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Les systèmes hiérarchisés et leur dynamique

Introduction du premier chapitre

1. Du mode de production féodal au mode de production capitaliste : implications pour l’organisation monétaire

1.3. Le mode de production capitaliste et la mutation des systèmes monétaires Nous avons cherché à faire une histoire de l’essor du mode de production capitaliste Il

1.3.3. Les systèmes hiérarchisés et leur dynamique

a. De paris microéconomiques décentralisés à l’homogénéisation des signes monétaires

Les banques sont aujourd’hui au cœur du système monétaire en tant qu’elles sont créatrices de monnaie. Comme le note Aglietta (2008, p. 78), « le pouvoir de création monétaire acquis par les banques a été le fruit d’une longue évolution, qui s’est épanouie au XXe siècle avec la bancarisation générale des paiements ». La création de monnaie scripturale par les banques repose sur le procédé de monétisation des créances, c’est-à-dire par la transformation de créances non transférables en créances liquides59. Les banques ayant réussi, au terme du processus de bancarisation, à faire de leur dette un moyen de règlement, peuvent créer de la monnaie en délivrant des crédits (Denizet, 1982, p. 125). John Kenneth Galbraith ([1975] 1994, p. 38) écrivait que « le processus par lequel les banques créent de l’argent est si simple que l’esprit en demeure confondu ». En effet, la monnaie scripturale « n'existe qu'en vertu d'écritures passées dans les comptes des banques au nom des titulaires de cette monnaie » (Poulon, 2015, p. 155). Les écritures en question consistent à porter à l’actif de la banque une créance sur le client et à inscrire à son passif un dépôt à vue d’un montant égal (qui constitue une dette envers le client). La création de monnaie scripturale consiste alors en un « accroissement simultané de l’actif et du passif de l’établissement bancaire concerné » (Plihon, 2013a, p. 18). La monnaie scripturale apparaît donc dans ce qu’Aglietta (2008, p. 76) qualifie d’acte « double et indissoluble par lequel la décision de prêter n’est pas le transfert d’un dépôt préexistant, mais bien la formation d’un nouveau dépôt », conformément à la perspective keynésienne selon laquelle les crédits font les dépôts. Si les banques, prises dans leur ensemble, sont indéniablement créatrices de monnaie, Moschetto et Roussillon (1996, p. 59) notent que « les banques exercent quasi inconsciemment ce pouvoir complexe ».

Le processus de création monétaire est un processus décentralisé. Dans l’absolu, chaque banque émet sa propre monnaie du fait qu’elle ne monétise pas nécessairement le même type de créances que ses concurrentes. En fonction du type de créances monétisées, elle n’expose pas son actif au même niveau de risque. En d’autres termes, la contrepartie (à l’actif) des dépôts à vue (au passif), c’est-à-dire de la monnaie qu’elle émet, peut-être de plus ou moins bonne qualité. Pourtant, dans le système monétaire actuel, tous les dépôts à vue jouissent du même

59 « En substituant son crédit indiscuté à celui d’emprunteurs à faible notoriété, [la banque] permet la monétisation

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pouvoir libératoire et ce quel que soit l’établissement bancaire qui en est à l’origine. Autrement dit, malgré l’hétérogénéité des actifs qui en sont la contrepartie, le passif bancaire court est indifférencié.

A la décentralisation de l’émission répond donc une nécessaire centralisation permettant l’homogénéisation des monnaies bancaires. Cette homogénéisation passe par la banque centrale qui est la seule institution capable de fournir aux banques la monnaie centrale. La monnaie centrale, émise au passif de la banque centrale, est constituée d’une partie fiduciaire en circulation (les billets) ainsi que d’une partie scripturale qui ne circule pas dans l’économie, mais seulement entre les institutions bancaires et financières qui « règlent leurs opérations mutuelles en monnaie centrale » (Poulon, 2015, p. 160). Dès lors, comme le note De Brunhoff (1971, p. 124), il ressort que « la monnaie centrale sert de moyen de règlement commun, et assure l’unité du système malgré la pluralité des monnaies scripturales ». Lorsqu’un client de la banque À transfère un dépôt à vue vers le compte d’un client de la banque B, et dans la mesure où une opération de même nature et de même grandeur n’a pas lieu en sens inverse, la banque À doit fournir ce montant sous forme de monnaie centrale scripturale à la banque B. Lorsqu’un client d’une banque souhaite retirer des espèces au distributeur automatique, la banque en question doit être en mesure de convertir sur demande en monnaie centrale fiduciaire (billets) la monnaie bancaire scripturale (dépôt à vue) de son client.

