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Détection du parasite

6.1 Diagnostic de la trypanosomiase humaine africaine à T. b

6.1.2 Détection du parasite

La mise en évidence de la présence de parasites fournit une preuve directe d’une infection trypanosomienne et constitue donc le diagnostic irréfutable d’une THA. La plupart des techniques, à l’exception de la goutte épaisse, reposent sur la visualisation des trypanosomes du fait de leur mobilité. Le diagnostic parasitologique consiste dans l’examen microscopique de suc ganglionnaire ou du sang. On procède habituellement à un examen du LCR pour le diagnostic de phase mais cet examen peut également servir pour diagnostiquer la THA chez des cas très suspects lorsque les autres examens parasitologiques sont négatifs.

La détection du parasite peut exiger beaucoup de travail. C’est pourquoi, dans la pratique, on limite les examens parasitologiques aux cas jugés suspects d’après l’examen clinique ou les tests sérologiques. La charge parasitaire est généralement faible en cas d’infection à T. b. gambiense et elle peut être inférieure à la limite de détection des techniques parasitologiques les plus sensibles. Le fait de ne pas mettre en évidence le parasite n’exclut donc pas une infection. La prise en charge des cas qui sont suspects d’après les tests sérologiques mais ne peuvent pas être confirmés par l’examen parasitologique reste un sujet de préoccupation et elle est abordée à la section 8. Pour le diagnostic de la THA à T. b. gambiense, il est recommandé d’utiliser des techniques de concentration qui permettent d’examiner des volumes d’échantillon plus importants. Des méta-analyses d’études portant sur la sensibilité diagnostique de certaines techniques de détection des parasites ont été publiées (18,50).

Pour réussir un examen parasitologique, il faut que le temps qui s’écoule entre le prélèvement et l’examen soit le plus court possible (< 1 h) afin d’éviter l’immobilisation et la lyse des trypanosomes. Si, pour une raison quelconque, cet examen doit être retardé, on pourra prolonger la survie des trypanosomes en maintenant l’échantillon au frais (4–8 °C). Il faut être particulièrement attentif à l’entretien du matériel, notamment du microscope. Pour les préparations examinées à l’état frais comme le suc ganglionnaire, et lorsqu’on utilise des techniques comme la centrifugation en tubes à micro-hématocrite (mHCT) ou la mini-colonne échangeuse d’anions (mAECT) (voir les sections a, d et f

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dessous), il faut régler le microscope pour avoir le plus de contraste possible en abaissant le condenseur et en réduisant l’éclairage.

Il faut utiliser les techniques les plus sensibles pour la détection des parasites. Dans le cas de l’infection à T. b. gambiense, il s’agit de l’examen direct du suc ganglionnaire, de l’examen du sang par les techniques de concentration (de préférence la mAECT sur la couche leuco-plaquettaire) et de l’examen du LCR par centrifugation simple modifiée.

(a) Suc ganglionnaire

En présence de ganglions cervicales engorgés, on les ponctionne et le suc ganglionnaire est déposé sur une lame puis recouvert d’une lamelle avec laquelle on étale l’échantillon, la préparation étant ensuite examinée à l’état frais au microscope avec un grossissement de 40 x 10 à la recherche de trypanosomes mobiles. En raison de sa simplicité et de son faible coût, cette technique est largement utilisée. Sa sensibilité est d’environ 59 % (fourchette : 43–77 %) mais dépend de la proportion de cas de THA présentant une hypertrophie des ganglions lymphatiques, qui peut varier d’un foyer à l’autre (51).

(b) Goutte épaisse

Si l’on ne dispose pas d’une centrifugeuse, la technique de la goutte épaisse constitue la méthode de choix pour l’examen du sang. Elle est simple à exécuter et bon marché. Elle permet de détecter non seulement les trypanosomes mais aussi d’autres parasites tels que les microfilaires et les plasmodies.

