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Tendance idéologique orientée sur la classe

valeur d’échange

CHAPITRE 3 – INTRODUCTION AUX ORGANISATIONS SYNDICALESORGANISATIONS SYNDICALES

3.1. ORIGINE ET DÉFINITION DU SYNDICALISME

3.2.1. Tendance idéologique orientée sur la classe

Ce sont les premiers syndicats qui sont apparus. Ils naissent du conflit d’intérêt radical entre la classe des travailleurs et la classe qui détient les moyens de production13. Cette tendance met l’accent sur l’appartenance des affiliés à la classe des travailleurs. Le plus souvent, ils ont une forte tradition et pratique militante et prennent position sur les aspects socio-économiques qui dépassent le cadre de l’entreprise. L’État est considéré comme étant aux mains de la classe dominante, raison pour laquelle il faut un changement radical de modèle de société. Cette tendance est dominante dans certains syndicaux français, italiens et espagnols, dont l’histoire témoigne d’un État fort et d’une industrialisation lente14.

Parmi cette tendance, il faut distinguer les communistes des anarcho-syndicalistes.

Les communistes pratiquent un syndicalisme de combat, qui cherche à limiter au sein du

système capitaliste l’exploitation des travailleurs par les patrons. Ils savent cependant

13 Hyman, R., op.cit., 1975, p.34

14 Bergounioux, A., art.cit., 1983 ; Launay, M., Le syndicalisme en Europe, Paris: Imprimerie Nationale Editions, 1990, pp.7-37

que la lutte syndicale ne peut, à elle seule, renverser la classe bourgeoise. C’est la raison pour laquelle cette tendance cherchera des alliances avec les partis révolutionnaires. De son côté, le parti révolutionnaire, généralement d’inspiration léniniste, cherche à influencer les actions du syndicat qui constitue une partie de sa base sociale. La tendance communiste dans les syndicats et le parti révolutionnaire sont des courroies de transmission mutuelles. On retrouvait cette tendance particulièrement dans les pays de l’Union Soviétique mais aussi en France, notamment à la CGT et au Portugal, à la CGTP-IN.

Les anarcho-syndicalistes partagent la combativité des communistes mais s’en

distinguent par le refus, par principe, de toute alliance avec les partis politiques. De ce fait, ils laissent le champ et l’initiative politique aux partis politiques qu’ils considèrent comme bourgeois. Leur côté apartisan a souvent tendance à limiter les revendications des syndicats à des revendications économistes.15 Partisans de l’autogestion, ils pensent que la force syndicale seule suffit à changer la société - notamment par la grève générale. Au final, ils veulent eux-mêmes, en tant que syndicats, faire de la politique.16

3.2.2. Tendance idéologique réformiste orientée sur la société

La tendance réformiste est née d’une opposition à deux courants: d’une part le socialisme qui propageait une vision de classe et préconisait un changement révolutionnaire; et d’autre part le libéralisme politique de la fin du 19ème siècle qui prônait l’augmentation des libertés individuelles avec un État qui n’aurait pour rôle que d’en être le garant. À la fin du 19ème siècle, le libéralisme est en crise. Il ne permettait plus de résoudre les contradictions “entre les principes de l’individualisme et le mode de vie des masses urbaines, entre la traditionnelle conception des droits naturels et les nouvelles lois de l’existence que la génération de 1890 découvre dans le darwinisme social”.17 Cette crise du libéralisme politique conduira à un rejet des valeurs de la bourgeoisie, ce que peuvent partager les marxistes, mais n’aboutira pas à un rejet de la bourgeoisie en tant que classe sociale.

15 Dangeville, R., « Introduction » in Marx, K., Engels, F., Le syndicalisme. Tome I. Théorie, organisation et

activité, Paris: François Maspero, Petite collection Maspero, 1972, p.12-13

16 Bergounioux, A., art.cit., 1983

17 Sternhell, Z., Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris: Éditions Complexe, 1987, pp.71-72

Les syndicalistes de tendance réformistes préconisent des réformes dans le cadre des institutions parlementaires (bourgeoises) existantes. Dans ce sens, ils font alliance avec des partis présents aux parlements18 bien qu’ils se déclarent “politiquement neutres” (ce qui signifie qu’il n’y a pas d’obligation, en tant qu’affilié au syndicat, de prendre de carte au parti-frère).19

Pour les réformistes, la grève ne peut être utilisée à des fins d’intervention politique, cette dernière étant le rôle des partis-frères. La grève peut être un recours, mais elle ne doit viser qu’à mieux partager le gâteau.20 L’accent est davantage mis sur la dialogue: avec le parti-frère, avec les patrons, avec l’État. Ce dialogue est rendu effectif en raison du fait que les réformistes considèrent que personne n’exploite personne. Il y a différents rôles dans la société où chacun contribue du mieux qu’il peut.

L’État, garant de l’équité et de la justice sociale, est perçu comme devant concilier les intérêts des différents corps de la société. Idéalement, il doit transformer en loi les accords trouvés par les communautés sur base d’un dialogue d’égal à égal.

Cette tendance syndicale se considère porteuse de l’intérêt général d’une communauté. “L’unité nationale des ouvriers et des patrons”21 permet “la réconciliation des classes sur un programme de justice sociale”,22 notamment sur l’accession à la propriété pour les ouvriers ainsi que leur participation aux bénéfices.23

On retrouve la dominance de cette tendance dans les syndicats allemands, belges, néerlandais, danois, autrichiens et scandinaves.24

Au sein de la tendance réformiste se trouvent les sociaux-démocrates et les sociaux-chrétiens. Ces derniers sont historiquement construits sur une base anti-socialiste (et

donc contre la vision de classe). Le syndicalisme chrétien avait pour idéal historique des communautés mixtes interclassistes (patrons et travailleurs ensemble) notamment réunis au sein de syndicats mixtes corporatistes.

18 Hyman, R., Gumbrell-McCormick, R., “Syndicats, politique et partis : une nouvelle configuration est-elle possible ?”, La Revue de l’IRES, vol.65, No.2, 2010

19 Bergounioux, A., art.cit., 1983

20 Piotte, J.-M., op.cit., 1977, pp.27-28

21 Biétry, p. “Les propos du Jaune”, Le Jaune, 5 mars 1904, cité par Sternhell, Z., op.cit., p.84

22 P. Biétry, Le Socialisme et les Jaunes, Paris, Plon, 1906, p.320 cité par Sternhell, Z., op.cit., p.84

23 Sternhell, Z., op.cit., p.84