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Les systèmes d’information RH, pour un accès distribué à l’information

Section 2. La dimension organisationnelle de l’observation sociale

3.1. Des indicateurs objectifs, nécessaires mais non suffisants

3.1.2. Les systèmes d’information RH, pour un accès distribué à l’information

Ces dernières années, deux phénomènes s’observent : d’une part un accroissement des acteurs concernés par les ressources humaines (Peretti J-M., 1996-b)1, et d’autre part une évolution dans les domaines et dans la nature des actions que les gestionnaires des ressources humaines souhaitent informatiser (Jousserand O., 1995)2. Ces deux tendances ont entraîné l’adaptation du système d’information des ressources humaines notamment en incitant les entreprises à développer des progiciels spécialisés en gestion des ressources humaines. On assiste à l’introduction accrue de l’informatique pour l’automatisation des tâches administratives répétitives et à une concentration par les opérationnels de certains traitements3. Les fonctions d’assistance et d’aide aux opérationnels se développent compte tenu du transfert d’activités de gestion auparavant gérées par le DRH. Par ailleurs, les DRH souhaitent piloter les différents processus de leur fonction, c’est-à-dire obtenir une meilleure connaissance qualitative et quantitative des ressources humaines et des besoins de l’entreprise. Dans ce type de démarche, émergent des concepts de référentiels de compétences, d’activités, des notions d’analyse des effectifs, de projection et de budgétisation. La volonté des gestionnaires n’est plus seulement d’assurer un suivi administratif des actions et de comptabiliser des réalisations mais aussi de mesurer l’efficacité ou la cohérence entre ces actions ou décisions.

Le développement des technologies informationnelles dans les entreprises (intranet, banalisation de la micro-informatique, logiciels conviviaux…) ouvre à l’observation sociale de nouvelles perspectives, encore inimaginables voici quelques années. Il devient en effet possible d’utiliser les retombées de ces diverses technologies comme sources de renseignements, et cela sans qu’il soit nécessaire d’y consacrer beaucoup de moyens.

Durant ces dernières années les sociétés ont acquis des progiciels répondant à leurs préoccupations d’administration de la gestion des collaborateurs. Elles acquièrent des produits pouvant traiter la paie et la gestion administrative, la gestion des compétences, la gestion des emplois… Aujourd’hui les outils s’orientent vers une approche événementielle (Merck B., Fabre M., Proust M-A., Ridet F. et Romanet M., 2002)4 pour faciliter la saisie effectuée par les managers, voire par différents acteurs avec des niveaux d’interventions différents. Un premier niveau permet une saisie succincte de l’événement, un deuxième niveau est la validation effectuée par le

1 Peretti J-M. (sous la direction) (1996-b), Tous DRH, Paris : Les Editions d’Organisation.

2 Jousserand O. (1995), « L’évolution du système d’information des ressources humaines », Actes du 6ème Congrès de l’Association Française de Gestion des Ressources Humaines, Poitiers, 23 et 24

novembre, pp. 771-773.

3 Voir Peretti J-M. et Vachette J-L. (1984), op. cit., chapitre 6, pp. 93-102, sur l’informatisation des

données sociales, la création de base de données, leur actualisation et leur exploitation.

4 Merck B., Fabre M., Proust M-A., Ridet F. et Romanet M. (2002), Equipes RH acteurs de la str@tégie. L’e-RH : mode ou révolution ?, Collection de l’Institut Manpower, Paris : Editions

gestionnaire. De cette validation découle la production de documents, ce qui relève d’une approche fonctionnelle : la connaissance du dossier peut donc être partagée sans pour autant perdre sa confidentialité. Un exemple pour concrétiser cette approche : en cas de maladie, chaque agent ou son manager saisie les informations relatives à cet événement (motif de l’absence, l’unité, le nombre d’heures ou de jours), les informations sont intégrées et agrégées au sein de bases nationales que tout manager habilité peut consulter afin de mettre en perspective des événements spécifiques à son unité.

L’implication des managers passe par un système d’information RH répondant non plus seulement à des besoins administratifs mais aussi managériaux : mobilité, recrutement, formation, évaluation (Merck B., Fabre M., Proust M-A., Ridet F. et Romanet M., 2002)1. Les sociétés évoluent de plus en plus vers un objectif de pilotage et d’intégration. Si l’on souhaite que l’encadrement intègre la dimension « gestion des hommes », il doit disposer des outils lui permettant de remplir sa mission. Aussi est-il nécessaire de lui donner accès à un système d’information qui lui permette d’exprimer ses besoins quantitatifs et qualitatifs et d’obtenir des tableaux de bord ou des graphiques. C’est dans ce sens que l’outil informatique rend acteur. Il doit être perçu comme un véritable outil de communication et d’aide à la décision, à la fois source d’information et de collaboration. L’appropriation de l’outil par les managers ou les collaborateurs sera facilitée par sa simplicité d’utilisation et par sa rapidité de mise en œuvre.

