• Aucun résultat trouvé

Évolution de la perception des modes de transport au prisme des injonctions économiques et environnementales

Conclusion du Chapitre

CHAPITRE 4 COMBINAISON PROSPECTIVE DES DETERMINANTS : LA

4.3. Interroger la validité de la combinaison à l’échelle des individus

4.3.1. Évolution de la perception des modes de transport au prisme des injonctions économiques et environnementales

Si la perception d’un mode de transport n’est pas toujours déterminante pour son usage, elle constitue une première approche permettant d'évaluer à quel point les injonctions énergétiques et environnementales sont intégrées par les individus. Après avoir précisé la méthodologie des travaux mobilisés, l’analyse s’intéresse à la représentation sociale de l’automobile et des transports collectifs.

Méthodologie : analyser l’évolution de l’image des modes de transport

Deux travaux sont mobilisés, réalisés par des équipes constituées autour de Jean-Marie Guidez et Vincent Kaufmann. Une première étude est réalisée en 1998, et porte sur six agglomérations, trois françaises – Besançon, Grenoble et Toulouse – et trois suisses – Berne, Genève et Lausanne (Kaufmann et Guidez, 1998). La méthodologie consiste en une enquête téléphonique d’un panel réparti entre ville centre, banlieue et périurbain, et en situation théorique de choix modal. L’échantillon est de 500 personnes actives.

La seconde étude date de 2010, permettant d’analyser l’évolution des perceptions sur une décennie (Kaufmann et al., 2010). La méthodologie diffère, et se construit à partir des résultats des Enquêtes ménages déplacements. La perception de la voiture particulière, des transports publics et du vélo est analysée à partir du module « Opinions ». Dix-neuf agglomérations ont été enquêtées entre 2002 et 2007, les personnes répondant étant amenées à citer spontanément les trois adjectifs correspondant le mieux selon elles aux trois modes en question. Afin que le panel se rapproche le plus possible de l’étude de 1998, les résultats portent sur les actifs en situation théorique de choix modal au sein de chaque agglomération, selon un découpage radioconcentrique.

166

L’image de la voiture particulière se dégrade, celle du transport public s’améliore Les tableaux 39 et 40 indiquent l’évolution de la représentation de la voiture particulière et des transports collectifs entre les études de 1998 et 2010.

Tableau 39 - Evolution de l’image de la voiture particulière

Étude de 1998 Étude de 2010

Adjectif le plus cité Adjectif cité en 2e Adjectif cité en 3e Adjectif cité en 4e Adjectif cité en 5e Adjectif cité en 6e Adjectif cité en 7e Adjectif cité en 8e Adjectif cité en 9e Adjectif cité en 10e

Pratique Rapide Rend autonome Confortable Cher Polluant Plaisant Encombrant Personnalisé Bon marché Pratique Polluant Cher Rapide Utile Confortable Rend autonome Indispensable Nécessaire Dangereux

Tableau 40 - Evolution de l’image du transport public

Étude de 1998 Étude de 2010

Adjectif le plus cité Adjectif cité en 2e Adjectif cité en 3e Adjectif cité en 4e Adjectif cité en 5e Adjectif cité en 6e Adjectif cité en 7e Adjectif cité en 8e Adjectif cité en 9e Adjectif cité en 10e

Pratique Contraignant Lent Promiscuité Cher Economique Ecologique Rapide Inconfortable Pas sûr (sécurité) Pratique Economique Utile Cher Lent Ecologique Contraignant Rapide Pas sûr (sécurité) Sûr (sécurité)

Réalisation : V. Gagnière d’après Kaufmann et Guidez, 1998, et Kaufmann et al., 2010 L’image de la voiture particulière a fortement évolué. En 1998, seuls trois des dix premiers adjectifs spontanément cités ont une connotation négative, le coût apparaissant en cinquième position. Pour le reste, ce mode de transport bénéficie d’une image positive, en adéquation avec les valeurs des individus et les tendances territoriales, comme il a été vu au premier chapitre80. La

perception qui se dégage des EMD réalisées entre 2002 et 2007 est plus nuancée. Si le nombre d’adjectifs à connotation négative a peu augmenté – quatre au lieu de trois –, leur position dans la hiérarchie est significative d’une inversion des valeurs associées à la voiture particulière. Elle interroge directement la prise en compte par les individus des injonctions énergétiques et environnementales. L’adjectif « polluant » passe de la sixième à la deuxième position. Bien que le type de pollution en question ne soit pas précisé, il s’agit d’un enjeu environnemental fort. L’adjectif « cher » passe quant à lui de la cinquième à la troisième position. Là encore, il n’est pas

167

précisé à quoi il se rapporte. Il peut être relatif au coût du stationnement, d’assurance, ou encore aux frais de réparation, qui ont augmenté ces dernières années au sein des dépenses consacrées au transport (Juillard, 2007). En lien avec l’injonction énergétique, cette mention de la cherté peut être liée à la hausse du prix des carburants : les EMD entre 2002 et 2007 succèdent à l’épisode de hausse de l’année 2000, où le prix de l’essence avait augmenté de 15 % et celui du gazole de 21 %.

Entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000, les injonctions énergétiques et environnementales pourraient donc être en cours d’intégration dans la perception de la voiture particulière par les individus, même si le caractère général des résultats empêche d’émettre plus que des hypothèses.

Les transports collectifs bénéficient-ils de cette évolution de l’image de la voiture particulière ? Le nombre d’adjectifs à connotation négative passe de six à quatre entre les deux études, premier indice d’une amélioration d’image. De même, le premier adjectif négatif est en deuxième position en 1998, et en quatrième en 2010. Il est cependant difficile de déterminer dans quelle mesure cette amélioration relative de la perception des transports collectifs est liée aux injonctions qui pèsent sur la voiture particulière. Le caractère bon marché du transport public gagne quatre places, en deuxième position, mais il est impossible de savoir si ce jugement est relatif au renchérissement du coût d’usage de la voiture particulière. Du point de vue environnemental, l’association du transport public à un mode écologique passe de la sixième à la cinquième place, ce qui n’est que peu significatif.

Au final, la perception de la voiture particulière par la population interrogée semble aller dans le sens d’une prise en compte des injonctions économiques et environnementales. Alors qu’elle est encore vue au milieu des années 1990 comme un mode présentant principalement des avantages, la rupture est forte avec les années 2000. Les pollutions liées à ce mode et sa cherté sont désormais deux des trois termes qui caractérisent le plus souvent ce mode de transport. Cette évolution d’image ne s’est pas traduite par un attrait renouvelé pour les transports collectifs. Si leur image globale s’améliore, ce n’est pas en raison d’enjeux énergétiques ou environnementaux. La perception des modes ne détermine cependant pas la réalité du choix modal. Si les nuisances de la voiture particulière sont reconnues, elles n’impliquent pas mécaniquement un processus de transfert vers des modes alternatifs. Il est donc nécessaire de compléter l’analyse par l’étude des impacts de ces injonctions sur les choix modaux des individus.

168

4.3.2. Impact des injonctions économiques et environnementales sur les choix

Outline

Documents relatifs