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Impact de la variation du taux d’intérêt sur le marché financier

Section 4- Les taux administrés

Ce sont des taux qui font l’objet d’une réglementation par les pouvoirs publics. Ils sont directement fixés par l’autorité de tutelle. On distingue ici les taux créditeurs et les taux débiteurs.

4.1- Les taux créditeurs

Généralement, la rémunération de l’épargne liquide est largement réglementée. Les taux créditeurs consentis par les institutions financières à leur clientèle concernent la majeure partie des placements liquides (par exemple, en France, taux des Livret A et B, des CODEVI, etc.1). Les taux pratiqués sont souvent inférieurs aux taux du marché.

Ces taux sont fixés par la puissance publique pour deux raisons opposées : éviter une surenchère des banques dans la collecte de l’épargne liquide, assurer une rémunération minimale à certains titulaires ou à certains emplois. En effet, la détermination de ces taux créditeurs obéit à des impératifs :

- économiques car ils procurent aux banques et aux institutions financières des ressources stables et peu coûteuses qu’elles transforment en investissement; dans certains cas, ces ressources sont destinées à des financements précis (par exemple, le logement à partir des livrets de Caisse d’épargne, ou l’industrie à partir des CODEVI);

- sociaux car ils rémunèrent l’épargne populaire dont ils doivent maintenir la valeur réelle.

En outre, ces taux ont un aspect normatif car ils orientent les ressources d’épargne vers certains types d’emplois. C’est ainsi que le souci actuel de développer les emplois financiers va de pair avec une diminution de la rémunération de l’épargne liquide.2

4.2- Les taux débiteurs

Ce sont les taux applicables aux procédures privilégiées de financement des entreprises. Certaines catégories de prêts prévues à des circonstances particulières en vue d’encourager l’essor de certaines activités économiques et sociales bénéficient en guise d’aides de taux réduits par rapport à ceux du marché. Les secteurs concernés sont généralement le logement, les investissements des collectivités locales, l’agriculture, l’exportation, les jeunes artisans, etc.

1 Ces placements dont le revenu est exonéré d’impôts subissent pour certains un plafonnement (parfois révisé en hausse) quant à leurs possibilités de dépôts.

Très souvent, c’est par la procédure des taux bonifiés que les avantages sont accordés à l’emprunteur sous forme de crédits à prix réduits sans que l’institution financière soit désavantagée. La bonification couvre la différence entre le taux du crédit et le coût des ressources qui le financent. En pratique, la banque accorde un prêt à taux réduit et l’État (ou une autre institution financière) lui verse la différence entre ce taux et le taux normal du marché. Ces taux à conditions privilégiées sont la cible de nombreuses critiques ; la stratégie actuelle de banalisation tend à leur être appliquée en vue de la disparition progressive des prêts bonifiés.

Conclusion

L’expérience a révélé que la hiérarchie entre les taux du marché monétaire peut parfois être remise en cause. Normalement, le taux au jour le jour est plus élevé que les taux à terme. Il traduit les tensions de trésorerie subies par certains organismes. Ces taux varient avec les conditions du marché, la situation de trésorerie des agents, les mouvements internationaux de capitaux et les interventions de la banque d’émission. Ils sont influencés par les taux d’intérêt étrangers, le taux de change et le taux des euromonnaies.1

En conséquence, selon Ph. SPIESER, “avec la disparition du “fixing” et la mise en

place d’un marché continu, il n’existe plus “un” taux de référence ; le marché peut à bon droit en retenir plusieurs. C’est aujourd’hui plutôt un ensemble constitué par le taux moyen pondéré (TMP), le EURIBOR à un mois et à trois mois, le taux des bons du Trésor à trois mois qui retient l’attention des opérateurs.”.2 Ces taux restent orientés par la banque centrale

par le biais des taux officiels ou par l’intervention sur l’open market.

Dans le même sens, il s’avère que le degré de sensibilité du taux de base bancaire devient de plus en plus faible par rapport au taux du marché monétaire. Mais ce taux de base qui introduit et détermine les taux d’intérêt apparents supportés par les agents sur les marchés de crédit demeure supérieur au taux du marché monétaire. Cette perte de sensibilité du taux de base bancaire au taux du marché monétaire est associée à une évolution des modalités d’indexation des divers taux de crédit ; une partie croissante des conditions bancaires effectivement imposées aux entreprises est indexée sur les taux du marché, TMM ou EURIBOR. Ce développement prend de l’ampleur avec la montée en puissance des crédits spot 3 et le développement du marché des billets de trésorerie.

1 Ces derniers taux applicables aux transactions intervenant sur des euromarchés doivent être mis à part dans la mesure où ils sont beaucoup plus influencés par les conditions prévalant sur les marchés internationaux que par celles du marché intérieur. Ce sont pour les autorités monétaires nationales des contraintes plus que des objectifs.

Michelle de MOURGUES, La monnaie : système financier et théorie monétaire, Économica, Paris, 1988, p.°292.

