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APPROCHE MARXISTE DES TRAJECTOIRES DES ORGANISATIONS SYNDICALES

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APPROCHE MARXISTE DES TRAJECTOIRES

DES ORGANISATIONS SYNDICALES

Étude de cas de la CSC et de la FGTB

Thèse de doctorat en sciences de gestion

Nic Görtz

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REMERCIEMENTS

Au départ, cette thèse devait traiter de l'engagement dans les organisations militantes. Au final, elle traite de l'apport d'une approche marxiste des trajectoires des organisations en prenant appui sur l'étude de cas des deux principaux syndicats belges.

La thèse marque ainsi également l'évolution et la spécification des centres d'intérêts au cours de ces 8 années qui se sont écoulées depuis la sortie des études universitaires et au cours desquelles j'ai entamé une thèse de doctorat, approfondi le syndicalisme étudiant, développé la communication au sein d'un syndicat, donné des formations et, aujourd'hui, commencé à organiser les travailleurs, principalement dans le secteur du gardiennage privé. La thèse est également le reflet des questions et réflexions changeantes autour d'un point fixe - la capacité à changer la société.

Cette période a été traversée de nombreuses relations et rencontres, certaines éphémères, d'autres moins. Certaines sont nées sous une forme et se sont prolongées autrement. Mais toutes ci-dessous ont contribué à ce que je puisse achever cette thèse, au sens propre et figuré.

Les premiers remerciements vont aux travailleurs engagés qui offrent, par les organisations qu'ils ont construites, un sujet d'étude fascinant. Prenant racine dans les intérêts personnels immédiats - se défendre vis-à-vis du patron mais aussi vis-à-vis d'autres travailleurs moins qualifiés, leur évolution en Belgique témoigne de la possibilité de construire une organisation capable de solidarité interprofessionnelle, capable de lier les travailleurs sur base d'une appartenance de classe. C'est une construction lente, où de nombreuses personnes se sont investies sans compter mais aussi sans savoir si cela porterait ses fruits. Ce sont ces oiseaux de passage, décrits par Jean Richepin comme "des fils de la chimère, des assoiffés d'azur, des poètes, des fous". Peu de travailleurs en Europe - et peut-être dans le monde - peuvent se targuer d'avoir construit de telles organisations.

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que ce fut toujours agréable. Mais je mentirais aussi en disant que ce n'était pas nécessaire. Rétrospectivement, ils avaient raison. Et j'espère avoir eu raison de ne pas lâcher en cours de route.

J'ai eu une chance exceptionnelle dans la composition de mon jury. Après une présentation d'une version très préliminaire et extrêmement partielle d'une partie de chapitre de la thèse, Jean Vandewattyne est venu me trouver en me disant: "ce que tu as présenté là, ça m'intéresse". Plus tard, suite à un échange de mail sommaire, je pose la question à Richard Hyman s'il accepterait - éventuellement peut-être - de faire partie de mon jury. Réponse courte. "Yes". Après un entretien suite à un premier texte que je lui avais envoyé (dont je pense qu'il ne reste plus grand chose dans l'actuelle thèse pour des raisons évidentes), je demande à Jean Faniel s'il accepterait d'intégrer le jury. Plein de modestie, il me répond qu'il ne sait s'il peut le faire parce qu'il n'est pas prof à l'unif - il est maintenant directeur du CRISP et l'un des meilleurs connaisseurs des syndicats en Belgique - qu'il n'a jamais fait cela mais qu'il est d'accord sur le principe, pour autant que je le lui envoie suffisamment à l'avance car "j'ai un peu de lecture". Je les remercie tous les trois infiniment d'avoir marqué leur intérêt à une époque où il fallait beaucoup de talent pour imaginer la statuette de bois dans le gros tronc que je leur présentais.

Il est évident que cette thèse n'aurait pas pris cette forme sans les personnes que j'ai eu l'occasion d'interviewer. Ce sont eux qui, parfois avec méfiance, parfois avec bienveillance, ont accepté de me parler de leur travail, de leur organisation, de leur investissement militant au sein d'organisations qui sont actuellement brocardées. Si certains m'ont confié un discours institutionnel rôdé, d'autres m'ont confié leurs doutes, parfois leurs colères. Que tous trouvent dans ce travail et les critiques qui peuvent y être formulées, le souci de maintenir et de construire plus grandes encore des organisations au service des travailleurs.

Deux personnes ont joué des rôles très différents mais complémentaires dans cette thèse : Aris et Dan. Le premier a dégagé à coups de pelle beaucoup d'idées, d'attitudes et d'arrogance que j'avais. S'il en subsiste quelque chose, c'est uniquement pour ne pas lui donner raison. Le second m'a offert les premiers articles co-écrits, a largement contribué à dévêtir Alinsky de ses oripeaux de travailleur social, m'a initié à des conférences où nous sommes parfois passés pour des cinglés, souvent pour des excentriques, mais toujours pour des chercheurs rigoureux et clairs dans les thèses que nous défendions.

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militantisme. Parmi ces compagnons, il y a une place particulière pour les incroyables équipes de la FEF - des bulldozers - dont j'ai pu faire partie. Par leur travail, elles ont permis politiquement de réintroduire le débat sur le coût des études avec une acceptation large de ce coût et organisationnellement de démontrer que les idées ont besoin d'une organisation rigoureuse et de la mobilisation pour aboutir à des victoires. Le chemin est sans doute encore long pour un enseignement public, de qualité et gratuit pour tous, mais nous sommes plus nombreux et plus organisés qu'avant.

Enfin, j'ai pu compter sur plusieurs soutiens inconditionnels, aussi absolument partiaux qu'absolument nécessaires.

Mes parents et mon frangin ont suivi mes choix - tant scientifiques que militants - en balayant parfois de leurs questions les certitudes que je voulais rassurantes. Malgré leurs doutes - et les miens - ils n'ont jamais tenté de me détourner de ce que j'avais choisi malgré que cette voie leur soit tout à fait inconnue. Qu'ils voient dans ces choix la prolongation de l'éducation que j'ai reçue et mon assurance dans leur soutien inconditionnel.

Françoise, Pascale et Georges ont endossé le rôle de beaux-parents très soutenants, alors que rien ne les y obligeait.

Les soutiens les plus inconditionnels de tous - volontairement ou involontairement - ont sans doute été Vanessa et Marie. A des périodes différentes, elles m'ont supporté et su porter cette thèse, son lot de doutes, d'enfermement, d'indisponibilité, d’irascibilité et de mutisme. Vanessa a dû voir une dizaine de "plans définitifs" et schémas et su s'enthousiasmer pour chacun d'eux. Marie a vu une autre dizaine de "plans définitifs" et a su s'enthousiasmer avec moi au jour le jour sur une phrase, un paragraphe ou la formulation temporairement définitive d'un concept. Toutes deux savaient que le lendemain, les plans, les phrases, les concepts changeraient, ne seraient "pas tout à fait ça". Elles ont eu l'immense délicatesse de me laisser croire à leur caractère définitif jusqu'au lendemain. Et c'est tout ce dont j'avais besoin.

