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Les glossines dans leur environnement naturel

4.7.1 Principaux habitats

Pour vivre, les glossines ont besoin des conditions particulières de température et d’humidité que l’on rencontre uniquement dans les régions tropicales. Cet éco-climat correspond à celui de zones boisées où la pluviométrie est supérieure à 600 mm par an. Les conditions hygrométriques optimales correspondent en moyenne à une humidité relative comprise entre 50 et 60 % pour les espèces de savane et entre 65 et 85 % pour les espèces riveraines et forestières. Sur le plan thermique, la valeur optimale est d’environ 25 °C pour toutes les espèces. D’une façon générale, pupes et imagos souffrent dès que la température dépasse 36 °C et meurent si elle dépasse 38–40 °C. Les imagos sont paralysés par le froid et les pupes ne peuvent pas se développer lorsque la température est inférieure à 16 °C. Les climats chauds et secs (de type sahélien ou sub-saharien) et les climats froids avec des températures annuelles moyennes inférieures à 20 °C (hauts plateaux et Afrique australe) sont incompatibles avec les besoins des imagos et ils ne permettent pas aux stades pré-imaginaux de parvenir au stade adulte.

On a avancé que le changement climatique, et notamment l’augmentation de la température, dans ces régions de hauts plateaux et d’Afrique australe pourrait se traduire à l’avenir par une invasion de mouches tsé-tsé à la recherche de nouveaux habitats (26). Inversement, au Burkina Faso, l’aire de répartition des glossines a diminué de 70 000 km2 à partir de sa limite nord depuis 1949, à la fois à cause de la sécheresse et de la croissance de la population humaine (27).

Les glossines sont donc très liées à la végétation, qui constitue pour elles un écran protecteur contre le rayonnement solaire et l’effet desséchant du vent, écran lui-même tributaire de la présence d’eaux de surface ou d’eaux souterraines qui accroissent l’humidité de l’atmosphère et des sols. La nature et la densité de la canopée et du sous-bois influent sur la température, l’humidité, la luminosité, la possibilité de voler aisément et la présence d’animaux qui constituent les hôtes sur lesquels les mouches tsé-tsé se nourrissent. C’est l’abondance, la disponibilité et l’attractivité des hôtes qui déterminent la persistance et la densité des populations de glossines. Aussi, certains types de végétation constituent les habitats que les glossines colonisent tout au long de l’année ou pour une saison seulement.

C’est en se basant sur l’attirance des mouches pour ces conditions particulières (humidité déterminée par la végétation et hôtes disponibles) qu’ont été menées les premières opérations de lutte antivectorielle, qui consistaient à éliminer les animaux sauvages et à détruire les habitats (28). Ces méthodes n’ont plus cours actuellement car elles sont dommageables pour l’écosystème en général.

Les espèces des sous-genres Nemorhina et Austenina qui, en règle générale ont besoin d’une humidité relative plus élevée, sont dépendantes des végétaux ligneux qui peuplent les forêts galeries ou les grandes forêts. Celles qui

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Figure 4.4

Distribution géographique de Glossina pallidipes

D’après la référence 24

Figure 4.5

Distribution géographique de Glossina swynnertoni

D’après la référence 24

Figure 4.2

Distribution géographique des sous-espèces de Glossina fuscipes

D’après la référence 24

G. fuscipes fuscipes G. fuscipes martinii G. fuscipes quanzensis

Figure 4.3

Distribution géographique des sous- espèces de Glossina morsitans

D’après la référence 24

G. morsitans centralis G. morsitans morsitans G. morsitans submorsitans

Etendues d’eau Etendues d’eau

Etendues d’eau Etendues d’eau

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appartiennent au sous-genre Glossina s.str. , qui sont plus xérophiles, se dispersent largement dans les savanes boisées au cours de la saison des pluies, mais se rapprochent de la végétation proche de l’eau lors de la saison sèche. À l’intérieur de ces habitats, les mouches choisissent les endroits où le microclimat leur est le plus favorable. Auprès de ces associations végétales, généralement situées à la frontière entre deux types de végétation, dont au moins un est constitué de bois, elles trouvent des lieux de repos, de reproduction et de chasse.