De l’absolue nécessité d’accéder à la monnaie centrale pour les banques découle une vision selon laquelle la monnaie centrale est une monnaie d’un type supérieure, dans la mesure où « la monnaie scripturale ne peut être définie comme équivalent général que si elle est convertible en monnaie centrale » (De Brunhoff, 1971, p. 125). Aglietta et al. (2016, p. 160) évoquent à ce propos le principe d’irrévocabilité des paiements. Pour que les paiements entre les agents, réalisés en monnaie de banque, soient irrévocables, il est nécessaire qu’une compensation permette un règlement ultime entre les banques. Ce règlement s’effectue dans la liquidité ultime, la monnaie centrale. Ainsi, il apparaît que les systèmes hiérarchisés reposent sur une forme de dualité monétaire entre monnaie de banque et monnaie centrale. Cependant, pour De Brunhoff (1971, p. 125) « aucun des deux types de monnaie n’est à lui seul équivalent général, aucun ne l’est en dehors de ses relations avec l’autre ». C’est paradoxalement cette dualité qui donne au système monétaire hiérarchisé son unité et lui permet de former un tout cohérent.

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La création de monnaie scripturale repose sur une anticipation de valeur. Cette anticipation procède de paris privés de financement opérés par les institutions bancaires, sur demande des agents non financiers. La discrimination parmi les demandes de crédit est à la discrétion du secteur bancaire. Les banques ont donc pour mission d’évaluer la rentabilité et le risque associés aux demandes de crédit : en ce sens elles sont tournées vers le futur, un futur incertain par nature. Les monnaies scripturales bancaires sont donc des anticipations de valeur, tandis que la monnaie centrale permet la validation de ces anticipations, c’est-à-dire de

réalisation de la valeur une fois les paiements rendus irrévocables. En ce sens, la valeur est

monétaire, elle n’est pas une substance préexistante (Orléan, 2011). La valeur ne se révèle que dans l’échange monétaire, validant ainsi ex post un processus qui lui est antérieur (Harribey et

al., 2018, pp. 36-37)60.

Tout en étant tournées vers le futur lorsqu’elles créent de la monnaie dans le cadre de leurs opérations de financement, les banques portent le poids, à leur actif, des choix de monétisation passés. Ces créances anciennes, non échues et toujours soumises à un risque de défaut ou de dévaluation, pèsent (positivement ou négativement) sur le processus décisionnel des banques. Nous pourrions parler à ce propos d’une mémoire ou d’une inertie dans le processus de monétisation des créances. De cette mémoire découle d’ailleurs un effet pro- cyclique du financement bancaire sur l’activité économique qui est à l’origine de l’instabilité financière.

b. Dynamique monétaire pro-cyclique et endogénéité des crises financières

La création de monnaie scripturale se matérialise par l’inscription au passif du bilan bancaire d’un dépôt à vue. Cependant, cette création monétaire est de nature temporaire (Brana, Cazals, 1997, p. 66). C’est pourquoi l’extinction de la créance en question, par exemple le remboursement d’un crédit, entraîne une destruction de monnaie par un dégonflement simultané de l’actif et du passif bancaire (le client mobilise des dépôts à vue au passif bancaire pour éteindre sa dette à l’actif). Il ne peut y avoir de création monétaire nette (i.e. une croissance de la masse monétaire) que si les flux de crédits nouveaux sont supérieurs aux flux de

60 Une vision alternative de la dualité entre ces deux formes monétaires peut être trouvée chez Le Héron (1984,

2020) qui considère que la monnaie préexiste à la production et à la valeur. Ex ante, lors de sa création, la monnaie est un « pouvoir d’acheter » et ne devient « pouvoir d’achat » qu’ex post lorsque les anticipations sont validées. En d’autres termes, Le Héron inverse le « saut périlleux de la valeur en prix » des marxistes et débouche sur l’analyse du « saut périlleux de la monnaie en valeur ».

