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Structure de l ’organisation et systèmes d’influence

valeur d’échange

CHAPITRE 3 – INTRODUCTION AUX ORGANISATIONS SYNDICALESORGANISATIONS SYNDICALES

D) Structure de l ’organisation et systèmes d’influence

L’origine bottom-up de l’organisation socialiste se manifeste tôt par

départementalisation par output, caractérisée par la constitution de puissantes centrales professionnelles. Structurellement, les dirigeants de centrale sont divisés par un esprit de clocher, chacun voulant être maître chez soi. Toutefois, en tant que groupe, ils constituent la coalition dominante. Ce qui aurait pu être un système de contrôle idéologique

se heurte à la multiplicité des tendances idéologiques en présence dans les différentes composantes de l’organisation.

Les dirigeants nationaux de la Commission essaient néanmoins de gagner de l’autorité: la Commission Syndicale doit ainsi servir d’organe de documentation pour les

syndicats à tendance socialiste, indiquant une tentative de mobilisation idéologique. Par deux fois, ils tenteront d’assurer une certaine autorité sur les centrales en les intégrant via une centralisation financière au niveau fédéral. Les deux tentatives furent des échecs dont le résultat fut premièrement le maintien sous perfusion financière de la Commission Syndicale par le POB - confortant la tendance idéologique social-démocrate - et deuxièmement, la centralisation du pouvoir financier au niveau des centrales professionnelles dont la taille, le poids de décision et la force de frappe augmentent en raison des fusions. Ces fusions ont également pour conséquence de dissoudre un certain corporatisme de métier.

Ce n’est qu’en 1937, avec son affranchissement du POB que la Confédération Générale du Travail de Belgique aura officiellement le pouvoir de déclencher ou d’arrêter des mouvements interprofessionnels…en dépendant toutefois des ressources financières des centrales professionnelles.

Le choix du terme confédération est déjà en soi un indicateur quant aux rapports de

forces internes à l’organisation. Les dirigeants nationaux n’ont pas beaucoup de leviers de pouvoir sur les centrales professionnelles, comme l’indiquent les adhésions disparates à l’UTMI en 1940.

Les échecs du sommet stratégique à imposer un mécanisme de coordination et la présence d’une coalition dominante formée de chefs de centrales professionnelles idéologiquement divisés et ne manifestant pas de coopération particulière conclut, pour ces années, à la présence d’un système d’influence politique.

5.4.3. L ’organisation du syndicat chrétien

A) Facteurs de contingence propres à l’organisation

Le syndicat chrétien a été construit de façon top down. Ceci s’explique par sa localisation flamande initiale, caractérisée par une faible industrialisation et donc une dispersion des travailleurs sur le territoire. Malgré un terrain d’action potentiellement plus grand, la CSC restera inférieure en taille au syndicat socialiste, qui bénéficie de la concentration de main d’œuvre des bassins industriels wallons.

Ce type de construction top down donne un avantage structurel initial à la coupole nationale.

B) Tendances id éologiques au sein de l’organisation

Le monde catholique est divisé sur la façon d’enrayer le socialisme qui gagne les masses ouvrières. L’aile conservatrice propose de renforcer les organisations catholiques existantes. L’aile plus progressiste entreprend de monter un syndicat chrétien avec comme

fondement l’encyclique papale Rerum Novarum qui pose les bases corporatistes d’une société qui tend vers la collaboration de classe. Initialement, la CSC avait vocation à

rassembler patrons et ouvriers dans la même organisation. Cette idéologie corporatiste - qui rassemble toutes les composantes de la société - se manifeste également dans le souci de la CSC de prendre en compte les plus faibles, même lorsqu’ils ne font pas (encore) partie de l’organisation.

Cette idéologie qui prône la collaboration de classe, enracinée dans la doctrine chrétienne, est d’ailleurs la raison pour laquelle le projet de société du socialiste De Man est salué. Cet appel à l’instauration d’un régime corporatiste témoigne d’une autre caractéristique de la CSC: une certaine volonté de participer au pouvoir. Celle-ci s’est également manifestée lorsque furent établies les commissions paritaires. La CSC, qui n’était en taille pas encore l’ombre du syndicat socialiste, demandait déjà à l’époque que les commissions soient dotées d’un pouvoir législatif.

Idéologiquement, la CSC est donc marquée par deux éléments: une profonde idéologie corporatiste doublée d’une volonté de participer au pouvoir, deux éléments compatibles dans un régime néo-corporatiste, mais contradictoires dans un régime corporatiste. C’est cette contradiction qui s’est exprimée au début des années 40 et qui a fait

se retirer la CSC de l’UTMI en 1941.

C) Buts

En réalité, les buts de missions sont multiples à la CSC, sans qu’ils ne soient contradictoires. L’avènement du corporatisme, la volonté de participer au pouvoir et celle de contrer les tendances socialistes au sein du milieu du travail sont tout à fait compatibles. Ces buts de mission sont en réalité ceux de ses bailleurs de fonds initiaux.

Toutefois, une ligne de fracture se dessine entre ceux qui attachent davantage

d’importance au projet politique (le corporatisme) et ceux qui attachent de l’importance au rôle de l’organisation syndicale chrétienne dans le projet politique - marquant un attachement à la survie de la CSC. C’est d’ailleurs parce qu’il savait que la survie de

l’organisation était mise en péril dans un État fasciste que le président Pauwels s’opposait en 1940 au manifeste soutenu par le secrétaire général de la CSC qui réclamait l’instauration d’un régime corporatiste, espérant damer le pion à l’Arbeitsorde.

