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1.2 Les saccades oculaires

1.2.1 Caractéristiques des saccades oculaires

Une saccade oculaire se décrit par différents paramètres temporels, spatiaux et dynamiques, illus- trés en Figure1.8. Ses paramètres temporels sont lalatence, reflétant le temps de réaction en milli- secondes entre l’apparition de la cible visée et le départ de l’œil, et ladurée, correspondant au temps total écoulé (toujours en millisecondes) entre le départ et l’arrivée de l’œil. En moyenne, la latence d’une saccade est d’environ 200 ms et sa durée de 30 ms (Fuchs,1967;Becker,1989). Ses paramètres spatiaux sont ladirection, correspondant à la direction vers laquelle est effectuée le mouvement, et l’amplitude, correspondant à la distance en degrés d’angle visuel parcourue par l’œil pendant la saccade. En situation écologique, les saccades de l’Homme ont généralement une amplitude in- férieure à 15° (Gilchrist,2011). Au delà, les mouvements des yeux sont fréquemment accompagnés d’un mouvement de la tête. Notons qu’en conditions de laboratoire, il est possible de déclencher des saccades faisant jusqu’à 40° d’amplitude sans mouvement de tête associé. On appelle gain le rapport entre l’amplitude de la saccade et l’excentricité de la cible visée. Comme indiqué en Figure

1.8, chez l’homme les saccades sont le plus souvent hypométriques (i.e., l’amplitude de la saccade est plus courte que l’excentricité de la cible) avec un gain de 0.95 en moyenne pour des saccades de 10° (Becker,1989). Toutefois, cette hypométrie augmente (i.e., le gain diminue) avec l’excentricité de la cible, et est plus marquée pour les saccadescentrifuges (qui éloignent les yeux du droit-devant) que pour les saccadescentripètes (qui ramènent les yeux vers le droit-devant). Comme nous le verrons dans le Chapitre2, les asymétries observées entre les saccades centripètes et centrifuges joueront un

1.2. Les saccades oculaires

rôle crucial pour notre propos. Elles seront par ailleurs examinées dans lesArticles 4 et 5 de cette thèse. Enfin, les paramètres dynamiques de la saccade sont lavitesse moyenne du mouvement et lepic de vitesse, mesurés en degrés d’angle visuel par seconde (°/s). Le pic de vitesse correspond à la vitesse maximale atteinte au cours de la saccade. Selon l’amplitude de la saccade, le pic de vitesse peut atteindre des valeurs très élevées, jusqu’à environ 500°/s pour des saccades très larges (Bahill et al.,1975;Becker,1989). En effet, pendant la saccade il y a d’abord une phase d’accélération pendant laquelle la vitesse augmente jusqu’à un certain point (le pic de vitesse), avant de décroître pendant une phase de décélération jusqu’à la stabilisation de l’œil sur la position d’arrivée de la saccade.

Figure 1.9 –La séquence principale des saccades. Il existe une relation appelée séquence prin- cipale (A) entre l’amplitude et le pic de vitesse des saccades et (B) entre l’amplitude et la durée des saccades. Les points représentent les données de dix participants sains, et les croix les données d’un patient atteint de lésions sous-corticales au niveau du générateur de saccades.Figure tirée deLeigh & Zee(2006, p.111).

Il est important de noter que ces différents paramètres ne sont pas indépendants les uns des autres. En effet, comme le montrent les données de la Figure1.9, la durée et le pic de vitesse de la saccade augmentent avec son amplitude. Cette relation est appelée « séquence principale » (main sequence en anglais,Bahill et al.,1975;Harwood et al.,1999). La séquence principale entre l’amplitude et le pic de vitesse est linéaire pour les petites saccades (6 5°) et logarithmique pour les plus grandes, avec un plafond situé autour de 500°/s pour les saccades de plus de 35° (Bahill et al.,1975;Harris & Wolpert,2006). Toutefois, nous verrons dans le Chapitre2que des ruptures peuvent survenir dans la séquence principale selon la direction temporale ou nasale de la saccade (Robinson,1964;Collewijn et al.,1988).

