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La pratique du taux d’intérêt à travers la politique monétaire et son incidence sur le marché des capitaux

I. Le maniement du taux d’intérêt : une arme de la politique monétaire

Nous avons fait ressortir précédemment que la détermination du taux d’intérêt de base dans les crédits bancaires tire son origine directement ou indirectement du marché monétaire. Autrement dit, afin de remonter à la source de notre point de départ, le taux d’usure, nous nous penchons sur les modalités de définition du taux d’intérêt sur ce marché. Ce n’est pas tant l’organisation ni le fonctionnement des marchés de capitaux à court terme qui retient notre attention. Nous voulons essentiellement repérer le niveau primaire de fixation du taux d’intérêt. C’est l’occasion de mettre en relief la manipulation exercée de façon générale sur le taux d’intérêt dont les répercussions ne sont pas anodines aussi sur toutes les formes d’opérations financières (prêt ou placement à court et long terme).

1.1- L’action sur le taux d’intérêt : un objectif et un instrument

L’action sur le taux d’intérêt constitue pour les autorités monétaires d’un pays en même temps un objectif vers lequel il faut s’approcher le plus possible et un instrument privilégié de la politique monétaire. Dans cette optique, il n’est pas vain, dans un souci de clarification, de reprendre d’abord certains éléments en rapport avec le sujet qui nous préoccupe en vue de situer le domaine dans lequel s’inscrit l’action sur le taux d’intérêt et l’importance qu’il revêt au sein du système financier conventionnel. Il est aussi opportun de rappeler le rôle que l’on fait jouer à cette notion économique fondamentale dans le cadre de la politique monétaire menée sous la responsabilité de toute banque centrale. C’est à cette institution qu’est dévolue la mission générale de “veiller sur la monnaie et le crédit”.

1.1.1- Les objectifs de la politique monétaire

La politique monétaire consiste à fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à la croissance de l’économie tout en veillant à la stabilité de la monnaie. La quantité de monnaie en circulation dans une économie ne doit pas être en effet trop faible, car les agents économiques seront alors obligés de limiter leurs activités économiques tels la consommation, la production, l’investissement et l’épargne). A l’inverse, une quantité de monnaie trop abondante met à la disposition des agents un pouvoir d’achat bien supérieur à la quantité de biens disponibles, ce qui peut provoquer une hausse des prix.

Dans cette perspective, les objectifs de la politique monétaire rejoignent l’objectif final de toute politique économique d’ensemble. Celle-ci se traduit par la réalisation de ce qu’on appelle le “carré magique”: la croissance économique, le plein emploi, l’équilibre extérieur et la stabilité des prix. C’est ce dernier objectif que vise essentiellement la politique monétaire puisque l’inflation diminue le pouvoir d’achat de la monnaie que la banque centrale émet et dont elle a vocation à préserver l’usage.

La stabilité des prix prend une importance décisive avec le développement et le décloisonnement des marchés de capitaux où les phénomènes d’anticipations des évolutions

nominales déterminent largement les conditions d’équilibre.1 Au total, l’idée prévaut que,

pour parvenir aux meilleurs résultats économiques, la politique monétaire doit avant tout contribuer à stabiliser les prix, c’est-à-dire à réduire le niveau de l’inflation attendue à un niveau tel qu’il n’exerce plus d’influence négative sur les décisions économiques.

Cependant, la stabilité des prix est un objectif qui n’est pas à la portée de la politique monétaire. C’est pourquoi cette dernière se concentre sur des objectifs intermédiaires qui sont des variables monétaires liées de manière stable à l’objectif final. Les autorités monétaires se définissent de la sorte des objectifs intermédiaires sur lesquels elles peuvent exercer une influence directe. Ceux-ci résident dans le contrôle d’agrégat de la masse monétaire, le taux de change et le taux d’intérêt.

1.1.1.1- Les objectifs quantitatifs monétaires

Au-delà de tout dogmatisme théorique, l’expérience montre qu’une croissance excessive des avoirs monétaires détenus par les entreprises non financières et surtout les ménages est une condition permissive de l’inflation. La banque centrale se doit de contrôler l’évolution de la quantité de monnaie. Elle examine aussi avec soin le développement de l’endettement des agents économiques. En effet, la distribution du crédit anticipe par nature sur l’évolution des revenus; elle peut donc être à l’origine d’un dérapage de la demande saturant les capacités de production et accroissant le déficit extérieur, avec pour conséquence un renforcement des tensions inflationnistes et un affaiblissement de la confiance envers la monnaie locale.

En pratique, les objectifs quantitatifs portent sur l’évolution des agrégats monétaires, c’est-à-dire sur les différents indicateurs de la masse monétaire en circulation dans l’économie. Il s’agit pour la banque centrale de fixer un taux de croissance pour l’augmentation annuelle de la masse monétaire. A cette fin, elle utilisera durant l’année tous les instruments de la politique monétaire2 qui sont à sa disposition pour que la quantité monétaire ne dépasse pas le niveau escompté.

1.1.1.2- Les objectifs de taux de change

L’objectif de stabilité du taux de change présente une forte cohérence avec l’objectif final. Il constitue un objectif économique puisque les variations du cours d’une monnaie ont une incidence sur les prix des produits importés ; ces derniers se répercutent à leur tour, avec des délais plus ou moins longs, sur les prix internes ; comme, en sens inverse, les écarts de taux d’inflation servent de repères aux investisseurs internationaux dans leurs prévisions d’évolution du cours. En d’autres termes, un pays peut rechercher une dépréciation de sa

1 La Banque de France : son histoire, son organisation et son rôle, Publication de la Banque de France, Édition 1991, p. 16.

monnaie pour relancer ses exportations ou, au contraire, une appréciation de sa monnaie s’il veut profiter d’une désinflation importée avec la baisse des prix de ses importations.

