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Deuxième phase de la trypanosomiase humaine africaine à T. b

7.3 Traitement de première intention

7.3.3 Deuxième phase de la trypanosomiase humaine africaine à T. b

gambiense : traitement combiné nifurtimox–éflornithine

Un essai préliminaire organisé à Omugo (Ouganda) de 2001 à 2004 avait pour objet de comparer trois traitements combinés : mélarsoprol-nifurtimox, mélarsoprol-éflornithine et nifurtimox-éflornithine (NECT). Dans chaque bras de l’essai on a administré aux patients des doses égales des différents médicaments : le mélarsoprol à raison de 1,8 mg/kg et par jour pendant 10 jours ; l’éflornithine à raison de 400 mg/kg et par jour en perfusion intraveineuse lente toutes les 6 h pendant 7 jours ; le nifurtimox à raison de 15 mg/kg et par jour chez les adultes ou de 20 mg/kg et par jour chez les enfants de moins de 15 ans toutes les 8 h pendant 10 jours. Après le recrutement de seulement 54 patients, on a mis fin aux inclusions pour des raisons d’ordre éthique car on constatait un taux de létalité élevé dans le bras mélarsoprol-nifurtimox et des effets toxiques globaux très contrastés entre les différents bras. Une analyse en intention de traiter a montré que le taux de guérison était de 44,4 % avec le traitement par le mélarsoprol-nifurtimox, de 78,9 % avec le mélarsoprol-éflornithine et de 94,1 % avec le NECT. On a également observé d’importantes différences d’un schéma

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thérapeutique à l’autre en ce qui concerne le nombre d’issues fatales ( quatre avec le mélarsoprol-nifurtimox, une avec le mélarsoprol-éflornithine et aucune avec le NECT) et le nombre d’évènements indésirables majeurs ( degrés 3 et 4 ) (18 avec le mélarsoprol-nifurtimox, neuf avec le mélarsoprol-éflornithine, et cinq avec le NECT).Vu le petit nombre d’observations, il était exclu de déterminer la signification statistique de ces résultats (16).

Cet essai a été suivi d’une étude sur une série de cas comportant 31 patients traités par la combinaison nifurtimox-éflornithine selon le même schéma thérapeutique aussi en Ouganda. Tous les patients sont sortis vivants de l’hôpital et aucune rechute n’a été observée au cours de la période de suivi (144).

Le NECT a été soumis à un essai impliquant plusieurs pays afin de comparer le traitement habituel par l’éflornithine à un schéma abrégé combinant le nifurtimox et l’éflornithine afin de simplifier le traitement. L’éflornithine a une courte demi-vie et sa pharmacocinétique indique qu’elle nécessite quatre doses quotidiennes. On a toutefois fait valoir que la courte demi-vie de l’éflornithine pouvait être contrebalancée par son effet pharmacodynamique de longue durée sur les trypanosomes, car T. b. gambiense a besoin de beaucoup de temps (18 à 19 h) pour reconstituer son ornithine-décarboxylase une fois que celle-ci a été inhibée par l’éflornithine ; dans ces conditions, deux doses quotidiennes pourraient suffire (145). Lors d’un essai exploratoire, un traitement de courte durée (7 jours) par l’éflornithine seule s’est montré sensiblement moins efficace (146) ; en revanche, lors de l’essai portant sur les doses habituelles d’éflornithine et de nifurtimox, on a observé un taux de rechute très faible (16). Le schéma thérapeutique utilisé lors de l’essai sur le NECT effectué dans plusieurs pays a donc consisté à administrer 200 mg/kg d’éflornithine en perfusion intraveineuse d’une durée de 1 à 2 h toutes les 12 h pendant 7 jours et simultanément, du nifurtimox par voie orale à raison de 5 mg/kg toutes les 8 h pendant 10 jours. Ce schéma thérapeutique permet de ramener le nombre de perfusions de 56 à 14 et la durée du traitement de 14 à 10 jours (17,18 ,145). Parmi les 286 patients recrutés pour l’essai, le taux de rechute au bout de 18 mois de suivi était de 5,7 % avec l’éflornithine et de 1,4 % avec le NECT.

