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Chapitre 1 Stratégie de modernisation

1.1.3 Un système convergent : une solution ?

Aborder la notion de « convergence » exige à réfléchir sur une question principale qui est la suivante : Que dire de la rationalisation ? Etudier ce phénomène, nous amène repenser le processus de la prise de décision qui concerne la modernisation d’une structure de santé. Un système convergent entend regrouper dans un même logiciel toutes les procédures du travail, toutes les activités. Ainsi dans cette partie nous tentons de définir le concept de la prise de décision tel qu’il est conçu par certains auteurs. En effet selon certains auteurs (Grosjean, Gramaccia et autres) le processus de la prise de décision se fait sur un espace de communication susceptible de faciliter la coordination des actions. Pour ce faire, il convient

de mettre l’accent sur pratiques les langagières au travail. Or, nous constatons que les décisions prises par les décideurs dans le cadre de la modernisation de la santé via les systèmes d’information se font en amont et sous la direction de la tutelle. Ce qui risque d’exclure tout acte langagier entre les décideurs et les professionnels de santé. Or, cette démarche risque de nier une évidence selon laquelle, l’organisation reste un lieu de parole. Ainsi que de plus en plus ce phénomène s’intensifie dans les organisations de santé. Une intensification qui se justifie sur deux constats :

Constat d’une transformation profonde du travail et des organisations productives : l’informatisation massive des activités de travail. L’une des conséquences de ces changements est la croissance remarquable des activités qui reposent sur deux évidences :

1) langagières (communiquer, lire, écrire, délibérer, coopérer, rendre compte) 2) cognitives (raisonner, mémoriser, traiter l'information, interpréter, décider)

En définitive, des activités qui sont en outre de plus en plus souvent collectives et médiatisées par les TIC. C’est exactement ce que nous appelons dans ce travail la rationalisation des pratiques médicales qui est l’un des piliers centraux des politiques de modernisation de la santé. Elle s’inscrit dans une réorganisation des soins à travers la mise en place technologies de travail. C’est dans ce sens qu’il faudrait comprendre l’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la santé.

Il s’agit de mettre tout dans un seul système. Autrement dit le TOUT INFORMATIQUE (Carré & Lacroix 2001). De plus en plus les hôpitaux sont confrontés à des phénomènes de rationalisation dans les pratiques cliniques. (Rappelons qu’il faut comprendre l’informatisation de santé sous deux aspects : l’aspect administratif et l’aspect clinique).

Ainsi si la modernisation repose sur des niveaux plus macro, la rationalisation est à comprendre sous deux niveaux : le niveau méso qui concerne la rationalisation « clinico- administratif » et le niveau micro qui touche uniquement la partie « clinique ». En gros, la rationalisation repose sur les aspects microsociologiques. Il s’agit ainsi de repenser les pratiques internes des professionnels de santé. Un phénomène qui se généralise dans toutes les structures de santé et dans cette mouvance la Clinique n’est pas en reste.

Nous pouvons le justifier par ce témoignage fort d’une infirmière anesthésiste référent d’Hémovigilance :

« Tout converge vers moi (infirmière anesthésiste) pour la saisie. En effet ici tous les médecins infirmières et sages femmes transfusent. Ils sont sensés tous savoir saisir sur CURSUS. Mais quoi qu’il arrive, qu’ils saisissent ou qu’ils ne saisissent pas, il y’toujours la traçabilité papier minimum qui me parvient à moi. En fait moi je vérifie tout. Toutes les transfusions soit qu’elles sont faites et il trouve qu’elles sont saisies sur CURSUS soit je vérifie que ce n’est pas fait ».

En effet, la Clinique La Sagesse est au cœur de la rationalisation de ses pratiques. Un phénomène qui détient plusieurs sens au sein d’une même organisation. C’est dans ce contexte que nous voulons éclairer sur cette notion de sens que les acteurs accordent à ce phénomène. Car nous considérons que nous devons porter notre attention en tant que chercheur sur le sens que les acteurs perçoivent sur un tel outil ou une nouvelle méthode de travail. Voici les propos recueillis sur le terrain :

