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Le nombre de cas notifiés et ses tendances

2.5.1 Trypanosomiase humaine africaine à T. b. gambiense

Tout comme la forme à T. b. rhodesiense, la forme à T. b. gambiense de la THA a une caractéristique frappante, à savoir sa capacité à prendre une allure épidémique.

De grandes épidémies ont, par le passé, dévasté des pans entiers de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale (125). On estime qu’au tournant du 20iéme siècle (1896-1906), la forme à T. b. gambiense a tué quelque 800 000 personnes en Afrique équatoriale (126). La maladie a réapparu dans les années 1920, menaçant à la fois l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ; la flambée a duré plus d’une décennie dans certains lieux et parfois beaucoup plus longtemps dans de grands pays. Cette vaste épidémie s’est produite au cours d’une période de développement social et économique, accompagné d’une mobilité accrue de la population, ce qui a facilité la propagation de l’infection. Les gouvernements des pays colonisateurs ont réagi à cette crise en prenant des mesures de lutte antivectorielle et en dépêchant des équipes sanitaires mobiles chargées du dépistage et du traitement systématiques des cas, dès lors qu’on disposait de moyens chimiothérapiques efficaces. Cette stratégie s’est révélée efficace et bien qu’elle ait nécessité un effort soutenu pendant plus de deux décennies, elle a permis de ramener le nombre de cas notifiés annuellement à un niveau proche de l’élimination, avec environ 4000 cas répertoriés en Afrique en 1960 (127).

Diverses hypothèses ont été proposées pour expliquer l’origine de flambées de THA à T. b. gambiense et leur tendance à la récidive (128). De nombreux facteurs sont probablement en cause au nombre desquels figurent la modification soudaine de l’environnement (par exemple, la déforestation et la mise en place d’une agriculture intensive centrée sur les cultures commerciales), la mobilité et le déplacement des populations ou encore la dégradation de l’environnement économique provoquant des changements du comportement humain. Les conflits et l’instabilité sociopolitique influent sur la persistance et la résurgence de l’infection (62). On a quelques raisons de penser que les sujets humains acquièrent une immunité vis-à-vis de T. b. gambiense (129) et on a avancé que les périodes inter-épidémiques observées au cours du 20iéme siècle se sont produites alors que la population des individus sensibles atteignait une taille qui lui permettait d’alimenter une autre épidémie.

Au cours des dernières décennies, les tendances de la prévalence ont été en grande partie tributaires de la présence ou de l’absence de programmes efficaces de lutte. Le point le plus bas de la prévalence a été atteint juste au moment où les pays d’endémie obtenaient leur indépendance. Dans nombre de régions la surveillance de la forme à T. b. gambiense a diminué, les autorités de santé publique des pays nouvellement indépendants focalisant leur attention et leurs ressources sur d’autres secteurs prioritaires. En outre, les conflits et l’insécurité ont fait

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rie de rapports techniques de l’OMS N°984, 2013 Tableau 2.2 Nombre total de cas nouveaux de trypanosomiase humaine africaine à T. b. rhodesiense notifiés à l’OMS par les pays où la maladie est endémique 1995–2012 Pays199519961997199819992000200120022003200420052006200720082009201020112012 Botswana––––––––––– Burundi––––––––––– Éthiopie––––––––––– Kenya0251422151011000100100 Malawi15871011353843704841585049392923 Mozambique––––––1–1–– Namibie––––––––––– Ouganda49717821728328330042632933833547326111913812911282 Rwanda––––––––––– Swaziland––––––––––– Tanzanie, République unie de

422400354299288350277228113159186127126591451 Zambie1315945159761013483 Zimbabwe––9––––––30324 Total notifié935591592606619709755617536552710453305259190156113 Les données relatives à 2010, 2011 et 2012 comportent une révision des chiffres publiés pdemment (136)

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obstacle aux interventions contre la maladie (130,131). Une analyse portant sur la période 1974-2004 révèle que des cas de THA se sont produits sensiblement plus souvent dans les lieux en proie à des troubles politiques et à des guerres civiles internationalisées, un intervalle de 10 ans séparant le déclenchement d’un conflit du pic de prévalence (132). Au cours des années 1990, la maladie est revenue en Afrique centrale sous une forme épidémique (113, 130, 133, 134). En 1995, le nombre de cas de THA à T. b. gambiense notifiés annuellement avait atteint un niveau que l’on avait plus revu depuis un demi-siècle, ce qui était particulièrement alarmant car seule une petite fraction des zones à risque était sous surveillance, l’ampleur réelle de l’épidémie étant inconnue. Cette année-là, le comité OMS d’experts sur la surveillance et la lutte de la THA avait estimé la prévalence de la maladie à 300 000 cas (135).

