• Aucun résultat trouvé

Conclusion du Chapitre

CHAPITRE 4 COMBINAISON PROSPECTIVE DES DETERMINANTS : LA

4.1. Combiner les tensions prospectives sur la mobilité quotidienne

4.1.1. Des tensions emboîtées à différents niveau

Dans le premier chapitre, la prospective d’usage de la voiture particulière avait conduit à déterminer des tensions qui sont rappelées ici. Le choix modal de la voiture particulière étant dépendant de déterminants, territoriaux et sociétaux, leur analyse vient complexifier la structuration de ces tensions prospectives.

Au niveau de la voiture particulière, des tensions issues de la prospective d’usage L’analyse de la situation actuelle a fait le point sur les raisons du succès d’usage de la voiture particulière, relevant de logiques tant économiques qu’axiologiques, à l’échelle des individus comme des territoires, le poids des habitudes ancrant ce choix modal dans les pratiques des individus. La prospective d’usage de la voiture particulière est venue renforcer cet ancrage puisque les travaux construits à partir de la projection de tendances actuelles, principalement démographiques, économiques ou territoriales, renforcent l’usage de ce mode de transport. Et même si les conditions d’un développement radical des transports collectifs étaient réunies, la voiture particulière resterait le mode de transport principal. Ces tendances simplement projetées doivent néanmoins s’analyser au regard des injonctions énergétiques et environnementales qui remettent en question l’usage actuel de la voiture particulière : la raréfaction des ressources pétrolières et la nécessité de limiter les émissions de GES remettent en question, à long terme, l’usage de ce mode de transport tel qu’il est pratiqué actuellement. Ici réside le premier niveau de tension, entre le renforcement de la voiture particulière dans la vie quotidienne des individus, consécutif à des tendances au fil de l’eau, et les objectifs de réduction de l’utilisation du pétrole et des émissions de GES, appelant des tendances en rupture.

Un type de solution apparaît comme le plus à même de concilier ces deux tendances contradictoires en l’état actuel des choses : le déploiement à grande échelle des alternatives technologiques. Voiture électrique, biocarburants ou pile à combustible apparaissent comme des

147

technologies de substitution qui, théoriquement, permettent de concilier indépendance de la voiture particulière vis-à-vis du pétrole, réduction des émissions de gaz à effet de serre, et poursuite du succès d’usage de ce mode de transport. Néanmoins, l’analyse de leurs conditions de déploiement a mis à jour une seconde tension. En l’état actuel des choses, ces alternatives technologiques apparaissent imparfaites, pour plusieurs raisons. Leur substituabilité est limitée, aucune technologie ne permettant de couvrir l’ensemble des usages actuels de la voiture particulière. D’un point de vue temporel, elles sont loin de pouvoir remplacer nos automobiles, certaines alternatives n’étant qu’en cours de recherche et développement, et toutes nécessitant un temps de pénétration dans le parc qui se mesure en décennies. Enfin, en lien avec cette limite temporelle, il existe également une limite économique, le coût d’achat et d’usage de ces véhicules étant pour l’instant supérieur à celui des voitures particulières actuelles. À la tension prospective sur l’usage de la voiture particulière, entre poursuite de tendances favorables et injonctions à la modération, vient donc se greffer une tension liée à la seule solution qui aurait permis de concilier les deux tendances prospectives. L’élargissement de la réflexion à la mobilité quotidienne et à ses déterminants, qui influencent le choix et l’usage d’un mode de transport, vient complexifier l’analyse.

Au niveau territorial, des tendances franciliennes en partie favorables à la voiture particulière

Les configurations territoriales ont une influence sur l’usage des différents modes de transport. En Île-de-France, la puissance de la centralité parisienne s’est accompagnée d’un réseau principalement radial et d’une densité du centre favorables aux transports collectifs. La voiture particulière reste cependant, à l’échelle de la région, le mode de transport principal, et ce d’autant plus que l’on s’éloigne du centre, et que les déplacements ne sont pas en lien avec Paris.

Les tendances prospectives, quels que soient les territoires analysés, s’avèrent favorables à l’usage de la voiture particulière71. Pour le centre de l’agglomération, l’évolution à venir de

l’habitat comme de l’emploi consacre le recentrement de la croissance en petite couronne, notamment dans les communes limitrophes de Paris. Si cette tendance semble favorable aux transports collectifs, elle l’est également pour la voiture particulière. En effet, la petite couronne est moins bien desservie que Paris en transports collectifs ; si desserte il y a, il est probable que ce soit par des modes moins performants que le métro (RER moins fréquent et moins bien maillé,

71 Ce qui ne signifie pas qu’elles ne puissent pas favoriser, en même temps, d’autres modes de transport. C’est notamment le cas des tendances territoriales, tandis que l’analyse du vieillissement de la population a révélé que les transports collectifs étaient un impensé prospectif de ce point de vue.