« Dans la réorganisation la dimension importante repose sur le partenariat. Je trouve que c’est bien d’implanter du nouveaux matériels, mettre en places des nouvelles choses c’est très bien mais il y’a un manque de dialogue et ça c’est dommage parce que là les difficultés que trouvent les médecins ce n’est pas en effet de la mauvaise volonté, car je trouve que vraiment ils mettent du leur, mais ça prouve que il y’a pas eu de concertation en amont. Et c’est dommage. Je trouve avant de bouleverser car c’est bouleversement total car ça change complètement nos pratiques de travail donc avant de bouleverser il faut être sûr quand même d’avoir le bon matériel, et puis ne pas imposé toutes ces choses là aux gens qui vont l’utiliser en permanent. Je trouve ça devrait être un travail de partenariat. Un travail d’équipe. Et qu’il ne soit pas certaines personnes qui imposent, sans concertation et je trouve ça dommage. J’ai l’impression pour HM y’a pas eu de dialogue autant CURSUS, nous qui sommes responsable de l’Hémovigilance on a été quand même bien concerté, vraiment nous qui sommes utilisateurs on s’est renseigné sur quels outil on pouvait utiliser et je pense que HM, j’ai l’impression que les médecins n’ont pas été vraiment concertés, sur le choix d’HM ».

Ce qui ressort dans ces propos se résume essentiellement en un seul terme qui est le mot de « partenariat ». Pour cette infirmière, qui s’inscrit dans le niveau « micro », le partenariat est quasiment absent dans la rationalisation du système de santé négligeant ainsi toutes les modalités de communication, à savoir le dialogue entre les acteurs. Elle nous précise que cette notion de partenariat est fondamentale, et pour elle le succès même d’un changement

technologique et organisationnel est lié à cette notion. En comparant les deux outils qui sont installés dans leurs pratiques, elle nie complètement toute sorte de réticence potentielle des professionnels, bien au contraire, elle considère que les TIC qu’incitent à la motivation et la volonté de ces acteurs de travailler avec ces outils. Sauf le manque de synergie concernant la rationalisation des pratiques par l’outil HM. En d’autres termes, pour elle, HM ne crée pas une force cohésive dans un ensemble, mais les acteurs acceptent de l’utiliser quand même.

« Le partenariat est lié à la question du partage de l’information médicale, et soulignons que les termes de la modernisation et de rationalisation sont importants ». La dimension

idéologique qui touche à ces deux termes est à analyser.

« Un changement idéologique accompagne les transformations actuelles des prises de décision dans les démocraties contemporaines. Ils passent par la valorisation constante et systématique de certains de thèmes : discussion, débat, concertation, consultation, participation, gouvernance » (Errecart, 2012).

Dans ce sens, il convient de réfléchir sur les processus de loi et décrets qui sont suivis par des prises de décision souvent contestées. De nombreuses formes collaboratives, ou partenariats, sont dictées par des logiques de changement idéologique. Autrement dit, si nous considérons que la modernisation et la rationalisation impactent sur les dimensions sociales, économiques, politiques, organisationnelles, ces dimensions sont aussi construites à travers des formes de collaboration spécifiques. Celles-ci sont remodelées par les acteurs politiques, économiques, sociaux. Nous constatons un effet « de boule de neige » entre ce que nous appelons ici les formes structurantes (politique, économique, organisationnelle…), et les formes de collaboration. Il important est ainsi de souligner la démarche de partenariat, qui s’impose dans ce que nous avons appelé dans ce travail « changement idéologique ». Il convient dés lors d’éclairer la notion de partenariat:

« La notion de partenariat, d’usage récent et issue du lexique économique contemporain, est en effet dotée d’une forte plasticité : ses acceptions multiples et son champ étendu lui permettent d’être utilisée dans de nombreux domaines. Les partenariats recouvrent donc des réalités très diverses et une hétérogénéité d’acteurs et de pratiques : ils touchent en effet des secteurs très divers et prennent des formes très diversifiées. Leur trait commun réside dans l’idée de « faire ensemble », et dans le fait de créer des liens sociaux à partir des projets opérationnels conduits conjointement » (Errecart, 2012).

Nous constatons que le secteur de la santé, en ce qui concerne les projets technologiques, devrait revoir sa démarche partenariale. La définition de la notion de partenariat repose sur une approche collaborative, or, il nous semble que cette approche reste absente au niveau du

processus de la prise de décision (notamment pour les aspects juridiques). Les lois et les décrets sont prédéfinis et ne prennent pas en compte les réalités et les pratiques quotidiennes du terrain. C’est ce que nous révèlent la plupart des soignants que nous avons rencontrés. Pour eux, cette notion de « partenariat » ne doit pas se limiter uniquement aux activités entre les soignants, mais doit porter le processus c’est-à-dire sur la prise de décision qui favorise les lois et les décrets, et qui en général n’implique pas les professionnels de santé.

Et donc parfois ces derniers ont du mal à comprendre le changement technologique. Cette situation soulève plusieurs incompréhensions dans les problématiques liées aux technologies dans la santé.

