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Les taux d’intérêt sur les marchés de capitaux

Impact des taux d’intérêt directeurs sur l’évolution des prix

Section 3- Les taux d’intérêt sur les marchés de capitaux

1.2- Les modalités d’intervention de la banque centrale : Les taux d’intérêt sur le marché monétaire

Il en existe deux modalités techniques : les concours à taux fixe (le réescompte) et les concours à taux variable.1

1.2.1- Les concours à taux fixe : le réescompte

Dans le cas du réescompte2, l’argent est prêté aux banques à un taux d’intérêt constant fixé unilatéralement par la banque centrale et révisé périodiquement. Quand la banque centrale veut faire croître le coût du refinancement des banques à déficit de trésorerie, elle fait croître leur taux d’escompte et inversement. Mais ces révisions sont nécessairement épisodiques.

Il fut longtemps un des instruments privilégiés de sa politique du crédit. En abaissant ce taux, la Banque centrale diminuait le coût du crédit dans l’économie et donc favorisait la création monétaire et la relance de l’activité. Inversement, le relèvement du taux d’escompte visait à lutter contre la surchauffe inflationniste. Deux inconvénients majeurs ne militent pas en faveur du réescompte :

- étant automatique, il immunisait les banques contre le risque de liquidité, du moins jusqu’à un certain plafond ;

- étant à taux fixe, il immunisait les banques contre le risque de taux.

1 Daniel MARTINA, Le précis d’économie, Éditions Nathan, 1991, p. 75.

2 Ainsi qu’il apparaît, le réescompte, est une répétition à un niveau supérieur de l’escompte. Celui-ci consiste en une opération de crédit à court terme résultant de l’achat d’un effet de commerce par une banque à un client. Le prix payé par la banque correspond à la valeur du titre commercial diminuée du montant de sa rémunération : l’agio ou l’escompte. L’agio est une somme d’argent qui incorpore différents éléments que la banque prélève afin de rémunérer le prêt qu’elle consent en achetant à son client, le créancier, un effet de commerce avant son échéance. Ces éléments englobent en particulier le montant de l’intérêt représentant le prix de l’argent au taux du moment pour la période qui reste à courir. Le taux de l’intérêt s’appelle le taux d’escompte. Dans ce cas, les intérêts sont payés d’avance mais leur mode de calcul s’effectue comme si ces derniers étaient postcomptés. En échangeant sa créance, le client mobilise une somme due avant son terme ; il obtient les moyens de paiement immédiat en contrepartie d’un papier commercial (lettre de change, billet à ordre, etc.) qui n’était pour le créancier qu’une promesse de recouvrement d’argent. Il incombe au banquier de percevoir le remboursement de l’effet auprès de son souscripteur initial (le “tiré”).

La banque peut à son tour se refinancer, c’est-à-dire obtenir des liquidités, en cédant l’effet à la Banque centrale : c’est le réescompte. Le taux de réescompte, appelé taux d’escompte central, est le taux d’intérêt directeur appliqué aux crédits consentis par cette institution monétaire aux autres banques.

En clair, ce mode de refinancement accordait aux banques un pouvoir de création monétaire illimité. Ces dernières étaient assurées d’obtenir tout l’argent qu’elles désirent si elles acceptent de payer le prix affiché par l’institut d’émission avec une marge connue d’avance ; contrairement à un marché ordinaire, le prix ne croît pas quand la demande croît. Dans cette éventualité, le refinancement est relativement aisé.

Il convient de souligner qu’aujourd’hui cette technique a un rôle beaucoup moins important que par le passé. Le taux de réescompte qui était depuis plusieurs années un taux de refinancement officiel, fixe et directeur de l’économie est tombé en désuétude en France. Afin de “responsabiliser” le secteur bancaire et de l’associer aux objectifs et à la conduite de la politique monétaire, ce type de concours abandonné progressivement est supplanté par un refinancement éventuel et à taux variable. Il réside en l’intervention plus souple de la Banque centrale par le biais d’un taux moyen de référence du marché au jour le jour afin de contrôler le taux d’intérêt et les liquidités disponibles sur ce marché. Finalement, c’est le maniement des taux d’intérêt complété par le système des réserves obligatoires qui domine comme principal instrument de la régulation du volume et de la structure de la masse monétaire.