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remboursements, « de la même manière que le niveau d’une piscine s’élève lorsque le flux d’écoulement est inférieur au flux de remplissage » d’après la métaphore de Plihon (2013a, p. 19).

Selon Minsky ([1986] 2015, p. 617), « toute économie capitaliste souffre d’un problème intrinsèque parce que ses processus d’investissement et de financement génèrent des forces déstabilisatrices endogènes ». Bien qu’étant un « facteur essentiel du financement de l’investissement et de la croissance économique », la banque est une « force perturbatrice qui tend à induire et à amplifier l’instabilité » ([1986] 2015, p. 502). Ce qu’illustre le paradoxe de la tranquillité, c’est que l’instabilité financière émerge de la stabilité macroéconomique (Minsky, 1975, p. 11). Minsky fonde son argument sur l’articulation entre différents régimes de financement qui « sont caractérisés par des relations différentes entre les engagements de paiement de liquidités sur les dettes et les rentrées de fonds générées [...] [par le] débiteur » ([1986] 2015, p. 460). L’hypothèse d’instabilité financière de Minsky fait référence à un processus endogène de fragilisation financière, correspondant à un glissement progressif vers la crise, même à partir d’un régime de financement prudent.

En période de stabilité économique (faible volatilité de la croissance et de l'inflation), les contraintes de remboursement (principal et intérêts) sont toujours inférieures aux profits attendus pour les entreprises débitrices. Cette situation correspond à ce que Minsky appelle la « finance prudente » ([1986] 2015, p. 460). Il s’agit du premier régime de financement. Cette période de tranquillité et de croissance de l’activité favorise l'optimisme des agents quant à la continuité de l'expansion économique. Les anticipations étant positives (confiance en l'avenir), les entreprises ont tendance à augmenter leur production en vue de profits anticipés en hausse. Les banques répondent à cette demande de monnaie par une augmentation de l'offre de crédit. L'endettement permet un nouveau cycle d'expansion, et donc une hausse des profits, qui conforte à nouveau la confiance des agents. Les marchés financiers sont aussi impactés positivement par les anticipations favorables ; l’économie devient de moins en moins liquide. Cette confiance accrue prend son origine dans la mémoire de la monnaie scripturale, en ce qu’elle résulte de la validation (ex post) des bonnes anticipations réalisées (ex ante) par les banques dans le processus de monétisation des créances.

S’appuyant sur cet optimisme généralisé et sur la qualité supposée des créances dont elles disposent à leur actif, les banques réduisent leur vigilance quant à l'évaluation des risques

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liés à une expansion trop rapide du crédit. Dans les périodes de croissance économique, les agents ne perçoivent plus la possibilité de survenance d’un choc macroéconomique défavorable, nous pouvons dire que les banques connaissent une forme d'aveuglement au désastre (disaster

myopa)61, d'autant que l'emballement du crédit est extrêmement rentable pour elles. Dans ce

contexte euphorique, les banques ont tendance à être moins regardantes sur les capacités de remboursement des emprunteurs et à augmenter l’offre de crédit.

« Comme les banquiers vivent dans le même climat exceptionnel que les hommes d’affaires, les banquiers en quête de profits trouveront des moyens de satisfaire leurs clients ; ce comportement des banquiers renforce les pressions déséquilibrantes » (Minsky, [1986] 2015, p. 501).

Les moyens en question consistent à introduire dans un système dominé par la finance prudente des mécanismes spéculatifs du fait de la structure des taux d’intérêt. Ceux-ci étant plus faibles à court terme, il s’agit de financer des positions à long terme par de l’endettement à court terme, ce qui ouvre des perspectives de profit62, dans la mesure où les conditions du

refinancement de la dette sont favorables. Ainsi, « [l]es possibilités de profits présentes au sein d’une structure financière solide font du basculement de la solidité à la fragilité un phénomène endogène » (Minsky, [1986] 2015, p. 467). En effet, le passage au régime de financement qu’il qualifie de « spéculatif » implique la nécessaire reconduction de la dette à court terme. Les profits des débiteurs ne couvrent plus le remboursement du principal, mais seulement celui des intérêts. Les besoins en monnaie du système productif pouvant être limités, dans la mesure où la capacité de développement des entreprises peut être contrainte par d’autres facteurs que l’accès au financement (rareté des ressources, faible demande anticipée…), les crédits bancaires peuvent alimenter des bulles financières. Le rôle du crédit dans le déclenchement du crédit a été illustré par l’étude historique d’Aliber et Kindleberger :

