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Détection moléculaire

6.1 Diagnostic de la trypanosomiase humaine africaine à T. b

6.1.3 Détection moléculaire

Les tests moléculaires basés sur la mise en évidence de l’ADN ou de l’ARN trypanosomien constituent un moyen indirect intéressant pour la détection des parasites (66,67), notamment du fait qu’ils peuvent être pratiqués sur des échantillons mis en réserve (le sang congelé est préférable au sang conservé sur papier absorbant ou dans un tampon de stockage). La plupart de ces tests reposent sur l’amplification enzymatique de séquences d’ADN ou d’ARN spécifiques des trypanosomes, avec visualisation du produit d’amplification. Alors que les parasites du groupe Trypanozoon (T.brucei, T.evansi et T.equiperdum) peuvent être détectés à travers des cibles à copie multiple comme l’ADN satellite (68) et l’ARN ribosomique (69), l’identification de T.b.gambiense repose sur la détection du gène TGSGP qui est à copie unique (70). En raison de la moindre sensibilité de ce test, les tests spécifiques du groupe Trypanozoon constituent la première option, l’identification des sous-espèces étant effectuée le cas échéant.

Pour la majorité de ces tests, il faut que l’ADN ou l’ARN présent dans l’échantillon clinique soit purifié pour permettre la détection d’un seul trypanosome dans 1 ml de sang ; cela étant, ce sont des tests qui sont trop complexes pour être pratiqués sur le terrain et ils sont réservés aux laboratoires de référence ou de recherche, où ils servent souvent à confirmer une infection et à identifier une espèce ou une sous-espèce de trypanosome. En revanche, il n’est pas recommandé de prendre des décisions thérapeutiques qu’en fonction des résultats des tests moléculaires car ce sont des méthodes indirectes qui ne peuvent identifier que les cas suspects. Bien que la spécificité analytique des tests moléculaires soit généralement élevée (66,71), on peut avoir des faux-positifs en cas d’amplification d’acides nucléiques contaminants. Pour réduire ce risque le plus possible, il y a des manipulations à faire avant et après l’amplification dans des endroits distincts du laboratoire et il faut aussi utiliser des témoins négatifs chaque fois que l’on pratique le test afin de voir s’il y a contamination. Comme les acides nucléiques peuvent être très stables, le fait de les détecter ne garantit

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pas la présence de trypanosomes vivants, ce qui pourrait empêcher de poser le bon diagnostic de phase et d’évaluer l’issue du traitement (69). De plus, la plupart des tests moléculaires actuels sont spécifiques du groupe Trypanozoon et ne permettent donc pas d’exclure une infection passagère par des trypanosomes non pathogènes comme T.b.brucei (72).

(a) Réaction d’amplification en chaîne par la polymérase

La PCR produit des milliards de copies de courtes séquences d’ADN cible en moins de 2h grâce à une réaction enzymatique contrôlée par des cycles thermiques. De multiples tests basés sur la PCR ont été mis au point pour la détection du sous-genre Trypanozoon et il existe une PCR spécifique de T. b. gambiense qui cible le gène TGSGP (66). La sensibilité et la spécificité diagnostiques moyennes de la PCR sont respectivement égales à 98,7 % (intervalle de confiance à 95 % : 94,9 – 99,7 %) et à 97,4 % (intervalle de confiance à 95 % : 91,7 – 99,2 %) (73), mais la plupart des tests basés sur la PCR n’ont été évalués que lors d’essais de phase I (développement). En général, l’ADN amplifié est visualisé par électrophorèse en gel d’agarose suivie d’une coloration au bromure d’éthidium. On a mis au point une PCR en temps réel qui permet la détection à haut débit de l’ADN de Trypanozoon (74). Des tentatives ont été faites en vue de simplifier la détection de l’ADN amplifié en utilisant un test à flux latéral, le but étant la normalisation de ce test (75).

(b) Amplification à médiation par boucles

Le test d’amplification isotherme à médiation par boucles (LAMP) permet l’amplification isotherme de la séquence d’ADN cible. Des tests LAMP ont été mis au point pour l’amplification de séquences d’ADN spécifiques du groupe Trypanozoon (76,77) et également pour celle du gène TGSGP spécifique de T.

b. gambiense (78). On a aussi élaboré un système avec flux latéral et bandelettes réactives permettant une lecture simple du résultat du test (79), mais le procédé de visualisation du produit d’amplification qui convient le mieux est une réaction colorée utilisant le bleu d’hydroxynaphtol (80). Il existe une trousse contenant tout ce qui est nécessaire à l’exécution d’un test LAMP spécifique du groupe Trypanozoon et qui doit maintenant faire l’objet d’une évaluation plus poussée avant d’être mis sur le marché.

(c) Amplification basée sur des séquences d’acide nucléique

On a mis au point un test basé sur l’amplification de séquences d’acides nucléiques spécifiques (NASBA) du groupe Trypanozoon qui détecte l’ARN ribosomique 18S du parasite. Il en existe une version temps réel (81) et une version flux latéral (82). La sensibilité diagnostique va de 90 à 97 % et la spécificité de 59 à 99 % (73). Il n’existe pas de trousses dans le commerce.