Ce conflit épouse, dans une certaine mesure, les frontières linguistiques. Cet aspect

linguistique reste toutefois secondaire par rapport à l’aspect idéologique.

Le but opérant d’amélioration des conditions de travail et de salaires pour les travailleurs est réalisable, en ce temps, par une collaboration de classe.

Au niveau des buts de système, le contrôle de l’environnement est dominant en raison

de sa présence dans le but de mission. Il est dès lors déjà possible de conclure à un système

de but intégré dans un cadre néo-corporatiste. La définition de l’environnement - hostile

en raison des socialistes - sera déterminante dans la centralisation initiale de l’organisation. Le syndicat chrétien poursuit un objectif de croissance - nécessaire pour sa reconnaissance - mais témoigne également d’un souci d’efficience qui se manifeste très tôt par la centralisation financière. Ce souci d’efficience était principalement celui du sommet stratégique de l’organisation qui cherchait à asseoir sa domination le plus rapidement possible.

D) Structure de l ’organisation et systèmes d’influence

A l’origine, le Secrétariat Général, ancêtre de la confédération, est très clairement

dominant. Non seulement il s’appuie sur une doctrine idéologique charpentée, mais il

bénéficie de la dispersion des petites organisations syndicales chrétiennes qu’il fédère sur base de l’hostilité des socialistes à leur encontre.

Fondé avec l’aide financière d’une partie de l’Église dont il partage la doctrine et de la bourgeoisie dont il partage l’anti-socialisme, le Secrétariat Général se dote de propagandistes nationaux et régionaux, structure professionnelle que seule la fédération des syndicats du textile - secteur industriel largement dominant en Flandre - pouvait se permettre. Cette structure professionnelle idéologiquement armée contribuera à faire basculer de l’anti-socialisme à la doctrine chrétienne les petits syndicats existants et à fonder des syndicats chrétiens.

En français, la terminologie de « confédération » est trompeuse puisque l'histoire montre que « la confédération » - le sommet syndical - agit davantage comme une fédération dont le fort pouvoir d'impulsion se transmet aux étages inférieurs de l'organisation.

En néerlandais par contre, le nom ACV (Algemeen Christelijk Vakverbond) n'évoque pas cette distinction entre fédération et confédération : « verbond » fait davantage référence à une alliance ou une union, sans distinction de fédération ou de confédération. Il est donc possible que l'appellation française de confédération ait été choisie, à l'instar de la CGTB, pour faciliter le regroupement de syndicats qui souhaitaient garder une certaine autonomie.

Mais très tôt, le père Rutten entame la centralisation financière de l’organisation qui contribue à concentrer l’influence au niveau de la confédération, sommet stratégique de l’organisation. Elle renforcera ses services de presse, d’étude et de documentation - qui

assurent la mobilisation et l’unification idéologique - mais également ses services aux membres avec les services juridiques et de chômage. Néanmoins, comme les cotisations sont perçues par les structures professionnelles et que ces dernières fusionnent pour devenir des centrales nationales, celles-ci développent un pouvoir croissant qui conduit à la fin du Secrétariat Général du Père Rutten en 1919.

Alors qu’elles sont idéologiquement de même tendance, deux parties de

l’organisation se disputent la domination structurelle : la confédération et le sommet stratégique des centrales professionnelles. Toutefois, contrairement à la situation dans le

syndicat socialiste, les conditions initiales de développement ont équilibré le conflit entre ces acteurs. Plusieurs facteurs indiquent que les centrales professionnelles disposent d’une

sorte de “rente de situation”, tandis que la confédération doit développer des stratégies pour maintenir son influence. Trois éléments contribuent à mettre cela en lumière.

Premièrement: la centralisation financière au sommet de l’organisation interprofessionnelle, mais alimentée par les centrales. Deuxièmement: l’extension de l’arsenal idéologique et de services de la confédération. Troisièmement: le jeu d’alliance entre la confédération et les fédérations qui - malgré leurs propres divisions sur base du clivage idéologique - obtiendront le droit de vote au comité et affaiblissent la position des centrales.

Au fur et à mesure du temps, la CSC développera une double départementalisation

par output. La première se fait en fonction du secteur d’activité - les centrales

professionnelles - et la seconde en fonction du lieu d’habitation - les fédérations. Cette deuxième départementalisation est due principalement au fait que le syndicat chrétien s’est construit sur base d’une doctrine idéologique qui vivait chez les gens, et non uniquement sur base du milieu de travail.

L’unité idéologique entre la confédération et le sommet stratégique des centrales se

manifeste dans l’unité du système de contrôle idéologique qui permet d’assurer un contrôle sur les travailleurs. Celui-ci qui se manifeste notamment par la publication du Catéchisme

syndical, mais également dans un comportement de type fédéraliste qui s’observe dans le

ralliement en un seul bloc de toutes les centrales à l’UTMI, ainsi que leur départ - toujours en un bloc - en 1941.

La forte et rapide structuration met également en place les germes d’un système de

contrôle bureaucratique qui, s’il ne se manifeste toutefois pas encore, est latent dans la

volonté d’efficience exprimée très tôt par le Père Rutten.

5.5. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL (1)

L’analyse de la période de 1870 à 1945 fait émerger plusieurs hypothèses de travail qui peuvent fournir la base de travaux ultérieurs.

Hypothèse 1: la tendance idéologique majoritaire des organisations est celle de ses