limiter la construction résidentielle entre 20 et 40 kilomètres de Notre-Dame : seules Melun-Sénart et Marne-la-Vallée contribuent encore à la croissance du parc francilien de logements, représentant, entre 1999 et 2007, un tiers de la construction régionale. Enfin, cette diminution de la part de la grande couronne dans la construction est marquée par une fragmentation et un émiettement accrus à l’échelle communale : les chiffres montrent ainsi que dans les couronnes à plus de 40 kilomètres de Notre-Dame, la part des communes de moins de 500 logements atteignent plus de 50 % du total de la construction alors qu’elles n’ont jamais représenté auparavant plus de 40 %. Se retrouvent là des tendances identiques à celles concernant les évolutions de la population.

Les tendances actuelles de la construction de logement sont donc difficiles à déterminer. D’un côté, certains travaux concluent sur la poursuite des tendances précédentes – croissance plus forte en grande couronne qu’en petite couronne – tandis que d’autres mettent en avant un retournement de tendance se traduisant par un recentrement de la construction, corrélé à un émiettement en grande couronne.

86 Tendances à venir

Concernant la croissance démographique, la littérature disponible ne relève pas de travaux prospectifs à proprement parler, mais de projections des tendances actuelles à horizon plus ou moins lointain.

Les travaux de l’INSEE prévoient une population francilienne de 12,4 millions d’habitants en 2030, à partir d’hypothèses d’un maintien de la fécondité au niveau de 2005, d’une baisse de la mortalité au même rythme qu’en France métropolitaine et d’un maintien des comportements migratoires de 1990-2005 (Salembier, 2007). À l’échelle départementale, ces projections parviennent à une faible décroissance de la population parisienne, qui diminuerait de 65 000 personnes. Les petite et grande couronnes verraient leur population croître, le gain total d’habitants se répartissant entre 60 % en grande couronne et 40 % en petite couronne. Il aurait été intéressant de bénéficier de résultats géographiquement plus fins afin d’interroger les tendances récentes de l’évolution de la population, mais les projections sont effectuées à un niveau départemental.

Ces travaux intéressent également par leur projection des différentes tranches d’âge. Le gain de population est d’abord dû au vieillissement : la part des 60 ans ou plus progresserait de 6 points, celle des 75 ans ou plus de 3 points selon un exercice de projection mené par l’IAU (Louchart, 2010). Les deux exercices tablent sur une stabilité en nombre d’habitants de la tranche d’âges entre 20 et 59 ans, qui constitue le cœur de la population active. Ces évolutions des différentes tranches d’âges ont des effets potentiels en termes de mobilité qu’il faudra interroger par la suite.

Malgré leur usage délicat pour détecter la poursuite des évolutions territoriales de la population du fait de l’échelle d’analyse, les résultats des travaux de projection n’en restent pas moins pertinents pour interroger les tendances à venir de la mobilité quotidienne en Île-de-France.

Les travaux prospectifs sur la construction de logements sont également peu nombreux. Certains sont issus des projections de population à l’horizon 2030 et interrogent leurs implications en termes de logement. D’autres sont des réflexions sur la poursuite de la périurbanisation. Avant de les aborder, une approche complémentaire consiste à présenter les dernières tendances de la construction de logements en Île-de-France à partir des autorisations de logements en 2012 et 2013, issues de la base de données Sit@del252. Bien que ne relevant pas de prospective, travailler

sur les autorisations permet de déterminer la répartition des nouveaux logements dans les années à

52 Sit@del2 est une base de données réalisée à partir des formulaires de permis de construire, dont les mouvements (dépôt, autorisation, mise en chantier, achèvement des travaux…) sont exploités à des fins statistiques.

87

venir, et donc d’étudier la poursuite de tendances actuelles difficiles à déterminer.

Il est difficile de distinguer une éventuelle reprise de la construction en Île-de-France. Le nombre de logements autorisés est de plus de 48 000 en moyenne en 2009 et 2010 alors qu’il était de près de 42 000 entre 2000 et 2008, mais il retombe à 38 000 sur la période 2012-2013. Le découpage administratif par couronnes ne permet pas de préciser ces évolutions. Le découpage morphologique de l’INSEE53 lui est donc préféré.