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REMERCIEMENTS...3

INTRODUCTION...15

CHAPITRE 1 – L'ANALYSE DES ORGANISATIONS SELON MINTZBERG...29

1.1. POURQUOI MINTZBERG...30

1.2. LES BUTS...31

1.2.1. Buts de l’organisation ou buts de la coalition dominante ?...31

1.2.2. Types de buts...32

A) Buts officiels et buts opérants...32

B) Buts de mission et buts de système...33

1.2.3. Les systèmes de buts...37

1.2.4. Les glissements des systèmes de buts...38

A) Les glissements...38

B) Les causes des glissements des systèmes de buts...39

1.3. LA STRUCTURE DES ORGANISATIONS...43

1.3.1. Éléments de structure des organisations...44

A) Les paramètres de conception...44

B) Les parties de l’organisation...44

C) Les mécanismes de coordination relatifs au travail des opérateurs...46

D) La départementalisation de l’organisation et ses caractéristiques...47

E) Les mécanismes de coordination relatifs aux départements...49

1.3.2. La dialectique des systèmes d’influence...50

A) L’institué...50

B) L’instituant...52

C) L’institutionnalisation...52

1.4. LES FACTEURS DE CONTINGENCE DE MINTZBERG...54

1.5. MANQUEMENTS A LA GRILLE D'ANALYSE DE MINTZBERG...58

1.5.1. L'histoire de l'organisation : l''approche sédimentée de la structure des organisations de Braudel et Offe...58

1.5.2.L'étude dynamique des trajectoires de l’institutionnalisme historique...61

A) La path dependency...62

B) La sédimentation institutionnelle...66

C) La conversion institutionnelle...66

1.5.3. L'idéologie et l'analyse de classe...68

CHAPITRE 2 - APPROCHE MARXISTE...69

2.1. LE MATÉRIALISME DIALECTIQUE...69

2.1.1. Une méthode holiste...70

2.1.2. Les principales interactions...71

2.2. LE MATÉRIALISME HISTORIQUE...73

2.2.1. Les classes sociales...74

A) La dimension économique...74

B) La dimension culturelle...77

2.2.2. Le fétichisme de la marchandise: valeur d’usage et valeur d’échange...78

2.2.3. La dualité du travail et son organisation : l’origine du profit...79

2.2.4. L’infrastructure...81

2.2.5. Le rôle de l'idéologie...82

A) La structure idéologique...82

B) L'idéologie dans les organisations...85

2.2.6. La superstructure : le niveau juridico-politique...86

A) L’État...86

(8)

2.2.7. Le mode de production comme facteur de contingence...89

CHAPITRE 3 – INTRODUCTION AUX ORGANISATIONS SYNDICALES...91

3.1. ORIGINE ET DÉFINITION DU SYNDICALISME...92

3.2. TENDANCES IDÉOLOGIQUES DANS LES SYNDICATS...94

3.2.1. Tendance idéologique orientée sur la classe...95

3.2.2. Tendance idéologique réformiste orientée sur la société...96

3.2.3. Tendance idéologique orientée “marché”...98

3.2.4. La désorientation idéologique générale...98

3.3. LA SOURCE DE LÉGITIMITÉ DES SYNDICATS...99

3.4. AMBIVALENCE DES RELATIONS AVEC LES TRAVAILLEURS...101

3.4.1. L’ambivalence du contrôle des syndicats sur les travailleurs...101

3.4.2. La dialectique des conquêtes partielles...102

3.5. AMBIVALENCE DES RELATIONS AVEC L’ÉTAT: LE CAS BELGE...103

3.5.1. Le consociativisme...104

3.5.2. Le néocorporatisme...105

3.6. LE FÉTICHISME DE LA CONCERTATION SOCIALE...107

3.7. LES TENSIONS ORGANISATIONNELLES...109

3.7.1. La représentativité des différents publics...109

3.7.2. La professionnalisation du travail syndical...111

3.7.3. L’inversion de la démocratie...113

3.7.4. Les fusions de départements...114

3.7.5. Ouvriers et employés: même combat?...115

3.7.6. Le développement des services et le glissement de but...116

CHAPITRE 4 - MÉTHODOLOGIE...119

4.1. LA MÉTHODE RÉGRESSIVE-PROGRESSIVE...119

4.2. DESIGN DE LA RECHERCHE...120

4.3. LES SOURCES...124

4.4. LES ÉCUEILS A ÉVITER...126

4.5. LES LIMITES...127

4.6. LA GRILLE D’ANALYSE...129

CHAPITRE 5 - AVANT 1945...133

5.1. LE CONTEXTE BELGE...134

5.1.1. Entre 1870 et 1914...135

A) Les secteurs économiques...135

B) Les relations sociales...136

5.1.2. L’entre deux guerres...137

A) L’économie11...137

B) Les relations sociales...138

5.1.3. La Belgique entre 1940 et 1945...143

5.2. LE SYNDICAT SOCIALISTE...146

5.2.1. Premières décennies du syndicat socialiste...146

5.2.2. Le syndicat socialiste entre 1940-1945...152

5.3. LE SYNDICAT CHRÉTIEN...154

5.3.1. Premières décennies du syndicalisme chrétien...155

5.3.2. Le syndicat chrétien entre 1940-1945...162

5.4. ANALYSE: ENTRE 1870 ET 1945...166

5.4.1. Facteurs de contingence externes...166

5.4.2. L’organisation du syndicat socialiste...168

A) Facteurs de contingence propres à l’organisation...168

B) Tendances idéologiques au sein de l’organisation...168

(9)

C) Buts...169

D) Structure de l’organisation et systèmes d’influence...170

5.4.3. L’organisation du syndicat chrétien...171

A) Facteurs de contingence propres à l’organisation...171

B) Tendances idéologiques au sein de l’organisation...171

C) Buts...172

D) Structure de l’organisation et systèmes d’influence...173

5.5. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL (1)...175

CHAPITRE 6 - ENTRE 1945 ET 1973...177

6.1. CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN...178

6.1.1. Le temps des colonies...178

6.1.2. États-Unis, Europe et plan Marshall...179

A) La base économique...179 B) La base idéologique...181 6.2. CONTEXTE BELGE...183 6.2.1. Économie et politique...184 A) La sortie de la guerre...184 B) Les années 50...186

C) Les années 60 et le début années 70...191

6.2.2. Les relations sociales...198

6.3. LE SYNDICAT SOCIALISTE...202

6.3.1. À la sortie de la guerre...203

6.3.2. Les années 50...206

6.3.3. Les années 60 et le début des années 70...209

6.4. LE SYNDICAT CHRÉTIEN...215

6.4.1. La sortie de guerre...216

6.4.2. Les années 50...220

6.4.3. Les années 60 et le début des années 70...226

6.5. REMARQUES SUR LA NOTION DE CONTRÔLE OUVRIER...230

6.6. ANALYSE : ENTRE 1945 ET 1973...233

6.6.1. Facteurs de contingence externes...233

6.6.2. L’organisation du syndicat socialiste...234

A) Facteurs de contingence interne...234

B) Tendances idéologiques...235

C) Buts...236

D) Structure de l’organisation et systèmes d'influence...237

6.6.3. L’organisation du syndicat chrétien...238

A) Facteur de contingence interne...238

B) Tendances idéologiques...239

C) Buts...240

D) Structure de l’organisation et systèmes d'influence...241

6.7. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL (2)...243

CHAPITRE 7 - ENTRE 1973 ET 2010...247

7.1. CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN...248

7.1.1. La crise de surproduction...250

7.1.2. La superstructure de la crise de surproduction...252

A) L’idéologie néolibérale...252

B) La chute de l’Union Soviétique...254

C) La montée des partis “anti-système”...254

7.1.3. L’infrastructure de la crise de surproduction...255

A) Dans les pays du tiers-monde...255

(10)

C) En Europe...260

7.2. CONTEXTE BELGE...266

7.2.1. Evolution économique...269

A) La chute du taux de profit...269

B) L’augmentation du chômage...270

C) Evolution de la structure de l’emploi...273

D) Le milieu des années 70: la politique économique keynésienne...276

E) Depuis les années 80: la politique économique néolibérale71...278

7.2.2. Evolution politique...281

A) La décentralisation régionale: de l’État unitaire à l’État fédéral...282

B) La centralisation européenne...284

C) Manifestations politiques “anti-système”...285

7.2.3. Evolution idéologique...288

A) La chute de l’Union Soviétique...288

B) La doctrine néolibérale...289

C) La diminution du nombre de jours de grève...292

D) L’individualisation...297

7.2.4. Evolution des relations collectives de travail...299

A) Entre 1976 et 2010...299

B) Réactions syndicales interprofessionnelles et visage coercitif de l’État...304