Dans la section précédente, nous avons abordé le fait que les saccades pouvaient être réactives et emprunter la voie V1-COP-CS ou volontaires et emprunter la voie V1-COP-COF-CS. A ces diffé- rences anatomiques sont associées des différences fonctionnelles : les saccades volontaires ont des latences plus longues et plus variables (de 200 à 350 ms), et elles sont plus précises (gain très proche de 1) que les saccades réactives, dont les latences sont généralement comprises entre 150 et 200 ms (Becker, 1989). Les saccades peuvent être déclenchées de manière réactive ou volontaire grâce à différents paradigmes, qui se distinguent par le délai entre le signal pour exécuter la saccade et l’ap- parition de la cible pour la saccade (Fischer et al.,1997). Dans le paradigmegap (Figure1.10a), un délai, généralement de 200 ms, est introduit entre la disparition du stimulus de fixation et l’appari-

Chapitre 1. Le système visuo-moteur

tion de la cible pour la saccade. Cela engendre une apparition brusque du stimulus périphérique et un désengagement de la fixation. Cette apparition soudaine de la cible va déclencher des saccades réactives aux latences très courtes (autour de 150 ms, Saslow,1967), parfois appelées saccadesex- press. Les saccades express seraient en partie gérées par la voie rétino-tectale (Edelman & Keller, 1996;Dorris et al.,1997;Hall & Lee,1997). Notons toutefois que leur appartenance à une classe dis- tincte de saccades est encore aujourd’hui sujet à controverse (e.g.,Heeman et al.,2017). Le paradigme step (Figure1.10b), dans lequel la disparition du stimulus de fixation et l’apparition de la cible pour la saccade sont simultanées, va également déclencher des saccades réactives, ayant des latences de 180-200 ms en moyenne (Becker,1989). Enfin, des saccades volontaires seront déclenchées dans le paradigmeoverlap (Figure1.10c) dans lequel la cible pour la saccade apparait avant la disparition du stimulus de fixation. Dans ce paradigme, les participants doivent attendre la disparition du stimulus de fixation pour déclencher leur saccade. Dans certaines études de cette thèse, nous utiliserons un overlap-600 : le stimulus de fixation et la cible visuelle seront présentés ensemble pendant 600 ms avant que le participant puisse déclencher sa saccade. Les latences des saccades volontaires ainsi déclenchées sont en moyenne comprises entre 200 ms et 350 ms (Becker,1989). Un ou plusieurs de ces trois paradigmes de déclenchement des saccades seront utilisés dans chacune des cinq études expérimentales présentées dans cette thèse.

Figure 1.10 –Paradigmes de déclenchement des saccades. (a) Dans le paradigme gap, un délai (généralement autour de 200 ms) sépare la disparition du stimulus de fixation de l’apparition de la cible pour la saccade. (b) dans le paradigmestep, la cible pour la saccade apparait immédiatement après la disparition du stimulus de fixation. (c) Dans le paradigmeoverlap, la cible pour la saccade apparait avant la disparition du stimulus de fixation. Le participant doit alors attendre la disparition du stimulus de fixation pour déclencher sa saccade.D’aprèsFischer et al.(1997).

Les paramètres saccadiques ne varient pas seulement selon le type de saccades en jeu. Il est par exemple possible de les modifier en ajoutant un stimulus non pertinent pour la tâche, appelédistrac- teur, dans l’environnement visuel. Selon la distance entre la cible pour la saccade et le distracteur, ce dernier va modifier la latence ou l’amplitude des saccades comparé à une situation sans distracteur (Walker et al.,1997). Ces effets des distracteurs vont d’ailleurs inspirerFindlay & Walker(1999) pour l’élaboration d’un modèle de génération des saccades oculaires.

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