« Asset bubbles – most asset bubbles – are a monetary phenomenon and result from the rapid growth of the supply of credit. […] [T]he cycle of manias and panics

61 Voir Guttentag, J. M., Herring, R. (1986).

62 « Les taux à court terme sont beaucoup plus faibles que les taux à long terme. […] Dans un monde dominé par

la finance prudente [...], la structure des taux d’intérêt génère des possibilités de profit dans les positions de financement des actifs immobilisés en recourant à l’endettement à court terme » (Minsky, [1986] 2015, pp. 467- 468).

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results from the pro-cyclical changes in the supply of credit » ([1978] 2015, pp. 18- 20).

Les banques sont incitées à prêter à des fins spéculatives car elles sont guidées par les intérêts à court terme de leurs actionnaires. Dans cette temporalité réduite, les rendements leur apparaissent comme étant plus élevés dans la sphère financière que dans la sphère productive, étant donnée la rapidité des transactions financières et le recours important à des leviers d’endettement (les agents s'endettent massivement pour investir dans des actifs financiers sur- cotés). La production inclut quant à elle beaucoup d’incertitudes à chaque stade du processus et procède de taux de rentabilité plus faibles, qui plus est à un terme plus long. Dans le cadre de ce mouvement spéculatif le risque lié à l'augmentation du crédit est couvert par la possibilité de revendre les actifs à un prix plus élevé en cas de défaillance individuelle d'une part, ainsi que par le caractère auto-réalisateur de la spéculation d'autre part : plus la demande d’actifs augmente, plus les prix montent63.

En d’autres termes, la fragilisation des bilans provient d’une survalorisation de l’actif qui a été permise par la conviction, partagée par tout un chacun, que les créances monétisées ayant été de bonne qualité dans un premier temps, celles-ci continueront à l’être. Qu’il s’agisse de l’actif d’agents non bancaires impliqués dans la spéculation, ayant eu recours à un levier d’endettement auprès des banques, ou bien directement de l’actif des banques, le procédé est identique à l’échelle macroéconomique. Dans le dernier régime de financement décrit par Minsky (« finance Ponzi »), les profits ne permettent plus de couvrir ne serait-ce les intérêts, et les activités des débiteurs ne peuvent alors perdurer que par une hausse continue de la dette et par une prise risque excessive.

Le retournement du cycle financier peut procéder selon différents mécanismes. Chez Minsky, c’est la hausse des taux d’intérêt « induite par une hausse conjointe du ‘risque du prêteur’ et du ‘risque de l’emprunteur’ » qui déclenche la crise (Nasica, 2018, p. 90)64. La

hausse du risque du prêteur renvoie au fait que l’investissement étant financé (au moins en partie) par de la dette, la hausse de l’investissement augmente le risque de défaut de

63 Sapir résume cette idée et insiste sur la fragilisation de la situation des sociétés financières : « La hausse de la

valeur [...] des actifs peut être causée par un excès initial du crédit par rapport au rythme de la production. Une fois engagée, cette hausse stimule, dans des mouvements spéculatifs haussiers, le développement du crédit et conduit à masquer une fragilité croissante du bilan des sociétés financières » (2000, p. 122).

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l’emprunteur. Le risque de l’emprunteur vient quant à lui, dans une perspective keynésienne, de la baisse des profits anticipés par les entrepreneurs. Ainsi, face au coût certain de leur dette et au rendement incertain de leurs investissements, les débiteurs les plus averses au risque commencent à liquider leurs actifs pour se désendetter, c’est-à-dire à les vendre, donc à augmenter l’offre, entraînant avec eux une baisse des prix. Ce retournement du marché annonce l’implosion de la bulle. Le poids de la mémoire ne disparaît pas pour autant une fois que cette bulle, née de la stabilité, explose. Bien au contraire, l’explosion de la bulle ne fera que modifier la forme de la mémoire, et ne laissera pas indemne le cycle économique.

