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La place de la voiture particulière en Île-de-France dans les travaux de prospective

LA MOBILITE QUOTIDIENNE A L’EPREUVE

Encadré 1 – Analyser la baisse d’usage du mode ferré lourd entre 1991 et 2001 Méthodologie

1.3.3. La place de la voiture particulière en Île-de-France dans les travaux de prospective

Comme ce fut le cas pour la prospective d’usage générale de la voiture particulière, cette analyse spécifique du cas francilien s’articule en deux temps, au regard des injonctions énergétiques et environnementales : sont d’abord étudiés les travaux qui s’inscrivent dans le fil des tendances actuelles, puis ceux qui se posent en rupture, et tentent de répondre aux enjeux à venir de la voiture particulière.

Prospective au fil de l’eau

Les travaux mobilisés dans cette première approche relèvent d’exercices prospectifs de nature économétrique, tous ayant été menés dans le cadre de l’INRETS sur la prospective de la mobilité en Île-de-France.

Le premier exercice est réalisé par Francis Papon (Papon, 2002). Il s’agit également d’une méthode de modélisation économétrique simulant l’évolution de la mobilité et des trafics à horizon 2020 à partir de facteurs tels que la répartition de la population par âge, la couronne de résidence, et la motorisation, selon une évolution tendancielle des différentes variables. Par ce simple prolongement de tendances antérieures, qui est une hypothèse méthodologique forte, le parc automobile augmente de 45 % entre 1998 et 2020, sous le double effet d’une localisation croissante des ménages en grande couronne et du remplacement des générations. Cette croissance du parc, associée à la périphérisation de la population, conduit à une croissance de la demande de transport en voiture particulière qui augmente deux fois plus vite que la population. Elle gagnerait 40 % entre 1998 et 2020, en conséquence de quoi le volume de trafic de ce mode de transport augmenterait de 50 %. Sa part modale passerait de 46 % à 59 %. Là encore, la grande couronne et la voiture particulière occupent une place de choix dans les résultats de la modélisation, ce qui s’explique par une méthodologie projetant des évolutions tendancielles, justement marquées dans les années 1980 et 1990 par un développement de la périurbanisation en lien avec la voiture particulière.

L’étude Pari 21 s’interroge sur les marges de manœuvre de réduction de l’usage de la voiture particulière dans la zone dense francilienne, Paris et petite couronne à horizon 2020 (Massot et al., 2002). En termes méthodologiques, le modèle renvoie à deux simulations : celle d’une affectation des déplacements à d’autres modes que la voiture particulière, et celle d’une évolution radicale de la consistance des offres de transport, notamment public. La modélisation est réalisée à partir d’un

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travail sur les boucles de déplacement issues de l’EGT de 199142. Les résultats en situation de

base indiquent que seuls 8 % des conducteurs de la zone dense auraient pu réaliser leurs déplacements quotidiens en utilisant un autre mode de transport, avec un budget-temps constant voire inférieur. En d’autres termes, ce résultat signifie qu’en l’absence de toute évolution, démographique ou de l’offre de transport, 92 % des conducteurs franciliens ont fait le choix du mode le plus performant, ce que les auteurs relient directement aux contraintes de la mobilité automobile dans la zone dense francilienne : « plus les contraintes d’usage de la voiture au sens

large (congestion et irrégularité des temps de parcours, problèmes de stationnement…) sont fortes, moindres sont, relativement, les comportements irrationnels d’usage de la voiture au sens

des temps de déplacement » (Massot et Armoogum, 2002, p. 271). Après le test de différents scénarios basés sur la consistance de l’offre de transport public ou son accessibilité en termes de rabattement, il apparaît que dans le scénario le plus favorable, 35 % des conducteurs et 33 % des déplacements connaîtraient un processus de transfert modal. Autrement dit, la situation reste inchangée pour les deux-tiers des conducteurs et des déplacements effectués : malgré une amélioration conséquente de l’offre de transport public et de son attractivité, la voiture particulière reste le mode le plus performant en termes de budget-temps pour les deux tiers des conducteurs. Sa part modale passe alors de 36 % en 1991 à 25 % en situation cible.

Enfin, le dernier exercice prospectif étudié est celui d’Olivier Morellet (Morellet, 2007), qui s’inspire du scénario central du CGPC. Il s’agit du travail de modélisation le plus complet parmi ceux étudiés, regroupant les facteurs analysés séparément dans les autres travaux, comme les évolutions démographiques, spatiales et d’offre de transport. Le trafic en voiture particulière à horizon 2050, calé sur l’EGT de 2001 et exprimé en milliers de voyages.kilomètres, passe de 184 000 à 177 000 entre 2002 et 2050, soit -0,1 % par an, ou une quasi-stabilité. Le transport collectif connaît une hausse de trafic, si bien que la part modale de la voiture particulière passe de 67 % en 2002 à 60 % en 2050. Malgré une forte évolution de l’offre de transport, la voiture reste le mode de transport dominant, aussi bien en termes de trafic que de part modale, les principaux effets positifs issus de la modélisation étant d’abord la variation de la population, puis l’évolution du revenu moyen et la succession des générations. Ce sont donc principalement des effets démographiques qui jouent sur l’évolution de l’usage de la voiture particulière.

