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Section 1. Hypothèses de recherche

1.1. La capacité d’un acteur à interagir : l’indice de centralité

1.1.1. Définition et mesure

On peut trouver différentes mesures de la centralité des acteurs en fonction du sens attribué au terme "importance". Cependant, de manière générale, « un acteur sera

1 Burt R.S. (1982), Toward a structural theory of action : network models of social structure, perceptions and action, New York : Academic Press.

Angot J. et Josserand E. (1999), « Analyse des réseaux sociaux », in Thiétart R-A. et coll., Méthodes

de recherche en management, Chapitre 14, Collection Gestion Sup, Paris : Dunod, pp. 397-421. 2 Granovetter M. (1985), « Economic action and social structure : the problem of embeddeness »,

American Journal of Sociology, Vol. 91, n° 3, pp. 481-510.

Granovetter M. (2000), « Action économique et structure sociale : le problème de l’encastrement », in Le marché autrement. Les réseaux dans l’économie, Collection Sociologie économique, Paris : Desclée de Brouwer, pp. 75-114.

3 Burt R.S. (1982), op. cit.

4 Bavelas A. (1948), « A mathematical model for group structures », Human Organization, Vol. 7, pp.

16-30.

Beauchamp M.A. (1965), « An improved index of centrality », Behavorial Science, Vol. 10, pp. 161-163.

considéré comme important si ses liens font de lui un acteur particulièrement visible des autres acteurs dans le réseau » (Wasserman S. et Faust K., 1994)1. L’importance devra donc être mesurée non seulement à partir des liens directs ou adjacents, mais aussi à partir des relations indirectes impliquant des intermédiaires (Friedkin N.E., 1991)2.

En référence à l’article fondateur de Freeman L.C. (1979)3, trois mesures de la centralité sont particulièrement reconnues dans la littérature : les centralités de degré (degree), de proximité (closeness) et d’intermédiarité (betweeness).

La centralité de degré (degree centrality) est sans doute la mesure la plus simple et la plus proche de l’intuition. Elle consiste à compter le nombre de liens directs qui partent de, ou qui arrivent à, ce nœud (taille du réseau d’un acteur). Cette centralité de degré peut être décomposée en "degré de sortie" (outdegree) et "degré d’entrée" (indegree). Le "degré de sortie" d’un nœud du réseau est mesuré par le nombre de nœuds avec lesquels ce nœud déclare être en relation. A l’inverse, le "degré d’entrée" d’un nœud est mesuré par le nombre de nœuds qui déclarent être en relation avec lui4.

On peut considérer la centralité de degré comme un bon indicateur du statut formel d’un nœud au sein d’une organisation, comme une mesure de l’activité de ce nœud dans le réseau (Lazega E., 1998)5 ou comme la capacité à développer des communications au sein du réseau (Degenne A. et Forsé M., 1994)6. Quelle que soit l’interprétation adoptée, on ne tient pas compte de la capacité de l’acteur à contrôler ces interactions. Or, on peut penser qu’un nœud est d’autant plus central qu’il dépend moins des autres nœuds pour communiquer avec l’ensemble du réseau, autrement dit qu’il n’a pas besoin de relais pour transmettre ses messages. Pour rendre compte de cet aspect de la centralité, il existe deux autres mesures : la centralité de proximité et la centralité d’intermédiarité.

La centralité de proximité (closeness centrality) fait référence à la capacité d’un nœud à être plus ou moins proche des autres nœuds du réseau, à sa capacité d’y avoir accès plus ou moins rapidement. Elle se calcule en additionnant les liens (directs et indirects) qui constituent le chemin le plus court d’un nœud du réseau vers tous les autres nœuds7. En effet, si un nœud X a besoin d’un, ou au maximum de deux, liens

pour accéder aux autres nœuds du réseau, on comprend qu’il soit plus proche de ces autres nœuds qu’un nœud Y, qui lui a besoin d’un minimum de 3 liens pour accéder aux autres nœuds du même réseau.