Parmi les solutions de pointe qui tendent largement à se développer au sein des grandes entreprises, citons la mise en place de portail RH comme @noo de France Télécom qui incite à la responsabilisation des salariés sur leurs actes de gestion2, mais également l’utilisation de progiciels RH comme Impact, AlInfo et Vision RH en UO toujours à France Télécom. Cette dernière base de données, Vision RH en UO, est disponible depuis fin 2001 au sein de France Télécom. Elle a été mise en place dans le cadre du projet RH Demain ; le manager devient le premier RH de son équipe et l’équipe RH des Unités Opérationnelles vient en soutien et en expertise. L’objectif affiché est le développement d’un outil permettant de répondre aux besoins nouveaux en matière de pilotage RH et d’aide à la décision RH. Trois catégories de personnel sont ciblées : la filière RH des Unités Opérationnelles (DRH et collaborateurs RH, soit environ 1000 utilisateurs), les Directeurs d’Unité Opérationnelle, et enfin, les contrôleurs de gestion et managers (niveau N-1 par rapport au Directeur d’Unité Opérationnelle, soit environ 5000 utilisateurs). Au total, 6000 utilisateurs potentiels de Vision RH en UO ou entités équivalentes de Services Nationaux. Vision RH en UO est destiné au pilotage RH d’une unité opérationnelle, d’une entité de Service National, des moyens propres d’une Direction Régionale ou d’une Division ou enfin d’une Branche. Les périmètres des données restituées sont différents en fonction des profils d’accès. Cet outil permet d’accéder à des fonctions de base :

1 Merck B., Fabre M., Proust M-A., Ridet F. et Romanet M. (2002), op. cit., pp. 92-129.

2 Pour quelques éléments sur ce portail, voir Merck B., Fabre M., Proust M-A., Ridet F. et Romanet

- des rapports "presse-bouton" organisés en grands domaines de suivi RH (effectifs, charges de personnels, absences, mobilité etc.) : rapports de tableau de bord RH, tableau de pilotage de l’emploi, listes nominatives d’états RH courants.

- une fonction de création de rapports : mise à disposition d’une base de données d’indicateurs agrégés ou individuels et de variables RH pour la réalisation de rapports "sur mesure".

- des fonctions d’usage : répertoire personnel de sauvegarde de rapports, boîte aux lettres permettant l’échange de rapports entre utilisateurs.

Mais cet outil fournit également une aide à la décision RH par l’intermédiaire : - des fonctions d’alerte : envoi de rapports d’alerte au déclenchement d’un seuil

programmé, gestion de seuils locaux d’alerte.

- du benchmark : accès à des ratios d’indicateurs RH avec possibilité de sélection d’un groupe d’Unités Opérationnelles comparables (3 critères de sélections proposés).

Ce type de base offre des possibilités conséquentes : elle donne accès à un nombre exhaustif d’indicateurs, permet par l’intermédiaire de requêtes de bâtir des tableaux, des graphiques, offre également la possibilité de faire des comparaisons entre unités, entre directions… Le caractère global de ce type de système d’information RH permet la gestion et l’exploitation dans une base unique d’informations hétérogènes qui portent à la fois sur des aspects collectifs et individuels provenant des différents domaines de Gestion des Ressources Humaines. Le caractère partagé favorise la décentralisation et offre un compromis entre le désir d’autonomie des responsables locaux qui veulent traiter leurs opérations sans passer par l’informatique centrale et la volonté de l’entreprise de conserver le contrôle de ses données. Cette puissance informatique dont on dispose aujourd’hui permet d’atteindre une plus grande flexibilité, d’élaborer des outils de mesure qui facilitent la planification et la comparaison des valeurs marchandes de tel ou tel travail.

Les systèmes d’information RH permettent un accès distribué à l’information ; la décentralisation de la Gestion des Ressources Humaines à tous les niveaux de l’entreprise tant dans l’acquisition que dans la diffusion des informations passe par ces moyens informatisés. Les DRH ont bien évidemment tout intérêt à s’impliquer dans ces démarches avec la participation de l’encadrement. En matière d’observation sociale, l’acquisition et la diffusion de l’information sont primordiales, ces systèmes d’information RH constituent des outils au potentiel encore insuffisamment exploités et insuffisamment perçus comme essentiels.

Face à ce type d’outil, il est évident que le bilan social peut paraître dépassé. En réalité, toutes les informations issues du bilan social peuvent figurer dans ces bases et les alimenter. Le bilan social doit toujours être considéré comme un base de données non négligeable. Ainsi, nous nous trouvons face à une boucle de l’information sociale qui fonctionne avec la logique exprimée dans la Figure 6.

Figure 6 : La boucle de l’information sociale

Source : adapté de Martory B. et Crozet D. (2001), op. cit., p. 229.

Cette boucle de production d’information sociale conduit logiquement, afin d’éviter de coûteuses et inutiles redondances, à produire des documents (dont le bilan) à partir des données existantes.

Les bases de données ainsi constituées à travers le bilan social et les informations issues des progiciels RH méritent d’être retraitées et complétées pour devenir un outil au service du pilotage social. C’est un des objectifs et des intérêts des tableaux de bord sociaux.