A la confiance succèdera la défiance, tout aussi généralisée. Si cette défiance possède bien une part de rationalité dans les premiers temps faisant suite à l’explosion de la bulle, elle perdurera bien plus longtemps que de raison. Nous retrouvons ici, agissant en sens inverse, l’aspect pro-cyclique de la monétisation des créances. Quand les anticipations sont négatives, on assiste à une contraction du crédit qui asphyxie l’économie réelle, Sapir (2000, p. 122) évoque à ce propos un « phénomène d’autorenforcement dans la phase dépressive ». Lorsque les créances monétisées au cours des périodes précédentes s’avèrent a posteriori être de mauvaise qualité et que les banques voient leur actif se déprécier, celles-ci deviennent frileuses à monétiser de nouvelles créances. Cette frilosité est double : elle provient d’une part des entrepreneurs qui, constatant la faiblesse de la demande anticipée et donc des rendements escomptés, hésitent à se lancer dans des projets d’investissement ; elle est renforcée d’autre part par les institutions bancaires65 qui peuvent refuser le financement des projets qu’elles auraient acceptés dans la phase montante du cycle. Cette atonie économique, fondée sur la mémoire de la mauvaise qualité des créances monétisées avant l’éclatement de la bulle, et donc sur un manque de confiance en l’avenir, est auto-réalisatrice. Il faut donc insister sur la temporalité du bilan des banques et sur le risque, inhérent à l’activité bancaire, de transformation des maturités (Sinapi et al., 2010, p. 89).

c. Les interactions entre les banques et la banque centrale

Si la monnaie bancaire privée est dominante du point de vue de la circulation, il n’en demeure pas moins que cette circulation opère dans le cadre d’une hiérarchie monétaire

65 Mentionnons ici les travaux sur la préférence pour la liquidité généralisée aux banques, tels qu’entrepris par Le

Héron (1986, 2002). Dans cette approche, la courbe d’offre de monnaie n’est pas totalement horizontale dans la mesure où les banques commerciales elles-mêmes peuvent opérer une contrainte monétaire indépendamment de la banque centrale, par un rationnement du financement lié à la croissance du risque du prêteur.

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dominée par la monnaie centrale publique. Cette domination dans la hiérarchie monétaire n’implique pas que le système monétaire soit pour autant sous le contrôle de la banque centrale. Celle-ci demeure largement contrainte dans son action, notamment au travers du processus de refinancement des banques. Dans les systèmes monétaires modernes et conformément à la théorie de la monnaie endogène, l’émission monétaire est, selon la formule de Moore (1988), « demand-led and credit-driven ». Les banques répondent aux demandes de financement des agents et c’est la quête de profit au travers de ce processus qui guide leur action. La banque centrale n’a pas de prise sur ce processus et n’entre en jeu qu’une fois la monnaie bancaire créée, quand les besoins en monnaie centrale apparaissent.

Le seul rôle que joue la banque centrale ex ante, c’est-à-dire avant que le processus d’émission monétaire ne soit initié, consiste en la fixation des taux directeurs, et plus spécifiquement du taux du refinancement. Le besoin de monnaie centrale résultant de l’activité de crédit a vocation à satisfaire aux demandes de retrait des clients, à solder les opérations interbancaires et à remplir les exigences en matière de réserves obligatoires. Ces trois opérations n’ont lieu qu’une fois la monnaie créée (Mc Leay et al., 2014). Ceci est évident pour les retraits de billet et le règlement des soldes interbancaires qui ne peuvent avoir lieu qu’ex post. Mais la constitution de réserves obligatoires a elle aussi lieu ex post en pratique, contrairement à ce que postule la théorie du multiplicateur monétaire. Le sens de la causalité implique une temporalité qui va de la création de dépôts à la constitution de réserves66 et non l’inverse, conformément à la théorie du diviseur de crédit (Le Bourva, 1962 ; Lévy-Garboua, 1972)67.

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