Pour préparer une goutte épaisse, on dépose une petite goutte de sang (environ 20µl) prélevée par ponction du bout du doigt sur une lame, on l’étale sur une zone d’environ 1cm2 puis on la défibrine. La lame est mise à sécher en position horizontale, à l’abri de la lumière solaire directe, et on la colore au Giemsa avant de l’examiner au microscope avec un grossissement de 40 x10 ou de 100 x 10). Pour qu’un échantillon soit considéré comme positif, il faut pouvoir distinguer au moins quatre des cinq caractéristiques morphologiques suivantes des trypanosomes : un noyau coloré, un kinétoplaste coloré, un flagelle coloré, le corps cellulaire ou la bonne taille du parasite. En pratique, la limite de détection en goutte épaisse est de 5000 à 10 000 trypanosomes par ml. C’est pourquoi la sensibilité diagnostique de cet examen est plutôt faible (26–35 %) (52,53).

Les examens en goutte épaisse sont relativement longs (durée de lecture, 10 à 15 min par lame). Les échantillons doivent être correctement préparés pour éviter les artéfacts : bonne épaisseur et bonne défibrination, des réactifs de pureté suffisante et de bonne qualité pour la coloration et des lames propres. On constate souvent une déformation des trypanosomes.

135 (c) Lyse des hématies

La lyse des hématies au moyen de chlorure d’ammonium ou d’un tampon lytique du commerce permet de mieux distinguer les trypanosomes. Des expériences préliminaires montrent que l’on parvient à bien détecter les trypanosomes après lyse des hématies, centrifugation puis examen au microscope d’un étalement mince ou épais du sédiment coloré au Giemsa ou à l’orangé d’acridine (37). Une évaluation plus poussée de cette technique serait nécessaire avant de l’utiliser dans les programmes de lutte.

(d) Centrifugation en tubes à micro-hématocrite

La technique de centrifugation en tubes à micro-hématocrite ou mHCT est également appelée technique de centrifugation en tubes capillaires ou test de Woo (54–56). Des tubes capillaires contenant un anticoagulant sont remplis aux trois-quarts (environ 50 µl) avec du sang prélevé par ponction du bout du doigt.

L’extrémité sèche est scellée avec de la pâte à modeler ou à la flamme, en veillant à ne pas chauffer le sang pour ne pas tuer les trypanosomes. On concentre les trypanosomes dans la même couche que les leucocytes, entre le plasma et les érythrocytes, par centrifugation à grande vitesse (12 000 g pendant 5 min) dans une centrifugeuse à hématocrite. Les tubes capillaires sont disposés soit dans un portoir spécial, soit entre lame et lamelle et l’espace libre entre les surfaces de verre est rempli d’eau pour réduire la diffraction. On examine les tubes capillaires sous faible grossissement (10 x 10) pour rechercher les parasites mobiles à la jonction de la couche leucocytaire et de la couche plasmatique. Si l’on possède des oculaires de grossissement 16 x, il faut les utiliser car ils permettent de reconnaître plus facilement les trypanosomes.

On estime que la limite de détection de la mHCT est d’environ 500 trypanosomes par ml. Pour améliorer la sensibilité, il est recommandé d’examiner au moins quatre tubes capillaires par personne. Cette technique est peu coûteuse, elle ne prend pas trop de temps, et présente une sensibilité modeste d’environ 56 % (39–80 %). Tout le matériel nécessaire à l’exécution de la mHCT est facile à trouver.

L’un des inconvénients de cette technique tient au fait qu’elle nécessite une centrifugeuse à micro-hématocrite. De plus, il faut avoir une certaine expérience de la lecture des tubes car les trypanosomes apparaissent minuscules sous ce grossissement et se trouvent dans un milieu riche en leucocytes. Si des microfilaires mobiles sont présentes, elles rendent l’observation des trypanosomes particulièrement difficile.