Au cours de cette période, la poursuite de l’aide bilatérale et multilatérale aux pays d’endémie a permis de soutenir les activités de lutte et probablement éviter que la maladie ne s’amplifie davantage. L’OMS a réagi à la nouvelle épidémie sous la forme d’une campagne destinée à coordonner l’action des partenaires internationaux travaillant à une meilleure maîtrise de la maladie, à rassembler les bonnes volontés politiques et à obtenir de nouvelles ressources de la part du secteur public et du secteur privé. Cette action a eu pour effet d’apporter davantage de soutien technique et logistique aux programmes en place dans les pays, d’améliorer la disponibilité des médicaments et l’accessibilité du traitement, de permettre un meilleur suivi des activités de lutte et d’appuyer plus énergiquement la mise au point de nouveaux médicaments, de nouveaux moyens de diagnostic et de nouveaux outils épidémiologiques. Tout cela a abouti à une réduction sensible du nombre de cas notifiés annuellement. Entre 2000 et 2009, le nombre annuel des cas dépistés a reculé de 63 % au moment même où la couverture géographique et celle de la population par un dépistage actif étaient en augmentation (8). Cette tendance prometteuse s’est poursuivie en 2010 et en 2011. Cette année-là le nombre de cas notifiés à l’OMS a été de 6631 (136).

Actuellement, c’est la République démocratique du Congo qui support la majeure partie de la charge de morbidité (Tableau 2.1).

La tendance actuelle du nombre de cas de THA à T. b. gambiense notifiés est prometteuse mais il faut la considérer avec une certaine prudence. L’infection frappe surtout dans des communautés rurales reculées où l’infrastructure sanitaire est rudimentaire et il est possible qu’un certain nombre de cas ne soient ni reconnus, ni notifiés. Certains des foyers actifs sont difficiles d’accès pour des raisons liées à l’insécurité ou à des obstacles de nature topographique. Lorsqu’on procède à un dépistage actif des cas dans des foyers qui étaient inaccessibles auparavant ou qu’on avait négligés, on peut trouver des cas de THA à T. b. gambiense et la prévalence est souvent notable (137). De plus, l’évaluation des foyers où aucun cas n’a été signalé pendant des années ou des décennies reste incomplète. En dépit

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de ces lacunes, la connaissance de la situation épidémiologique actuelle a fait de très grands progrès au cours de la décennie écoulée. En 1995, la disparité entre le nombre des cas notifiés et leur nombre réel était estimée à un facteur 12 (135) ; en 2006, elle avait été ramenée à un facteur 3 (138). On estime donc que l’incidence réelle de la forme à T. b. gambiense est inférieure à 20 000 cas par an. En raison des succès spectaculaires qui ont été récemment obtenus dans la lutte contre la maladie, celle-ci a été inscrite sur «la feuille de route de l’OMS pour les maladies tropicales négligées ». La date butoir de 2020 a été fixée pour l’élimination de l’infection en tant que problème de santé publique (139), avec l’interruption totale de la transmission en Afrique envisagée pour 2030 (140).

2.5.2 Trypanosomiase humaine africaine T. b. rhodesiense

La THA à T. b. rhodesiense peut se présenter à la fois sous une forme endémique et sous une forme épidémique. La forme endémique est la norme, avec une incidence faible et stable. C’est le cas dans les zones où les réservoirs sont constitués à la fois par des animaux sauvages et par le bétail. Dans les zones où il ne s’agit que de la faune sauvage, il faut attendre parfois plusieurs années pour que des cas soient notifiés ; ainsi, de vastes enquêtes de dépistage actif menées en République unie de Tanzanie dans le secteur du Serengeti n’ont révélé aucun cas d’infection (84), mais plusieurs cas humains (56,92,123) ont été observés chez des touristes au cours d’une période similaire. Dans un tel environnement, ce sont essentiellement des contacts rapprochés avec des sites de transmission qui pourront donner lieu à un petit nombre de cas.