Au regard des trois ouvrages qui viennent d’être étudiés, l’analyse des travaux de prospective d’usage au fil de l’eau de la voiture particulière se révèle favorable à ce mode de transport, avantagé par les grandes tendances démographiques et territoriales à l’œuvre ces dernières années et prolongées dans l’approche économétrique. Même si un effort important sur les transports

42 Pour plus de détails sur la procédure de transfert modal à partir des boucles de déplacement, cf. Massot et al., 2002, pp. 23-40.

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collectifs permettrait de faire diminuer la part modale de la voiture particulière, celle-ci resterait le mode de transport majoritaire en Île-de-France. Cette conclusion est valable non seulement pour la grande couronne, mais également en zone dense. Les besoins d’usage de l’automobile se confirment en Île-de-France, renforçant le décalage induit par les injonctions énergétiques et environnementales sur le fonctionnement actuel de ce mode de transport.

Prospective de la rupture en faveur des injonctions énergétiques et environnementales

Trois types de ruptures avaient été relevés lors de l’analyse générale : évolution technologique, monétarisation de la mobilité, aménagement territorial radicalement différent. Ces trois scénarios ont été testés dans deux travaux pour l’Île-de-France.

Le travail Mobilité urbaine : cinq scénarios pour un débat (Crozet et al., 2001) interroge les effets de la monétarisation de la mobilité, et d’un aménagement volontariste. Pour mémoire, il consiste à éclairer, via l’établissement de cinq scénarios contrastés, les ruptures probables dans les tendances actuelles de la mobilité. Pour chaque scénario, la présentation des indicateurs donne lieu à une prise en considération spécifique de l’Île-de-France. La part modale de la voiture est de 62 % en 2000 et s’établirait en 2020 dans une fourchette allant de 30 à 52 % ; son taux d’évolution annuel varierait entre +1,1 et -0,8 % par an, trois scénarios sur cinq faisant l’hypothèse de la stabilité. Deux scénarios font l’hypothèse d’une part modale de la voiture particulière inférieure à 50 % : le scénario homo politicus (40 %), basé sur une maîtrise de la mobilité par des transactions collectives locales assurant la maîtrise du foncier et la limitation des vitesses de déplacement, et le scénario homo contractor (30 %), qui maîtrise la mobilité par des transactions privées de type droit à circuler. Ces deux solutions conduisent donc également pour l’Île-de-France à une baisse d’usage de la voiture particulière, dans des proportions plus importantes dans le cadre d’une action sur l’aménagement du territoire.

Les évolutions technologiques sont prises en compte dans la Démarche prospective 2050 du CGPC (CGPC, 2006). Le travail considère que le taux de croissance des voyages de courte distance sera inférieur en Île-de-France de 30 à 40 % à ce qu’il est en province. En termes d’ordres de grandeur, la croissance de la mobilité locale variait entre 10 et 40 % selon les scénarios dans les agglomérations de province, ce qui nous conduit à en déduire une augmentation d’environ 3 à 15 % en Île-de-France entre 2000 et 2050. D'après les conclusions de l’exercice, l’usage de la voiture particulière resterait dominant quel que soit le scénario, ce qui est dû à des hypothèses considérées comme très favorables à ce mode de transport : progrès technologiques permettant des coûts de transport acceptables, absence de rationnement de la mobilité, etc. Non

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seulement la mobilité quotidienne croîtrait, mais elle serait portée par la voiture particulière qui, grâce à des hypothèses particulièrement favorables, resterait le mode de transport moteur de la croissance. Cette conclusion pose la question de l’évolution de la saturation des réseaux.

En conclusion de cette analyse de la place de l’automobile en Île-de-France dans les travaux de prospective, il faut d’abord souligner la similarité avec les travaux portant sur l’ensemble des agglomérations françaises. Les tendances principales suivent les mêmes directions. Les analyses économétriques permettent d’interroger la poursuite des tendances actuelles : les évolutions démographiques et territoriales projetées jouent en faveur de ce mode de transport, confortant le choix de les étudier de façon spécifique dans les deux chapitres suivants. En parallèle, le développement des transports publics a un effet réel, mais limité, dans la mesure où la voiture particulière reste le mode le plus performant en termes de budget-temps de transport, et ce quelle que soit la modélisation de l’évolution de l’offre. Les exercices en rupture, intégrant les injonctions énergétiques et environnementales, sont ambivalents au regard de la solution étudiée : la monétarisation de la mobilité et l’aménagement du territoire permettraient de réduire jusqu’à un déplacement sur trois la part de la voiture particulière, tandis que les évolutions technologiques lui permettraient de se maintenir comme moteur de la croissance de la mobilité quotidienne. L’Île-de- France n’est donc pas fondamentalement différente des autres analyses. La part modale de la voiture particulière y est plus faible, mais les conclusions des travaux de prospective vont dans le même sens, si bien que les tensions sur l’usage de l’automobile s’appliquent également au terrain francilien, entre injonctions à la modération de l’usage actuel et tendances favorables, des évolutions technologiques, cependant insatisfaisantes, ayant pu rendre les deux compatibles.

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