148

tramway moins capacitaire). L’évolution des localisations résidentielles ou d’activités vers des territoires moins bien maillés par les transports en commun ou moins bien desservis peut conduire à un processus de report modal en direction de la voiture particulière. En outre, les constructions nouvelles sont le plus souvent accompagnées de la création de places de stationnement, ce qui est un facteur puissant de choix d’usage de la voiture particulière (de Palma et Fontan, 2001). Enfin, ces localisations péricentrales contribuent au développement d’une mobilité « archipélagique », à la fois difficile à massifier et plus facilement captable par la voiture particulière. Si le recentrement de la croissance n’est pas antinomique avec l’usage de la voiture particulière, il pose néanmoins la question de la congestion des axes de transport, notamment aux heures de pointes, avec une évolution péricentrale de la saturation (Lesteven, 2012). À ce titre, ces dynamiques territoriales engendrent un troisième type de tension prospective au regard de la saturation des réseaux, d’autant que les évolutions technologiques, notamment en direction d’un petit véhicule urbain, peuvent être une solution pour désaturer les routes à court terme, mais n’apparaissent pas comme des solutions viables à long terme (Bertholon, 1995).

Les tendances sont plus difficiles à déterminer en grande couronne concernant l’habitat et la polarisation ou au contraire l’éparpillement des activités industrielles et tertiaires. Ainsi, les données et les travaux analysés pour le logement favorisent tant un regain du collectif qu’une poursuite de la diffusion de la maison individuelle. Certains secteurs d’activités font clairement le choix de l’éparpillement et de la proximité aux nœuds (auto)routiers : zones d’activités, logistique, centres commerciaux. La voiture particulière reste nécessaire pour desservir des secteurs peu denses et proches des infrastructures routières. Les tensions prospectives se trouvent renforcées par les dynamiques territoriales, l’usage de la voiture n’étant pas prêt de ralentir en grande couronne, d’autant plus que la dépendance automobile y est particulièrement forte (Motte, 2006).

Au niveau sociétal, le vieillissement de la population renforce les tensions prospectives

Le choix avait été fait de se concentrer sur le vieillissement de la population. Les conclusions sont univoques : effets démographiques, effets de génération et effets d'âge s'accordent en faveur de la voiture particulière. Le passage du seuil des 60 ans par les générations du baby-boom prolonge certains effets d’âge favorables à la mobilité individuelle, comme l’augmentation de l’espérance de vie sans incapacité. Il est accompagné d’effets de génération favorables à la voiture particulière : progression des taux de possession du permis de conduire, de motorisation et de féminisation de la conduite. De surcroît, une rupture géographique également favorable à la voiture particulière a lieu. Les générations du baby-boom sont celles qui ont connu l’étalement urbain, et donc la pratique automobile intensive qui y est associée, d’autant que la majorité des

149

individus aspirent à vieillir là où ils ont passé leur vie. Les mobilités résidentielles franciliennes liées à l’âge de la retraite sont en train de se résorber. Le retour à la région d’origine ou la migration de confort diminuent à mesure que baisse le taux des Franciliens originaires d’une autre région, et qu’augmentent le nombre de personnes seules et le taux de birésidentialité. En conséquence, ces tendances favorables à l’usage de la voiture particulière confirment les tensions prospectives d’usage en les déplaçant sur le champ sociétal, et en faisant ressortir deux spécificités de cette population : la question de leur adaptabilité à de nouvelles technologies ou à de nouveaux usages de la voiture particulière, ainsi que leur capacité financière à accueillir ces alternatives.

Au final, les tensions propres à la voiture particulière se trouvent tant confirmées que redoublées par l’analyse des déterminants de la mobilité quotidienne. La variable territoriale a un effet différent selon le territoire concerné : en grande couronne, les tensions sont accentuées du fait d’une plus grande dépendance automobile, tandis qu’en proche couronne elles sont présentes sous un jour nouveau, avec la problématique spécifique de la saturation des réseaux. Quant au vieillissement de la population, il met à jour la question de la possibilité pour les personnes âgées de s’adapter à des évolutions technologiques ou d’usage, et de leur capacité à supporter une augmentation possible des coûts d’usage de l’automobile alors que leur revenu diminue avec le passage à la retraite.

Outline

Documents relatifs