Dans les zones où le bétail tient lieu de réservoir, des cas peuvent se produire plus régulièrement (53,141) car il y a davantage de possibilités d’interaction avec ces réservoirs et les sites de transmission. La modification du milieu physique peut toutefois influer sur le risque de transmission : c’est ainsi par exemple que, bien que l’ouest du Kenya ait constitué autrefois un foyer actif, on n’y a observé que peu de cas au cours de la dernière décennie (117), même si l’on décèle encore la présence de parasites dans les réservoirs domestiques (103). Les changements survenus dans l’environnement, notamment une plus forte densité de population et l’extension des zones cultivées, ont été pour une grande part à l’origine du recul de l’incidence. Dans d’autres lieux, notamment dans le sud de l’Ouganda qui est une région voisine, l’environnement a subi moins de changements et par voie de conséquence, les habitats favorables à la transmission y restent importants.

Dans les zones où les réservoirs sont constitués à la fois d’animaux sauvages et de bestiaux, l’instabilité civile et d’autres troubles sociaux importants peuvent entraîner un accroissement du nombre de cas (62). Ce genre de situation conduit souvent à une exploitation plus fréquente de terres marginales et, par voie de conséquence, à une exposition humaine aux glossines. En Ouganda, on voit bien que le retour à la stabilité après une période de guerre civile a conduit à la transhumance à grande échelle du bétail dans le cadre d’un renouveau économique (6) avec pour conséquence l’importation de la THA à T. b. rhodesiense dans de nouvelles régions

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Figure 2.2

Distribution de la trypanosomiase humaine africaine (THA), 2000-2009

D’après la référence 154. Date de la version de la base de données sur la THA : 25/06/2012

où elle s’est établie tout au long d’une épidémie qui dure maintenant depuis une décennie. Dans ce même pays, il est possible que l’importante épidémie qui a sévi au début des années 1900 (11) dans la région de Busoga soit due pour une part à d’importants mouvements de bestiaux et à la reconstitution des troupeaux. Il se peut également que les grands déplacements de bestiaux qui ont lieu actuellement par suite des différences de prix qui se manifestent dans toute la région touchée par T. b. rhodesiense (ainsi qu’entre les régions qui sont touchées par la THA à T.

b. gambiense et celles qui le sont par la forme à T. b. rhodesiense) conduisent à un vaste mélange d’animaux de différentes origines avec le risque d’une propagation étendue du parasite au cours des prochaines années.

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rie de rapports techniques de l’OMS N°984, 2013 Tableau 2.3 Population exposée au risque d’infection à T. b. gambiense en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale PaysPopulation totale du pays (nb de personnes × 103)b

Population exposée au risque (nb de personnes × 103)b Risque élevé à très éleRisque moyenRisque faible à très faibleTotal% de la population totale du pays Angola12 7997407493 2784 76737.2 Cameroun18 879286036313.3 Congo4 0131134512 0022 56663.9 Côte d’Ivoire20 6172302 4422 67213.0 Gabon1 51522178080353.0 Guinée10 0581872 4202 60625.9 Guinée équatoriale63322714436.8 Nigeria149 2292 1822 1831.5 Ouganda32 3701421 2757072 1246.6 République centrafricaine4 511691302374359.6 République démocratique du Congo68 6933 56910 76721 91136 24752.8 Sierra Leone5 13211701703.3 Soudan du Sud6 9964164534011 27018.2 Tchad10 3291091142434654.5 Autres pays d’endémiea103 673––––– Total 449 447516214 43137 39056 98312.7 a Pays où le risque est marginal: Bénin, Burkina Faso, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Sénégal et Togo. b Source pour le calcul de la population des pays et de la population exposée au risque: Landscan 2009. Base de données démographiques créée par l’Université du Tennessee et le Battelle Memorial Institute dans le cadre de la société à responsabilité limie qui assure contractuellement la gestion et le fonctionnement du Laboratoire national d’Oak Ridge pour le compte du Département de l’Énergie des États-Unis.