7.3. LE SYNDICAT SOCIALISTE...309

7.3.1. Evolution idéologique...310

A) La posture du “non, mais…”...310

B) Les raisons du “non…mais”...314

7.3.2. Evolution de la structure syndicale socialiste...319

A) Au niveau interrégional...319

B) Au niveau des centrales professionnelles...326

C) Les régionales...338

D) Au niveau de l’Interprofessionnelle...344

7.3.3. Synthèse des observations structurelles...354

7.4. LE SYNDICAT CHRÉTIEN...356

7.4.1. Evolution idéologique...356

A) La posture idéologique du “oui…mais” des années 70 et 80...357

B) Le recadrage idéologique du personnalisme des années 90...360

C) Conséquences pratiques du recadrage idéologique...368

7.4.2. Evolution des structures...372

A) Au niveau interrégional...372

B) Au niveau des centrales...381

C) Au niveau des fédérations...388

D) Au niveau de l’Interprofessionnelle...393

7.4.3. Synthèse des observations structurelles...404

7.5. LA PRATIQUE DU FRONT COMMUN INTERPROFESSIONNEL...406

7.5.1. Un fait régional...406

7.5.2. Laisser les aspects doctrinaux entre parenthèses…...408

7.5.3. Un espoir national ?...409

7.6. ANALYSE: ENTRE 1973 ET 2010...411

7.6.1. Facteurs de contingence externe...411

7.6.2. L’organisation du syndicat socialiste...412

A) Facteurs de contingence interne...412

B) Tendances idéologiques...413

C) Buts...414

D) Structure de l’organisation et systèmes d'influence...415

En conclusion...416

(11)

7.6.3. L’organisation du syndicat chrétien...416

A) Facteurs de contingence interne...416

B) Tendances idéologiques...417

C) Buts...418

D) Structure de l’organisation et systèmes d'influence...419

En conclusion...420

7.7. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL (3)...422

CHAPITRE 8 - CONCLUSION ...427

8.1. PLAIDOYER POUR UNE APPROCHE MARXISTE DES TRAJECTOIRES DES ORGANISATIONS...427

8.1.1. Combler les manques...427

8.1.2. Contribution méthodologique d'une approche marxiste : le matérialisme dialectique...430

8.1.3. L'analyse de classe et l'idéologie...432

8.1.4. L'étude de deux organisations syndicales belges...435

8.1.5. Structure de la thèse...436

8.2. L'APPORT D'UNE APPROCHE MARXISTE A L'ANALYSE DES TRAJECTOIRES DES ORGANISATIONS SYNDICALES EN BELGIQUE...438

8.2.1. La méthode du matérialisme dialectique...438

8.2.2. L'analyse de classe...443

8.2.3. L'idéologie dans les organisations...445

8.2.4. L'idéologie autour des organisations...450

8.2.5. Perspectives et leviers pour un syndicalisme du 21ème siècle...454

8.3. LIMITES...459

8.4. PISTES POUR UNE FUTURE RECHERCHE...461

BIBLIOGRAPHIE...463

ANNEXES...487

(12)

Index des tableaux

Table 1: Mécanisme de coordination, location du pouvoir, système d’influence et buts

prédominants...51

Table 2: Formes de départementalisation et mécanismes de gestion de conflit...53

Table 3Caractéristiques du marché et variables politiques...57

Table 4: Tableau des personnes interrogées...126

Table 5: Grille d'analyse...130

Table 6: Composition de la F.G.T.B. en 1945...203

Table 7: FGTB - Interrégionales - Observations et nuances...320

Table 8: Tableau 9 - Répartition du nombre de membres de la FGTB par région - 1971 − 2010 ...320

Table 9: FGTB - Centrales professionnelles - Observations et nuances...326

Table 10: Evolution du nombre de centrales de la FGTB - 1950 − 2003...327

Table 11: FGTB - Régionales interprofessionnelles - Observations et nuances...338

Table 12: FGTB - Interprofessionnelle nationale - Observations et nuances...344

Table 13: FGTB - Récapitulatif des observations et nuances - 1973 − 2010...355

Table 14: CSC - Interrégional - Observations et nuances...373

Table 15: Répartition du nombre de membres de la CSC par région - 1971 − 2010...379

Table 16: CSC - Centrales professionnelles - Observations et nuances...381

Table 17: CSC - Fédérations régionales - Observations et nuances...388

Table 18: CSC - La confédération - Observations et nuances...393

Table 19: CSC - Synthèse des observations et nuances...405

Table 20: Tableau 9 - Répartition du nombre de membres de la FGTB par région - 1971 − 2010...413

Table 21: Répartition du nombre de membres de la CSC par région - 1971 − 2010...417

(13)

Index des illustrations

Illustration 1: La structure des organisations selon Mintzberg...45

Illustration 2: Institutionnalisme historique : la sédimentation et la conversion institutionnelle ...68

Illustration 3: Le triangle des idéologies syndicales...95

Illustration 4: Structure-type des principaux syndicats belges...122

Illustration 5: Synthèse : 1870-1945...133

Illustration 6: Part des secteurs et des centrales dans le nombre de membres de la CSC. 1925 − 1940...159

Illustration 7: Synthèse : 1945 - 1973...177

Illustration 8: Répartition régionale du chômage complet 1953-1975 ...188

Illustration 9: Taux de croissance du PIB belge 1945-1975 ...193

Illustration 10: Investissements aidés par l’État belge. Répartition par régions, 1959-1973 194 Illustration 11: Parts manufacturières relatives...195

Illustration 12: Indicateurs de désindustrialisation...196

Illustration 13: Taux de profits comparés en Belgique - 1960 − 2000...198

Illustration 14: Evolution des prix et des salaires 1948-1973 (Belgique)...201

Illustration 15: Synthèse : 1973 - 2010...247

Illustration 16: Taux de profit aux États-Unis entre 1929 et 2009...251

Illustration 17: Taux de taxation marginal des salaires des plus et les moins élevés aux États-Unis - 1913-2011...257

Illustration 18: Dette américaine par rapport au PIB 1950-2012 (en %)...258

Illustration 19: Financiarisation et chômage dans l’Union Européenne - 1961 − 2007...261

Illustration 20: Taux de profits comparés en Belgique - 1960-2000...270

Illustration 21: Chômeurs complets et chômeurs complets indemnisés 1970-1984...271

Illustration 22: Répartition régionale du chômage complet 1975-2004...272

Illustration 23: Taux de chômage comparé par genre...273

Illustration 24: Taux d’activité comparés par genre...274

Illustration 25: Taux d’endettement public de longue durée...277

Illustration 26: Distribution de dividendes et taux d’investissement...279

Illustration 27: Part salariale en Belgique...281

Illustration 28: Nombre de jours de grève par an en France, Belgique et aux Pays-Bas - 1970 − 2001...292

Illustration 29: Evolution des conventions collectives au niveau sectoriel...296

Illustration 30: Effectifs syndicaux globaux (CSC, FGTB et CGSLB)...328

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(15)

INTRODUCTION

Comment appréhender au mieux la continuité et la transformation des organisations syndicales en Belgique ? C’est la question centrale de cette thèse. Et la réponse centrale est qu'une approche marxiste est un apport indispensable à l'étude des trajectoires des organisations.

A priori, il s'agit d'un anachronisme. Les écrits de Marx datent du milieu du 19ème

siècle. Il est, au mieux, contemporain des premiers écrits en matière de sociologie des organisations de Taylor ou Weber.

Au cours du 20ème siècle, le marxisme s'est répandu sous sa forme politique (avec de nombreux partis communistes) mais aussi intellectuelle. Sous ses multiples formes, le marxisme a suscité beaucoup d'enthousiasme, mais aussi beaucoup d'inquiétude pour « la classe dirigeante », celle qui avait tout à perdre d'un changement des rapports de production. Un rapport de la CIA de 19851, récemment déclassifié, se réjouit qu'en France, les Nouveaux

Philosophes (comme Bernard Henri-Lévy ou Glucksmann) aient supplanté les Sartre, Lacan et Althusser, tous ouvertement marxistes ou marxisants. Durant les années 50 et 60, ces intellectuels de renommée mondiale ont fortement influencé le monde occidental et propagé une certaine hostilité à la politique américaine, jugée impérialiste. Pour endiguer la montée du marxisme, des think tanks ont été mis sur pied, des organisations construites de toutes pièces2.