Des évènements indésirables se sont produits fréquemment dans l’un et l’autre groupe mais ils étaient pour la plupart bénins à modérés ; 41 patients (28,7 %) du groupe éflornithine et 20 du groupe NECT (14 %) ont fait des réactions sévères (degrés 3 ou 4), la différence étant statistiquement significative (p = 0,002).

Ces réactions étaient principalement de nature neurologique, avec neuf cas de convulsions dans les deux groupes de traitement ainsi qu’un cas de coma dans le groupe NECT et trois dans le groupe éflornithine. Comme prévu, les troubles digestifs étaient fréquents (respectivement 106 et 78 cas), mais on n’a observé d’évènements graves que chez deux patients de chaque groupe. Les réactions hématologiques étaient sensiblement moins fréquentes avec le NECT (21,0 %) qu’avec l’éflornithine (40,6 %) (p = 0,0003). La neutropénie, en particulier, était

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moins fréquente chez les patients sous NECT que chez ceux qui était traités à l’éflornithine (1,4 % contre 7 %) (18). La moindre toxicité médullaire qui ressort de la proportion plus faible de neutropénies et d’anémies dans le groupe NECT que dans le groupe éflornithine, cadre avec le fait que les patients du groupe NECT étaient moitié moins exposés à l’éflornithine ( groupe témoin, 14 jours ; groupe NECT, 7 jours). Cette exposition plus faible pourrait également expliquer la moindre fréquence globale des infections, effet renforcé par la réduction du nombre d’infections dues à la pose de cathéters en raison du nombre plus faible de perfusions à effectuer. La mortalité globale des patients sous NECT a été faible (1/143, soit 0,7 %).

Le NECT présente beaucoup d’avantages par rapport à l’éflornithine en monothérapie : il est plus facile à administrer, permet de réduire la quantité de médicaments, le personnel nécessaire ainsi que les moyens logistiques ; le séjour à l’hôpital est plus court et en outre, ce schéma thérapeutique offre une certaine protection contre l’apparition d’une pharmacorésistance. En raison de ces avantages et des résultats favorables des essais qui ont été effectués, le NECT a été inscrit en mai 2009 sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS pour le traitement de la deuxième phase de la THA à T. b. gambiense (19).

Afin d’obtenir davantage de données sur l’innocuité et l’efficacité de ce schéma thérapeutique, une étude sur le terrain et un programme de pharmacovigilance ont été entrepris. L’étude avait pour objet de d’évaluer l’efficacité du NECT dans les conditions réelles chez des patients très divers (notamment des femmes enceintes et des enfants) et de déterminer quelles en étaient les limites en cas d’utilisation en milieu rural. Elle a porté sur 629 patients, y compris 100 enfants d’âge ≤ 12 ans, 33 femmes allaitantes et 14 femmes enceintes. Au total, 39 évènements indésirables graves ont été observés chez 32 patients (5,1 %), dont 10 décès, soit un taux de létalité en milieu hospitalier de 1,6 % (147). Les évènements digestifs indésirables étaient les plus fréquents et consistaient notamment en nausées et vomissements (61 %), puis venaient les problèmes neurologiques (34 % au total, dont 9 % de convulsions) et psychiatriques (16 % au total, dont 6 % des agitations). Le programme de pharmacovigilance mis sur pied par l’OMS en 2010 a fait ressortir un taux de létalité global de 0,5 % parmi 1735 patients qui ont reçu le NECT dans 22 centres de neuf pays d’endémie (148). Les données issues de l’étude sur le terrain et du programme de pharmacovigilance montrent que le NECT a été mieux toléré par les enfants que par les adultes, avec des évènements neuropsychiatriques indésirables sensiblement moins fréquents.