1.2.2- Les concours à taux variable

Les banques commerciales sont contraintes de mobiliser une partie de leurs actifs auprès de la banque centrale pour se procurer la monnaie centrale qui leur permet de fonctionner normalement. Elles éprouvent le besoin permanent de respecter les exigences d’approvisionnement de leur clientèle en monnaie fiduciaire, de maintien des avoirs en respect de la réglementation sur les réserves obligatoires, de transferts destinés au Trésor public et de règlement des opérations avec l’étranger.

Dans cette perspective, les concours à taux variable sont des prêts accordés aux banques à un taux d’intérêt qui varie journellement et qui reflète les conditions du marché. Quand les banques développent trop leur activité, leurs besoins en monnaie centrale, croissant rapidement, leur coûtent vite de plus en plus cher. Confrontées à un double risque de liquidité et de taux, les banques seraient logiquement plus vigilantes dans leur distribution du crédit. C’est un avantage important sur la politique d’escompte : l’efficacité sera meilleure. Comme la banque centrale est un acteur très important sur le marché monétaire, son action permet de réguler la quantité de monnaie et en modifier le coût. De la sorte, elle peut obtenir le niveau de taux d’intérêt à court terme qu’elle souhaite sur ce marché.

Le rôle joué par la banque centrale devient encore plus déterminant du fait de l’unification des marchés de capitaux. Elle est considérée aujourd’hui comme l’autorité régulatrice qui contrôle à la fois la liquidité bancaire par ses interventions sur le marché des titres (courts et longs) et l’évolution des agrégats monétaires. Cependant, “l’inconvénient de

la régulation par les taux, et non plus par les quantités (encadrement du crédit), est de provoquer une volatilité accrue des taux d’intérêt et des modifications incessantes de leur hiérarchie”.1

Le taux d’intérêt à court terme relève du marché des capitaux à court et moyen terme c’est-à-dire du marché monétaire. Celui-ci est opposé au marché financier (précisément obligataire) sur lequel s’effectuent les placements et les emprunts à long terme.1 Le marché monétaire se compose d’un marché interbancaire (ou encore marché de la monnaie centrale) réservé aux établissements de crédit et d’un marché de titres de créances négociables à court terme ouvert à tous les agents économiques. Nous décrirons les modalités d’intervention de la banque centrale sur ces marchés afin de bien situer le niveau de fixation des taux d’intérêt et fournir l’explication à leur variation provoquée par la banque centrale.

2.1- Les interventions sur le marché interbancaire

L’importance du marché interbancaire est fondamentale pour la politique monétaire, car le taux court va influencer les taux de toutes les autres échéances. C’est pourquoi les interventions de la banque centrale sur le segment le plus court du marché monétaire sont déterminantes pour la fixation des taux d’intérêt et essentielles pour la couverture du besoin de refinancement du système bancaire. Quoique leur ampleur soit bien inférieure au volume des opérations strictement interbancaires - une fraction modeste de celles-ci correspond au souci d’ajustement des trésoreries -, elles demeurent capitales pour le bon fonctionnement du système bancaire. La satisfaction de ce besoin de refinancement par la banque centrale sur ce marché est assurée par des opérations effectuées soit aux taux officiels, soit au taux du marché.

2.1.1- Les taux officiels de la banque centrale

La banque centrale intervient sous forme de pensions accordées aux intervenants du marché interbancaire à des taux fixés par elle. Ceux-ci sont souvent dénommés taux directeurs parce qu’ils servent de base de calcul à d’autres taux. Les opérations de pension2 qui s’opposent aux achats fermes (technique du réescompte) correspondent à une double procédure.

2.1.1.1- Les pensions sur appel d’offres

Ces pensions constituent la voie habituelle d’alimentation du marché en monnaie banque centrale. Elles sont réalisées à l’initiative et à la discrétion de l’institut d’émission. Les opérations sur appel d’offres sont des concours octroyés pour des durées variables (1 à 3 semaines en général) sous forme de pension à terme.