En 1985, la thèse principale du rapport de la CIA est que la bataille des idées en France a été gagnée et qu'une « nouvelle gauche », modérée, «devrait aggraver les différends entre les

partis de gauche et à l’intérieur du PS, ce qui accentuera probablement la défection des électeurs socialistes et communistes»3.

En matière d'analyse des organisations, le marxisme a connu ses heures de gloire dans

1 Central Intelligence Agency, « France: Defection of the Leftist Intellectuals », décembre

1985. Disponible sur: https://www.cia.gov/library/readingroom/docs/CIA-RDP86S00588R000300380001-5.PDF

2 Coleman. P., The Liberal Conspiracy: The Congress for Cultural Freedom and the Struggle for the Mind of

Post-War Europe, New York: The Free Press; London: Collier Macmillan, 1989; Jones, O., The Establishment: And How They Get Away With It, London: Allen Lane, 2014; Christofferson, M.-S., Les intellectuels contre la gauche. L’idéologie antitotalitaire en France (1968-1981), Marseille : Agone, coll.

(16)

les années 70 et au début des années 80. Des livres comme celui de Clegg et Dunkerley

Organization, Class and Control (1980) étaient des classiques. Mais l’arrivée du

néolibéralisme, combiné aux critiques - pas toujours pertinentes - des marxistes, ont progressivement éliminé le marxisme du terrain scientifique. Au niveau de la théorie des organisations, il a cédé la place aux théories plus pratiques – le néo-fonctionnalisme de Mintzberg – ou plus intellectualisantes – les critical management studies.

Pour aborder l'étude des organisations et leurs trajectoires, cette thèse prendra appui principalement sur la théorie néo-fonctionnaliste de Mintzberg. Celle-ci constitue une avancée par rapport aux analyses très statiques des fonctionnalistes. Les néo-fonctionnalistes expliquent les trajectoires des organisations par l’interaction des jeux d’acteurs - potentiellement en conflit sur les buts, de la structure et de certains éléments de contexte.

La qualité principale de cette théorie – dont Mintzberg est le chef de file – est son ancrage très concret, basé sur des études de cas et la formulation d'hypothèses simples qui aident les praticiens dans l'analyse et la résolution des problèmes organisationnels3. Cet aspect

pratique est une qualité fondamentale, parce qu'il est un point de départ pour pouvoir transformer la réalité.

Toutefois, bien qu'elle soit plus dialectique que celle des fonctionnalistes, l'analyse de Mintzberg a des manquements : le poids accordé à l'histoire de l'organisation est négligé4, la

structure de l'organisation continue à être envisagée sous l'angle de « blocs » dont les développements restent mécaniques. L'analyse néo-fonctionnaliste devra être notamment complétée par des outils empruntés au courant de l'institutionnalisme historique. Mais Mintzberg échoue également à appréhender la notion d'idéologie. Sur base des études de cas qu'il analyse, il pressent que l'idéologie joue un rôle fondamental. Il tente des définitions, circonscrit la notion avec des synonymes, formule des hypothèses quant à sa transmission, puis en formule de nouvelles qui contredisent les premières,…

Voyons voir. Selon Mintzberg, l' « idéologie d'une organisation » est « un riche système

3 Münch, R., “Parsonian Theory Today: In Search of a New Synthesis,” in Giddens, A., Turner, J., (Eds).,

Social Theory Today, Oxford, 1987, p.133

4 Ce défaut d'historicité est à la base du courant de l'institutionnalisme historique en sciences politiques. Voir

Steinmo, S., « Historical Institutionalism », in Della Porta, D. Keating, M., (eds), Approaches in the Social

Sciences, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, pp.113-138

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de valeurs et de croyances concernant une organisation, qui est partagé par tous ses membres et qui la distingue ainsi de toutes les autres organisations »5. Cette idéologie est une des

parties constituantes de l'organisation au même titre que les parties « matérielles » que sont le sommet stratégique ou des opérateurs6 . Les « valeurs de l'organisation » proviennent de son

histoire et sont intégrées par tous les membres de l'organisation, soit a priori par la sélection, soit a posteriori par des actions de socialisation et d'endoctrinement7. La « standardisation des

valeurs » est décrite parfois comme l'équivalent de la socialisation8, parfois comme « on tire

tous ensemble et dans le même sens »9. Elle est en tout cas décrite comme un puissant

mécanisme de coordination des opérateurs entre eux.

Le fait de sélectionner des candidats indique que, pour Mintzberg, l'idéologie est acquise au préalable et à l'extérieur de l'organisation (« tous ceux qui sont admis à entrer dans le système partagent son pouvoir »10). Mais comment est-il possible d'acquérir de l'extérieur

de l'organisation une idéologie qui est unique et qui provient de son histoire ?

Toujours selon Mintzberg, les actions de socialisation et d'endoctrinement reposeraient principalement sur du contact personnel11 ce qui explique pourquoi les organisations à

idéologies fortes sont très petites. Pourtant il soutient que l'idéologie organisationnelle constitue un avantage compétitif des grandes entreprises japonaises12,13.

Mintzberg voit l'idéologie comme étant incorporée dans les membres de l'organisation. Il y a un contrôle « particulièrement puissant » qui ne porte « pas simplement sur le comportement de ses membres mais pratiquement sur leur âme même »14. Pourtant, malgré sa

puissance, il n'attribue pas de puissance particulière au système de contrôle idéologique qu'il conçoit comme un système d'influence parmi d'autres15.

Nizet et Pichault notent que Mintzberg n'émet jamais l'hypothèse que l'idéologie est

5 Mintzberg, H., Le management, Paris: Editions d’Organisations, 1999, p.322

6 Mintzberg, H., Structure in Fives, op.cit., 1983, p.294 ; Mintzberg, H., op.cit., 1999, p.156 7 Mintzberg, H., Structure in Fives, op.cit., 1983, pp.41-42 ; Mintzberg, H., op.cit., 1999, p.321-329 8 Mintzberg, H., Structure in Fives, op.cit., 1983, pp.295

9 Mintzberg, H., op.cit., 1999, p.322 10 Idem, p.329

11 « That is because personal contact is the only way to maintain the strong ideology »: Mintzberg, H.,

Structure in Fives, op.cit., 1983, pp.295; « des ideologies très fortes dépendent d'un contact personnel »:

Mintzberg, H., op.cit., 1999, p.331

12 Mintzberg, H., Structure in Fives, op.cit., 1983, pp.296

13 Dans les années 80, les entreprises japonaises ont fait l'objet de beaucoup d'attention en raison de la guerre

économique et technologique qui les opposait principalement au continent nord-américain.

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travaillée par des « analystes des valeurs »16, pas plus qu'il ne localise physiquement le

pouvoir de l'idéologie dans l'organisation. Parce qu'elle est partagée par les membres, elle est à la fois partout et nulle part…

En bref, Mintzberg a des difficultés avec la notion d'idéologie.

Dmitri Mendeleïev, lorsqu'il proposa une classification systématique des éléments chimiques pour souligner la périodicité de leurs propriétés chimiques, avait expressément laissé des cases vides pour les éléments encore techniquement indécelables à l'époque. Il avait même prédit certaines propriétés des éléments inconnus.

Toute proportion gardée, il en est un peu de même dans le cadre de la théorie des organisations : Mintzberg pressent un rôle capital pour l'idéologie mais n'en perçoit que les modes de reproduction. Il ne distingue ni les fondements, ni la localisation dans l'organisation.

Grâce à une approche marxiste qui enracine l'analyse des organisations dans une analyse de classe, l'apport principal de cette thèse est l'émergence de nouvelles hypothèses, ayant trait notamment au rôle de l'idéologie. Ces hypothèses pourront, je l'espère, compléter la boite à outils de praticiens désireux de comprendre mais aussi faire évoluer les organisations.

Cette thèse s'inscrit en contradiction avec les nombreuses critiques dont « le management » fait l'objet. Il est évidemment aisé, dans les entreprises, dans les associations, dans la fonction publique de critiquer « le management ». Et généralement, il n'est pas exempt de critiques. Toutefois, cette critique peut facilement se muer en dégagisme (« qu'ils dégagent tous »), remettant en question l'utilité même de structure, de gestion, de hiérarchie et de responsabilités. Et une fois qu'ils auront dégagé, on fait quoi ?

