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Taxonomie des trypanosomes africains infectieux pour l’espèce humaine

Les trypanosomes africains font partie de l’ordre phylogénétique des kinétoplastidés qui constitue une ramification précoce du sous-règne des protozoaires (1). Ils se rangent dans la section Salivaria du genre Trypanosoma et sont injectés dans le sang des mammifères par la piqûre d’une mouche tsé-tsé ou glossine (ou d’autres mouches piqueuses dans le cas d’espèces de trypanosomes qui n’infectent pas l’espèce humaine). Ils se distinguent en cela des membres de la section Stercoraria à laquelle appartient le trypanosome américain, T. cruzi, qui est transmis dans les matières fécales de son réduve vecteur (Figure 3.1).

Il existe de nombreuses espèces de trypanosomes africains ; toutefois, seuls ceux qui appartiennent au groupe T.brucei sont infectieux pour l’être humain. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, T. b. gambiense est l’agent causal d’une forme chronique de maladie du sommeil, alors qu’en Afrique de l’Est et en Afrique australe, T. b. rhodesiense est responsable d’une forme aiguë de la maladie (4).

Les deux sous-espèces ne peuvent être distinguées par un examen microscopique car elles ont une morphologie identique, et d’autres méthodes sont nécessaires pour les distinguer, étant donné que les maladies qu’elles provoquent sont traitées à l’aide de médicaments et selon des posologies qui sont pas les mêmes et que l’on utilise également des algorithmes de diagnostic différents pour déceler avec plus de précision les parasites présents dans les tissus de l’hôte. Il existe plusieurs méthodes pour distinguer T. b. rhodesiense des espèces apparentées. En premier lieu, sur le plan géographique, T. b. rhodesiense est présent en Afrique de l’Est à l’est de la vallée du Rift, alors que l’on trouve T. b. gambiense à l’ouest de cette vallée (cette distribution peut toutefois évoluer à mesure que les parasites empiètent sur leurs aires de répartition respectives traditionnelles).

Dans son aire de répartition, T. b. rhodesiense ne se distinguait, jusqu’à la fin des années 1960, que par son aptitude à infecter l’être humain ; l’identification du parasite sur des hôtes non humains a été confirmée par l’infection expérimentale

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Figure 3.1 Classification des trypanosomes de mammifères Source: référence 2 aT. rangeli a été retiré du sous-genre Herpetosoma et a été rattaché au sous-genre Tejeraia dans la section Salivaria. Voir la référence 3. b T.(T.) equiperdum est un parasite du cheval transmis par voie sexuelle. c T.(T.) evansi est transmis par voie mécanique par les taons.

Protozoa Sous-règne Sarcomastigophora Embranchement Mastigophora Sous-embranchement Zoomastigophorea Classe KinetoplastidaOrdre Trypanosomatina Sous-ordre Trypanosomatidae Famille Crithida Leptomonas Herpetomonas BlastocrithidiaTrypanosomaPhytomonas Leishmania EndotrypanumGenre Herpetosoma Megatrypanum Schizotrypanum Tejeraia Duttonella Nannomonas Typanozoon Pycnomonas Sous-genre T. (H.) lewisi T.(M.) theileri T.(S.) cruzi T.(T.) rangelia T.(D.) vivax T.(N.) congolense T.(T.) equiperdumb T. (P.) suis T. (H.) musculi T.(M.) melophagium T.(S.) dionisii T.(D.) uniforme T (N.) simiae T.(T.) evansicEspèce T.(H.) microti T.(T.) brucei Sous-espèce A. Stercoraria B. Salivaria T.(T.) b. brucei T.(T.) b. rhodesiense T.(T.) b. gambiense

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rie de rapports techniques de l’OMS N°984, 2013

de volontaires humains (5). Par la suite, on a eu recours au test d’infectiosité après incubation dans le sang, qui consiste à mettre les trypanosomes en présence de sang humain in vitro puis à les inoculer à des souris pour déterminer s’ils provoquent une infection (6,7). Cette méthode a été supplantée par des méthodes reposant sur l’électrophorèse des isoenzymes (8,9). Ultérieurement, une méthode praticable uniquement in vitro a été proposée pour déterminer l’infectiosité chez l’être humain (10). Plus récemment, on a identifié un marqueur moléculaire spécifique, le gène associé à la résistance au sérum ou gène SRA (11,12) et sa présence a été confirmée dans tous les isolements de T. b. rhodesiense (13,14), ce qui en confirme l’intérêt comme marqueur diagnostique. T. b. gambiense a tout d’abord été caractérisé par sa localisation géographique. Par la suite la découverte d’un marqueur moléculaire spécifique chez T. b. gambiense (TGSGP) (15) a fourni un moyen d’identifier le parasite qui sera de plus en plus utile pour déterminer la gamme d’hôte complète de T. b. gambiense.

Une deuxième lignée de trypanosomes de l’espèce T. b. gambiense définie comme des trypanosomes infectieux pour l’espèce humaine est présente en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ; elle ne possède pas le gène TGSGP et a été classée comme T. b. gambiense type 2. Il est toutefois possible que les trypanosomes de ce type ne contribuent pas de manière importante à la charge de morbidité : le dernier isolement de T. b. gambiense type 2 remonte à 1992 (16). De nombreux mécanismes ont évolué chez divers hôtes pour combattre les infections microbiennes. Dans l’espèce humaine, l’évolution a abouti à des mécanismes de défense qui détruisent les trypanosomes infectieux en provoquant leur lyse par des facteurs présents dans le plasma. Toutefois, les sous-espèces de trypanosomes infectieuses pour l’être humain sont capables de se soustraire à ce processus lytique non immunitaire qui est mortel pour les autres espèces de trypanosomes.

La destruction des parasites s’effectue par le truchement de plusieurs facteurs trypanolytiques, notamment l’apolipoprotéine L1 qui appartient à la fraction lipoprotéique de haute densité du plasma. Ces particules contiennent également une protéine apparentée à l’haptoglobine qui est reconnue comme un ligand par un récepteur spécifique (hpr), ce qui a pour effet de faire entrer le complexe dans le trypanosome (17). Il existe un deuxième facteur trypanolytique qui est moins bien connu mais qui joue également un rôle déterminant dans la trypanolyse non immunitaire (18). T. b. rhodesiense peut éviter la trypanolyse grâce à une protéine appelée protéine associée à la résistance au sérum (SRA) qui se lie à l’apolipoprotéine L1 et la neutralise (15). La protéine SRA est une forme tronquée d’une protéine mutante, une glycoprotéine variable de surface (VSG) qui recouvre habituellement la surface du parasite et qui le protège contre la lyse médiée par le complément (voir plus loin). T. b. gambiense peut également résister à la lyse, peut-être en raison d’un captage réduit de l’apolipoprotéine L1 (19) et l’on a récemment montré que la protéine TGSGP elle-même intervenait dans la résistance au sérum humain (E.Pays, communication personnelle). Le

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Figure 3.2

Structure du trypanosome

Dessin : Caroline Morris Kinétoplaste Vésicule endocytaire

Mitochondrie

Noyau

Glycosome

Flagelle

Lysosome Poche flagellaire

rôle crucial joué par l’apolipoprotéine L1 dans la trypanolyse est corroboré par le fait que les sujets qui en sont dépourvus peuvent également être infectés par d’autres espèces de trypanosomes, par exemple T.evansi, qui habituellement n’est pas impliqué dans des infections humaines (20).