Au sujet de l’aspect international des taux, nous renvoyons le lecteur particulièrement à l’ouvrage déjà cité de F.

RASSI, J. - P. GOURLAOUEN et G. MERCIER. Ces auteurs ont longuement montré l’existence d’une profonde

interconnexion entre les taux des grands marchés des titres à revenu garanti. Nous relevons surtout que “les taux

courts américains ont une influence essentielle sur l’ensemble de la gamme des taux d’intérêt européens”, p.°29.

2 Philippe SPIESER, Structure des taux d’intérêt, ouvrage cité, p.°25.

3 Crédit de un à trois mois qu’une banque peut mettre exceptionnellement à la disposition d’une entreprise, compte tenu de ses besoins momentanés. L’examen du dossier et la mise en place du crédit doivent être très rapides. Ces crédits exceptionnels peuvent être indexés sur le taux du marché monétaire. Le caractère même de

En somme, la marchéisation des taux contribue à rigidifier le taux de base bancaire. Cependant, la pratique de l’indexation au TMM ou EURIBOR qui croît avec la taille des emprunteurs1 est encore loin d’être généralisée. Les entreprises restent essentiellement confrontées aux taux des marchés de crédit, c’est-à-dire à des taux de produits non négociables ; le taux de base bancaire continue à servir de référence dans un grand nombre de concours accordés aux petites et moyennes entreprises ; les grandes entreprises ont la possibilité de recourir de plus en plus directement à l’épargne publique sur les marchés financiers nationaux et internationaux.

ce type de crédit le réserve essentiellement aux grandes entreprises et seules des considérations d’ordre commercial militent en faveur de son octroi.

1 Cette observation est confirmée par plusieurs enquêtes sur les entreprises françaises : de l’ordre de 20% pour les entreprises de moins de 100 salariés, à 50% pour celles dont les effectifs varient de 100 à 500 et à 80% pour

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Nous avons noté que le sujet du prêt à intérêt occupe un rang privilégié dans l’histoire de l’économie antique. Ce fait ne peut passer sous silence. Il suggère sûrement que cette question fût l’objet d’une grave et permanente problématique à l’échelle de toute la société et dans tous les domaines. Nous pensons que c’est une raison suffisante pour nous aussi de revenir sur le traitement historique de ce thème. Cela contribuera à jeter un éclairage sur certains aspects relatifs à cette pratique séculaire.

C’est pour cela qu’il vaut la peine de s’y attarder, de se focaliser sur cette partie historique. Bien entendu, nous nous limiterons, un tant soit peu, à mettre en relief les aspects liés à la pratique et aux conséquences de l’intérêt. Elle contribue à comprendre la position envers le prêt à intérêt qui a connu une riche et passionnante évolution. Mais il serait maladroit, incomplet de vouloir saisir les réactions et les diverses positions qu’il a suscitées en les isolant de leur contexte historique ou de leur arrière-plan économique et social, philosophique, moral, religieux,…

Très souvent, on passe rapidement sur la genèse et l’histoire du phénomène de l’intérêt. Nous pensons plutôt que cela mérite d’être étudié plus amplement pour mieux expliquer et comprendre de quoi il s’agit. Évidemment, nous nous arrêterons à des repères historiques connus. L’abolition des dettes se distinguait parmi les principales causes qui soulevaient des querelles remettant en cause l’ordre politique et social.

Le phénomène de l’intérêt n’a cessé de soulever d’innombrables controverses depuis les temps les plus reculés, tant il mêle des discussions philosophiques, des principes d’éthique et de religion, des préceptes politiques, des analyses scientifiques et économiques, des considérations sociales. Les prescriptions à son sujet ont varié mais toutes les religions du Livre l’ont condamné au moins à certaines époques. [Algabid]

L’existence d’une réglementation préventive et répressive suppose que l’on transgressait le niveau du taux d’intérêt généralement pratiqué entre prêteurs et emprunteurs et que l’on visait surtout à éviter les conflits et les injustices que cette pratique génère.

Le rapport à l’argent des agents économiques des civilisations antiques ne semble pas être différent des sociétés contemporaines. Pour illustrer ce fait, nous référons à un écrit poétique de l’époque grecque. Mettre en parallèle la philosophie de HAMMURABI avec la préoccupation de vertu chez les Philosophes grecs.

Par rapport à ce droit mésopotamien sur l’intérêt, on peut considérer que le Coran et la Sunna marquent à leur époque un progrès certain vis-à-vis de la solution préconisée pour éradiquer les conséquences humainement insupportables qu’il provoque et économiquement désavantageuses pour la production et le développement : la prohibition pure et simple de la pratique sur la base de l’intérêt, cause essentielle des difficultés économiques et sociales.

