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Diagnostic de phase

Le diagnostic de phase, c’est-à-dire la détermination du stade de la maladie est nécessaire pour compléter le diagnostic d’une THA et il est capital pour déterminer le traitement qui convient. La THA évolue en deux phases. Au début, les trypanosomes se disséminent et prolifèrent dans la lymphe, le sang et d’autres tissus. Cette phase lymphatico-sanguine, qui constitue la première phase ou stade précoce de la maladie est suivie d’une deuxième phase ou phase méningo-encéphalitique au cours de laquelle les trypanosomes envahissent le système nerveux central. Cette deuxième phase survient au bout de 300 à 500 jours dans le cas de la THA à T. b. gambiense (94), alors que dans la forme à T.

b. rhodesiense, on estime que l’invasion du système nerveux central se produit au bout de 3 semaines à 2 mois d’infection (95). Pour les deux formes de la maladie, le diagnostic de phase est posé après examen du LCR (96). Pour cela, on pratique habituellement une ponction lombaire immédiatement après le diagnostic parasitologique de l’infection trypanosomienne ou lorsque les signes d’infection qui sont présents justifient cette investigation relativement invasive (par exemple des signes cliniques révélateurs ou une forte suspicion basée sur les tests sérologiques). En pratique, dans le cas de T. b. rhodesiense, c’est seulement après avoir administré une dose de suramine qu’on procède au diagnostic de phase car on estime qu’il faut éliminer la parasitémie avant la ponction lombaire afin d’éviter d’introduire le parasite dans le LCR en cas de ponction traumatique.

Pour définir la phase de la maladie, on s’appuie sur le nombre de leucocytes présents et sur la présence de trypanosomes dans le LCR (Tableau 6.2). Par le passé, on recommandait de déterminer la concentration totale en protéines pour déterminer la phase (97), mais on ne le fait que rarement aujourd’hui et cet examen n’influe guère sur la décision en matière de diagnostic de phase. De plus, comme la protéinorachie totale est influencée par des taux sanguins élevés d’immunoglobulines, elle est déjà modérément augmentée dans la première phase. C’est seulement en cas de dysfonctionnement de la barrière hémato-encéphalique, ce qui est relativement rare dans la THA, que la protéinorachie devient nettement anormale (98).

Tableau 6.2

Critères pour le diagnostic de phase de la trypanosomiase humaine africaine d’après l’examen du liquide céphalo-rachidien

Numération leucocytaire

0–5 /µl ≥ 6 /µl

Absence de trypanosomes Phase lymphatico-sanguine

Première phase Phase méningo-encéphalitique Deuxième phase

Présence de trypanosomes Phase méningo-encéphalitique

Deuxième phase Phase méningo-encéphalitique Deuxième phase

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6.3.1 Numération des leucocytes

On considère que lorsque les patients ont une numération leucocytaire ≤ 5 par µl et pas de trypanosomes dans leur LCR, ils se trouvent dans la première phase de la maladie ; ceux dont la numération leucocytaire est > 5 par µl sont en deuxième phase. En présence d’une THA à T. b. gambiense avec 6–20 leucocytes par µl et pas de trypanosomes dans le LCR, on a estimé avoir probablement affaire à un mélange de patients avec ou sans atteinte du SNC (98). On a considéré que ces patients se trouvaient « en début de deuxième phase » ou « en phase intermédiaire » et ils ont été traités par la pentamidine afin d’éviter la toxicité du mélarsoprol.

Les informations dont on dispose quant à l’efficacité d’une élévation du seuil de traitement sont rares et contradictoires (99–101). Toutefois, depuis l’introduction du traitement combiné nifurtimox-éflornithine (NECT) ou de l’éflornithine seule en première intention pour traiter la deuxième phase de la THA à T. b. gambiense, il n’est plus recommandé de prescrire de la pentamidine aux patients qui ont 6–20 leucocytes par µl dans leur LCR et la notion de phase intermédiaire a perdu sa signification thérapeutique. On s’accorde néanmoins à considérer que pour les essais cliniques des nouveaux médicaments, seulement les sujets qui ont une leucorachie > 20 par µl doivent être inclus avec les malades en deuxième phase (102).

L’augmentation de la leucorachie pendant la deuxième phase de la THA porte essentiellement sur les lymphocytes B (103). La numération totale reste habituellement inférieure à 1000 leucocytes par µl. On observe parfois dans le LCR de grands plasmocytes, cellules morulaires ou cellules de Mott, qui sont remplis de vacuoles contenant des IgM. La présence de ces cellules est considérée comme révélatrice d’une THA (104,105).