Dans le cas que nous étudions, nous sommes face à deux acteurs à la Sagesse: l’un qui se situe au niveau macro qui comprend bien l’apport de la technologie dans le travail d’un utilisateur, et l’autre, qui se situe au niveau micro et qui ne saisit pas l’aspect positif de la technologie, et se retrouve dans une situation de crainte. Ainsi face à ces constats, nous mettons en lumière le décalage de la conception de la technologie entre l’acteur macro et l’utilisateur micro. Ainsi, il convient pour le manager de rechercher les formes de réconciliation entre ces deux niveaux et pour nous, de comprendre cet enjeu.

Partant de notre terrain, nous mettons en exergue la démarche du gestionnaire, très loin d’une démarche anticipative et de compréhension de l’outil. Dans ce sens, nous éclairons le fait que le manager devrait conceptualiser : l’interaction précède l’action. Nous pensons que cette démarche participative est essentielle dans la compréhension du changement. Pour conclure nous constatons que l’interaction, même entre les deux de logiques différentes a permis de réduire les craintes.

La coordination, la négociation doivent se faire en amont, ce qui limite toute résistance au changement organisationnel. Dans cette perspective, nous considérons que même si l’organisation est un système qui est ouvert à son environnement (Hatch, 2000, p. 52), en s’inspirant de nouvelles techniques de travail liées aux exigences des organisations post- modernes, nous croyons comme l’école de Palo-Alto (Bateson, et autres) que l’organisation est également un système de communication où se tissent des partenariats se déroulent les interactions entre les individus qui trouvent une convergence dans leurs actions. Dans notre cas ici, la direction juge que la rationalisation fait partie de leurs outils. Alors qu’au niveau des utilisateurs, la rationalisation des métiers, est moins bien perçue. Nous considérons dans ce sens que la communication reste un enjeu central, tel que l’énonce cette cadre à la Sagesse :

« C’est vrai qu’après il faut travailler sur le relationnel, il ne faut surtout pas brusquer en fait. Donc voilà on va dire que j’ai jeté en fait la problématique, j’ai lancé les questions et maintenant ça cogite ».

Elle définit un système convergent comme étant un système qui repose sur plusieurs pôles, et qui doit favoriser l’échange d’information, afin de réaliser des objectifs de modernisation issus d’une politique générale.

1. 2 Vers une facilitation des échanges entre établissements de santé

Après avoir abordé les actions du projet relatif au partage des SI, nous allons parler de la démarche d’échange des SI, qui est un indicateur principal des projets de modernisation de santé. Elle recouvre et structure la problématique de la sécurité qui implique un espace de confiance. Un espace dans lequel les acteurs pourraient échanger en toute sécurité. Donc, la sécurité repose sur l’échange dans cet établissement La Sagesse. Le projet de sécurisation des SI met en place un système cadré l’Agence National Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI). L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information a été créée par le décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 (Journal officiel du 8 juillet 2009). Ainsi, la dépendance aux processus informatiques croît sans cesse avec le développement de la « Société de l’Information » :

« L’ANSSI a été créée pour mettre en place et développer ces diverses capacités. Elle est l’autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information. Elle a pour principales missions d’assurer la sécurité des systèmes d’information de l’État et de veiller à celle des opérateurs nationaux d’importance vitale, de coordonner les actions de défense des systèmes d’information, de concevoir et déployer les réseaux sécurisés répondant aux besoins des plus hautes autorités de l’État et aux besoins interministériels, et de créer les conditions d’un environnement de confiance et de sécurité propice au développement de la société de l’information en France et en Europe ».

Ainsi donc l’ANSSI est liée au Référentiel général de sécurité (RGS) créé par l’article 9 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005, relatif aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. s’inscrivent dans Concernant l’RGS, ses conditions d’élaboration, d’approbation, de modification et de publication sont fixées par le décret n° 2010-112 du 2 février 2010, pris pour l’application des

articles 9, 10 et 12 de l’ordonnance citée relatif à la sécurité des informations échangées par voie électronique.

Ce que nous retenons de la préoccupation et des attentes de ces deux institutions ANSSI, RGS, c’est essentiellement la mise en avant de la sécurité dans l’utilisation des systèmes d’information dans la société. De ce fait, tel qu’il est souligné dans l’extrait ci-dessus, la sécurité est très liée à la confiance entre les acteurs. Un espace dans lequel les acteurs pourraient échanger en toute sécurité doit exister.