Le management sert principalement à garantir la poursuite efficace de buts fixés. Pour cela, il a recours à une structure, à des règles, à des systèmes de contrôle et à des sanctions. Il est évidemment possible de questionner les procédures utilisées pour fixer les buts,

16 Nizet, J. et Pichault, F., Introduction à la théorie des configurations. Du “one best way” à la diversité

organisationnelle, Bruxelles: De Boeck Université, 2001, p.27

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l'efficacité, l'éthique du système de contrôle ou la proportionnalité des sanctions. Mais je pense qu'il faut éviter de ne voir dans le management qu'une fonction de domination parce que cela aboutit, in fine, à rejeter l'idée même d'une gestion.

Au contraire, cette thèse revendique, pour les travailleurs, un management efficace. Mais plutôt que de critiquer des excès techniques – certes critiquables et pouvant causer de nombreux dégâts - elle force la réflexion sur les buts politiques servis par le management dans les organisations. La question n'est pas « pourquoi le management » mais bien « pour qui le management ? ».

Et là encore, l'analyse de classe proposée par les marxistes se révèle importante. Car le regain d'enthousiasme pour la théorie marxiste – pas uniquement au niveau des organisations – provient sans doute d'abord d'un questionnement par rapport au monde tel qu'il est aujourd'hui. Dans les années 90, il était encore possible de parler de “classes moyennes”. Aujourd’hui, l'illusion d’une « classe moyenne » s’estompe au rythme des réformes économiques des gouvernements. Les travailleurs et les petits indépendants paient de nombreux impôts alors que les très riches en paient proportionnellement très peu par rapport à ce qu’ils pourraient. Même Warren Buffet déclare lors d’un passage sur la chaîne CNN en 2005 : “c’est la guerre des classes, la mienne est en train de gagner, mais on ne devrait pas”17.

Un an plus tard, il réaffirmait au New York Times : “Il y a une guerre de classes, d’accord. Mais c’est ma classe, celles des riches, qui mène la guerre, et c’est nous qui gagnons”18.

Il y a bien sûr eu des tentatives de changer de mode de production. Et jusqu’à présent, elles n’ont pas été concluantes. Mais la jeunesse actuelle - la génération en dessous de 30 ans - n’a pas connu les expériences communistes. Une portion croissante de cette jeunesse réalise - souvent à ses dépens - que les inégalités grandissent de jour en jour et qu’elle vivra moins bien que la génération de ses parents. Elle voit que le nombre de mendiants sur la route vers le métro augmente. Elle sait qu’elle devra combiner deux jobs pour survivre mais que la flexibilité horaire requise pour les deux jobs les rend difficilement combinables. A 25 ans, avec un job flexible, cette jeunesse doit penser à sa pension car rien n’indique que le système de pensions existera encore dans 40 ans. Alors elle se dit qu’investir dans l’immobilier

17 Dobbs, L., “Buffett: There are lots of loose nukes around the world”, CNN, June 19, 2005

http://edition.cnn.com/2005/US/05/10/buffett/index.html

18 Stein, B., “In Class Warfare, Guess Which Class is Winning”? New York Times, 26

novembre 2006.

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pourrait être une option. Mais outre le fait qu’elle n’a pas d’argent et qu'elle ne peut pas contracter de prêt, la crise des subprimes aux États-Unis lui renvoie qu’aucun placement n’est sûr.

Alors cette jeunesse cherche des issues. Politiquement, elle se range en masse derrière des Bernie Sanders, des Jeremy Corbyn, des Jean-Luc Mélanchon. Intellectuellement, elle renoue petit à petit avec le marxisme qui, par sa critique du capitalisme – un mode de production qui sert les intérêts de quelques-uns au détriment de l'immense majorité de la population, attire un public en quête d'analyse et de réponse.

Au centre de l'analyse marxiste se trouve l'analyse de classe. Et le développement d'une situation résulte de la lutte des classes. Le recours à cette approche implique que la contradiction fondamentale dans la société oppose les intérêts des travailleurs aux intérêts des capitalistes. La contradiction fondamentale découle de l’organisation du mode de production des biens et services dont les rapports avantagent une classe plutôt qu’une autre. Dans nos sociétés contemporaines, cette contradiction fondamentale pose dès lors la question du rôle de l’État. Alors que certains lui attribuent un rôle de conciliateur de classes, les marxistes voient dans l’État un instrument de répression et d'oppression au service de la classe dominante.

Une approche marxiste de l'analyse des organisations doit donner la primauté à l'analyse de classe et l'identification de ses intérêts. Il s’agit de répondre à la question : « est-ce que cette partie de l’organisation cherche à renforcer ou à affaiblir les rapports de production existants ? ». La réponse requiert d'abord une analyse idéologique et politique et ensuite une analyse technique.

L'approche marxiste se caractérise également par une approche méthodologique, basée sur le matérialisme dialectique. Le matérialisme indique la prévalence de la matière, des faits, sur les idées. La dialectique souligne l’importance d’analyser les objets d'étude dans leur ensemble et dans leur mouvement plutôt de façon isolée et statique. Les dialecticiens accordent une grande importance à la notion de contradiction car c'est de la contradiction que jaillit le mouvement. Très concrètement, le matérialisme dialectique a également un impact sur la façon d’agencer l’étude des objets. La structure de la partie analytique de cette thèse en est le reflet puisqu’elle n’aborde les organisations syndicales qu’après les avoir situées dans un contexte mondial, puis le contexte belge.

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L’intérêt de l’application du paradigme marxiste aux organisations syndicales en Belgique est quadruple. Premièrement, les organisations syndicales sont injustement considérées comme monolithiques. La dialectique permettra de mettre en relief des points d'unité et des différences dans les deux plus grands syndicats belges (la Confédération des Syndicats Chrétiens de Belgique (CSC) et la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB)) qui comptent respectivement 1,7 et 1,5 millions d’affiliés. Chaque structure syndicale peut se décomposer en une structure “nationale” interprofessionnelle, en centrales professionnelles, en fédérations (ou régionales) et en interrégionales. L'analyse dialectique permettra une analyse fine des enjeux et des buts propres à chaque partie de l'organisation syndicale.

Deuxièmement, les premières organisations syndicales sont nées du conflit d’intérêt radical entre la classe dominante - qui a la propriété des moyens de production - et la classe dominée qui, malgré son hétérogénéité a comme point commun de dépendre de son travail ou de l’assistance sociale pour subvenir à ses besoins. Les organisations syndicales qui défendent une large proportion de cette classe dominée sont, en elles-mêmes, une contradiction: d’un côté, l’aspect organisation indique la volonté d’être pérenne et donc de s’insérer et de se maintenir dans le mode de production capitaliste; de l’autre, l’aspect syndical indique le conflit d’intérêt initial avec le mode de production capitaliste. Quels sont dès lors les conflits à l’intérieur de l’organisation syndicale? De quelle façon se matérialisent-ils? Quels mécanismes sont mis en place pour les faire apparaître ou pour les contenir ?

Le troisième intérêt est que, pour des raisons historiques et politiques, les organisations syndicales ont beaucoup d’influence dans une démocratie consociative comme la Belgique. Celle-ci repose sur le consensus des élites de différents groupes qui composent une société divisée par des clivages philosophique, économique et linguistique. Nationalement, les organisations syndicales parlent d’une voix nationale (clivage linguistique) pour les travailleurs (clivage économique) d’orientation socialiste et chrétienne (clivage philosophique). L’importance accordée au consensus dans les démocraties consociatives est une contradiction avec le conflit d'intérêt radical qui oppose les travailleurs et les patrons. Ce quasi-impératif de consensus implique que les élites syndicales sont soumises à une immense pression de la part des représentants des “autres groupes”, et particulièrement des patrons et des gouvernements (l’État).