1 En vérité, les actions de réforme et de modernisation (déréglementation, décloisonnement, développement des mécanismes de marché, innovations financières, titrisation) opérées dans la décennie 1980 ont eu pour conséquence l’unification des marchés de capitaux. Les marchés monétaire et obligataire s’interpénètrent de plus en plus au profit des intervenants qui veulent se financer au moindre coût.

2 Les opérations de pension ne sont pas différentes des opérations de “vente à réméré”. Elles sont définies comme des opérations par lesquelles une personne (le cédant) cède en propriété à une autre personne (le cessionnaire) des effets publics ou privés, des valeurs mobilières ou des titres de créances négociables et par lesquelles le cédant et le cessionnaire s’engagent respectivement et irrévocablement, le premier à les reprendre, le second à les rétrocéder pour un prix et à une date convenus.

Périodiquement (plusieurs fois par mois), la banque centrale demande aux banques de second rang quelle quantité de monnaie souhaitent-elles emprunter et à quel taux. Après collecte des réponses, elle prête à celles qui acceptent de payer le taux qu’elle a fixé, c’est-à-dire celui pour lequel elle entend alimenter la place en liquidités. Les demandes retenues sont celles indiquant des taux au moins égaux à celui annoncé par elle. Le montant total du refinancement alloué est réparti suivant un pourcentage égal entre ces différentes soumissions ; c’est la technique de “l’adjudication à la française” qui s’oppose à celle de “l’adjudication à la hollandaise”. La Banque centrale ne consentant pas de prêts en blanc, les établissements bénéficiaires des pensions sur appel d’offres doivent remettre en garantie des effets publics ou privés répondant aux caractéristiques fixées par elle. Il ne faut surtout pas omettre de souligner à ce niveau que “la différence entre le prix d’acquisition par la Banque

et la valeur du titre de créance cédé constitue précisément le taux de prêt”.1

Cette technique de mise en adjudication de la monnaie centrale doit en théorie permettre à la banque centrale de “prendre la température” du marché à travers les besoins exprimés et les taux proposés par les banques. En réalité, les banques sont naturellement conduites à surestimer leurs besoins et à élargir leur demande dans la mesure où l’appel d’offres est, par construction, assorti du taux le plus bas du marché. En outre, dans ce système, les banques peuvent, en toute impunité, proposer des taux élevés, sachant pertinemment que toutes les demandes retenues seront servis au même prix.

Enfin, il est clair que le taux qui sera fixé par la banque centrale ne résulte pas de la confrontation d’une offre et d’une demande comme le serait un taux de marché. Le taux est administré et fixé a priori en fonction de finalités interne et externe. Dès lors, le taux étant établi préalablement, le rôle de l’institut d’émission sera circonscrit à déterminer les montants alloués.

2.1.1.2- Les pensions de 5 à 10 jours

Ce type de pensions effectuées sans appel d’offres est réalisé à la demande des établissements de crédit. Les pensions de 5 à 10 jours qui peuvent porter sur des montants illimités et à un taux connu d’avance sont établies comme une procédure ouverte en permanence. Leur taux est, en règle générale, supérieur d’un 1/2, de 3/4 ou d’un point à celui des opérations sur appel d’offres.2 Bien entendu, les pensions ne sont utilisées par les banques que “lorsque ces dernières estiment avoir un intérêt à se financer pour 5 à 10 jours auprès de

l’institut d’émission plutôt qu’au jour le jour sur le marché interbancaire. On comprend dès lors que les arbitrages doivent suffire à empêcher toute divergence durable entre le taux au jour le jour et le taux des pensions sans appel d’offres”.3

1 Philippe SPIESER, Structure des taux d’intérêt, Éditions SÉFI, France, 1991, p.°21.

2 Les taux officiels de la banque de France sont fixés principalement en regard de considérations externes notamment des taux directeurs de la Bundesbank : respectivement réescompte et taux Lombard complétés par les prises en pensions à taux fixe.