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6.2 Diagnostic de la trypanosomiase humaine africaine à T. b.

rhodesiense

6.2.1 Détection des anticorps

On n’a pas encore identifié de gènes VSG utilisables pour le diagnostic de la THA à T. b. rhodesiense en raison des importantes variations antigéniques que présente cette sous-espèce. Il n’existe aucun équivalent du CATT pour le dépistage de cette forme de la maladie. C’est l’immunofluorescence que l’on utilise le plus souvent pour le sérodiagnostic de l’infection à T. b. rhodesiense. Comme dans le cas de T.

b. gambiense, on peut pratiquer un test d’immunofluorescence indirecte avec des trypanosomes entiers, soit sur le sérum, soit sur des éluats de papier absorbant imprégné, soit sur le LCR. Lorsque ce test est effectué sur le sérum, on a, pour la THA à T. b. rhodesiense, une sensibilité de 71 à 92 % (30,83,84). Les tests ELISA pour la détection des anticorps anti-T. b. rhodesiense utilisent généralement comme antigènes des extraits bruts de trypanosomes, avec le risque de réactions non spécifiques que cela comporte (85,86). Il faudrait étudier davantage la possibilité d’utiliser des glycoprotéines de surface invariantes exprimables sous forme de protéines recombinantes (24).

6.2.2 Détection du parasite

Le diagnostic parasitologique de l’infection à T. b. rhodesiense repose principalement sur l’examen microscopique du sang ou de ponctions du chancre d’inoculation. La charge parasitaire est variable dans cette infection mais on estime qu’elle est beaucoup plus importante que dans la THA à T. b. gambiense, avec des valeurs qui peuvent aller jusqu’à 10 000 trypanosomes par ml. On a généralement recours à des techniques simples pour détecter les trypanosomes, principalement la technique de la goutte épaisse, mais toutes celles qui ont été décrites pour le diagnostic parasitologique de la THA à T. b. gambiense sont utilisables et elles sont plus sensibles que celles qui sont exposées ci-dessous , lesquelles s’appliquent principalement au diagnostic de l’infection à T. b. rhodesiense et ne sont pas recommandées pour la détection de T. b. gambiense du fait que dans cette forme de la maladie, le chancre d’inoculation est rare et que leur sensibilité sur le sang total est faible.

(a) Ponction du chancre d’inoculation

L’examen microscopique du chancre est le moyen qui permet le diagnostic le plus précoce d’une infection trypanosomienne (87) car les trypanosomes peuvent être détectés dans le chancre quelques jours avant leur apparition dans le sang.

L’exsudat du chancre est examiné soit à l’état frais, soit sous la forme d’une préparation fixée et colorée au Giemsa avec un grossissement de 40 x 10.

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Cette technique est simple et peu coûteuse et elle donne rapidement des résultats ; toutefois elle est peu utilisée car le chancre peut ne jamais se former et souvent, il a déjà disparu au moment de l’examen.

(b) Étalements de sang frais

Pour préparer ces étalements, on prélève 5 à 10 µl de sang par ponction du bout du doigt que l’on examine au microscope entre lame et lamelle avec un grossissement de 10 x 40. Les trypanosomes qui sont présents sont trahis par leurs mouvements parmi les hématies ; l’agitation des érythrocytes qui entourent les parasites attire souvent l’attention.

Avec ces étalements de sang frais, la limite de détection est > 10 000 trypanosomes par ml ; la sensibilité est donc faible mais pourrait suffire pour détecter les infections à T. b. rhodesiense fortement parasitémiques. Cette technique est encore utilisée en raison de son faible coût, de sa simplicité et du fait qu’on a immédiatement le résultat.

(c) Frottis sanguins colorés

Pour préparer un frottis sanguin, on prélève environ 5 µl de sang par ponction du bout du doigt que l’on dépose sur une lame et qu’on étale uniformément. La lame est séchée et fixée pendant 2 à 3 minutes avec du méthanol, puis colorée au Giemsa ou au colorant de Field. Les lames sont examinées au microscope avec un grossissement de 40 x 10 ou de 100 x 10.

La sensibilité des frottis colorés est faible, du même ordre que celle des étalements frais, mais la morphologie des trypanosomes est mieux conservée qu’en goutte épaisse.

6.2.3 Détection moléculaire

Les tests PCR, LAMP ou par NASBA qui sont spécifiques du groupe Trypanozoon et ont été décrits dans le cas de T. b. gambiense, peuvent également être utilisés pour la détection de T. b. rhodesiense dans des échantillons cliniques. Des tests PCR (88,89) et LAMP (90) basés sur le gène SRA ont été mis au point pour l’identification de la sous- espèce T. b. rhodesiense.

Il y a peu de données sur la précision diagnostique des tests moléculaires de détection de T. b. rhodesiense. Dans le cas du test SRA-PCR, on fait état d’une sensibilité de 96-100 % et d’une spécificité de 100 % (intervalle de confiance à 95 % : 89–100 %) (88,91). En ce qui concerne le test LAMP effectué sur papier absorbant FTA®, on indique une sensibilité de 95 % (92). La PCR/oligo-chromatographie a une sensibilité de 81 % et une spécificité de 92 % alors que dans la NASBA suivie d’une oligo-chromatographie, elles sont respectivement de 84 % et 99 % (93).

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