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de l’analyse des organisations syndicales. L’analyse marxiste confère à l’État la fonction d’instrument de pression et de répression permettant à la classe dominante d’assurer sa domination sur les autres classes en vue de les soumettre au processus d’extorsion de la plus-value. Cette vision de l’État s’oppose à celle d’un État “au-dessus” des classes, conciliateur, et garant de la justice sociale. Les relations entre les organisations syndicales et les acteurs étatiques seront à ce titre particulièrement intéressantes.

L’analyse proposée n’est pas neutre. “You can’t be neutral on a moving train” disait Howard Zinn. Le mieux que je puisse faire, c’est tendre vers l’objectivité et informer les lecteurs des biais liés à ma position et mes choix. Pendant et après mes études à la Solvay

Brussels School of Economics and Management, j’ai choisi de m’investir dans le

syndicalisme, d’abord étudiant en tant que Secrétaire Général de la FEF et puis à la CSC en tant que permanent interprofessionnel puis comme permanent d'une centrale professionnelle. Ces choix sont ceux de mettre mon temps et mes compétences à disposition d’un projet collectif qui porte en lui la capacité d’un changement social au service des gens.

Le vote, le week-end, le temps-libre, les vacances, la pension, les services publics, la sécurité sociale,… Toutes ces réalisations concrètes dont nous et nos familles bénéficions aujourd’hui sont l'héritage des luttes des travailleurs de Belgique et d'ailleurs au cours du dernier siècle et demi.

Alors qu'en 2015, la Belgique est le 4ème pays le plus riche du monde en termes de patrimoine moyen par habitant19, les projets pour lesquelles ces personnes ont lutté âprement

sont battus en brèche. Travailler plus longtemps. Moins de pension. Moins de services publics. Moins de sécurité sociale. La droite gouvernementale ne s’y trompe pas et sait que l’issue de son projet néolibéral est intimement lié à la force des syndicats. Reagan l’avait compris en virant d’un seul coup les 11.359 aiguilleurs du ciel qui étaient partis en grève en 1981. Thatcher l’avait compris en écrasant la grève des mineurs en Angleterre en 1985. En 2016, en Belgique, plusieurs parlementaires souhaitent légiférer sur la personnalité juridique des syndicats et sur le droit de grève. À cause (ou malgré) cela, l’histoire récente montre la

19 Allianz Global Wealth Report 2015, p.83. En ligne (dernière consultation : 17 juillet 2016) :

https://www.allianz.com/v_1443702256000/media/economic_research/publications/specials/en/AGWR2015 _ENG.pdf

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recomposition d’un front commun syndical national alors que le pays est régionalisé. Nous assistons à des manifestations de plus de 100.000 personnes (en 2014 et 2015) contre les mesures du gouvernement belge alors qu’il y a quelques années encore, la présence de 60.000 personnes dans la rue pour une manifestation européenne était qualifiée de succès.

Le syndicalisme en Belgique est à un tournant. Et c’est parce qu’il est “le creuset de liberté des petites gens” qu’il faut le défendre.

La thèse est structurée en deux parties de quatre chapitres chacune. La première partie pose les bases théoriques de plusieurs domaines. Le chapitre 1 aborde les trois éléments constitutifs de l’analyse organisationnelle : les buts, la structure et les facteurs de contingence. Le chapitre 2 met en exergue les éléments paradigmatiques fondamentaux pour une analyse marxiste : la méthode d’analyse (la dialectique) mais également des concepts élémentaires du matérialisme historique - les classes sociales, l’idéologie, le fétichisme, l’infrastructure et la superstructure - qui permettent de proposer une analyse organisationnelle marxiste y sont détaillés. Le chapitre 3 introduit le lecteur au syndicalisme et aux différents courants idéologiques qui le traversent et qui permettent d’expliquer en partie l’ambivalence des relations qu’entretiennent les organisations syndicales avec les travailleurs et l’État. Le chapitre 4 traite de la méthodologie utilisée, du choix des sources, des écueils à éviter et propose une grille d'analyse qui intègre les éléments néo-fonctionnalistes et des concepts marxistes.

La seconde partie analyse l’évolution des syndicats entre 1870 et 2010 en trois périodes. L'analyse de chaque période débute par les éléments contextuels idéologiques, politiques et économiques nécessaires pour comprendre l’évolution (ou une partie de l’évolution des organisations. Les trois périodes analysées sont 1870-1945 (chapitre 5), 1945-1973 (chapitre 6) et 1973-2010 (chapitre 7).

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« Le marxisme peut jouer un rôle crucial pour garantir un futur dynamique à l'étude des organisations »20.

20 Vidal, M., Adler, P., Delbridge, R., « When Organization Studies Turns to Societal Problems: The

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PARTIE 1 :

LA THÉORIE

Cette partie se compose de quatre chapitres. Le premier fournit les bases de l'analyse des organisations selon Mintzberg. Le second reprend quelques éléments programmatiques d'une approche marxiste. Le troisième est une introduction aux organisations syndicales et aux idéologies qui les traversent.

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CHAPITRE 1 – L'ANALYSE DES ORGANISATIONS

SELON MINTZBERG

En synthèse

Les écrits de Mintzberg constituent un premier socle d'analyse des organisations parce qu'ils fournissent des concepts et des hypothèses permettant une analyse dynamique, pratique et ancrée dans la réalité.

Pour l’école neo-fonctionnaliste dont Mintzberg est un des chefs de file, les organisations évoluent par l’interaction de trois éléments: les jeux d’acteurs - dont les buts peuvent être intégrés ou conflictuels, la structure de l'organisation et les facteurs de contingence.

L’analyse des buts fait apparaître une coalition dominante d’acteurs au sein de l'organisation. Cette coalition poursuit une multiplicité de buts qui forment un système de but. Parfois, tous les buts sont intégrés: tous les efforts pointent dans la même direction. Parfois, les buts sont contradictoires et il n’est par exemple parfois pas possible de simultanément poursuivre la mission initiale de l’organisation et de garantir sa survie financière. Ces contradictions au sein des systèmes de buts engendrent des glissements.

Mintzberg aborde la structure d'une organisation au travers de l'étude des différentes parties qui la composent et de leur articulation au moyen de paramètres de conception et de systèmes de contrôle et d'influence. La préférence de certaines parties de l’organisation pour certains paramètres de conception engendre des conflits au sein de l’organisation qui aboutissent - temporairement - à établir un système d’influence dominant, à savoir le mécanisme de contrôle qui favorise les buts de la coalition dominante.

Les facteurs de contingence permettent d’identifier certains éléments de contexte auxquels Mintzberg et les études sur lesquelles il se base accordent de l’importance. L’âge, la taille, le marché sur lequel opèrent les organisations sont des facteurs importants.

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1.1.

POURQUOI MINTZBERG

Henry Mintzberg détient la chaire John Cleghorn en tant que professeur de management à McGill University (Canada). Il est l'auteur ou co-auteur de 15 livres et de plus d'une centaine d'articles, principalement liés au management, à la stratégie et à l'étude des organisations. Il est considéré comme un des chefs de file de l'analyse néo-fonctionnaliste des organisations. Alors que l'analyse fonctionnaliste était emprunte de statisme, manquait de profondeur historique et relevait d'une analyse très formaliste des organisations1, Mintzberg

s'est intéressé au rôle du manager dans les organisations2.

Donnant aux managers un rôle déterminant, Mintzberg conceptualise le changement dans les organisations comme provenant de l'interaction des jeux d'acteurs, des éléments de « structure » de l'organisation et d'éléments de contexte comme la taille, l'âge ou encore le marché sur lequel opère l'organisation. Cet angle d'approche lui a permis de mettre davantage en lumière le caractère dynamique des organisations ainsi que l'importance de la stratégie et l'influence des processus décisionnels.

Un autre élément découle de son angle d'approche managérial : le caractère pratique. Alors que Mintzberg n'est pas un praticien du management – il a consacré l'essentiel de sa carrière à la recherche à l'université, ses recherches prennent appui sur de nombreux cas pratiques qu'il collectionne, au sein desquels il repère des patterns, qu'il vérifie ensuite sur d'autres cas3. Ce processus de « développement de la théorie » sur base d'observations lui

permettent ensuite d'émettre des hypothèses très concrètes susceptibles d'aider les observateurs et praticiens des organisations. A titre d'exemple : « un environnement hostile pousse les organisations à centraliser leurs structures de façon temporaire »4.