(e) Technique de la couche leuco-plaquettaire (QBC)

Cette technique, mise au point initialement pour établir rapidement la formule sanguine a été étendue à la diagnose des parasites sanguicoles, notamment les

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plasmodies et les trypanosomes (57,58) et on l’utilise aussi avec succès pour le diagnostic de la maladie du sommeil (58). Elle associe concentration des parasites par centrifugation et coloration fluorescente de l’ADN du noyau et du kinétoplaste des trypanosomes vivants par l’orangé d’acridine.

Après centrifugation à grand vitesse d’environ 70 µl de sang dans des tubes capillaires spéciaux enduits d’acide éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) et d’orangé d’acridine qui contiennent un petit cylindre flottant, les trypanosomes mobiles sont identifiés entre les leucocytes dans la couche leuco-plaquettaire étendue, grâce à la fluorescence de leur noyau et de leur kinétoplaste. La lumière ultraviolette est produite par un module à LED (59) ou par une « source de lumière froide » reliée par une fibre de verre à un objectif muni d’un filtre approprié, que l’on peut monter sur la plupart des microscopes.

Avec une limite de détection inférieure à 500 trypanosomes par ml, la technique de la couche leuco-plaquettaire permet de déceler une THA sur plus de patients faiblement parasitémiques qu’avec la technique mHCT. Elle est donnée comme aussi sensible (77 % ; 69-92 %) que les versions plus anciennes de la mAECT (voir ci-dessous) (60,61). Comme pour la mHCT, la détection des trypanosomes par la technique de la couche leuco-plaquettaire pose des problèmes en présence de microfilaires. Les tubes capillaires sont relativement chers et leur disponibilité dépend de la production commerciale. Il faut en plus investir dans l’achat d’une centrifugeuse et d’une source lumineuse spéciales. Ce matériel est relativement complexe et fragile, aussi ne peut-on guère envisager un transport quotidien lors des séances de dépistage actif. Pour pouvoir lire les résultats il faut disposer d’une pièce obscure et posséder une certaine expérience.

(f) Technique de la mini-colonne échangeuse d’anions

À pH 8, les cellules sanguines sont chargées négativement alors que les trypanosomes restent neutres, de sorte qu’on peut les séparer par chromatographie d’échange d’anions (62,63). La technique consiste à faire passer 350 à 500 µl de sang sur une colonne garnie de diéthylaminoéthylcellulose. Les cellules sanguines sont retenues sur le gel et l’éluat contenant les trypanosomes est recueilli dans un tube. Les trypanosomes sont concentrés dans le fond du tube par centrifugation à faible vitesse (1000 g pendant 15 min) après quoi l’extrémité du tube placé sur un portoir spécial est examinée au microscope (grossissement : 10x10 ou de préférence 10 x16) à la recherche des trypanosomes (64). La méthode a été adaptée pour être effectuée sur la couche leuco-plaquettaire (mAECT-BC) ; elle consiste alors à centrifuger 5 ml de sang et à faire passer sur la colonne 500 µl de la couche leuco-plaquettaire obtenue (65).

L’important volume de sang utilisé pour cette technique permet de déceler moins de 30 trypanosomes par ml et moins de 10 trypanosomes par ml avec la variante mAECT-BC, ce qui permet d’avoir une sensibilité diagnostique de 77%

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(68,8 – 92,1 %) pour la mAECT et jusqu’à 96 % pour la mAECT-BC (18,65).

Si des microfilaires sont présentes, quelques-unes peuvent passer à travers la colonne mais elles gênent moins la lecture que dans le cas des techniques mHCT ou de la couche leuco-plaquettaire étendue.

L’exécution de la mAECT comporte des manipulations assez longues et fastidieuses et une centrifugeuse de table est indispensable. Les colonnes peuvent atteindre un prix prohibitif en cas d’utilisation à grande échelle. La production de ce dispositif de diagnostic n’est pas sans difficultés et nécessite un contrôle de qualité permanent. Comme il n’a pas d’autre marché que le diagnostic de la THA, il ne présente pas d’intérêt sur le plan commercial et il y a donc un risque d’arrêt de la production.