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Le système des quatre partis et la structure historique de la vie politique islandaise

Introduction du second chapitre

1.1. Histoire, géographie et société de l’Islande

1.1.3. Le système des quatre partis et la structure historique de la vie politique islandaise

Après l’émergence du mouvement indépendantiste islandais au XIXe siècle, le système politique islandais va se structurer dans la première moitié du XXe siècle sous la forme du

Fjórflokkakerfið (Helgason, 2015, p. 21), que l’on peut traduire par « système des quatre

partis »168. Nous faisons le choix délibéré de nous intéresser spécifiquement à l’Althing et non

au Président de la République car celui-ci joue un rôle relativement faible en matière politique. Le Président est surtout le représentant du pays à l’extérieur ; il n’influe que peu sur la politique intérieure (bien qu’il dispose constitutionnellement d’un droit de véto sur les lois votées à l’Althing, celui-ci n’est généralement pas utilisé). Les présidents successifs se présentent

168 Demker (2006, p. 481), dans son article « Essor et déclin du modèle nordique à cinq partis », intègre l’Islande

à son échantillon, remarquant cependant que l’Islande « n’a jamais été un candidat clair pour le modèle à cinq partis. D’ailleurs, l’Islande ne correspond pas au modèle nordique de « consensus democracy » (G. Jonsson, 2014). Mjøset (2011, pp. 372-373) insiste lui aussi sur les spécificités de l’Islande vis-à-vis de ses voisins nordiques.

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comme des personnages en surplomb des clivages partisans et sont souvent réélus à plusieurs reprises169.

Pour ce qui est de l’émergence du système des quatre partis, c’est en 1916 que sont fondés deux partis majeurs du paysage politique moderne : le Parti du Progrès (Framsoknarflokkur) et le Parti Social-Démocrate (Alpyouflokkur). En 1929 le Parti de l’Indépendance (Sjalfstaeoiskflokkur) est créé, suivi en 1938 du Parti de l’Unité Populaire, appelé Parti Socialiste (Sosialistaflokkur). Ces partis existent donc en amont de l’indépendance de l’île, et sont eux-mêmes le produit de fusions entre mouvances politiques déjà existantes170.

Nous avons donc, au moment de l’indépendance, un paysage politique qui se structure autour de quatre forces. Deux partis « de droite », le Parti de l’Indépendance (PI) et le Parti du Progrès (PP), ainsi que deux partis « de gauche », le Parti Social-Démocrate (PSD) et le Parti Socialiste (PS).

Mjøset (2011, pp. 373-374) insiste sur le poids du clientélisme dans la structure historique de la vie politique islandaise. D’après lui, chacun de ces quatre partis sert une clientèle spécifique, à l’exception des socialistes, seul parti « programmatique », « idéaliste ». Le PS est un parti de gauche radicale, formé de la fusion entre le Parti Communiste et l’aile gauche des sociaux-démocrates. Il défend des positions similaires aux autres partis communistes et séduit essentiellement les ouvriers et une certaine frange des intellectuels islandais. Le PS change de nom en 1956 et est rebaptisé Alliance du Peuple (Alþýðubandalagið). Le premier parti en matière d’électorat est le PI, plutôt orienté à droite. Comme son nom l’indique, le PI se situe sur une ligne visant à garantir l’indépendance du pays. Celle-ci se décline sur le plan politique, vis-à-vis du Danemark, mais aussi sur le plan de l’indépendance économique de l’île171. Si ce parti séduit essentiellement les populations

urbaines et les commerçants, il est aussi présent chez certains ruraux et certains ouvriers172. Le

169 À l’exception de Sveinn Björnsson, décédé au cours de son mandat, chaque président en a réalisé au moins

trois. Ásgeir Ásgeirsson réalise quatre mandats, Kristján Eldjárn en fera trois, Vigdís Finnbogadóttir présidera pendant quatre mandats, tandis qu’Ólafur Ragnar Grímsson en totalisera cinq. Le nouveau président est élu depuis 2016 et se nomme Guðni Thorlacius Jóhannesson. Nous noterons qu’à l’exception d’Asgeirsson (membre du PP), tous les présidents sont sans étiquette partisane.

170 Par exemple, le PI est né en 1929 de la fusion des Conservateurs (majoritaire en son sein et créé en 1924) et

des Libéraux (parti formé en 1926).

171 Kristjánsson (1979) note que le terme « indépendance » renvoie aussi à une morale individualiste. Celle-ci

serait profondément ancrée dans « l’identité islandaise » (Ólafsson, 2003).

172 D’après Mjøset, le PI « served the private sector and parts of the farming sector, with the capital Reykjavik as

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PI domine assez largement la politique islandaise et se présente comme un parti interclasses, avec son slogan « Class with Class » (Ornston, 2018, p. 104). Le second parti est le PP, parti de droite, ayant vocation à représenter les intérêts des populations agricoles (G.H. Kristinsson, 1991), historiquement prédominantes en Islande. On parle parfois à son propos de parti agrarien (Ó . Jóhannesson, 1953). Le PP s’appuie sur le mouvement des coopératives agricoles qui représente sa clientèle principale (Mjøset, 2011, p. 373). Le PSD est un parti social-démocrate classique, c’est-à-dire un parti réformiste de centre gauche, qui a la particularité d’être extrêmement faible en comparaison à ses homologues nordiques (G. Jónsson, 2014, p. 517). C’est un parti urbain représenté essentiellement chez les fonctionnaires et parmi les employés syndiqués du secteur des pêcheries (Mjøset, 2011, p. 373).

Dès l’indépendance du pays, ces quatre partis montrèrent des divergences assez fortes sur les questions géopolitiques. Avec l’adhésion à l’OTAN en 1949 puis l’accord de défense avec les États-Unis en 1951, les divisions firent jour, dépassant la simple opposition gauche/droite.

« Trois partis agirent pour, et consentirent à, la participation de l’Islande au Pacte : le Parti de l’Indépendance, le Parti progressiste et le Parti travailliste [i.e. le PSD]. Mais ces partis, ou du moins les deux derniers n’y apportèrent pas un consentement unanime. Le Parti Socialiste tout entier lutta contre la participation de l’Islande » (Ó. Jóhannesson, 1953, p. 829).

La domination du PI sur la vie politique islandaise est sans conteste sur toute la seconde moitié du 20ème siècle (figure 4). Dans ces conditions, les sociaux-démocrates auront tendance à s’allier avec les partis de droite pour participer à des coalitions gouvernementales (G. Jónsson, 2014, p. 518).

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Source : Auteur. Données : Statistics Iceland

1.2. Un régime de croissance tiré par les exportations et une régulation

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