4.7.2 Déplacements

La vie quotidienne d’une mouche tsé-tsé se divise en deux périodes d’inégale durée : une période de repos et une période de vol actif. Cette dernière est toujours brève et consacrée à la recherche de nourriture, de lieux de repos favorables ou de sites de larviposition dans le cas des femelles et à la recherche de jeunes femelles dans le cas des mâles. Le vol se déroule généralement à faible hauteur (environ 0,5 m) et à grande vitesse (jusqu’à 25 km/h). Ces déplacements durent de quelques secondes à quelques minutes de suite, sous la forme d’une succession de petits sauts. Cela résulte certainement du métabolisme de ces mouches qui repose sur la proline, un acide aminé. Au cours d’une journée, les mâles volent pendant environ 30 à 50 minutes tandis que les femelles ne se déplacent que pendant quelques minutes, ce qui explique que l’usure du bord de fuite des ailes soit sensiblement différente entre les deux sexes (on s’en sert pour évaluer l’âge moyen d’une population).

4.7.3 Recherche d’hôtes

Les déplacements d’une glossine pour trouver un hôte sont la résultante de mécanismes complexes et de facteurs divers, dont certains sont propres à l’insecte (espèce, sexe, âge, gravidité et état nutritionnel) et d’autres propres à l’hôte. Les organes visuels et olfactifs des mouches les aident à trouver un hôte convenable et des systèmes basés sur l’attractivité visuelle et/ou olfactive sont d’ailleurs largement utilisés pour les capturer (29,30). Les bouffées odorantes émises par l’hôte viennent stimuler les poils chimio-sensibles des antennes et la mouche suit la trace odorante qui fluctue selon la direction et la vitesse du vent en se plaçant contre celui-ci ; elle détecte les odeurs produites par les sécrétions cutanées, les matières fécales, l’urine (divers dérivés phénoliques), le dioxyde de carbone et les substances odorantes présentes dans l’haleine de l’hôte (acétone, octénol). Sur de courtes distances (10 à 15 m), ce sont les facteurs visuels qui prennent le dessus : forme, taille, mouvement, contraste, et surtout la couleur et la réflectivité dans l’ultraviolet. On a observé d’importantes différences sur le plan olfactif et visuel entre les glossines des sous-genres Nemorhina et Glossina : les espèces du sous-genre Glossina semblent réagir davantage aux stimuli olfactifs que celle du sous-genre Nemorhina, ces dernières comptant davantage sur la vision. On a longtemps pensé que les glossines étaient

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attirées par la vision de grandes structures horizontales et oblongues, mais on a montré depuis que G. p. palpalis est plus attirée par les formes verticales et que plusieurs espèces du sous-genre Nemorhina réagissent très fortement aux petits écrans. Ces observations ouvrent de nouvelles perspectives à la mise au point de dispositifs de lutte économiques utilisant des pièges ou des écrans imprégnés d’insecticides (31–33).

4.7.4 Préférences trophiques

Les préférences trophiques des glossines ne reposent apparemment pas sur la valeur nutritionnelle du sang de leurs hôtes car on a observé que certaines espèces de savane (G. m. morsitans, G. m. centralis, G. m. submorsitans) se nourrissaient de préférence sur des suidés (phacochère et potamochère), alors que d’autres espèces (G. pallidipes, G. longipalpis) se nourrissent parfois exclusivement sur des bovidés (buffle, guib harnaché et autres antilopes) ou sur des hippopotames dans certaines régions. Lorsque phacochères et antilopes disparaissent d’une région où il n’y a pas de bétail, les glossines de savane se raréfient. Les espèces du sous-genre Nemorhina sont supposées être plus opportunistes et peuvent s’adapter en fonction de la disponibilité des hôtes locaux, y compris l’Homme, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences sur le plan épidémiologique, notamment en ce qui concerne la THA. Ainsi, en Côte d’Ivoire, G. palpalis se nourrit principalement sur les humains en l’absence de porcs, mais prend 75 % de ses repas de sang sur ces animaux lorsque ceux-ci sont abondants. Pendant la saison chaude, lorsque les hommes, les petites antilopes et G. palpalis se rapprochent des étendues d’eau, cette mouche prend 40 % de ses repas de sang sur le guib harnaché et 35 à 55 % sur des hôtes humains. Pendant la saison froide, elle se nourrit principalement sur des reptiles. En République centrafricaine, G.