Ceci nous invite à réfléchir à la notion de confiance elle-même. La confiance est un terme défini par Louis Quéré, et Albert Ogien, dans une dimension interdisciplinaire. Ils soulignent que :

« La confiance est, dit-on, un phénomène social sans lequel nous ne pourrions ni agir, ni

interagir. Pour Simmel, « elle est de toute évidence l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société » : celle-ci se désintégrerait s’il n’y avait pas une confiance généralisée entre ses membres. Ce jugement n’a pas été démenti par les sciences sociales contemporaines, qui, à la suite de Luhmann ou de Giddens, considèrent la confiance comme un mécanisme de réduction du risque et de la complexité, qui installe un sentiment de sécurité propice au développement de la sociabilité. Les sciences politiques reprennent également cette définition : la confiance y est à la fois considérée comme une des conditions d’émergence de la démocratie et comme un facteur crucial à son fonctionnement, même si certains nient que la confiance soit un élément d’explication pertinent en politique. Et pour ceux des économistes qui ont introduit la notion dans leur discipline, la confiance est un mécanisme qui présente un autre avantage : celui de réduire les « coûts de transaction » liés à la recherche d’informations et aux contrôles réciproques que devrait provoquer l’incomplétude des contrats, quand ce n’est la crainte de la tromperie.

La confiance apparaît ainsi comme un rouage essentiel aux sociétés modernes, dont certains pensent même qu’il est devenu indispensable à une époque où se multiplient les modes formels de régulation des transactions sociales (lois, codes, règlements, protocoles, normes, classements, etc.). Mais la permanence même de ce phénomène provoque l’étonnement : les sociétés contemporaines ne sont-elles pas des sociétés dans lesquelles prédominent les relations entre anonymes ? Comment la souffrance est-elle encore possible entre des personnes qui ne savent rien les uns des autres : sur quoi pourrait-elle reposer et qu’est-ce qui pourrait encore l’engendrer ? Et si l’action est si étroitement encadrée par des dispositifs

techniques de mesure et de contrôle, comment laisserait-elle encore place à l’ambiguïté et à l’incertain ? » (Quéré et Ogien, 2006 p. 8).

Ces définitions montrent que le phénomène de la confiance est précieux pour dans toutes les composantes de la société, à savoir le politique, l’économie, le social, la justice. En effet, les lois, les codes les règlements, les protocoles, les normes, bref les systèmes de régulation, sont toujours associés à la notion de confiance, dans les institutions et les organisations. Cependant cette notion est remise en cause de plus en plus dans les sociétés modernes. C’est le cas par exemple des nouvelles formes d’organisations. En effet, selon Quéré et Ogien, la confiance provoque l’étonnement dans les sociétés contemporaines. Les personnes entrent en interaction pour établir une relation de confiance, et. la confiance ne se limite pas aux mécanismes de régulation mais est liée à l’échange entre les acteurs se développer.

Nous analysons la situation des SI dans la société en général et dans le domaine de la santé en particulier, on note que travaillés par des mécanismes de régulation tels que les lois, les règlements, les décrets, les normes etc. Nous pensons que les SI dans les organisations incarnent une autre ère de l’organisation c’est –à-dire une organisation moderne marquée par la complexité et l’incertitude. Ainsi, la définition de la notion de confiance du point de vue des sciences humaines et sociales peut-être:

« Luhmann ou de Giddens, considèrent la confiance comme un mécanisme de réduction du risque et de la complexité, qui installe un sentiment de sécurité propice au développement de la sociabilité » (Quéré et Ogien, 2006 p,8).

Partant de cette définition, nous retenons que la confiance passe d’un modèle de régulation à un modèle de réduction de la complexité et de l’incertitude. Dans ce sens, il convient de s’interroger sur les mécanismes de réduction susceptibles de rendre moins complexes les sociétés contemporaines. Selon nous, les termes de complexité et d’incertitude qui définissent les organisations d’aujourd’hui marquées par la mise en place de nouvelles techniques et méthodes de travail, sont à relier à des aspects communicationnels. Dans cette perspective, l’espace de confiance est intrinsèquement lié à l’espace de communication à l’interne, comme au niveau inter-établissements. La confiance émerge et se développe dans un espace de communication qui viendrait réduire l’incertitude et la complexité qui occupent l’organisation. En effet l’espace de confiance tout comme l’espace de communication s’entrelacent dans les échanges entre les membres de l’organisation qui s’activent autour de

l’idée de la sécurité, indispensable pour la mise en place des SI. Dans espace de communication, la sécurité se fonde et s’inscrit dans les actions.

Notre étude des SI qui remonte de 2000, constatée une réification de ces outils qui permettent notamment d’échanger entre acteurs, d’un ou plusieurs établissements de santé. Ce que nous appelons réification, c’est le fait de mettre en avant la dimension technique qui néglige la dimension humaine ou communicationnelle de l’outil. C’est ainsi que tout au début, les projets de SI mettaient au centre la dimension technique. Nous avons constaté cela à travers les différentes recherches documentaires réalisées dans une revue de littérature qui aborde ce