L'approche (davantage) dynamique des organisations, l'ancrage concret et les

1

Chanlat, J.-F., « L'analyse sociologique des organisations : un regard sur la production anglo-saxonne contemporaine (1970-1988) », Sociologie du Travail, Vol. 31, No. 3, 1989, pp. 381-400

2 Henry Mintzberg, The Nature of Managerial Work, New York: Harper & Row, 1973 ; Mintzberg, H., « The

Manager's Job: Folklore and Fact », Harvard business review, Volume 53, Harvard Business School Press, 1975

3 Il détaille son processus de théorisation dans l'article : Mintzberg, H. « Developing Theory about the

Development of Theory » in Hitt, M. ; Smith, K. (Eds), Oxford Handbook of Management Theory, London, 2005

4 Mintzberg, H., « Structure in 5's : A Synthesis of the Research on Organization Design », Management

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hypothèses pratiques sont les raisons principales qui ont orienté le choix de prendre les analyses de Mintzberg comme socle théorique de base pour l'analyse des organisations. Ses analyses ne sont pas exemptes de manquements – j'y reviendrai – mais évitent les écueils des discussions théoriques, abstraites, où l'organisation et le management deviennent des concepts éthérés plutôt que des outils pour construire un projet.

Ci-dessous sont développées succinctement les bases de l'analyse des organisations selon Mintzberg : l'articulation des buts, de la structures et des facteurs de contingence. Le chapitre se clôture sur les principaux manquements et des propositions d'ajouts. D'autres manquements, moins importants, seront directement indiqués dans les bases de l'analyse de l'organisation selon Mintzberg.

1.2. LES BUTS

1.2.1. Buts de l

’organisation ou buts de la coalition dominante ?

Thompson suggère qu’à leur création, la raison d’être des organisations est l’accomplissement d’un certain nombre de buts. Certains sont explicites. D’autres, comme le fait de maximiser les profits pour les entreprises5, sont plus implicites6.

Mintzberg affirme que l'organisation a des buts7 et qu'il y a donc des « buts de

l'organisation ». Il semble toutefois peu probable que « l'organisation » ait des buts. Simon8 et

les chercheurs qui s’inscriront dans la lignée de la rationalité limitée des acteurs indiquent que les buts seraient davantage des choix opérés, au sein des organisations, par un groupe ou une coalition d’acteurs.

La notion de “buts de l’organisation” réifie l’organisation, la dote d’une personnalité et d’une volonté propre. Lorsque Mintzberg évoque les “buts de l’organisation”, ceux-ci témoignent en réalité d’une cristallisation - temporaire - d’un rapport de force au sein de l’organisation entre divers groupes aux intérêts différents, parfois divergents. Les “buts de l’organisation” seraient donc ceux de la coalition dominante à l’œuvre et que celle-ci est parvenue à imposer.9

5 Friedman, M., “The social responsibility of business is to increase its profit”, The New York Times

Magazine, September 13, 1970

6 Thompson, J.D., Organizations in Action, New York, McGraw Hill, 1967, p.397

7 Mintzberg, H., Le pouvoir dans les organisations, Paris, Éditions d'Organisation, 2003, p.344

8 Simon, H.A. “On the concept of organizational goal”, Administrative Science Quarterly, 9, 1964, pp.1-22

(32)

1.2.2. Types de buts

La présence de groupes dominant et dominés au sein de l’organisation indique implicitement la présence d’une multiplicité de buts. Certains sont même poursuivis simultanément. Toutefois, il existe des distinctions entre les buts.

A) Buts officiels et buts op érants

Perrow distingue les buts officiels (official goals) des buts opérants (operative goals). Les buts officiels sont ceux inscrits dans les chartes, les rapports annuels, ou proclamés publiquement. Les buts opérants désignent “les fins recherchées par les politiques réelles de fonctionnement de l'organisation; ces buts nous indiquent ce que l'organisation essaie effectivement de poursuivre, indépendamment de ce que les objectifs officiels indiquent comme objectifs”10

“Lorsque les buts opérants fournissent un contenu spécifique aux buts officiels, ils reflètent des choix entre des valeurs en conflit. Ils peuvent être justifiés sur base d’un but officiel, même s’ils peuvent d étourner vers un autre but officiel. En un sens, les buts opérants sont des moyens pour atteindre les buts officiels, mais comme ces derniers sont vagues ou hautement abstraits, les ‘moyens’ deviennent des buts en soi lorsque l ’organisation devient l’objet de l ’analyse”.11

Deux éléments sont importants.

Le premier est que la présence de buts opérants - reflétant le choix entre “des

valeurs en conflit” - confirme la multiplicité des buts ainsi que leur caractère parfois conflictuel. Ceci sera illustré notamment par les tensions idéologiques qui traversent chaque

organisation syndicale. L’existence de ces valeurs en conflits confirme que les “buts de l’organisation” sont le résultat d’un rapport de force remporté par la coalition dominante.

Le second élément est que l’enjeu réel des acteurs consiste à imposer les buts

opérants de l’organisation. Tous les acteurs de l’organisation peuvent, en théorie, se

10 “the ends sought through the actual operating policies of the organization; they tell us what the

organization actually is trying to do, regardless of what the official goals say are the aim.”Perrow, C., “The

Analysis of Goals in Complex Organizations”, American Sociological Review, 26, 1961, pp.855

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retrouver autour des buts officiels. Mais même les buts officiels peuvent faire l’objet de luttes importantes (notamment lors de congrès) car ils offrent une justification plus évidente à la poursuite des buts opérants. C’est toutefois principalement dans l’opérationnalisation des buts que les tendances conflictuelles se marqueront.

B) Buts de mission et buts de syst ème

Une autre distinction de buts introduite par Perrow12 est celle qui oppose les buts ayant

trait à l’intérieur à ceux qui ont trait à l’extérieur de l’organisation. Gross13 reprend l’idée

d’une dualité de buts suivant que l’output réponde à des demandes externes (output goals) ou plutôt à des besoins internes (support goals). Les output goals se retrouvent dans les produits ou les services qui sont véhiculés à l’extérieur de l’organisation. Les support goals, quant à eux, ont davantage trait au maintien de l’organisation en tant que telle. Mintzberg reprendra cette distinction en identifiant les buts de mission et les buts de système.

Dans la suite du développement, les buts de mission doivent être compris comme les buts que la coalition dominante de l’organisation est parvenue à imposer temporairement comme étant “le but de mission” de l’organisation. Ce raisonnement vaut également pour les buts de système.

Buts de mission

Pour Nizet et Pichault14, « les buts de mission ont trait aux produits, aux services ou

encore aux clients de l'organisation ». Il y donc, avec le but de mission, ce souci de ce que l'organisation apporte « au reste du monde ».

Dans les organisations non profit, l’importance des buts de mission est cruciale.15 Ils le

sont encore davantage dans les “organisations de mouvement social”, “caractérisées par une forme d’action idéologiquement structurée16 fondée sur la volonté de remise en cause de

12 Perrow, C., “Organizational Goals”, The International Encyclopaedia of Social Sciences, 11, New York,

McMillan, 1968, p.306

13 Gross, E., “The Definition of Organizational Goals”, The British Journal of Sociology, Vol. 20, No. 3,

1969, p.282

14 Nizet, J., Pichault, F., op.cit., 2001, p.44

15 Minkoff, D.C.,Walking a Political Tightrope: Responsiveness and Internal Accountability in Social

Movement Organizations” in Reid, E.J., Montilla, M.D. (Ed.), Exploring Organizations and Advocacy.