Dans la pratique, cette procédure est utilisée en cas de tension des taux sur le marché. Si les autorités monétaires souhaitent augmenter les liquidités disponibles et abaisser les taux d’intérêt, elles prendront en pension les effets publics ou privés détenus par les banques ou établissements financiers spécialisés avec accord de revente à terme. En général, la banque centrale préfère opérer sur des titres publics auxquels elle consent des conditions plus avantageuses. La rémunération de la prise en pension provient de la différence entre prix d’achat et prix de revente.

Cette politique est fortement dépendante de l’extérieur : les autorités monétaires ne peuvent pas baisser fortement les taux d’intérêt pour stimuler l’activité sans risque de voir fuir les capitaux à l’étranger.

2.1.2- Les opérations effectuées au taux du marché

En complément des opérations aux taux officiels, la banque centrale peut décider d’intervenir directement sur le marché interbancaire. L’objet est ici de réguler les fluctuations, d’agir sur la volatilité du taux de l’argent au jour le jour, dans un sens conforme aux orientations de la politique monétaire. Ces opérations spécifiques se traduisent soit par des interventions directes sur le marché interbancaire pour de courtes durées de 24 ou 48 heures, soit par des échanges de titres de créances négociables à court terme dans le cadre de la politique de l’open market.

Les taux directeurs de la monnaie centrale sont aussi les taux sur lesquels se calquent les taux des prêts que les institutions financières se consentent entre elles (taux interbancaires). Le taux de l’argent au jour le jour ou taux moyen pondéré (TMP) et le taux à un mois ou taux moyen mensuel (TMM) expriment en particulier le loyer de l’argent dans les opérations interbancaires pour lesquelles les prêts et les emprunts sont de très courte durée.

2.1.2.1- Taux de l’argent au jour le jour ou taux moyen pondéré (TMP)

Le taux de l’argent au jour le jour appliqué à un prêt pour une journée constitue le compartiment le plus important du marché interbancaire. Les taux officiels permettent à la banque centrale de canaliser l’évolution du loyer de l’argent sur le marché interbancaire à 24h qui résulte directement de la confrontation de l’offre et de la demande selon les conditions prévalant sur le marché. Élément essentiel du coût de refinancement et étroitement surveillé par la banque centrale, nous l’avons montré, le taux de l’argent au jour le jour oscille habituellement, sauf en période de tensions ou d’anticipations particulières des agents, entre les deux bornes formées par les taux directeurs appliqués aux procédures officielles : le taux de l’appel d’offres (taux plancher) et le taux des pensions à 5/10 jours (taux plafond).

Les taux des opérations pratiquées à 24h contre tous supports permettent à la banque centrale de calculer le taux moyen pondéré qui s’est substitué au fixing, abandonné sur le marché interbancaire depuis le 1er décembre 1986. A la pratique du taux fixé en début de matinée, a succédé une cotation en continue des taux de sorte que le taux au jour le jour ne peut plus être un taux unique mais nécessairement, du fait de davantage de fluctuation qu’auparavant, une moyenne des taux opérés pendant la journée : c’est le taux moyen pondéré (TMP.) des opérations du jour. Calculé par la banque centrale, ce dernier taux sert d’indexation pour de nombreux prêts, crédits et instruments financiers.

Dans ce but, la banque centrale interroge un échantillon1 représentatif d’établissements de crédit - les opérateurs principaux du marché (grandes banques et institutions financières notamment) - ainsi que les agents des marchés interbancaires. Après pondération des taux pratiqués par les montants des transactions des opérations portant sur les effets privés 2, la banque centrale diffuse, le lendemain en fin de matinée à l’issue de la compensation, le taux moyen pondéré de la veille, arrondi au 1/16ème de point le plus proche.3

Les fluctuations du taux de l’argent au jour le jour sont atténuées par l’existence des réserves obligatoires. En effet, dans la mesure où la réglementation fait obligation aux établissements de détenir un solde moyen mensuel sur leur compte à la banque centrale, le

1 Cet échantillon peut être ajusté en tant que besoin, pour tenir compte des évolutions constatées dans la structure du marché.

2Idem, p.°25.

3 Publication de la Banque de France, Secrétariat régional du Languedoc-Roussillon, n°41, p.°2.