f. fuscipes prélève jusqu’à 83 % de ses repas de sang sur des reptiles pendant la saison sèche (varans, crocodiles). Les populations de glossines riveraines (G.

palpalis, G. fuscipes, G. tachinoides) dont les habitats se situent aux alentours des villages en zone humide peuvent se nourrir exclusivement sur les porcs élevés par les villageois. En beaucoup de lieux d’Afrique de l’Ouest, des espèces riveraines comme G. palpalis gambiensis ou G. tachinoides se nourrissent visiblement sur des reptiles tels que varans, crocodiles et serpents.

Certains animaux sauvages (cobe, zèbre, gnou, oryx) communément présents dans les habitats des glossines sont rarement piqués par les mouches, peut-être parce qu’ils sont d’une couleur moins attractive (le zèbre, par exemple) ou que leur peau contient des substances répulsive, comme on l’a récemment montré dans le cas du cobe onctueux (34).

Les glossines piquent l’Homme, puisque ce dernier contracte la maladie du sommeil ; toutefois on sait depuis longtemps que l’odeur humaine repousse les tsé-tsé du groupe morsitans (35). Dans les régions où sévit la THA à T. b.

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rhodesiense, on commence à rechercher pour quelles raisons les glossines piquent l’Homme malgré cet effet répulsif (25). En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, où T. b. gambiense est transmis par G. fuscipes et G. palpalis, ces vecteurs sont attirés par l’odeur humaine (36). Cette observation a conduit à imaginer, pour les attirer, des dispositifs plus verticaux simulant la stature humaine (33) comme le piège biconique ou le piège Vavoua, alors que ceux que l’on a mis au point pour les mouches du groupe morsitans sont ordinairement horizontaux et simulent donc les ongulés ( voir section 4.11 et suivantes).

4.7.5 Cycles d’activité

Les mouches tsé-tsé ne sont actives que quelques minutes par jour et seulement lorsque les conditions climatiques sont favorables. La plupart des espèces ont une activité exclusivement diurne, encore que certaines autres appartenant au sous-genre Austenina sont actives à la tombée de la nuit et parfois même durant la nuit. Dans les zones de savane et pendant la saison chaude, les glossines sont particulièrement actives le matin puis à nouveau en fin d’après-midi (37,38). Elles ne quittent pas leurs lieux de repos pendant les heures les plus chaudes de la journée et présentent un phototactisme positif aux températures inférieures à 32 °C ; au-delà de cette température, il devient négatif. À 35 °C, elles sont au repos. Elles sont moins actives lorsqu’il pleut ou que le vent souffle. Pendant la saison froide, elles ne s’activent qu’en fin de matinée et aux heures chaudes de l’après-midi.

Pendant la saison des pluies, leur activité se répartit plus uniformément sur la journée. Les espèces qui peuplent les forêts galeries ont généralement un cycle d’activité similaire : bimodal pendant la saison chaude, très nettement unimodal pendant la saison froide et uniforme durant la saison des pluies. En zone de forêt où les variations climatiques sont plus uniformes, l’activité l’est également. La faim stimule l’activité : plus la mouche est affamée plus elle réagit facilement aux stimuli visuels et olfactifs. Les femelles ont un pic d’activité le premier jour du cycle de gestation, juste après la larviposition et les jours 6−7 de la gestation, au cours du passage du deuxième au troisième stade larvaire.