Afin de défendre la valeur de leur monnaie sur le marché des changes, les autorités monétaires peuvent décider d’accroître les taux d’intérêt. Cette mesure permet d’attirer les capitaux étrangers, à la recherche des rémunérations les plus favorables. Pour acquérir des valeurs mobilières ou des titres à court terme en France, par exemple, les investisseurs étrangers vendent leurs devises et achètent des francs, ce qui provoque une hausse de la monnaie française (ou évite une baisse) sur le marché des changes.

1.1.1.3- Les objectifs de taux d’intérêt

L’évolution des taux d’intérêt joue un rôle fondamental dans celle du taux de change d’une monnaie et dans celle de la quantité monétaire. De même les conditions de rémunération des placements jouent manifestement aussi un rôle important dans les arbitrages de portefeuille entre devises qu’effectuent les agents économiques notamment les non-résidents. Le niveau des taux d’intérêt, l’écart entre taux courts et taux longs, les anticipations quant à leur évolution influencent la demande de crédit des résidents (donc la création monétaire) et leurs arbitrages entre placements monétaires et actifs financiers non monétaires.

Les objectifs de taux d’intérêt amènent les autorités monétaires à prévoir un niveau souhaitable pour les taux d’intérêt. Elles ne peuvent pas évidemment déterminer un taux précis car ce sont les mécanismes de marché, en l’occurrence le marché monétaire, qui décident, selon le jeu de l’offre et de la demande de monnaie, du niveau des taux (taux d’intérêt à très court terme comme le taux au jour le jour). Comme la banque centrale est un acteur très important sur le marché monétaire, son action permet cependant d’orienter le taux d’intérêt.

Lorsque les autorités souhaitent favoriser l’épargne des ménages (pour aider l’industrie ou pour réduire une consommation jugée trop importante, par exemple), elles cherchent alors à relever les taux d’intérêt. A l’inverse, un objectif de taux d’intérêt faibles doit conduire à stimuler la croissance et l’investissement (le coût des emprunts baisse pour les entreprises). La politique des taux d’intérêt est devenue l’instrument principal de la politique monétaire.

1.1.2- Les instruments de la politique monétaire

Coiffant le système de financement indirect, la banque centrale intervient dans la régulation du crédit et de la masse monétaire est de façon prépondérante. Pour assumer sa mission, elle dispose d’un éventail d’instruments. On recense en fait quatre principaux instruments pour l’application de la régulation monétaire :

1.1.2.1- L’action directe par l’encadrement du crédit

C’est une mesure réglementaire qui s’impose aux banques ; elles sont soumises à une norme de progression annuelle des crédits qu’elles distribuent. Le dépassement donne lieu à des pénalités dissuasives ; en particulier, la monnaie banque centrale dont elles ont besoin leur

coûtera plus cher. Comme les banques limitent la distribution de crédits aux différents agents de l’économie, la progression de la source essentielle de la création monétaire est ralentie.

L’action purement quantitative de l’encadrement du crédit a pu être critiquée en raison de son caractère administratif, rigide et complexe. Les banques se tournent vers l’extérieur pour y chercher ce que le territoire national ne leur permet pas de faire ; elles privilégient le développement significatif de leurs capitaux permanents, eu égard à l’effet “désencadrement” des fonds propres et emprunts obligataires ; elles optent pour une sélectivité très fine de la distribution du crédit.

1.1.2.2- Le mécanisme sur l’offre de crédit par la liquidité bancaire

Les possibilités de crédit des banques sont liées à la quantité de monnaie centrale qu’elles détiennent; dès lors, l’institut d’émission peut influer soit sur leurs besoins en monnaie centrale, soit sur l’approvisionnement en cette monnaie des entreprises et ménages dont la demande de crédit est sensible au taux d’intérêt; la banque centrale est ici envisagée sous l’angle de l’approvisionnement en liquidité bancaire (effet liquidité).

Du fait de l’accroissement de la demande de monnaie centrale, les taux d’intérêt sont, toutes choses restant égales par ailleurs, orientés à la hausse. Le degré de contrainte qui en résulte dépend alors de la réaction des autorités monétaires qui, si elle estime qu’il y a risque de dérapage des agrégats monétaires, peut décider de fournir les liquidités demandées à un taux plus élevé.

Le niveau des taux d’intérêt repose directement sur l’existence d’un besoin net global de trésorerie à satisfaire. Certes, il est concevable que la banque centrale, sur un marché globalement équilibré, conserve la maîtrise des taux. Il lui suffit pour cela de prêter quand les taux montent et d’emprunter quand ils baissent. Ce faisant, elle provoque, par son intervention, un nouveau déséquilibre (excédent ou insuffisance de liquidités) qu’elle devra ensuite résorber. Dès lors, l’existence d’un besoin structurel de refinancement permettra à la banque centrale par ses interventions de couvrir le besoin de trésorerie et, en corollaire, de fixer le niveau des taux d’intérêt.

Le niveau du besoin à satisfaire peut paraître, a priori, indépendant de la volonté de la banque centrale. Il est exact que, par nature, les facteurs de la liquidité bancaire (les mouvements de billets, les opérations avec le Trésor et les opérations avec l’extérieur) exercent individuellement un impact sur les trésoreries bancaires que la banque centrale ne peut que difficilement contenir. Il n’en demeure pas moins que ses possibilités en la matière sont loin d’être négligeables par le jeu des réserves obligatoires et du refinancement.

Prix intérieurs Prix à l’importation