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Tableau 2.4 Superficie où existe un risque d’infection à T. b. gambiense en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale PaysSuperficie totale du pays (km2 × 102) bSuperficie où existe un risque (km2 × 102)b Risque élevé à très éleRisque moyenRisque faible à très faibleTotal% de la superficie totale du pays Angola12 5385685976381,80314.4 Cameroun4 664221501733.7 Congo3 3852203885541 16234.3 Côte d’Ivoire3 214232642868.9 Gabon2 6606571041676.3 Guinée2 4611421411847.5 Guinée équatoriale270437246524.1 Nigeria9 08971700.8 Ouganda2 0551391701758.5 République centrafricaine6 24419620425865910.6 République démocratique du Congo23 0411 0232 7174 1627 90234.3 Sierra Leone72818182.5 Soudan du Sud6 3342813793411 00115.8 Tchad12 7253334751421.1 Autres pays d’endémiea60 316––––– Total 149 7222 3464 5916 87113 8089.2 a Pays où le risque est marginal: Bénin, Burkina Faso, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Sénégal et Togo. b La superficie des étendues d’eau qui figure dans la base de données sur les cours d’eau et les étendues d’eau de la mission topographique radar de la navette spatiale (159) n’est pas prise en compte.

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rie de rapports techniques de l’OMS N°984, 2013

Figure 2.3

Distribution des niveaux de risque de trypanosomiase humaine africaine

D’après la référence155

Comme dans le cas de la THA à T. b. gambiense, les tendances que l’on constate actuellement dans le nombre de cas de THA à T. b. rhodesiense notifiés par les pays d’endémie sont encourageantes (Tableau 2.2), encore qu’il soit difficile de faire des prévisions au sujet de l’évolution de l’incidence de cette forme de la maladie. Aussi longtemps qu’existeront des réservoirs et des environnements favorables à la transmission, le risque sera présent et des changements écologiques ou sociaux imprévisibles pourront également déboucher sur une augmentation de la transmission.

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Tableau 2.5 Population exposée au risque d’infection à T. b. rhodesiense en Afrique de l’Est et du Sud-est PaysPopulation totale du pays (nb de personnes × 103)b

Population exposée au risque (nb de personnes × 103)b Risque élevé à très éleRisque moyenRisque faible à très faibleTotal% de la population totale du pays Burundi9 51138380.4 Kenya39 0031 1241 1242.9 Malawi15 0291947169106.1 Mozambique21 66958580.3 Ouganda32 3708477 0297 87724.3 Tanzanie, République Unie de41 049223731 4291 8244.4 Zambie11 863144014163.5 Zimbabwe11 39393940.8 Autres pays d’endémiea101 420––––– Total 283 306221 42910 89112 3414.4 a Pays où le risque est marginal: Botswana, Éthiopie, Namibie, Rwanda et Swaziland. b Source pour le calcul de la population des pays et la population exposée au risque: Landscan 2009. Base de données démographiques créée par l’Université du Tennessee et le Battelle Memorial Institute dans le cadre de la société à responsabilité limie qui assure contractuellement la gestion et le fonctionnement du Laboratoire national d’Oak Ridge pour le compte du Département de l’Énergie des États-Unis.

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rie de rapports techniques de l’OMS N°984, 2013 Tableau 2.6 Superficie où existe un risque d’infection à T. b. rhodesiense en Afrique de l’Est et du Sud-est PaysSuperficie totale du pays (km2 × 102)bSuperficie où existe un risque (km2 × 102)b Risque élevé à très éleRisque moyenRisque faible à très faibleTotal% de la superficie totale du pays Burundi251-2 20,8 Kenya5 749-31310,5 Malawi948-3310513814,6 Mozambique7 791--39390,5 Ouganda2 055-4524328814,0 Tanzanie, République Unie de8 863161255156577,4 Zambie 7 425- 334454786,4 Zimbabwe 3 884--78782,0 Autres pays d’endémiea25 685--- Total 62 650162361 4591 7112.7 a Pays où le risque est marginal: Botswana, Éthiopie, Namibie, Rwanda et Swaziland. b La superficie des étendues d’eau qui figure dans la base de données sur les cours d’eau et les étendues d’eau de la mission topographique radar de la navette spatiale (159) n’est pas prise en compte.

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