Tableau 17 - Nombre de logements autorisés en Île-de-France : part des secteurs du découpage morphologique entre 2000-2008, 2009-2010 et 2012-2013

Paris Cœur d’agglomération Agglomération centrale Autres agglomérations Espace rural

2000-2008

2009-2010 7 % 7 % 38 % 40 % 36 % 38 % 11 % 9 % 8 % 6 %

2012-2013 5 % 46 % 34 % 11 % 4 %

Source : Sit@del2

Deux tendances ressortent. La première est la confirmation du recentrage de la population francilienne : si Paris reste stable voire diminue légèrement, la part du cœur d’agglomération progresse fortement, pour représenter près d’une autorisation de logement sur deux en 2012-2013. L’agglomération centrale est moins dynamique, mais représente aux mêmes dates le tiers des autorisations de logement. Au total, la part de l’agglomération parisienne dans la construction de logements passe de 81 à 85 % du total régional. Les chiffres issus de Sit@del2, et c’est la seconde tendance, ne confirment pas l’éparpillement de la construction en grande couronne : l’espace rural voit sa part baisser. La part des autorisations déposées dans les autres agglomérations est stable à 10 % environ du total, ce qui ne traduit pas nécessairement un étalement de la population, mais peut être le reflet d’une densification de ces centralités de grande couronne.

Les données issues des logements autorisés confirmeraient donc la tendance au recentrement de la construction résidentielle autour de Paris, principalement dans le cœur d’agglomération, tandis qu’elles infirmeraient l’hypothèse d’un éparpillement de la construction dans les espaces périurbains et ruraux.

Les hypothèses de production de logements d’ici 2030 issues des projections de population sont liées au vieillissement de la population régionale et au maintien du nombre de familles avec enfants (Louchart, 2010). Les travaux considèrent que l’augmentation du nombre de personnes de

53À côté des découpages administratifs ou territoriaux, le découpage morphologique permet de rendre compte de la diversité des espaces urbains au sein des différentes agglomérations franciliennes. Il se compose de cinq secteurs. L’agglomération parisienne est découpée en trois secteurs : Paris ; le cœur d’agglomération (ensemble des communes urbanisées et denses en continuité du bâti avec Paris); l’agglomération centrale (autres communes de l’agglomération parisienne). Les deux autres secteurs sont les autres agglomérations d’Île-de-France, et l’espace rural.

88

plus de 60 ans se traduira en termes de logement par une tendance au maintien dans le logement familial actuel. En conséquence, les nouvelles familles avec enfants devront rechercher de nouveaux logements, d’où une demande de logements considérée comme prégnante d’ici à 2030.

Les conclusions prospectives des analyses sur la périurbanisation en Île-de-France sont plus ambivalentes et reflètent la complexité des facteurs explicatifs du choix et de la localisation résidentiels. Pour Martine Berger (Berger, 2004 ; Berger, 2006b), certaines tendances seraient en faveur d’un regain du collectif, telles que les évolutions démographiques de structure de population et la hausse du taux de divortialité. Cependant, la diffusion de la maison individuelle est loin d’être terminée : le taux de propriété et la proportion de maison individuelle en Île-de- France sont inférieurs à ceux des grandes agglomérations urbaines de province, tandis que les besoins de la demande solvable ne sont pas saturés, et que l’immigration provinciale contribue à nourrir la demande. Ces évolutions et celles qui relèvent de ressorts démographiques tendent donc à souligner qu’à long terme les conditions sont réunies pour la poursuite tant de l’étalement de l’urbanisation que de sa concentration. Les deux tendances ne sont nullement exclusives l’une de l’autre. Ce sont d’autres facteurs – économiques, environnementaux – qui conduiraient à orienter la production résidentielle vers l’une ou l’autre des deux localisations.

Outline

Documents relatifs