Ce chapitre s’attache à rendre compte de la genèse du prêt à intérêt, de la description de sa pratique et de l’analyse de ses conséquences. Cette réflexion s’appuie sur les expériences économiques, les spéculations philosophiques et les tentatives de législation connues en la matière dans les grandes civilisations anciennes. Cette connaissance historique préalable nous servira dès lors à expliquer l’intervention du message monothéiste et le contenu des Écritures sacrées dans ce domaine. La connaissance de la pratique du taux d’intérêt et ses implications dans les époques et les économies antiques permettra d’appréhender, d’expliquer voire justifier chacune des positions morales, philosophiques, religieuses et législatives vis-à-vis du prêt à intérêt. Nous remarquerons que, dans le fond, les faits qui remontent à plusieurs siècles en arrière peuvent être mis en parallèle avec la pratique contemporaine du prêt à intérêt.

Dans ce contexte précis, la revue rétrospective centrée sur les éléments de la question qui nous préoccupe apparaîtra extrêmement utile pour situer l’interdiction du riba dans le message monothéiste. Nous voulons montrer par là que cet interdit fondamental n’a pas un caractère spontané ou cultuel ; il ne relève pas en soi d’un acte de foi, liturgique ou rituel. Il est loisible de tirer la conclusion que la prohibition monothéiste de l’intérêt s’impose comme un enseignement prouvé à travers l’histoire humaine sur les périls qui peuvent guetter l’individu et la société à cause de la pratique du prêt à intérêt. La proscription du riba vient en somme prévenir et immuniser l’individu et la société des effets négatifs que peut produire cette pratique. Ces derniers se manifestent par des situations d’iniquité, d’instabilité économique, politique (exemple de l’Albanie) et social. Cette position d’interdiction radicale est confortée d’autant plus que la période d’observation s’étale sur quatre millénaires avant la Révélation du texte coranique et concerne un grand espace où se sont développées différentes et enrichissantes civilisations qui ont connu un rayonnement certain et imprimé une influence sur le cours de l’histoire humaine.

Le phénomène de l’intérêt n’est certainement pas récent. Il est connu depuis les époques les plus reculées de l’histoire humaine. L’expérience du prêt à intérêt existait dans les civilisations anciennes qui connaissent un droit commercial. A chaque fois, nous assistons à un élargissement (sélection quantitative et qualitative) de l’intervalle de l’intérêt puis à son rétrécissement, parfois à sa prohibition sous la pression des facteurs politiques, économiques et sociaux. Nous apprenons que la législation de chacune des grandes civilisations anciennes se préoccupait de contrôler et de limiter la fourchette des taux. Nous pensons qu’il est nécessaire de remonter dans l’histoire humaine pour comprendre comment évolue le phénomène de l’intérêt et quelles réactions a-t-il suscitées à son encontre. Nous montrerons que la prohibition de l’intérêt inscrite dans le Coran n’est pas un fait nouveau et exceptionnel en soi. Mais, au contraire, nous expliquerons que l’expérience humaine des relations fondées sur l’intérêt, observée en des lieux et des époques différentes, aboutit à chaque fois, au terme d’une courte ou longue période, sur des situations de conflit. Du coup, la solution radicale résidant en la proscription de l’intérêt trouve ainsi sa justification. A ce titre, les traces les plus lointaines connues nous conduisent en Mésopotamie, une région de l’Asie entre le Tigre et l’Euphrate, en Égypte pharaonique, à l’Antiquité grecque et à l’Empire romain.

L’interdiction du ribâ n’est pas le fait d’une mesure isolée dans le temps et dans l’espace. On admet volontiers qu’une loi ne préexiste pas au fait pour lequel elle intervient pour réglementer la pratique. Mais en principe, la société fait appel à la loi pour établir définitivement un fait considéré comme positif pour la communauté ou l’interdire parce qu’il lui est négatif. Elle se crée à mesure des besoins. Indubitablement, la pratique de l’intérêt préexistait au message monothéiste. Nous considérons que la prohibition du ribâ dans le message coranique constitue l’aboutissement d’une kyrielle de tentatives des expériences humaines notamment par le biais des dispositions législatives positives visant à s’attaquer à l’une des causes principales de l’injustice sociale qu’est la pratique de l’intérêt et atténuer ses effets sociaux douloureux. Il serait très utile de revenir sur l’évolution du contexte historique antérieur au message coranique pour expliquer et appréhender l’opportunité de la sentence de la prohibition du ribâ.

L’histoire de l’Antiquité est pleinement jalonnée d’exemples sur les causes et les effets de la pratique de l’intérêt. Nous rendons compte de quelques expériences pour étayer notre propos. L’exigence de l’annulation des dettes et d’une redistribution des terres se présentait comme le signe avant-coureur traditionnel des guerres civiles dans l’antiquité.1

A cela rien d’étonnant puisque la connaissance du passé permet de comprendre le présent et de prévoir l’avenir. De façon à ce que nous puissions tirer les enseignements de l’histoire et faire des comparaisons avec les faits de notre monde contemporain.

Section 1- Sumer, les premières réactions de l’histoire humaine contre