Il faut que la leucorachie soit déterminée correctement pour que l’on puisse prendre en charge le patient et les leucocytes doivent donc être comptés avec le plus grand soin. Étant donné le petit nombre de leucocytes dans le LCR à l’état normal, celui-ci ne doit pas être dilué, même s’il contient des hématies – cas d’un échantillon de LCR hémorragique. La chambre de comptage utilisée pour la leucorachie doit avoir un volume d’au moins 0,9 µl. Les chambres de comptage de Fuchs-Rosenthal et de Neubauer, qui sont les plus utilisées en pratique, ont des volumes respectifs de 3,2 µl et de 0,9 µl. Un montage défectueux de la lamelle couvre-objet ou son remplacement par une lamelle ordinaire sont des erreurs fréquemment commises lorsqu’on se sert de dispositifs de comptage réutilisables ; la conséquence de ce genre d’erreur, c’est que le volume de LCR n’est pas correct et que la numération est alors inexacte. On peut éviter de telles erreurs de manipulation en utilisant des dispositifs à usage unique en plastique dont la chambre de comptage retient un volume déterminé de LCR (106). Une

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fois la chambre remplie, on la pose sur la platine du microscope et on focalise sur la grille de numération à faible grossissement (objectif de 10x et oculaires de 10x ou de 15x). Avant de commencer le dénombrement des leucocytes, on les laisse reposer pendant 5 minutes et on peut pendant ce temps identifier des trypanosomes.

Pour mieux distinguer les leucocytes des hématies lors de la numération, on peut utiliser un objectif de 40x. Lorsque la leucorachie est inférieure à 20 par µl, il est recommandé de remplir une autre chambre pour un deuxième comptage. En prenant la moyenne des deux résultats, on améliore l’exactitude de la numération.

6.3.2 Détection des parasites dans le liquide céphalo-rachidien

La présence de trypanosomes dans le LCR permet de classer immédiatement le patient en deuxième phase (Tableau 6.2). La recherche directe des trypanosomes dans la chambre de comptage est une technique simple et peu coûteuse mais de faible sensibilité. Une centrifugation augmente la sensibilité.

Il existe une technique de centrifugation simple modifiée qui a une meilleure sensibilité et qui est plus facile à exécuter (106,107) ; elle est préférable à une centrifugation classique simple ou double (108). Lorsqu’on utilise la centrifugation simple modifiée, on centrifuge immédiatement 3,5 ml de LCR (10 min, 1000 g) dans une pipette Pasteur scellée à la flamme ou dans un tube collecteur de mAECT (64,109). Après la centrifugation, les trypanosomes sont piégés à l’extrémité du tube où on peut les détecter dans la chambre de lecture de la mAECT.

6.3.3 Autres marqueurs de phase

Un certain nombre d’autres marqueurs de la deuxième phase ont été proposés mais ils doivent faire l’objet d’une évaluation plus poussée. Par suite d’une importante synthèse intrathécale d’IgM, il y a une forte concentration de ces immunoglobulines dans le LCR des patients pendant la deuxième phase (98), concentration qui est mesurable au moyen d’un test d’agglutination (110). Une forte concentration en néoptérine se révèle être un marqueur tout aussi performant pour le diagnostic de la deuxième phase (111) et un test de diagnostic rapide pour la recherche de la néoptérine est en cours de mise au point. On a pu mettre en évidence l’augmentation du nombre de leucocytes B dans le LCR de malades en deuxième phase par la fixation de leur marqueur CD19 à des microparticules recouvertes d’anticorps anti-CD19 (112).

6.3.4 Tests moléculaires

On a utilisé des tests tels que la PCR et la NASBA pour déterminer la phase de la maladie sur des échantillons de LCR ; les auteurs font état d’une sensibilité de 89–100 % et d’une spécificité de 14–75 % (69,82,113–115). Ces tests moléculaires

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ne se sont pas montrés meilleurs, en ce qui concerne l’exactitude du diagnostic, que les techniques de centrifugation. Étant donné la faible spécificité des tests moléculaire pour la détermination de la phase, il faut interpréter avec prudence la présence d’ADN ou d’ARN parasitaire dans un LCR par ailleurs normal.