7.3.4 Deuxième phase de la trypanosomiase humaine africaine à T. b.

rhodesiense : mélarsoprol

Le mélarsoprol a été utilisé pendant plus de 50 ans dans toutes sortes de schémas thérapeutiques, comportant l’administration de plusieurs séries de trois

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à quatre injections avec intervalles de 7 à 10 jours. Aucun d’entre eux ne s’est révélé présenter un avantage significatif sur les autres, aucun ne reposait sur des éléments d’appréciation de nature pharmacologique et la plupart n’avaient pas été validés par des essais cliniques prospectifs. En 2004, un schéma thérapeutique abrégé à base de mélarsoprol (2,2 mg/kg en dose quotidienne pendant 10 jours) a été recommandé comme la norme pour le traitement de la deuxième phase de la THA à T. b. gambiense (8,104,149). Comme il existe maintenant des produits de remplacement et en raison de la fréquence très grande des réactions indésirables, l’usage du mélarsoprol est limité au traitement de la deuxième phase de la THA à T. b. rhodesiense et à des situations particulières.

Ce même schéma thérapeutique abrégé a été évalué et son usage pour l’infection à T. b. rhodesiense recommandé en 2009, lors de la 30ièmeréunion du Comité scientifique international pour la recherche et la lutte contre la trypanosomiase (21,29). Sur 107 patients traités en Ouganda et en République unie de Tanzanie selon ce schéma thérapeutique, on a relevé un taux de létalité de 8,4 %, alors que chez 300 patients témoins traités antérieurement selon le schéma classique, ce taux était de 9,4 %. Sur les 98 survivants, 1 % ont rechuté pendant la période de suivi.

Les réactions indésirables au mélarsoprol peuvent être graves et engager le pronostic vital. L’effet le plus important est un syndrome encéphalopathique qui se produit dans 5 à 18 % des cas et dont l’issue est fatale chez 10 à 70 % d’entre eux (53,80). Sur le plan clinique, les symptômes sont décrits soit comme des convulsions, avec aggravation rapide des troubles neurologiques et coma progressif, soit comme des réactions psychotiques et des troubles du comportement (80). Ce syndrome a reçu des noms divers, ce qui montre que sa cause exacte n’est pas connue. On pense généralement qu’une réaction immunitaire en serait à l’origine (53, 80,150). Lors d’une étude à grande échelle, l’administration concomitante de prednisolone a eu un effet protecteur contre cette encéphalopathie chez des patients atteints d’une THA à T. b. gambiense (151), mais on ignore si cet effet protecteur se manifeste également dans le cas de la THA à T. b. rhodesiense. Des réserves ont été émises au sujet du prétraitement par la suramine, car il pourrait compromettre l’issue thérapeutique (22). Toutefois, les données recueillies dans le cadre des essais IMPAMEL III donnent à penser que l’administration concomitante de prednisolone (10 mg/kg) pourrait aussi réduire la fréquence du syndrome encéphalopathique (22).

Outre l’encéphalopathie réactive qui, comme on vient de le voir, est la réaction indésirable la plus redoutable, on observe souvent une pyrexie, des céphalées et un malaise général pendant le traitement par le mélarsoprol. Les troubles digestifs (nausée, vomissements, diarrhée) ainsi que les réactions cutanées (prurit) sont courants et des complications sérieuses comme une dermite exfoliative se produisent dans moins de 1 % des cas (53). Une insuffisance cardiaque

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s’observe fréquemment pendant le traitement et elle est souvent une cause de décès (152) mais on ne sait pas encore avec certitude s’il s’agit d’un effet indésirable du médicament ou si ces troubles cardiaques sont une manifestation de la THA elle-même, par ailleurs bien connue (153−155). On a parfois fait état d’autres réactions indésirables comme une neuropathie périphérique motrice (paralysie) ou sensitive (paresthésie) et des troubles rénaux (protéinurie et hypertension) ou hépatiques (augmentation des enzymes hépatiques, bilirubinémie) (142).

Le mélarsoprol n’est soluble que dans le propylène-glycol, qui est très irritant. Il faut donc administrer le médicament par voie intraveineuse sous la forme d’un bolus injecté lentement, en utilisant des aiguilles de haute qualité et en veillant à léser le moins possible la paroi vasculaire interne. Il faut absolument éviter de déposer le médicament dans la zone périvasculaire car cela peut provoquer une inflammation locale et une nécrose cutanée.

7.4 Autres traitements pour la deuxième phase de la

trypanosomiase humaine africaine à T. b. gambiense