4.7.6 Dispersion

Les déplacements en vol se font généralement sur de courtes distances. Les espèces riveraines se dispersent plutôt de façon linéaire, en allant et en revenant le long des rives des cours d’eau, soit vers l’amont, soit vers l’aval, sur de courtes distances (200 à 300 m). Pendant la saison sèche, elles se déplacent longitudinalement dans les galeries (39). Pendant la saison des pluies, les glossines peuvent voler de la végétation riveraine à la savane voisine et sont capables de passer d’un bassin hydrographique au bassin voisin. Au cours de la saison chaude, certains individus peuvent voler sur de grandes distances le long des rivières (17 km en 3 jours pour G. tachinoides, 22 km en 5 jours pour G. p. gambiensis). Les espèces savanicoles volent davantage au hasard, généralement sur de courtes distances (de 175 m par

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jour pour G. pallidipes au Kenya à moins de 1 km pour G. m. submorsitans) (40).

Au début de la saison des pluies cependant, des vagues successives de dispersion impliquant un nombre important de mouches peuvent se produire. C’est ainsi que des zones nettoyées peuvent être recolonisées par G. m. submorsitans au rythme de 5 à 15 km par an et par G. palpalis à raison de 3 à 10 km par an (41).

Les glossines peuvent suivre les troupeaux de bestiaux, les humains ou encore être transportées passivement sur de grandes distances par des véhicules, des bateaux ou des trains, ce qui constitue une source de ré-invasion et de dispersion des trypanosomes.

4.7.7 Lieux de repos

La connaissance des lieux de repos diurnes des glossines permet de les combattre efficacement par des épandages sélectifs d’insecticides au niveau du sol (39,42).

Ces lieux se caractérisent par une température, un degré d’humidité et un éclairement qui se situent dans les limites les plus favorables, avec des valeurs qui sont très différentes (microclimat) de celles des conditions ambiantes (macroclimat). Les mouches se reposent pendant la plus grande partie de la journée, généralement près du sol, sur les parties ligneuses vivantes de la végétation. Aux petites heures du matin, elles optent pour la face ensoleillée des plantes, mais dès que la température monte, un phototactisme négatif les amène à se réfugier vers les endroits ombreux de leur habitat, comme la face inférieure des branches ou des broussailles, les trous d’arbres et les accidents ombragés du terrain ou encore sous les grosses racines. Ce sont des endroits où la température est souvent de 8 à 10 °C plus basse que la température ambiante. Elles ont une préférence pour les troncs ou les branches de diamètre supérieur à 20−30 cm (G.

tachinoides, G. morsitans) ou de moins de 10 cm (G. p. gambiensis). La hauteur des lieux de repos est étroitement liée à la température : dès que la température ambiante augmente, les glossines se rapprochent du sol. Les lieux de repos sont plus proches du sol au cours de la journée que pendant la nuit et pendant la saison chaude et la saison sèche que durant la saison humide. Lorsque les températures sont basses, les lieux de repos sont à moins de 3 m de hauteur et à moins de 50 cm pendant la saison chaude : 90 % de G. tachinoides par exemple, se reposent à moins de 20 cm du sol pendant cette saison (42). De même, la distribution transversale des lieux de repos dans une galerie dépend aussi de la température.

Les mouches se regroupent à proximité des cours d’eau pendant la saison chaude : environ 60 % de G. p. gambiensis se concentrent près des rivières en cours de journée, dans une bande de végétation de moins de 1 m de large. Dans les régions soudano-guinéennes, 90 % des mouches sont situées dans un secteur étroit de la galerie qui représente environ le seizième de sa largeur. À la tombée de la nuit, les mouches quittent leur lieux de repos diurnes et montent apparemment dans la végétation au sommet du couvert végétal vers 2,5 – 6 m de hauteur, mais parfois aussi jusqu’à 10 m. Ces lieux de repos nocturnes sont les cibles principales des traitements aériens séquentiels, qui ont généralement lieu la nuit.

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