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1.1 Architecture neurophysiologique du système visuo-moteur

1.1.2 Le système saccadique

Comme le montre la Figure1.6, chaque œil est contrôlé par trois paires de muscles antagonistes afin d’effectuer des mouvements sur trois axes différents (e.g.,Porter et al.,1995) :

• Les mouvements horizontaux sont permis par l’action des muscles droits interne et externe. • Les mouvements verticaux sont permis par l’action conjointe des muscles droits supérieur et

inférieur et des muscles petit oblique et grand oblique.

• Les mouvements de torsion sont majoritairement permis par l’action des muscles petit oblique et grand oblique.

Figure 1.6 – Les muscles extra-oculaires. Chaque œil est contrôlé par trois paires de muscles antagonistes : la paire de muscles droits interne et externe, la paire de muscles droits supérieur et inférieur, et la paire de muscles de torsion petit oblique et grand oblique.Figure tirée dePurves et al. (2005, p.455)

Afin de réaliser une saccade oculaire vers un objet visuel donné, ces muscles extra-oculaires doivent être contractés de sorte que le globe oculaire effectue une rotation dans la direction souhai- tée. Pour cela, l’information visuelle contenue dans V1 doit être transformée en commande motrice

1.1. Architecture neurophysiologique du système visuo-moteur

Figure 1.7 –Réseau cortico-sous-cortical des saccades oculaires. Les structures corticales sont insérées dans une graduation claire-sombre reflétant le passage des processus automatiques (bottom- up) aux processus volontaires (top-down). CPFDL = cortex préfrontal dorso-latéral, COF = champ oculomoteur frontal, COP = champ oculomoteur pariétal, V1 = cortex visuel primaire, GB = gan- glions de la base, NDM = noyau dorso-médian du thalamus, CGL = corps genouillé latéral du thala- mus, FRPP = formation réticulée pontique paramédiane, CSs = couches superficielles du colliculus supérieur, CSi = couches intermédiaires et profondes du colliculus supérieur.Figure adaptée deWhite & Munoz(2011, p.198).

afin d’associer un point de la rétine à un vecteur moteur. Un large réseau cortico-sous-cortical est dédié à cettetransformation sensori-motrice, illustré dans la Figure1.7.

La première structure à laquelle V1 transmet directement l’information visuelle pour réaliser une saccade est le champ oculomoteur pariétal (COP), situé dans le cortex pariétal postérieur, près du sillon intra-pariétal (Andersen,1989;Pierrot-Deseilligny et al.,1991b). Une lésion du cortex pariétal postérieur incluant le COP engendre une augmentation drastique de la latence des saccades réactives (Pierrot-Deseilligny et al.,1987,1991b), montrant son implication dans le déclenchement de ce type de saccades (Pierrot-Deseilligny et al.,1995). Comme nous le verrons dans la section1.2, les saccades réactives sont des mouvements rapides déclenchés par l’apparition brusque d’un sti- mulus en périphérie afin par exemple d’identifier ensuite un potentiel danger. Nous verrons que ces saccades s’opposent aux saccadesvolontaires, que nous réalisons par exemple pendant la lecture ou l’exploration d’une scène visuelle stable. L’implication du COP dans le déclenchement des saccades réactives est soutenue par le fait qu’il projette ensuite directement sur les couches intermédiaires et profondes du colliculus supérieur (CSi), qui constituent un relais important pour le déclenchement

Chapitre 1. Le système visuo-moteur

des saccades. Cette voie V1-COP-CSi correspond au réseau emprunté pour l’exécution des saccades réactives. De manière intéressante pour notre propos, il a été montré qu’une lésion du COP droit engendrait une augmentation des latences des saccades réactives plus importante qu’une lésion du COP gauche (Pierrot-Deseilligny et al.,1991b). Cela suggère qu’il existe un degré de latéralisation des saccades réactives, dont le déclenchement serait majoritairement géré par le COP droit. Récemment, il a été proposé que le COP serait une des sructures permettant de faire le lien entre les processus visuels et moteurs (Paré & Dorris,2011). Les neurones de chaque COP sont organisés de manière rétinotopique, formant une représentation grossière de l’hémichamp visuel controlatéral (Blatt et al., 1990;Ben Hamed et al.,2001). Cela leur permettrait de former une sorte de carte de saillance de l’hé- michamp controlatéral afin d’identifier les cibles potentielles du programme moteur (Paré & Dorris, 2011).

Le COP projette également sur lechamp oculomoteur frontal (COF), situé dans la partie laté- rale du sillon central, juste à l’avant du cortex moteur primaire (Melamed & Larsen,1979;Petit et al., 1993). Le COF est impliqué dans le déclenchement des saccadesvolontaires (Pierrot-Deseilligny et al., 1991a;Rivaud et al.,1994) et dans le désengagement de la fixation (Segraves & Goldberg,1987;Petit et al.,1995). Des études lésionnelles semblent indiquer que le COF est également impliqué dans le cal- cul rétinotopique de l’amplitude de la saccade (Rivaud et al.,1994). Son rôle principal serait ainsi de permettre l’exploration efficace de l’environnement visuel (Pierrot-Deseilligny et al.,1995). Le COF projette ensuite sur les CSi et les ganglions de la base (GB). La voie V1-COP-COF-CSi correspond au réseau emprunté pour l’exécution des saccades volontaires.

Lecolliculus supérieur (CS) est une structure mésencéphalique clé de la transformation sensori- motrice. Le CS est constitué de deux couches superficielles (CSs), deux couches intermédiaires et deux couches profondes (Wurtz,2009). Les rôles des couches intermédiaires et profondes étant si- milaires (Sparks, 2002; White & Munoz, 2011), nous traiterons ici ces quatre couches comme un tout (CSi). Les neurones des CSs reçoivent directement les informations visuelles de la rétine (voie retino-tectale) et de V1 (voie rétino-géniculo-striée), et sont organisés en une carte visuelle réti- notopique : chaque population de neurones répond à la stimulation d’un point donné sur la rétine (Sparks,2002;White & Munoz,2011;Corneil & Munoz,2014). De plus, dans V1 comme dans le CS, les projections provenant de la fovéa occupent une place plus importante (i.e., sont traitées par une population de neurones plus large) que les projections de la rétine périphérique (Rovamo & Virsu, 1979). C’est ce que l’on appelle la magnification corticale : le nombre de neurones codant une zone de la rétine ne correspond pas à la taille de cette zone, mais au nombre de cellules ganglionnaires transmettant les informations visuelles traitées par cette zone. Les neurones des CSi sont quant à eux organisés en unecarte motrice oculo-centrée afin de coder l’amplitude et la direction des sac- cades en coordonnées polaires (Wurtz,2009; White & Munoz,2011). Les cartes visuelle et motrice du CS coïncident spatialement et communiquent activement, de sorte que les neurones des CSs ré- pondant à un point donné de la scène visuelle sont situés au dessus des neurones des CSi permettant l’élaboration d’un vecteur moteur vers le même endroit (Wurtz,2009). Cette correspondance entre les cartes visuelle et motrice du CS constitue le cœur de la transformation sensori-motrice. Comme on le voit dans la Figure1.7, toutes les structures du réseau oculomoteur convergent d’ailleurs vers