Governance and Accountability, Issue 2, Washington D.C.: The Urban Institue,2002, p.33-48 ; Minkoff, D.C., Powell, W.W., “Nonprofit mission: constancy, responsiveness, or deflation?” in W.W. Powell, R. Steinberg (Eds), The Non Profit Sector, A Research Handbook, New York: Yale University Press, 2006,

pp.591-611 ; Labie, M., “Chapitre 4: économie sociale, non-profit, tiers-secteur: à la recherche d’un cadre de gouvernance adéquat”, in Finet Alain, Gouvernement d'entreprise. Aspects managériaux, comptables et

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l’ordre social établi et des institutions politiques”.17 Les buts et l’agenda attachés à la mission

servent à rassembler, impliquer, recruter des travailleurs, des bénévoles et des donateurs”.18

Dans le cas des organisations non-profit idéologiquement orientées, la mission a pour rôle

d’attirer mais aussi de contraindre les travailleurs de l’organisation et les participants.19

La tendance idéologique est donc mise en lumière comme guide mais aussi comme instrument de contrôle des travailleurs.

Mais qu’en est-il lorsqu’au sein de la même organisation, plusieurs “valeurs” sont en conflit? Le choix d’un but de mission sur un autre équivaut à exclure la partie de l’organisation qui ne partage pas le but de mission officiel. Aussi, par souci de maintien

d’unité, la coalition dominante peut être tentée de rendre plus abstrait le but de mission de l’organisation. Néanmoins, elle perdra en capacité d’attraction et de contrainte sur les travailleurs de l’organisation, et donc en effectivité à orienter idéologiquement l’organisation.

Lukaçs illustre en partie ce phénomène. « Alors que dans la pure théorie, les conceptions et les tendances les plus diverses peuvent coexister en paix, leurs oppositions ne prenant que la forme de discussions qui peuvent se dérouler tranquillement dans le cadre d’une seule et même organisation sans la faire obligatoirement éclater, les mêmes questions se présentent, quand elles s’appliquent aux questions d’organisation, comme des tendances rigides et s’excluant l’une l’autre20 ».

Buts de syst ème

Au niveau interne des organisations, Perrow21 distingue quatre tâches basiques:

l’acquisition de capital, l’acquisition d’une légitimité, l’acquisition de compétences et enfin la coordination des activités de l’organisation et de ses membres avec l’environnement. Les quatre tâches contribuent et sont nécessaires au maintien de l’organisation à travers le temps.

Dans le même ordre d’idées, les buts de système qu’introduit Mintzberg sont des buts « que les organisations en tant que systèmes poursuivent pour eux-mêmes »22. Par opposition

intérêts idéologiques - systèmes de croyance défendant ou attaquant les relations sociales et le système social existants. Voir Zald, M N., “Ideologically structured action: An enlarged agenda for social movement research”,

Mobilizations, vol.5, No.1, 2000, pp.1-19

17 Minkoff, D.C., art.cit., 2002, p.33

18 Minkoff, D.C., Powell, W.W., art.cit. 2005, p.591

19 Oster, S., Strategic Management for Nonprofit Organizations, New York: Oxford University Press, 1995 20 Lukaçs, G., Histoire et Conscience de Classe, Paris: Les Éditions de Minuit, 1960, p.338 (original: 1923) 21 Perrow, C., art.cit., 1968

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aux buts de mission, ils se concentrent sur l'organisation elle-même ou sur ses membres. Ces buts doivent être poursuivis par des acteurs au sein de l’organisation sous peine que l’organisation ne disparaisse. Au nombre de quatre, ils ne sont pas mutuellement exclusifs.

Bien que difficile à saisir, la survie de l’organisation est un but de système23. Elle se

marque par l’attention effective portée à la thésaurisation, à la diversification des produits, à la diversification des marchés ou encore à la diversification du réseau d'influence. Ce dernier doit permettre à l’organisation de survivre dans un environnement hostile et compétitif. Lorsqu’un changement (interne ou environnemental) bouleverse l’organisation, la poursuite du but de survie se marque généralement par un recentrage des activités autour du core

business, ce qui implique une diminution des investissements, voire la suppression d’un

certain nombre d'activités « périphériques ». À noter cependant que dans certains cas, la survie n’est plus possible qu’à condition d’une conversion institutionnelle de l’organisation comme ce fut le cas pour la National Foundation of Infantile Paralysis.

La poursuite de l’efficience, c’est la poursuite d’un rendement maximal par rapport à un certain coût. Elle s’inscrit dans le prolongement de la lutte contre la “flânerie systématique”24

qui était la quête de Taylor, père de l’organisation scientifique du travail Mintzberg présente l’efficience comme une contrainte dans un monde compétitif, ou lorsque les ressources sont épuisables. L'efficience est la raison d'être des analystes – engagés pour standardiser les processus de travail – travaillant dans la technostructure. Outre le design des processus de travail (standardisation), la tâche des analystes est également de contrôler l’efficience. Ce contrôle pose plusieurs problèmes. Premièrement, l’efficience n’est souvent réduite qu’à sa composante économique. En effet, comment mesurer les bénéfices sociaux ou certains postes qui sont perçus comme des “cost-centers” alors qu’ils contribuent potentiellement à la rentabilité de l’organisation? Concrètement, l’ouverture d’un chantier concernant la ligne idéologique d’une organisation ne peut être efficiente dans l’immédiat. Pourtant, la survie de l’organisation peut en dépendre. Deuxièmement, l’efficience (même réduite à sa composante économique) a un caractère subjectif25, changeant en fonction de la position dans le mode

de production de celui qui mesure. Ainsi, l’efficience mesurée par un employeur visera à

maximiser la production en minimisant son coût (et donc les salaires). Du côté des travailleurs, l’efficience pourrait être mesurée en d’autres termes. Il est par exemple plus

23 Gouldner accordera également une grande importance au but de survie. Voir Gouldner, A.W., “Organizational

Analysis”, in Merton, R.K., Broom, L. Cottrell, C., Sociology Today, New York, Basic Books, pp.400-428 cité par Clegg.S, Dunkerley, D., op.cit., 1980, pp.299-300

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efficient pour lui de travailler moins et de gagner plus. Actuellement, Hyman constate que la définition de l’employeur est systématiquement moralement privilégiée - privilégiant ainsi la thèse que la coalition dominante au niveau sociétal comprend les employeurs mais pas les travailleurs.

Le troisième but de système est le contrôle de l'environnement. Il témoigne du souci des acteurs dominants de l’organisation d’éliminer tant que possible l’incertitude et de privilégier la stabilité, la prévisibilité et la sécurité de l’organisation.26 Réduire

l'imprévisibilité externe est, parfois plus que la recherche d'efficience ou de profit, ce qui pousse les organisations à absorber ou à fusionner avec les concurrents. Lorsque ces manœuvres sont impossibles ou trop coûteuses, les organisations sont tentées de passer entre elles des accords (elles créent des environnements négociés27 qui occasionnent « une liberté de manœuvre restreinte »28 mais garantissent l'apparence d'une paix sociale entre les acteurs

ayant conclu l’accord. Dans le cas des syndicats, la recherche d’une stabilité de l’environnement peut pousser certains dirigeants syndicaux à entretenir des liens privilégiés avec des partis au pouvoir. La pratique du front commun syndical (regrouper tous les syndicats de façon temporaire derrière certains mots d’ordre) est un exemple de liberté de manœuvre restreinte qui fait oublier les désaccords entre les organisations syndicales pour offrir un front uni face au gouvernement et/ou aux employeurs.

Le dernier but de système est la recherche de la croissance de l’organisation. Si elle ne résout probablement rien en soi, elle permet à tout le moins de retarder l'apparition de tensions au sein de l'organisation. Lorsque l'organisation grandit, les « parts de gâteau » potentielles des détenteurs d'influence s'agrandissent. La diversité des produits multiplie les volants de sécurité financière. Une grande taille permet d'espérer des économies d'échelles, de garantir de meilleures chances de survie car un réseau large prémunit davantage l'organisation contre la faillite - too big to fail - et de disposer de plus de temps pour répondre aux pressions29.

26 pour rappel, les “buts de l’organisation” sont les buts que la coalition dominante est parvenue à imposer,

temporairement. Un changement dans l’environnement pourrait rompre l’équilibre et remettre en question la poursuite de certains buts.

27 Thompson, J.D., op.cit., 1967

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