1 Wasserman S. et Faust K. (1994), Social network analysis : methods and applications, Série Structural analysis in the Social Sciences, Vol. 8, Cambridge : Cambridge University Press, p. 172. 2 Friedkin N.E. (1991), « Theoretical foundations for centrality measures », American Journal of

Sociology, Vol. 96, n° 6, pp. 1478-1504.

3 Freeman L.C. (1979), « Centrality in social networks : conceptual clarification », Social Networks,

Vol. 1, n° 3, pp. 215-239.

4 Cette définition rejoint celle du degré d’un sommet en théorie des graphes.

5 Lazega E. (1998), Réseaux sociaux et structures relationnelles, Que sais-je ?, n° 3399, Paris : PUF,

p. 43.

6 Degenne A. et Forsé M. (1994), op. cit., p. 159.

7 En théorie des graphes, on parle de distance géodésique c’est-à-dire la plus petite des longueurs de

La centralité de proximité peut être interprétée comme une mesure de l’efficience, c’est-à-dire comme une mesure de la capacité d’un nœud à interagir avec les autres nœuds avec un minimum de liens (ou d’étapes), autrement dit comme une mesure d’autonomie, d’indépendance à l’égard du contrôle exercé par d’autres (Lazega E., 1998)1.

La même conception de la centralité peut se traduire par une autre mesure qui fait appel cette fois à la faculté d’intermédiarité d’un nœud. « Lorsque deux acteurs ne sont pas adjacents, ils dépendent d’autres acteurs du groupe pour leurs échanges, en particulier des acteurs qui se trouvent sur le chemin entre eux et qui ont la capacité d’interrompre la circulation des ressources. Plus un acteur se trouve "au milieu", passage obligé sur des chemins que d’autres doivent emprunter pour se joindre, plus il est central de ce point de vue » (Lazega E., 1998)2. L’idée est qu’un nœud peut

n’être que faiblement connecté aux autres nœuds (faible centralité de degré) et pourtant s’avérer un intermédiaire indispensable dans les échanges. Un tel nœud peut alors influencer fortement l’ensemble du réseau. La centralité d’intermédiarité (betweness centrality) mesure donc la capacité d’un nœud du réseau à être sur le chemin de longueur minimale qui relie d’autres nœuds, interprétée comme l’aptitude à médiatiser tous les flux d’information entre deux acteurs. Dans le cadre d’une communication verticale, où un acteur doit, par exemple, médiatiser les échanges de haut en bas et de bas en haut dans l’organisation, un mauvais score en centralité d’intermédiarité peut être interprété comme une défaillance dans le rôle de liaison que doit jouer l’acteur.

Ces différentes mesures de centralité montrent, par exemple, si la coordination des activités est bien assurée par un manager (nœud d’un réseau) dans une entreprise où la communication verticale est importante. Dans ces conditions, le manager doit à la fois déclarer être en relation avec beaucoup de personnes et inversement (centralité de degré), il doit être "proche" de beaucoup de personnes (centralité de proximité), et il est supposé être un point de passage obligé des flux d’information (centralité d’intermédiarité). Pour ce type d’acteur, on doit donc s’attendre à observer un bon score dans les trois mesures de centralité.

D’autres approches de la centralité existent, notamment lorsque l’on considère qu’il existe une certaine interdépendance entre les acteurs. La centralité d’un acteur est alors fonction de la centralité des acteurs avec qui il est en relation et consiste à additionner les relations avec les autres acteurs, chacune de ces relations étant pondérées par la centralité de l’acteur (Bonacich P., 1987)3. D’autres mesures reprennent cette hypothèse, notamment lorsque la centralité est interprétée en terme de prestige ou de pouvoir.

1 Lazega E. (1998), op. cit., p. 44. 2 Lazega E. (1998), op. cit., pp. 44-45.

3 Bonacich P. (1987), « Power and centrality : a family of measures », American Journal of Sociology,